Reconnaissons que les ordures ménagères sont peu attirantes. Il serait pourtant dommage de ne pas s’y intéresser tant elles illustrent les turpitudes locales en termes de ponction fiscale, de gestion des deniers publics et d’aventurisme technique.
Vous avez aimé le tramway ? Vous aller adorer le SYMEVAD !
La TEOM nourrit le SYMEVAD
Le SYMEVAD alias « syndicat mixte d’élimination et de valorisation des déchets » a été créé en 2007 à destination de Douaizizaglo, la CA d’Hénin-Carvin et la CC Osartis. Cette grosse machine financière concerne une population de 350 000 habitants d’une centaine de communes du Nord et du Pas-de-Calais.
Outre le ramassage des ordures ménagères, elle dispose de 11 déchetteries et de 4 unités particulières : un centre de tri, un autre de valorisation organique, une ressourcerie et enfin et surtout un éléphant blanc dont nous allons beaucoup parler, le TVME d’Hénin-Beaumont, acronyme hermétique qui dit tout quand on le déploie : « Tri, Valorisation, Matière, Energie » .
Le calcul de la « taxe d’enlèvement des ordures ménagères » (TEOM) est étrange. La logique la ferait reposer sur le nombre d’habitants d’un logement ou, mieux, sur la quantité réelle d’ordures produites par chaque foyer. En fait, le taux s’applique sur la valeur locative du bien, ce fameux critère sur lequel repose l’inique taxe foncière. Elle est d’ailleurs, de la même façon, acquittée par les seuls propriétaires.
Pour résumer, une famille de 15 personnes entassées dans un studio acheté à bas prix dans le centre de Douai paiera moins que la mamie isolée dans sa grosse baraque familiale à côté.
A l’autre bout, la ponction doit être strictement affectée aux traitement des ordures ménagères. Cette précision n’est pas inutile. Il faut savoir ce qui rentre vraiment dans la dépense qui commande la hauteur de la taxe.
Des usagers ont ainsi contesté à ce titre un montant jugé excessif. Rassurons le lecteur, tout a été fait pour les empêcher d’avoir raison, notamment en mettant un maximum de charges – dont peut être le temps de cerveau des élus – dans le coût global.
Il y a de fortes disparités dans les taux des TEOM. La moyenne du Nord grimpe à 16% quand Paris est à 6%. La France se situe un peu en dessous de 12% pour un coût moyen pour l’usager de 175 euros.
Notons une décision plutôt intelligente de Douaizizaglo® de tendre vers un taux unique sur tout son territoire. On ne comprend pas très bien quand cela se réalisera – on parle de 2028 et même de 2035 – l’objectif étant pour toutes les communes d’atteindre, parait-il, 17,8 %.
Un détail piquant : outre que ça va augmenter pour tout le monde, ce sera de toutes les façons plus cher pour Douai qui n’est pas concernée par cette recherche de « l’équité » . Il semble que c’est parce que les éboueurs y passent plus souvent qu’à la cambrousse.
Selon le SYMEVAD lui même chaque habitant produirait 665 kg/an quand la moyenne nationale est à 580 kg/an. C’est dire qu’on peut encore progresser. Mais pas de panique. On nous reproche de remplir des poubelles qui réchauffent la planète mais il faut les comparer aux déchets dits « professionnels » : 14 tonnes par an et par habitant.
Les Douaisiens doivent maintenant se poser la question : pourquoi payent-ils de plus en plus cher l’enlèvement de leurs ordures ménagères ?
L’homme du SYMEVAD
Martial Vandewoestyne (pour soulager la claviste, on dira ensuite M. VW), fondateur du syndicat a cédé en septembre 2020 sa place de président à Christian Musial. Ce dernier, successeur de Michel Rodriguès à la mairie de Leforest, fait partie du petit groupe de « patrons » qui prospèrent dans le fromage communautaire.
Car il y a des classes dans la noblesse créée par Poiret du Nord. En sont exclus les opposants, pauvres manants. Sans existence, ils n’ont rien.
Ensuite, vient la masse des chevaliers sans fortune qui jouent les utilités. On attend d’eux qu’ils opinent au bon moment contre des repas gratuits.
Enfin, les aristocrates. D’abord les marquis prometteurs dont les prébendes sont le préalable à une possible accession à la classe suprême. Au dessus, les princes qui cumulent entre-soi, honneurs et indemnités. Ajoutons ce Musial au duo infernal Dumont-Hallé mais aussi bien évidemment M. VW.
Il y aurait beaucoup à dire sur l’ancien maire de Lambres. Il présente plutôt bien, aidé par sa haute taille et son allure distinguée. Ce sosie de Michel Barnier rappelle son modèle quand on cherche à savoir de quel bord politique il penche. Une seule certitude : l’intérêt personnel se confond admirablement avec celui du maître du Douaisis. Quand on sait que M. VW a accepté qu’on baptise de son nom un parc de sa commune, on se dit que la boucle est bouclée.
L’ex patron du SYMEVAD trimbale depuis ses débuts une réputation de technicien « toujours à l’avant-garde et en mode précurseur de l’écologie » selon son successeur à la mairie. Évidemment, ces dithyrambes sont à destination du bon peuple qui ne vérifie rien. Les informations qui suivent démontrent que les qualités de M. VW ne sont sans doute pas si assurées que cela. S’il a géré sa ville comme le syndicat, on peut supposer quelques loupés.
Un rapport en forme de tramway
La Cour régionale des comptes a publié voilà un an un rapport intitulé « SYMEVAD des communautés d’agglomération du Douaisis, d’Hénin-Carvin et de la communauté de communes Osartis-Marquion » . Comme toujours, on y trouve des choses incroyables en s’attristant que personne ne se soit saisi de ces conclusions pour agir, ni même ne l’ait un peu médiatisé.
Regardons de près ces éléments saillants, un sourire aux lèvres et la main sur le porte-monnaie.
On ne nous dit pas tout et on navigue à vue
Nos patrons aiment vivre heureux donc cachés, ce qui explique sans doute qu’ils limitent l’information donnée aux contribuables. Les juges sont plus curieux, indiquant qu’une « présentation brève et synthétique retraçant les informations financières essentielles (…) ne figure pas sur le site internet du syndicat. Il en est de même pour le rapport sur les orientations budgétaires » . On vérifiera si cette préconisation a été suivie d’effet, sachant que cette communication est obligatoire.
La CRC relève aussi que les séances du comité syndical des années 2019 et 2020 n’ont donné lieu à aucun compte-rendu. Il est évidemment utile que rien ne subsiste des débats et des décisions prises par ces hauts personnages. Ces derniers étaient d’ailleurs – si on comprend bien – illégalement pléthoriques car en septembre 2020 une délibération a fixé à 7 les vice-présidences, sachant que « les règles relatives à la composition du bureau n’étaient pas respectées » . On peut craindre que cette armée mexicaine ait été rémunérée.
Les magistrats regrettent que « le syndicat ne dispose pas d’un document stratégique pour le traitement et la valorisation des déchets » , manquement qui oblige à se demander comment on gère la prospective du machin. C’est logique puisque « l’assemblée délibérante n’a pas défini d’objectifs à atteindre » .
Tout au plus la Cour a-t-elle repéré quelques « données chiffrées » dans les rapports d’activité mais elles n’ont aucune relation « avec des objectifs préalablement définis, ce qui restreint toute démarche d’évaluation des résultats » . Bref, on navigue à vue…
On cache des sous pour augmenter la contribution des membres
Enfin, concernant la présentation des comptes, le SYMEVAD est un petit malin, procédant systématiquement à l’inscription d’une ligne budgétaire fantôme dont ses inventeurs imaginaient sans doute que son libellé ferait fuir les curieux.
Ainsi l’invention d’un compte « Fournitures scolaires » en fonctionnement de 2,2 M€ au plus bas (2016) et de 9,4 M€ au plus haut (2019). Même bricolage en investissement mais toujours aimable la Cour reconnait que c’est « dans une moindre mesure » . On est sauvés !

Mais pourquoi ce truc ? Les magistrats précisent qu’il « permet au SYMEVAD de maintenir le niveau de contribution demandé (aux CA et CC) sans mobiliser les excédents cumulés » .
Parabole de ce prodige à double détente :
1-vous avez 100 € dans la poche et 50 € planqués dans une tire-lire. Vous empruntez à votre voisin 100 € en évitant de lui dire que vous avez 50 € mis de côté. Car, s’il le savait, il ne vous donnerait que 50 €, peut être en plus en vous posant des questions gênantes.
2-avec vos trois sources, vous voilà à la tête de 250 €. Le voisin vous a aidé sans tout savoir et tant mieux. Ce budget vous permet peut être d’assurer une dépense que votre imprévoyance n’avait pas envisagée.
Plutôt habile, la manoeuvre sent un peu son Douaizizaglo®, mais elle est illégale comme le dit la CRC dans son style inimitable : « l’inscription d’une dépense qui n’a pas vocation à être exécutée altère la sincérité du budget et fausse l’information du comité syndical et des intercommunalités membres, sur le juste niveau de contribution nécessaire à son équilibre. (…) La chambre demande au syndicat mixte de mettre fin à cette pratique » .
L’unité miraculeuse nous coûte un bras
On dira peu du centre de valorisation organique qui a remplacé celui, à bout de souffle, de Sin-le-Noble. Mis en service en 2018 à Vitry-en-Artois, sa capacité est en théorie de 32 000 tonnes de déchets végétaux par an. Le projet initial était comme souvent mirifique, avec une production valorisée qui devait se diriger vers la belle piscine de la commune et… la chaufferie biomasse de « l‘éco-quartier à Sin-le-Noble » .
Le « hic » , c’est que cette idée géniale ne s’est pas concrétisée car « faute d’une étude de compatibilité préalable, ces équipements ne pouvaient pas utiliser le bois énergie produit » .
Ce ratage en annonce un autre, beaucoup plus remarquable, celui de la sublime unité TVME. On y trouve les fondamentaux d’un tramway qu’on pensait impossible à réitérer, faits d’imprévoyance, de défauts de conception et d’incurie dans la finition.
Cette usine, cette fois-ci offerte par les Germains et non les Bataves, est tellement innovante qu’elle ne fonctionne pas comme prévue, au point de plomber durablement les finances de notre SYMEVAD.`
L’usine d’incinération d’Hénin-Beaumont ne pouvant être reconstruite sur le même principe à cause de la défiance de l’opinion envers ces installations, on l’a remplacée par un truc qui existait nulle part.
L’unité, « unique en son genre sur le territoire national » , devait produire, à partir des déchets ménagers, du biométhane et surtout du « combustible solide de récupération » (sous forme de pellets) dont il était prévu qu’il alimente les cimenteries du coin.
Glissons sur les surcoûts de la construction du monstre – de 48 M€ à 55 M€ – pour nous concentrer sur le fonctionnement concret du projet « innovant » que le monde entier nous envie. Plusieurs « incidents ont mis en évidence que le procédé n’était pas tout à fait au point » , si bien qu’on a péniblement atteint en 2019 un volume de 60 000 t d’ordures traitées (soit 30% du volume total du territoire).
Sur les 32 500 t de CSR fabriqué, faute d’une prospection sérieuse au préalable auprès des entreprises du secteur, peu de débouchés alors que toute la machine reposait dessus. L’emploi – par un seul cimentier – n’a pas dépassé 6000 t. Si vous vous demandez ce qu’est devenu le reste, c’est simple, il a été incinéré ou enfoui, probablement dans les décharges de Lewarde ou d’Hersin-Coupigny.
Il est facile de comprendre que devant de telles difficultés, le « titulaire du marché » ait été dans l’obligation de renégocier les termes de son contrat à coups d’avenants, d’embauches de personnels supplémentaires et d’indemnisations diverses.
Il a fallu ensuite changer de prestataire. L’appel d’offre ayant échoué, Le SYMEVAD a fini par se résoudre à une procédure négociée avec Suez RV Nord Est pour un montant de 22 M€, alors même qu’il « ne dispose toujours pas des crédits budgétaires lui permettant de (le) rémunérer » .
Comme on peut s’en douter, ce nouveau titulaire du marché a bénéficié de conditions très généreuses pour qu’il accepte le « deal » , ainsi une réduction de ses obligations (objectifs de production du biométhane abaissés de moitié…) mais surtout la mise à la charge du syndicat de toute une série d’opérations (coûts d’entretien de l’unité, traitement des encombrants, refus de tri, gestion des ordures ménagères résiduelles etc.).
Le SYMEVAD est en péril
Cette affaire de TVME est inquiétante pour les surcoûts qu’elle induit. La hausse des charges du SYMEVAD en relève à 40% sachant qu’elles sont passées de 15,6 M€ à 26,6 M€.
Bien conscient du problème, le syndicat dans sa réponse à la CRC explique qu’il « se fixe comme objectif à moyen terme (2025) d’optimiser le coût de fonctionnement du TVME permettant de revenir à un coût compétitif de traitement des ordures ménagères résiduelles (comparativement à l’enfouissement) sous peine d’abandonner la filière prometteuse de valorisation des déchets par la production de combustibles de substitution ».
Cette formule alambiquée est traduite par les magistrats pour ce qu’elle est : « Le syndicat se donne donc la possibilité de fermer l’unité TVME pour revenir à un traitement par enfouissement, certes moins coûteux mais ne respectant pas la hiérarchie des modes de traitement » . Rien que ça…

Les déchets se réduisent, les taxes explosent
Bien entendu, la solution se trouve comme toujours dans la poche des contribuables qui, ainsi que nous le savons tous, est sans fond. D’où l’augmentation de la contribution des intercommunalités (qui repose sur la TEOM) passée en 2021 de 15,1 M€ à 24,2 M€ (hausse de 40%, une paille…).
Dans les « éléments de langage » produits par M. VW devant la presse, on ne trouve jamais l’unité TVME pour expliquer cette explosion financière. Il évoque « les frais de collecte qui croissent naturellement » (ah bon ?) et puis le méchant État (ça ne mange pas de pain) qui obligerait l’usager à payer le « vrai prix » de la gestion des ordures ménagères.
Ah oui ! Il y aurait aussi « l’effondrement du prix des produits recyclés » . C’est vraiment pas de bol puisque le système génial repose sur cette solution miracle. Il oublie de rappeler qu’il y a un problème de débouché (cf le CSR dont les cimenteries ne veulent pas) plutôt qu’une histoire de prix. L’amusant – relevé par la CRC – c’est que le SYMEVAD n’a jamais prévu de récupérer le produit de cette vente éventuelle.
Comme toujours en termes d’écologie, la culpabilisation est un levier efficace, évidemment reliée à la punition habituelle : l’augmentation continue de la taxe.
Comme tous nos élus professionnels, M. VW est un adepte de la ponction fiscale sans limites : « La TOEM ne baissera pas dans les années à venir à moins que les tonnages de déchets baissent fortement. La priorité c’est celle-ci » .
Ce sont donc les usagers – et accessoirement ceux qui paient – qui sont les responsables du problème mais surtout pas ceux qui dépensent. La TEOM est déconnectée du volume des déchets produits. Quelle incitation financière pousserait le citoyen à les réduire ?
Autre paradoxe de ce dossier si mal géré par nos élus aristocrates : on a fortement réduit en dix ans le volume des déchets ménagers du territoire (moins 20%) pour une TEOM qui grimpe inexorablement.
Pour un peu, notre brave SYMEVAD est comme nos services publics : de plus en plus chers pour une performance de moins en moins efficace… Il est à parier que lorsque nous n’aurons plus aucun déchet ménager à mettre dans nos poubelles, on conservera cette taxe au titre de l’air qu’on respire.
Au delà de ces péripéties indignes, la performance du syndicat est médiocre, habilement masquée par un épais nuage de fumée recyclée. Nous conclurons par un seul chiffre qui remet tous ces experts élus rémunérés à leur juste place : quand le taux national de valorisation des déchets ménagers monte à 66%, le notre – avec cette débauche d’argent public gratuit qui est la marque du Douaisis – culmine péniblement à 31%.
Max aime apprendre mais parle un peu souvent à la première personne. C’est un travers qu’il combat difficilement. Va falloir l’aider. Il adore la Scarpe et l’orgue de St Pierre, surtout les basses.