EuraDouai déboule, ça va casquer !

Passerelle d'EuraDouai Douaisis Agglo

Un bel article d’autopromotion, limite publireportage – il est vrai qu’on était en vacances – nous présente l’état du projet « EuraDouai » de notre patron départementalo-aggloméré, Christian Poiret.
Quand on met l’opération du Raquet en face, le Douaisien contribuable a vraiment l’impression d’être pris en tenaille. Il va falloir payer mon gars et des deux côtés !

Un projet… à Douai

Qu’on ne se méprenne pas. Développer un quartier de Douai ne peut être qu’une bonne chose, reste à savoir comment et pourquoi.

D’où deux remarques.
D’abord qu’on ait préféré gâcher tant d’argent au Raquet plutôt que là. Cet espace enclavé se situe près de la gare, en plein centre, c’était sans doute une priorité pour la ville, pourquoi seulement maintenant ?
Ensuite, qu’on y mette des projets dont la plus-value mériterait d’être précisée. C’est de « l’invest’ » certes, comme dirait l’autre, mais quel avantage concret allons nous en retirer ? On peut regretter que cet aspect ne soit jamais explicité.

Bonne nouvelle de ce point de vue, on apprend en passant l’abandon du futur CFA en dépit des communications dithyrambiques qui, voilà deux ans, fleurissaient un peu partout. Douai Vox, qui avait analysé ce machin mal conçu, ne se plaindra pas de cette annulation.
Les raisons avancées font sourire. Avec nos élus professionnels, il y a toujours derrière les arguments publics des motivations plus honteuses. La Chambre des Métiers aurait fait défaut. Sans blague. Elle a sans doute considéré qu’il fallait aller au plus solide : le CFA d’Arras, son siège lillois, lesquels sont passés avant Douai as usual… EuraDouai n’est pas et ne sera jamais EuraLille

Après, examinons la liste des merveilles qu’on nous annonce pour cette EuraDouai alias La Clochette et que nous allons devoir pour la plupart payer.

Des équipements innovants

D’abord la passerelle. Prions qu’un ascenseur soit placé aux deux extrémités et surtout qu’ils soient opérationnels à l’inverse de celui du Pont de Lille. On espère aussi une rampe pour les vélos des deux côtés au bénéfice de notre Douai universellement cyclable.
Il nous en coûtera 12 millions d’euros, le tout étant semble-t-il livré « fin 2024 » , c’est à dire 2025 quand on considère l’ampleur de ce genre de travaux qui passent sur des voies aussi larges qu’utilisées.

Passerelle Douaisis Agglo Gare de Douai
On aimerait connaître l’identité du rédacteur de ce texte inspiré : « UN ascenseur » ?

Ensuite le « parking silo » . Visiblement, une envie architecturale a saisi le parrain avec les deux niveaux en porte à faux qu’on croirait sortis de la planche à dessin de Frank Lloyd. C’est magnifique et représentera cette fois ci une ardoise de 9 millions pour les 600 places attendues. Pourtant, si le « besoin » est, parait-il, de « 2000 places » , on aimerait savoir s’il prend en compte les utilisateurs de la gare.

De même, le « mail » – pour ne pas dire « l’allée principale » – qui va distribuer le nouveau quartier. Avec Douaizizaglo®, faut se méfier du lyrisme lexical. Cette « artère paysagère structurante » , parallèle aux voies ferrées, arrivera « fin 2024 » . Il est vrai que ces opérations doivent d’abord commencer par les accès surtout à La Clochette qui est un espace totalement enclavé. L’addition n’est pas donnée : 13 millions d’euros.
Les publications de l’agglo rappellent le beau Raquet : « le mail (…) permettra de pacifier tous les moyens de déplacement au profit des modes doux, en intégrant harmonieusement pistes cyclables et artères piétonnes. (…) Il sera à la fois vert et bleu puisque la gestion des eaux pluviales (…) se fera par des noues végétalisées » . On nous ressort la noue racketteuse. N’en jetez plus !

Des projets à forte valeur ajoutée

Enfin, on a plusieurs projets dont on ignore le coût à venir et encore plus les bienfaits concrets qu’ils nous apporteront.
D’abord le siège de Maisons & Cités qui après une multitude de projets de délocalisation de son bâtiment de la rue des Foulons (La Tramerie, la caserne Caux, la planète Mars….) échoue enfin à La Clochette. Ah que ferions nous sans ces bailleurs sociaux, célèbres dodus dormants ! Pour le coup, on peut espérer une dépense acquittée par cette grosse « pompe à phynances » elle même, c’est à dire par les locataires de ses logements.
Ensuite, le Musée du Livre, visiblement inventé pour répondre au ratage de « l’AMI » de la bibliothèque nationale. Pas de coût annoncé. La proximité de la gare peut favoriser une fréquentation extérieure payante, hors du public captif que constituent sur le site actuel les écoles du Douaisis. Supposons un budget propre mais prudence, il ne serait pas étonnant que notre président-vendeur ait assorti ce déménagement d’une prime d’argent public gratuit.

De l’hôtel 4 étoiles au Centre de Congrès

Concluons par deux autres dossiers qui suscitent quelques réflexions.
En tête ce curieux hôtel « 4 étoiles » dont on se demande s’il n’est pas l’aveu de l’abandon définitif de notre célèbre « Mirabeau » toujours en rade en plein centre-ville. Selon la VDN, « c’est un groupe hôtelier qui est à la manœuvre » pour créer ces « quatre vingt chambres » . Pas d’identité pour l’instant mais le citoyen se perd en conjectures. Et si c’était lui ?
Après, l’habituel refrain des nombreux « bureaux » qui viennent au secours d’EuraDouai, sachant que tout ce qui précède n’apportera aucune plus-value financière. On lit « qu’un appel à manifestation d’intérêt a été lancé par Douaisis agglo pour construire sur une superficie de 30 000 m2 trois bâtiments de 10 000 m2 chacun. On y trouvera des bureaux et peut-être des appartements » . Cette dernière phrase et l’épouvantable « peut-être » démontrent de la solidité du projet.

Enfin, terminons par l’abandon, comme le CFA, du « Centre de congrès » lui aussi annoncé précédemment à force de communications positives. Ce machin devait pousser à côté du « parking silo » mais il parait qu’une « étude de faisabilité » (Un truc comme ça existe à Douaizizaglo® ?) aurait indiqué « qu’il n’y avait pas de marché pour un tel équipement sur le territoire » .

Projet de palais des congrès d'Euradouai
Logique curieuse. On invente un machin au doigt mouillé, on communique dessus à tout va puis une étude de faisabilité démontre qu’il n’a aucun intérêt. Si tout est décidé sur ce principe…

Un truc gratuit quoi que rare, le bon-sens, aurait du amener l’inventeur à cette conclusion mais retenons l’explication qu’il donne à ce changement de pied. Cette formule devrait être inscrite sur tous les frontons de nos éléphants blancs. La grammaire y est certes bousculée mais on y trouve en cherchant bien la logique mathématique de ces folles dépenses : « on ne va pas investir 15 millions d’euros à rien » . Si seulement c’était vrai !

L’église Saint Jacques de Douai

Eglise Saint Jacques Douai

 

Nos beaux et vieux bâtiments… vides (8)

 

Ville historique au riche patrimoine, Douai possède une caractéristique frappante : la présence dans ses rues de nombreux bâtiments anciens, parfois énormes, souvent classés mais… vides.

L’église mal aimée

Une 8° merveille s’ajoute à notre inventaire d’abandons. Monument « mal aimé » , l’église Saint Jacques a rencontré dans son histoire tant de déboires qu’on peut s’inquiéter du sort qui lui sera réservé dans les décennies qui viennent.

Douai, selon la formule d’Alain Lottin, a connu elle aussi, comme Lille, sous l’Ancien Régime, « l’invasion conventuelle » qui a accompagné la régénération du catholicisme contre la Réforme aux marches de l’Empire.

Offices, confréries, processions, dévotions rythment la vie des croyants – c’est à dire toute la population – tandis que les séminaires, les collèges, les fondations charitables se multiplient dans la cité. Nous avons parfois oublié la localisation de tous ces refuges monastiques mais l’un d’entre eux, le fameux Constantin de Marchiennes, est aujourd’hui notre Palais de justice.

Quant aux églises paroissiales, Douai en comptait six en tout. Saint Jacques, alors située place Carnot, desservait la « Neuville » , quartier excentré. A l’origine de style gothique, menaçant ruine, le bâtiment avait été largement reconstruit au XVII° siècle. Mais, comme la plupart des édifices religieux – ainsi la collégiale St Amé – vendu comme bien national à la Révolution, il a été démoli pour en récupérer les matériaux.

Une chapelle devenue église

Après le Concordat et la restauration du culte catholique dans le pays, les deux seules églises douaisiennes sauvées, Notre-Dame et Saint Pierre, apparaissent insuffisantes pour les besoins de la population. La plupart des bâtiments religieux d’avant 1789 ayant été détruits ou vendus, on ne trouve pour répondre à cette demande que la chapelle du couvent des Récollets anglais de la rue Sainte Catherine.

Protégé par sa fonction de fabrique de salpêtre, ce modeste édifice resté à peu près intact fera provisoirement l’affaire. Consacrée en mars 1803, la nouvelle église prend le nom de St Jacques en remplacement de la précédente.

Installés à Douai en 1618, les Récollets anglais (qui sont en fait des Franciscains) avaient établi peu après leur couvent avec une petite chapelle attenante. Reconstruite en 1706 en style classique, sa transformation en église paroissiale s’avère compliquée. Outre sa taille et l’absence de dégagement sur la rue, un conflit de propriété – qui va durer plus de 50 ans – oppose la ville aux fondations anglaises restaurées dans leurs droits et qui réclament la restitution de leur bien.

Comme souvent, on bricole. On règle à ces dernières un loyer jusqu’au moment où on se décide enfin à acheter le bâtiment pour permettre son agrandissement.

Saint Jacques en 1846 avant l’agrandissement (lithographie de J. Mortreux)

Un pastiche XVIII° siècle

Avec plus de 8000 paroissiens dans ce quartier, cette solution provisoire ne pouvait plus durer. En juillet 1851, à l’initiative du curé de la paroisse, Vrambout, la commune achète la chapelle, prélude au lancement d’un chantier d’agrandissement qui démarre aussitôt. Les travaux sont rondement menés – peut être trop – et, dès 1855, l’inauguration donne l’occasion d’une fête magnifique que président tous les saints et prélats de la région.

Les plans du nouveau bâtiment sont l’œuvre d’Alexandre Grigny, architecte du diocèse d’Arras, autodidacte passionné d’archéologie, ancien compagnon du tour de France. Il ne prend pas le parti d’une époque où triomphait le néogothique cher à Viollet-le-Duc. Il choisit au contraire d’épouser le style de la chapelle originelle au point que certains critiques parleront même de « pastiche XVIII° siècle » pour qualifier sa construction.

Grigny conserve la basilique originelle, son vaisseau central et ses bas-côtés. Il se contente de l’agrandir au fond en ajoutant des transepts et un dôme au dessus de la croisée. Pour finir, à l’extrémité, une chapelle absidiale est surmontée d’un curieux campanile dont l’élévation joue sur la réduction des étages, carrés puis hexagonaux.

L’appareil extérieur est plus banal, fait de pierre calcaire pour les encadrements et de briques pour les murs. Seul, le porche d’entrée sur la rue – une copie évidente du Gésu de Rome – est ouvragé avec ses pilastres et sa niche centrale où a été installée sans trop de proportions une statue de Saint Jacques. Il y a probablement eu avant l’agrandissement de 1855 des modifications de cette façade à son niveau supérieur. Les pierres ont beaucoup moins résisté aux attaques du temps.

L’intérieur est d’une facture classique qui ne manque pas de grandeur. On y perçoit des soupçons de baroque par la largeur de la nef, l’importance des voutes ou encore la hauteur du dôme. Mme Camescasse qui n’aimait pas cette église en disait qu’elle n’avait rien de « remarquable » et que sa statuaire était d’un « goût douteux » .

Il est vrai que son joyau n’est pas sa décoration mais son grand-orgue, offert en 1880 par de riches paroissiens dont on aimerait connaître le nom. Fabriqué en Belgique par Schyven, sa décoration, inachevée, a été complétée en 1902. Malheureusement, durant la Grande Guerre, comme les autres instruments de Douai, les occupants allemands ont pillé la quasi totalité des tuyaux pour en récupérer l’étain. Sa reconstruction en 1924 se fera à l’économie, le zinc remplaçant ce métal onéreux.

La recherche d’une légitimation

Il faut évoquer les deux traits qui visaient à donner à cette chapelle puis église, sans doute pour la rendre plus légitime aux yeux de ses paroissiens, les vieilles traditions religieuses que la Révolution avait interrompues.

Compte tenu de sa dédicace à Saint Jacques le Majeur, l’église originelle présentait aux fidèles depuis le Moyen-Age une de ses reliques – une arcade sourcilière – lors de cérémonies. A partir d’Arras, les restes du saint avaient été dispersés dans plusieurs lieux,  Aire sur la Lys, Boulogne et enfin Douai. Installé dans la nouvelle église, oublié de tous, l’objet sacré – qui n’était plus l’original mais un don arrageois de 1862 – y fut retrouvé en 2012 avant d’être déménagé dans la collégiale Saint-Pierre.

Enfin et surtout, l’église Saint Jacques récupéra dès sa consécration en 1803 la célébration du « saint Sacrement de Miracle » qui était depuis le XIII° siècle la plus remarquable expression de foi de Douai. En 1254, dans la nef de la collégiale St Amé, une hostie trouvée sur le sol, ramassée par un prêtre horrifié de la trouver là, suscita de nombreuses visions de la part de l’assistance. Selon un chroniqueur, « en l’espace d’une heure, on voyait ordinairement le Sauveur sous différentes formes. Les uns l’ont vu étendu sur la croix, d’autres venant juger les hommes. Plusieurs, et c’est le plus grand nombre, le virent sous la forme d’un enfant. »

Cette tradition fut restaurée pour le plus grand bénéfice de la paroisse, héritière de la collégiale millénaire avec sa confrérie et sa procession pascale, éléments de légitimation face à ses concurrentes, Notre-Dame et Saint-Pierre.

Désintérêt et oubli

Cette ferveur fut malheureusement inopérante pour répondre aux problèmes que présenta rapidement un bâtiment qui ne reçut jamais, il faut bien l’avouer, un très grand intérêt de la part des pouvoirs publics.

Ainsi, la restauration indispensable de l’orgue ne fut pas mise en œuvre en dépit de nombreuses tentatives.  Plus grave, l’entretien fut peu à la hauteur des désordres qui se déclarèrent dans le gros œuvre assez rapidement. Comme souvent, la dépense empêcha de l’engager. Cette inaction coupable aggrava les dégâts qui réclamèrent dès lors des budgets de plus en plus importants pour être arrêtés.

En 1998, la chute de morceaux de plâtre des plafonds prouvait l’instabilité du bâti. Une étude de la structure menée par les monuments historiques – elle est inscrite depuis 1994 – diagnostiqua l’affaissement du dôme et son possible effondrement. Interdite au culte l’année suivante, en dépit d’un étayage conséquent de ses quatre voûtes, l’église est définitivement fermée au public en 2008. Depuis, Saint-Jacques est un vaisseau vide, sans fidèles, sans messe, sans avenir.

Le pignon menace…

On reste sur sa faim quant à l’origine de ces problèmes de structure. Des défauts de construction ont souvent été évoqués. On a aussi mis en cause la qualité des matériaux. Le calcaire d’Avesnes s’effrite à l’air libre mais cette « lèpre » est d’abord le fait d’algues microscopiques qui prospèrent faute de protection. A l’abri de l’humidité, la pierre est résistante. Nul doute que les infiltrations provenant des toitures ont joué – et continuent à jouer – un rôle non négligeable dans cette dégradation.

A quoi sert un monument ?

Après vingt ans d’abandon, peu de signes encourageants apparaissent à l’horizon. Le maire qui exprimait sur ce dossier sa « perplexité » , envisageait deux options. La démolition de la partie problématique ou sa fermeture, ces solutions engageant, selon lui, des dépenses égales. Il était donc urgent de ne rien faire.

L’église étant classée et la commune propriétaire, il serait possible de mettre la municipalité en demeure de la restaurer puisqu’elle doit par la loi la préserver. On répondra que l’étayage – qui fête ses vingt ans – la maintient intacte et que, pour 2021, la rénovation du porche sera réalisée (Note : mars 2023, toujours rien…) . On comprend les impératifs de sécurité pour les passants ou l’amélioration esthétique de la rue mais chacun sait que toute rénovation partielle éloigne encore la perspective d’une reprise complète d’un bâtiment en péril.

Avec la disparition de la pratique religieuse et l’appauvrissement de la ville, la restauration de l’église Saint Jacques est probablement aujourd’hui un horizon inatteignable.

Pourquoi vouloir maintenir en état des vieux bâtiments qui obèrent le budget communal alors qu’ils ne servent à rien ? Pourquoi s’acharner à protéger un patrimoine quand nos élus préfèrent construire des parcs d’attraction en forme de musée, des boulodromes, des planétariums ? Pourquoi vouloir restaurer un lieu de culte alors qu’il existe tant de bâtiments dans la ville qui mériteraient des travaux de rénovation, ainsi, , , , , , et

Tout cela permet de s’interroger sur la fonction d’un « monument » , sujet essentiel sur lequel nous reviendrons dans un autre billet.

Il parait peu probable qu’il puisse survenir dans les années proches un renouveau catholique poussant les Douaisiens à soutenir en masse l’église menacée. Il parait ainsi difficile d’envisager une coûteuse rénovation qui ne conduirait qu’une dizaine de fidèles à fréquenter la messe chaque semaine. Trouver à Saint Jacques une autre utilité est de bon sens.

On peut aussi envisager sa démolition, certes interdite par la loi, mais qui serait possible dès l’instant où, sans aucune intervention humaine mais seulement le temps qui passe, l’effondrement du dôme devenait une réalité. Nous aurions à n’en pas douter un beau terrain en plein centre ville pour y construire des logements sociaux.

Un peu d’imagination ?

Douai Vox® ose néanmoins des propositions alternatives, comme un exercice théorique qui n’aura jamais, telle que nous connaissons notre ville, la moindre chance de voir le jour. Faisons le pour la beauté du geste. Les paroles s’envolent, les écrits restent…

On peut déjà utiliser les vieux moyens bien connus, mobilisés en partie par l’admirable et méritante association des « Amis de Saint Jacques » : monter une campagne de dons associée à la mise en demeure de l’Etat de sauver le bâtiment. C’est ce qui a été tenté depuis 2003. Perspectives de réussite : faibles…

On peut ensuite tenter le « crowdfunding » déjà mis en place dans de nombreux endroits. Ainsi recourir aux merveilleux d’Artagnans si célèbres déjà. Cette plateforme française créée par deux transfuges de la Skema permet aux citoyens de préserver le patrimoine en devenant co-propriétaires par leurs dons. Il faut juste s’inscrire sur le site.

On peut solliciter le programme de Stéphane Bern pour faire genre, passer à la télé et, mieux que Biden, voir la « première dame » venir à Douai inaugurer le tout. Le loto organisé lors de la journée européenne du patrimoine affecte le produit des paris à des projets de restauration. Il faut juste monter le dossier.

On peut enfin, après l’indispensable « décret d’exécration » pris par le diocèse, mettre en place diverses solutions modernes et habiles d’utilisation de ce bâtiment. On laissera de côté la possibilité de transformation en fabrique de salpêtre pour en retenir quelques unes :

1-En tout bien, tout honneur, l’exemple de l’église St Louis, le « phare de Tourcoing » qui, après avoir failli disparaître, est devenue un espace de formation et plein d’autres choses encore. Comme quoi, quand on veut, on peut.

2-A Poitiers, la chapelle du Gésu édifiée en 1852 a connu une transformation majestueuse, devenue restaurant et hôtel uniques au centre de la ville en 2012. Tiens, c’est quasiment le même âge que l’agrandissement de Saint Jacques.

3-A Nantes, une autre chapelle, encore une fois jésuite, construite de 1854 à 1858 a été désacralisée et vendue en 2006 pour devenir un espace de « coworking » . « Sixtine » est un lieu d’échanges, d’animations et aussi d’interactions entre les esprits créatifs de l’entrepreneuriat, de la recherche, de l’art et des idées.

4-En Espagne, dans les Asturies minières qui sont le Nord Pas de Calais du pays, une église centenaire, abandonnée depuis des années, a été transformée en Skate Park. Grâce une levée de dons en ligne et le parrainage de Red Bull, le bâtiment a retrouvé toute sa santé et une certaine fréquentation.

5-Aux Pays-Bas, à Maastricht (prononcez Masse Trique), une chapelle du XIII° siècle a été transformée en librairie en 2006. Elle reçoit chaque année… 700 000 visiteurs qui ont à leur disposition des livres neufs et d’occasion, des CD et même des vinyls. On peut y boire un coup et y organiser des évènements. Ah ces Bataves, trop malins !

L’université de Douai

Nos beaux et vieux bâtiments… vides (7)

Ville historique au riche patrimoine, Douai possède une caractéristique frappante : la présence dans ses rues de nombreux bâtiments anciens, parfois énormes, souvent classés mais… vides.

Douai, ville universitaire

Pendant plusieurs siècles, Douai abrita dans ses murs une université. Fondée en 1562 par Philippe II cette création n’était pas indifférente. Elle incarnait pour les Habsbourg, aux avants postes du catholicisme, la résistance à la Réforme qui triomphait au Nord.

En 1791, la Révolution supprime toutes les facultés du pays que l’Empire recrée quinze ans plus tard. C’est un peu improvisé pour Douai qui voit pourtant revenir avec plaisir ses étudiants mais ces derniers sont, jusqu’à une nouvelle suppression en 1816, très peu nombreux. Il n’est même pas certain que des cours aient réellement eu lieu durant cette période.

Si la ville perd une nouvelle fois son université, elle conserve toutefois son rectorat et son lycée, celui-ci étant simplement passé d’impérial à royal. Il faudra attendre le Second Empire pour voir revenir à Douai l’université tant attendue. En 1854, Napoléon III signe le décret de fondation d’une faculté des Lettres, complétée en 1865 par une Ecole de Droit, cette dernière s’appuyant, comme aujourd’hui, dans le ressort judiciaire, sur les charges qui s’y attachent.

Tout au long de ces péripéties universitaires et scolaires, la municipalité fit preuve d’une pingrerie étonnante, ainsi pour le rectorat qui ne disposa d’aucun local spécifique ou du lycée installé dans des bâtiments improvisés difficilement entretenus. Il est vrai qu’à cette époque, merveilleux système, les décideurs sont les payeurs, ce qui ne pousse personne à la dépense.

Il revient à Jules Maurice, maire en 1852, d’avoir rompu avec cette ancienne logique, choisissant enfin d’investir pour rendre possible à Douai l’installation d’une université. L’accord avec le gouvernement reposait en effet sur la construction d’un local payé par la ville.

Le palais académique

Plutôt habile mais encore une fois par esprit d’économie, le maire choisit, pour installer l’université, de transformer un bâtiment du XVII° siècle, le Mont-de-Piété, dans la rue du même nom, qui abritait déjà les cours de la faculté des Lettres ainsi que le rectorat.

L’architecte de la ville, Gustave Meurant, fut chargé de la construction. Outre de choisir pour la façade sur la rue un style Louis XIII alors original, ses plans prévoyaient des salles de cours (dont deux amphithéâtres) au rez-de-chaussée, des bureaux ainsi que des logements (pour le recteur et le doyen) aux étages. Il était même prévu d’installer dans un des grands salons un portrait en pied de l’empereur.

Fortoul en 1856, dans son journal, critique le « plan très médiocre du palais des facultés de la ville ». Un peu plus loin, il fustige encore le manque d’envergure du dossier : « reçu les députés de Nancy et de Douai (Emmanuel Choque) venant défendre de détestables architectes chargés de faire de détestables palais pour mes facultés. » Il est vrai qu’on est loin des somptueux bâtiments que Lille construira pour rassembler après 1887 toutes les universités dans la ville.

Le palais fut très rapidement saturé mais surtout peu apte à étendre ses enseignements et donc à supporter la concurrence lilloise. Ernest Lavisse, partisan du déménagement, déclare ainsi en 1886 : « L’état des bâtiments universitaires de Douai est déplorable. Ils étaient déjà vieux en 1854 lorsqu’ils servaient de mont de piété. Les locaux d’enseignement y sont très insuffisants. On a logé la bibliothèque universitaire dans l’ancien appartement du doyen de la faculté de droit. Les livres sont entassés. »

De la culture à l’agriculture

Le déménagement à Lille des universités constitua pour la ville un traumatisme dont les effets se firent ressentir très longtemps dans l’imaginaire douaisien. L’Etat, comme souvent dans ces cas là, mit pourtant en œuvre diverses compensations, lesquelles d’ailleurs furent déterminantes dans le développement économique du territoire.

La démolition des fortifications (1895), la construction du canal de dérivation (1896) et enfin la fondation de l’école nationale supérieure des industries agricoles (1893), qui remplaça l’université dans ses murs, donnèrent un coup de fouet à une cité endormie dans ses fortifications.

Durant plus d’un siècle, le bâtiment fut utilisé pour former des ingénieurs et techniciens agricoles pour toute la France. Ils y apprenaient la distillerie, la sucrerie et la brasserie, avec une recherche constante d’innovation pour favoriser le développement industriel de ces secteurs.


Tant bien que mal, l’école avait installé des laboratoires, des ateliers et même un internat. En 2007, le site de Douai est fermé. Ses formations, fusionnées avec celles d’une multitude d’écoles d’ingénieurs, ont donné lieu à la création d’AgroParisTech dont le siège principal est à Paris.

L’affectation peine à sortir

Resté vide pendant près de dix ans, le bâtiment qui appartenait à la région a été cédé gratuitement à la ville en 2015. Cette cession n’était qu’un retour logique au don que Douai avait fait en 1893 à l’Etat lors de la création de l’école d’agriculture.

L’Université, plutôt imposante avec ses hauts murs et son entrée couverte monumentale au beau tympan sculpté, n’est ni classée, ni inscrite, ce qui est peut être dommage.
Sa taille, que le ministre Fortoul estimait médiocre, reste quand même impressionnante avec près de 5000 m2. Sur l’arrière, la démolition des bâtiments techniques, à une date incertaine, a libéré un espace important qui a longtemps servi de parking. C’est actuellement un dépôt de matériaux pour les entreprises qui rénovent la place du Dauphin.

Un peu laid, non ?

Si la façade sur rue, restaurée, est remarquable, celle de l’autre côté est affreuse avec son enduit de ciment, comme apparait l’extension en béton des années 60 qui abritait le foyer des étudiants, collée au bâtiment sans respecter l’alignement de l’université, ni évidemment le style des bâtiments voisins.

On admirera la qualité de la transition des deux bâtiments accolés

L’intérieur, pour ce qu’on peut en savoir, est le résultat de rénovations partielles réalisées sans aucune unité tout au long du fonctionnement de l’école d’agriculture. Elles ont complètement dénaturé une organisation originale dont il ne reste absolument rien, hors peut être une cheminée, quelques portes et le hall d’entrée qui a conservé sa superbe marqueterie de pierre.

Comme toujours, les seuls projets évoqués – jamais réalisés – furent des implantations administratives dont l’hétérogénéité démontre de leur impraticabilité.
Frédéric Chéreau a évoqué l’installation de services du ministère de la justice, de bureaux d’avocats et même d’une maison d’accès aux droits.
De son côté, Françoise Prouvost alors candidate, parlait quant à elle, d’y mettre des services municipaux, ainsi l’office municipal des sports, le redoutable et puissant « OMS » bien connu des sportifs douaisiens.

Ces propositions sont toutes restées à l’état de projets. Prudente, la municipalité évoquait « plusieurs mandats » pour pouvoir mener à bien une rénovation de cette importance. Si la lenteur peut être un mode de gestion, il est regrettable que l’avantage d’une localisation en plein centre-ville n’ait pas permis d’aller plus vite.

L’absence de concrétisation devant un tel potentiel est un étonnement de plus dans une ville qui ne manque pas de « on aurait pu faire mais on ne l’a pas fait » . Encore une fois, le Douaisien de base s’interroge sur cette propension des élus à considérer ces lieux d’exception comme des fardeaux plutôt que des opportunités pour la ville.

Douaizizaglo® n’a aucun problème à lancer des projets à l’extérieur – piscines, boulodromes, patinoires, planétarium, musée – aux équilibres financiers incertains. Il ne lui vient pas à l’idée qu’il serait peut être intéressant, dans la ville-centre, d’investir dans les vieilles pierres qui constituent un argument évident d’attraction pour les habitants comme les touristes.

Besoin d’idées brassicoles ?

Un bar à bière-école-polyvalent

Loin de proposer une réaffectation administrative à ce beau bâtiment ou, pire, la transformation en logement social à la mode habituelle, la proposition s’appuie sur le passé brassicole du lieu et de la ville.
Nous avons tous noté avec intérêt le succès de l’exposition sur la bière accueillie au musée de la Chartreuse mais plus encore celui de la manifestation qui a permis de faire connaître de nombreuses productions locales dans les jardins du monastère.
Il est vrai que le développement récent de ce secteur est un mouvement de fond. En 2007, on comptait, en France, pas plus de 200 brasseries artisanales. Elle sont plus de 1000 aujourd’hui. L’atout des artisans brasseurs est leur proximité géographique. Ils profitent de la recherche de la part des consommateurs des « circuits courts » et d’une alimentation plus authentique sinon naturelle.
Nous avions déjà évoqué la perte que Douai avait essuyée avec le départ à St Omer des Brasseurs de Gayant en 2015. L’ancienne université mais surtout l’ancienne école de brasserie doit pouvoir renouer avec son passé en épousant les modes actuelles.
Notre Flandre est un pays de la bière, retrouvons ces racines. Par ailleurs, Douai est si pauvre en lieux de convivialité que l’ancienne université constitue une opportunité extraordinaire.

Imaginons au rez de chaussée l’installation d’une brasserie qui ferait voir ses entrailles comme le faisait le laboratoire de l’Ecole d’agriculture.
De nombreux endroits dans le monde entier pourraient servir de modèle à un établissement qui profiterait des possibilités incroyables du bâtiment, son parking à l’arrière, son étendue, la qualité de ses vestiges décoratifs. Il serait aussi possible de réserver une salle retraçant l’histoire de la bière douaisienne.

Un merveilleux exemple, Brouwerij ’t IJ d’Amsterdam

Fabriquer une bière à base d’eau de pluie

université eau de pluie

Cette idée est venue à Joris Hoebe lors d’une période d’intempéries qui a frappé Amsterdam en 2016. Constatant qu’il avait besoin d’une importante quantité d’eau tout au long du processus de fabrication, Joris a inventé une bière à base d’eau de pluie. Avec un groupe de quatre étudiants aidés d’un chercheur, il a installé deux réservoirs sur le terrain de l’université des sciences appliquées d’Amsterdam qui ont recueilli près de 1000 litres d’eau en deux semaines. L’eau, ensuite filtrée avec des ultraviolets et du carbone, est portée à ébullition pour supprimer toute trace d’impureté.
Séduite par cette idée, une brasserie artisanale d’Amsterdam, connue pour ses bières originales, s’est associée à l’entreprise. Cette bière à l’eau de pluie a été baptisée Hemelswater, « l’eau de paradis »

Ateliers et team building

A l’étage, il serait intéressant de proposer des espaces à louer pour des séminaires ou des Workshops, mais aussi offrir dans la journée des « team building » brassage de bière, de 10 à 24 personnes comme l’organise la société YAAZZZ à Paris. Pendant 4 heures, de façon ludique, vous apprenez l’intégralité des étapes du brassage par équipe en brassant 20 litres de bière que vous emportez à la fin. Ce type de lieu n’existe pas à Douai.

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Team building Yaazzz à paris

Escape game bière

Autre idée proposée par l’agence événementielle l’échapée belle à Lille. Un espace Game autour de la bière. Le principe : « vous êtes enfermés en équipe dans l’ancien laboratoire du scientifique Louis Pasteur, vous disposez d’une heure pour remettre la main sur un précieux antidote supposé sauver l’humanité.
Des Indices sont dissimulés, énigmes à résoudre, expériences à réaliser, bières à déguster… autant de challenges à résoudre en équipe pour sortir vainqueurs de cet escape game brassicole ».

Et puis on ne résiste pas à vous présenter ce film publicitaire d’exception qui vante les qualités de « The BevBuckle« . Le ceinturon qui permet d’avoir les mains libres en buvant une bière, ce qui, le lecteur en conviendra, est d’une extrême importance.

Vous aussi vous avez des idées, partagez-les avec nous.

La porte de Valenciennes

Vue extérieure de la porte de Valenciennes à Douai

Nos beaux et vieux bâtiments… vides (6)

Ville historique au riche patrimoine, Douai possède une caractéristique frappante : la présence dans ses rues de nombreux bâtiments anciens, parfois énormes, souvent classés mais… vides.

Les traces d’une place forte

Dès sa fondation, Douai a été protégée par des fortifications sans cesse modernisées et agrandies avant le démantèlement de 1891 qui a fait disparaître dans la ville la quasi totalité de ces aménagements. La première enceinte érigée à la fin du XI° siècle par les comtes de Flandre, bien modeste, fut rapidement agrandie. Une seconde ligne de défense au XIII° siècle puis une troisième au XIV° siècle délimitèrent enfin un espace très important dont l’intérieur ne fut densément construit qu’au XIX° siècle.

Enserrée dans ses murs, la ville était ainsi en mesure de se défendre, ce qu’elle fera plusieurs fois. Un de ces épisodes sera d’ailleurs à l’origine des Gayants, victoire contre le roi de France célébrée jusqu’à aujourd’hui par une ironie dont seule l’histoire a le secret.
Ville frontière, Douai constituait un enjeu important des conflits entre la Flandre et le royaume, tout à tour défenseur ou attaquant selon les revirements d’alliances auxquelles la ville prendra part.

Une enceinte dont il reste peu

Une dizaine de portes fortifiées établies aux voies de passage mais aussi des tours réparties tout au long de l’enceinte, chacune nommée, renforcent la défense. Les hauts murs présentent un parement en grès soigneusement monté, dissimulant un appareil de briques de forte épaisseur. Un chemin de ronde couronne les remparts. Il permet aux défenseurs de s’abriter des coups de l’ennemi tout en acheminant les troupes aux endroits stratégiques.

Par ailleurs, par une gestion habile des eaux de la Scarpe, les constructeurs successifs ajouteront aux fortifications un système sophistiqué d’alimentation des fossés dont la maîtrise trouve sa source – c’est le cas de le dire – dans la tradition flamande. Des batardeaux, en permettant le moment venu, selon l’expression du temps, de « tendre l’inondation », empêchent efficacement les armées ennemies d’approcher de certains points de l’enceinte.

Après le rattachement définitif de la ville à la France en 1667, Vauban améliorera les défenses de Douai – deuxième ligne du fameux « pré carré » – en portant ces dispositifs à leur perfection comme le révèlent tous les détails du plan relief. La fortification de Douai en 1709 comporte chaque élément de la théorie du maître de la poliorcétique : escarpes, contrescarpes, glacis, bastions, demi-lunes, casernements, entrepôts etc.

La porte Vacqueresse, Notre-Dame puis de Valenciennes

Seul vestige des fortifications, avec la porte d’Arras, parvenus jusqu’à nous en état à peu près complet, la porte de Valenciennes est toutefois la mieux conservée, sans doute grâce à la qualité de sa construction. Cette porte de prestige fut souvent réservée aux entrées royales, ainsi celle de Louis XV en 1744 mais tout autant des processions et autres moments forts de la cité. En 1710, c’est par là que sortit la garnison du marquis d’Albergotti après sa défense héroïque contre les Alliés.

Construite en 1453, la « porte Vacqueresse », devenue ensuite Notre-Dame par la proximité de l’église du même nom, a été désignée en 1827, comme toutes les autres portes de Douai (ainsi St Eloi devenue d’Arras) par la direction qu’elle donnait.

Gravure dans un mur de la porte de Valenciennes à Ville de Douai
Les chartistes sont là :
« Mill cccc chinquante trois,
D’avril XV jours, an ou mois,
De cette porte par devise,
tute pierre première mise. »

Si la base est médiévale avec ses blocs de grès et une belle dédicace en gothique, les bâtiments de la garnison ont été construits en 1771. Ce fut l’occasion d’une lourde rénovation, notamment du côté extérieur dont le porche de facture classique est alors réalisé en pierre bleue, matériau rare dans les bâtiments douaisiens. Ces locaux servaient de prison aux officiers, remplaçant celle placée auparavant dans la rue du Grand Canteleu. Comportant à l’origine une seule ouverture au centre, les deux arches de côté furent ajoutées à la fin du XIX° siècle pour permettre à la troupe de passer plus facilement lors des défilés.

Du logement à l’abandon

Le démantèlement de 1891 a fait de la porte un îlot puisque les murs qui y étaient attachés ont alors disparu comme a été comblé le fossé qui était à l’extérieur. Les clichés du début du siècle la montrent toutefois moins isolée qu’aujourd’hui car des immeubles, détruits lors des bombardements de 1944, en étaient proches. L’ouvrage fut d’ailleurs, à cet instant, endommagé. On en voit encore la trace par les reprises de maçonnerie du côté de l’Hôpital Général.

Douai image de la porte de Valenciennes dans les fortifications - Photo-Augustin Boutique
La porte avant le démantèlement prise sur le pont qui enjambe le fossé. Elle est toujours attachée aux remparts et ses lucarnes subsistent. A gauche, au loin, le clocher rabougri de Notre-Dame.

Classée par arrêté du 5 mai 1928 au titre des monuments historiques, la porte de Valenciennes connut, comme tant de monuments anciens de la ville, de nombreux avatars après la Libération. Elle logea durant plusieurs années des sapeurs-pompiers de la ville dont la caserne était au Dauphin sur la place d’Armes. La commune présenta même sous le mandat d’André Canivez un projet de transformation en bibliothèque municipale que les conservateurs parisiens, Julien Cain en tête, refusèrent horrifiés.

Vide depuis de nombreuses années, aucune affectation des lieux ne paraît envisagée à court terme. Durant la campagne des municipales de 2014, idée absurde d’une période qui n’en manqua pas, des candidats proposèrent même sa transformation en « boite de nuit ». Ils pensaient probablement que l’épaisseur des murs séculaires limiterait les nuisances pour les lointains riverains.

Instruction sous le papier peint, porte de Valenciennes à Ville de  Douai
Le maître d’ouvrage a laissé ses instructions aux artisans sur le mur. Il devait manquer de papier : ne pas oublier les crémones, les targettes mais surtout les fiches à larder…

Besoin d’une idée fortifiante?

On peut s’étonner encore une fois de l’absence de projets concernant ce lieu unique qui, comme un amer, se voit de très loin tout en symbolisant le passé militaire de la ville.
Avant 1891, ainsi que l’explique Mme Camescasse, Douai était d’abord une place forte, d’ailleurs close le soir pour l’imprudent qui aurait laissé passer l’heure. Cette fonction était le trait principal de la cité.
La porte de Valenciennes a été intégrée dans un circuit de visites sur les fortifications de Douai, ce qui est une bonne chose mais cela, comme toujours, ne va pas plus loin. Quelle célébration avons-nous en ville de notre histoire militaire ? Arkéos ne parait pas trop équipé pour ça. Il est vrai qu’il sera difficile d’y installer la porte de Valenciennes.

Nous proposons que ce lieu soit un espace muséal consacré à ce passé oublié au point d’être nié. Le plus singulier, c’est que nous avons encore, tant mieux, un lien encore possible avec l’histoire par la présence d’unités toujours encasernées dans la ville, 41° RT en tête.

A peu de frais – enfin on espère que le long abandon des lieux ne les ait pas irrémédiablement affectés – il serait possible d’installer dans les anciens logements, ainsi qu’au rez-de-chaussée réaménagé, une exposition permanente sur ce thème, le système de Vauban, les étapes successives des fortifications de la ville, la vie quotidienne de la garnison, mais aussi les péripéties des sièges, celui de 1710 étant particulièrement bien documenté.

La vue des remparts est d’ailleurs plutôt belle. La promenade sur le pourtour de la porte étant possible. Ce serait un intérêt de plus pour que soit enfin mise en œuvre la rénovation tant attendue.

La caserne du quartier de Caux

caserne caux

Nos beaux et vieux bâtiments… vides (5)

Ville historique au riche patrimoine, Douai possède une caractéristique frappante : la présence dans ses rues de nombreux bâtiments anciens, parfois énormes, souvent classés mais… vides.

Douai, cité militaire

Enfermée dans ses murs, Douai a longtemps été une cité militaire, place forte essentielle pour le royaume par sa proximité d’une frontière régulièrement franchie par l’ennemi.

Dès la conquête de 1667, la cohabitation des habitants avec les troupes est constante. Les rues sont encombrées d’uniformes. La part des militaires dans la population peut être importante, surtout en cas de guerre. En 1789, période de paix, on compte dejà 4600 hommes dans la ville.

A partir du XVII° siècle, un changement apparait dans le mode de casernement. Au logement chez les particuliers succède en effet l’installation des soldats et du matériel dans des bâtiments spécifiques. Outre de disposer d’une organisation plus rationnelle, on limite les contacts avec la population qui pouvaient parfois être rugueux.

caserne caux

La caserne d’Esquerchin

Après le rattachement à la France, l’armée a surtout utilisé des bâtiments religieux désaffectés, ainsi ceux des abbayes d’Anchin ou de Marchiennes, plus ou moins réaménagés. Un siècle plus tard, la ville décide d’investir. La décision est prise en 1751 de bâtir une caserne sur des terrains de l’abbaye de Vaucelles près de la porte d’Esquerchin. Le coût de la construction – 600 000 livres soit près de 10 millions d’euros – est assuré par la ville pour moitié, le reste étant supporté par des droits d’octroi reversés par le roi.

Destinée à l’infanterie, le plan de la caserne est extrêmement simple, totalement dédié à la chose militaire. Deux longs bâtiments de 160 mètres, partagés par une place d’armes rectangulaire, se font face. Hors les tuiles de la couverture en pente forte (qui ont remplacé les ardoises d’origine), ils ressemblent à ceux de l’Hôpital Général. A partir d’un soubassement de grès, l’élévation est en briques sauf les angles et les ouvertures en calcaire d’Avesnes. La décoration est limitée. On note un tympan triangulaire posé à l’aplomb des entrées centrales – qui sont cochères – sur la corniche du toit.

Dès la réception des travaux, la première unité à occuper les lieux est le régiment de Belzunce, du nom de son colonel, ensuite dénommé de Flandre, caserné à Esquerchin au moment de la Révolution. En 1868, le 15° Régiment d’artillerie investit la caserne. Il y restera jusqu’en 1940. Nommé Quartier de Caux en 1887 en honneur du général Victor de Caux de Blaquetot, douaisien célèbre mort en 1845, le site devient Centre Mobilisateur 215 en 1963. Il est fermé en 1998 à la suite de la suspension du service national qui a conduit à la réorganisation complète des forces armées du pays.

Des projets sans envergure qui ont tous échoué

Vide depuis cette date, soit près de vingt ans, la caserne n’a pas manqué de projets de réhabilitation. Tous, sans exception, ont échoué.

On a eu successivement :
– en 2009, après quatre ans d’étude, le projet de SIA Habitatqui envisageait d’implanter 94 logements sociaux sur le site, capote à cause du coût de l’opération. Evaluée à 27 millions d’euros au minimum, selon les dirigeants du groupe, l’opération n’aurait été équilibrée qu’en dessous de 20 millions. 
– en 2012, après une forte campagne publicitaire, l’opérateur privé Saint Louis Promotion abandonne, arguant de la dégradation du marché immobilier local. Le projet était original, prévoyant une réhabilitation des bâtiments par la création de lofts, d’appartement bruts ou finis, le tout – près de 200 lots – promis à la vente aux particuliers.
en 2017, un projet de déplacement sur le site du siège du bailleur social Maison & Cités tourne court deux ans plus tard.  Il envisageait de partager l’aile nord entre des logements sociaux et des bureaux construits par la caisse des dépôts et consignations. Le surcoût lié à l’état du bâti aurait amené la dépense au delà de 30 millions d’euros. 

On note qu’entre 2009 et 2019, les estimations quant à la réhabilitation sont passées de 20 à 50 millions d’euros selon les récentes déclarations de Frédéric Chéreau, ce qui paraît beaucoup mais il est parfois prudent de voir large en ces matières.

Dans tous les cas, il y a probablement un rapport entre l’abandon du bâtiment depuis vingt ans et sa dégradation au fil des ans qui augmente inexorablement le prix de sa réhabilitation. Cette évolution s’accentuera si rien n’est entrepris à court terme. Il faut se féliciter de l’initiative de la commune qui a réclamé en octobre 2016 l’inscription du bâtiment, effective par l’arrêté du 9 août 2018 qui protège la totalité du site. Outre d’empêcher sa destruction, cette décision était motivée par le projet Maisons & Cités et in fine peut être le souhait d’obtenir de l’Etat des aides pour cette opération.

Mais que dire de ces projets visant à installer dans le Quartier de Caux des logements sociaux ? Dans notre ville, la vacance locative, la plus haute du territoire, atteignait en 2013, près de 13,2% dont 70% en habitat collectif ? Pire, le recours aux bailleurs les plus présents dans la ville apparaît comme une facilité problématique. Avec 36% de logements locatifs sociaux, le parc douaisien est un des plus haut de la CAD (Lauwin-Planque 14%). 
Vacances et saturation ont logiquement empêché la réalisation de ces programmes. Tant mieux.

Un projet structurant, enfin

A ce stade d’urgence mais aussi d’importance pour la ville, le projet « Quartier de Caux » mérite qu’on s’y attarde un peu. Hors l’Hôpital Général dont il partage, nous l’avons vu, beaucoup de points communs, aucun lieu dans la ville ne possède un tel potentiel.

Si ses inconvénients sont sans cesse rappelés, ils sont tout autant réversibles. Les avantages du site sont manifestes. D’abord sa localisation à l’entrée de Douai près des flux qui arrivent de Lille. Ensuite, sa proximité du cœur de ville sans parler de sa taille. Son emprise remarquable permet beaucoup de choses. La caserne d’Esquerchin est une chance pour la ville. Elle n’est pas le problème, elle est la solution.

La mairie, qui n’a pas réussi en cinq ans à faire aboutir le moindre projet viable, a commencé à bouger, les élections approchent, en prévoyant un aménagement large prenant en compte le triangle rue d’Arras, rue d’Esquerchin et rue d’Albergotti.
Recréer le « Jardin des plantes » du XIX° siècle en détruisant une part de l’IUFM inoccupé est une excellente idée. Un mauvais esprit dirait que la meilleure manière d’enterrer un dossier c’est de l’inscrire dans un débat plus large mais ne boudons pas notre plaisir. Cette approche est un préalable indispensable.

Caserne d’Esquerchin en haut, Couvent des Capucins en bas, entre les deux, le Jardin des Plantes, on le refait ?

Quelle pourrait être la destination d’un site aussi unique ? Douai s’est contentée de mettre en avant des solutions limitées avec des recettes banales qui ont toutes échoué.
A l’inverse, l’examen des villes proches qui ont fait le pari de l’innovation d’envergure est utile. On repère avec intérêt le développement de nouveaux Tiers-lieux comme le “Labo” de Cambrai, “l’hôpital St Jean Baptiste” d’Aire sur la Lys, la “Station” de St Omer, la “Condition Publique” de Roubaix etc.

Et si on s’y mettait aussi ? Il faut penser autrement, sortir du cadre et enfin adopter le « think big* » pour offrir aux Douaisiens un lieu exceptionnel par sa valeur patrimoniale, son envergure et la diversité de ses services. Basée sur la solidarité collective qui est un point fort de notre culture locale, associée à une démarche éco-responsable, la «Caserne Caux» doit être la vitrine du renouveau de la cité.

Besoin d’un projet d’envergure ?

Nous proposons de mobiliser le concept de Tiers-lieu mais en l’élargissant pour en faire un « écosystème » qui envisage, sur un espace commun, l’interaction de publics différents pour des activités de toutes natures.

Le concept à privilégier est ici étranger, à savoir celui de l’architecte Lina Bo Bardi réalisé à Sao Paulo (Brésil) à partir d’une ancienne usine réhabilitée. Ce Centre culturel atypique comprend au même endroit des infrastructures sportives, une bibliothèque, un théâtre, des espaces d’exposition, un restaurant, un solarium et des espaces de convivialité diversifiés.
Depuis 1977, le SESC Pompeia parvient à attirer des publics de tous les âges et tous les milieux sociaux par ses spectacles variés, ses horaires amples, ses tarifs très accessibles mais surtout son aménagement flexible.

L’exemple de la citadelle du loisir à Sao Paulo

De la caserne Caux au Quartier CO

A Douai, la «Caserne» s’intègre dans un aménagement large, grâce à une «Coulée Verte» organisée en «sentes» qui relient l’arrière du quartier au Couvent des Capucins, en passant par l’ex-IUFM. 

L’ensemble, qui doit être autonome sur le plan énergétique et auto-financé en fonctionnement, sera un Tiers-lieu de grande envergure offrant une multitude de services à un public inter-générationnel, abonnés ou utilisateurs occasionnels. Il doit être tourné vers la stratégie régionale Rev3 qui met l’économie durable et connectée au cœur des projets locaux.

Pour illustrer la démarche, le tiers-lieu peut offrir des services dont la liste qui suit n’est pas exhaustive :
un food hall**, proposant différents stands de restauration préparés avec des produits frais authentiques, le tout dans un cadre agréable propice au partage. Ici, on viendra chercher avant tout une expérience.
– des ateliers d’artisans, d’artistes en résidence, des galeries d’art.
– des salles de spectacles modulables de petit format.
– un espace de co-working (individuel et collectif)
– un marché de produits divers locaux.
– un espace enfant (jeux, ateliers, mini-salle de cinéma).
– un espace d’innovation numérique et de formation.
– des salles de danse, de yoga, de détente.
– un mur d’escalade intérieur.
– une salle de lecture (journaux, magazines)
– un jardin, verger, potager, un rucher, sur le modèle génial de l’agriculture urbaine.
– un FabLab adossé sur l’Ecole des Mines.
– des espaces réservés à la musique adossés au Conservatoire (répétition, enregistrement etc.)
– un cinéma de plein air avec transats aux beaux jours.
– des gites à louer sur le principe de la Cité des Electriciens de Bruay.


Le «Quartier CO» sera le renouveau de la ville. Qui osera relever ce défi ?

*Penser grand en british
**Espace de stands culinaires en grand breton

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La plus vieille maison de Douai

plus vielle maison de Douai

Nos beaux et vieux bâtiments… vides (4)

Ville historique au riche patrimoine, Douai possède une caractéristique frappante : la présence dans ses rues de nombreux bâtiments anciens, parfois énormes, souvent classés mais… vides.

Un modeste témoin du passé

Bien discret sur son pignon, à l’angle des rues de Huit-Prêtres et du Clocher Saint Pierre, le bâtiment ne paie pas de mine.  Il est vrai que l’allure est peu flatteuse quand on regarde l’horrible rideau métallique qui ferme le rez-de-chaussée, l’affreuse enseigne masquée depuis peu, l’incroyable vitrine de la devanture mais plus encore l’état des fenêtres qui, ici ou là, ont même perdu leurs carreaux.

Pourtant, à bien le regarder, on comprend qu’il ne date pas d’hier comme le montrent ses pans de bois dont la facture médiévale ne fait pas de doute. On perçoit aussi le montage en encorbellement des étages puis tout en haut la façade triangulaire qui épouse la forme du toit.

Une miraculée de la Grande Guerre

Sa modestie l’a probablement sauvée à l’inverse de sa voisine. Juste en face, se trouvait en effet la célèbre maison dite « des Rémy », un des monuments les plus connus de la ville. Sa restauration sous le Second Empire en avait fait le joyau de la cité, exaltant un « style espagnol » qui n’était d’ailleurs que flamand. Incendiée en 1918 par les troupes allemandes en retraite, cette merveille est partie en fumée avec ses superbes sculptures, ses pilastres ciselées, ses métopes délicates, ses colonnes ouvragées.

A comparer la forme des deux façades, la disparue et la survivante, on comprend qu’il y a une filiation dont la plus modeste mais la plus ancienne, est peut être l’origine. Construit au XIV° siècle, le bâtiment était une dépendance d’un ensemble plus grand, l’Hôpital des Huit-Prêtres fondé par une certaine Marguerite Mullez ou Mulet, « dite Baudane », sœur du prévôt de St Pierre.

Si on en croit Plouvain, l’héritage de cette bienfaitrice disparue en 1329 était destiné à permettre l’accueil de « huit prêtres indigents » mais surtout de pourvoir à leur entretien. Reconstruit en 1519 – la brique a remplacé les colombages – l’hospice a traversé l’Ancien Régime pour finir vendu comme bien national à la Révolution. Le bâtiment subsistant n’est donc que la partie miraculeusement indemne d’un îlot dont il ne reste rien, plus étonnant encore, dans un quartier durement touché par les destructions de la première guerre mondiale.

Un monument protégé devenu bien municipal

Brièvement poste de gendarmerie, elle est dès le début du XIX° siècle un estaminet puis un magasin, le fameux « bazar à 100 francs » de la famille Cocheteux. Vendue l’année dernière par ses descendants pour 80 000 euros (quand même moins cher que le Furet) à la mairie, la collectivité a acquis cette maison « afin qu’elle ne se détériore pas davantage », ce qui est une très bonne idée.

On peut regretter qu’un bâtiment dont la façade et les toitures ont été inscrites à l’inventaire des Monuments Historiques dès décembre 1964 n’ait pas été plus tôt acheté et restauré comme il se doit. Ici encore, on voit que le ciment a frappé, ainsi que le montrent les joints de briques datant sans doute des années 50. Il ne reste probablement pas beaucoup de matériaux d’origine. Sur la façade, les pans de bois du XIV°, régulièrement réparés depuis, ont peut être disparu depuis longtemps.

Besoin d’une idée médiévale?

Sans aller jusqu’à réclamer son retour à la fonction originelle qui n’était sans doute pas très éloignée d’une conciergerie, conserver à cette maison sa fonction commerciale ne serait pas indigne dès l’instant où elle constituerait une étape dans le circuit touristique d’un centre-ville enfin valorisé.
Célébrer le passé médiéval, la draperie qui était l’âge d’or de Douai, aurait beaucoup d’avantages.
Cette idée rejoindrait le goût du Moyen-Age qui plait à Douaisis Agglo à travers le soutien important qu’elle apporte à Arkéos, notamment son extension en parc médiéval. Le sujet est porteur comme le prouve le succès des animations organisées sur ce thème. Un soutien financier, même modeste, devrait pouvoir se mettre en place, la surface du local est réduite – 70m2 au sol – ce n’est ni Le Furet, ni Le Prévost.

boutique médiévale plus vieille maison de douai

Restaurée dans sa forme originelle, la maison pourrait être un lieu de vente d’objets touristiques, artisanaux, issus de productions locales, peut être même associatives. Une échoppe médiévale reconstituée pourrait être un lieu de vente original, susceptible d’attirer l’attention.
Il serait possible pour renforcer l’intérêt de ce projet, de l’associer par convention avec les établissements professionnels du secteur. Plusieurs lycées, ainsi Rabelais (vente) ou Leforest de Lewarde (accueil), pourraient en faire un lieu de stage pour les élèves en cours de formation.

Échoppe médiévale à l’Aigle (Orne), bien jolie non ?

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Le Couvent des Capucins

couvent des capucins

Nos beaux et vieux bâtiments… vides (3)

Ville historique au riche patrimoine, Douai possède une caractéristique frappante : la présence dans ses rues de nombreux bâtiments anciens, parfois énormes, souvent classés mais… vides.

Un bâtiment bientôt désaffecté

Cette fois-ci, on triche un peu car ce bâtiment exceptionnel est en théorie occupé par le centre d’information et d’orientation (CIO), organisme chargé d’accompagner les élèves, voire des adultes, dans leurs parcours professionnels.

couvent des capucins - entrée du CIO

Le réseau des CIO connait actuellement en France une profonde évolution. La réforme en cours, qui répond au transfert de ces compétences vers la région, prévoit qu’à terme que chaque département n’ait qu’un centre public d’orientation et que l’action des conseillers soit concentrée prioritairement dans les établissements scolaires.

Il est vrai que parcourir le site internet du CIO de Douai, qui n’a pas été actualisé depuis 2017, ne donne pas l’impression d’une activité intense. Quoi qu’il en soit, le départ de cette structure n’est plus qu’une question de temps. Il faut donc s’y préparer, anticipation qui, le lecteur en conviendra, se voit peu dans notre ville.

Le Couvent des Capucins

Les Frères mineurs capucins constituent un ordre monastique relativement récent. Lié à l’ancienne famille franciscaine, autorisé en 1528 par le pape Clément VII, il n’a obtenu qu’en 1574, de Grégoire XIII, la liberté de se répandre partout dans le monde.
Introduit en France à cette date, l’ordre y a connu un grand succès. Ce dernier a été plus flagrant encore dans les Flandres où les pères capucins (dont l’habit comporte un capuchon qui explique leur dénomination) ont appuyé avec efficacité l’action de la Contre Réforme.

Appelés à Douai par le doyen et les chanoines de St Amé en 1591, la présence des capucins dans la ville a été régularisée par une bulle papale en 1618. Le plan relief de 1709 montre leur couvent qui présente peu de points communs avec celui d’aujourd’hui.
La ville, lors de la Révolution, a réussi à prouver son droit de propriété sur les bâtiments. Cette décision a évité leur vente en bien national qui aurait été suivie, à l’exemple de la collégiale, par sa probable destruction.
Les lieux ont toutefois été vidés de la douzaine de tableaux qui s’y trouvaient mais surtout de la bibliothèque dont les volumes ont rejoint le fonds municipal.

Le couvent des Capucins en 1709
Le couvent des Capucins en 1709, Mémoires de la SASA, 1903-1904.

Le siège de la Société d’Agriculture

En 1812, le cloître et l’église, proches de la rue d’Arras, démolis, ont libéré un espace aménagé en jardin tandis que le bâtiment principal, probablement construit au XVIII° siècle, donc récent, a été offert à la «Société d’agriculture» de la ville.
Fondée en 1799, d’abord dédiée à l’innovation agricole comme son nom l’indique, cette société savante dont peu de cités peuvent s’enorgueillir en termes d’ancienneté, s’est ensuite diversifiée vers les lettres et l’histoire, célébrant jusqu’à aujourd’hui le patrimoine de Douai.

Outre une salle de réunion, la bibliothèque de la société, installée dans les locaux, offrait aux amateurs des ressources imprimées originales. Plus encore, des serres abritant des variétés exotiques, construites sur un côté de l’allée centrale permettaient outre d’acclimater des essences rares, de les faire connaitre aux promeneurs dans la plus belle tradition physiocratique du siècle des Lumières.

couvent des capucins -entrée du parc Duhem- ville de douai
Entrée du jardin des Capucins, aujourd’hui de Rémy et Henri Duhem. Ce dernier, père du premier, avocat et peintre, possédait la demeure située à gauche dont l’atelier devenu municipal est toujours visible.
jardin duhem
Au fond à droite, emplacement des serres de la société d’agriculture transformées en parterres

Le « Jardin des Plantes » qui s’étendait de la rue d’Arras jusqu’à la caserne d’Esquerchin – le bâtiment des capucins étant placé au centre – a offert aux Douaisiens, dans une ville très à l’étroit dans ses fortifications, un lieu de promenade unique pendant près de 150 ans.

La fin du Jardin des Plantes

C’est à l’issue de la seconde guerre mondiale, à l’initiative d’André Canivez, que la Société d’Agriculture, des Sciences et des Arts (dénomination adoptée en 1926) fut dans l’obligation de quitter les lieux afin qu’ils puissent accueillir « un centre moderne d’orientation professionnelle » pour parler comme le maire d’alors.
Plus encore, le jardin, baptisé du nom d’Henri et Rémy Duhem (fils du premier, tué en 1915 aux Eparges), fut amputé de tout son espace arrière pour y construire la nouvelle école normale d’institutrices du Nord, aujourd’hui désaffectée.

Ses façades et toitures étant inscrites depuis janvier 1951 au titre des monuments historiques, on s’interroge sur la « remise à neuf » de l’époque évoquée par André Canivez quand on observe l’horrible ciment qui s’étend jusqu’à maintenant sur ces éléments pourtant protégés. Sans doute parce qu’il ne se voit pas, l’arrière du bâtiment, qui a échappé à ce zèle iconoclaste, renseigne sur son état originel.
C’est un livre d’histoire. On devine de nombreuses reprises, ainsi des fenêtres percées, bouchées ou modifiées en portes, mais surtout les traces de l’enduit à la chaux qui devait autrefois recouvrir les murs.

facade avant couvent des capucin -ville de douai
Façade du couvent rénovée dans les années 50. Si on aime le ciment…

Si la façade avant ne connait qu’un rang de fenêtres au rez de chaussée, l’arrière en présente deux. Avec ses combles de forte hauteur quasiment aussi élevés que les murs et sa couverture en ardoises, le couvent a de l’allure.
Les nombreux encadrements qui rythment la façade, mais surtout ses frontons triangulaires, dont celui de l’arrière percé d’un oculus, lui donnent une belle apparence. On sent ici une influence palladienne sinon classique que seule une restauration digne de ce nom pourrait sublimer.

couvent des capucins - arrière - ville de douai
Façade arrière du couvent

Besoin d’une idée originelle ?

Réinstaller la Société d’Agriculture, des sciences et des arts au Couvent des Capucins.

Outre une indispensable rénovation plus respectueuse de son apparence, le couvent des capucins doit renouer avec son passé originel. Il faut évidemment réinstaller la Société d’agriculture, des sciences et des arts, devenue foraine tant elle doit régulièrement changer de localisation, dans les locaux rénovés du couvent des capucins.
Imaginons en outre, dans la perspective du projet déjà évoqué du « quartier Co », la remise en état du Jardin des Plantes rendue possible par la démolition du bâtiment désaffecté de l’IUFM. Cet aménagement permettrait aux promeneurs de traverser la « coulée verte » ainsi reconstituée reliant la porte d’Esquerchin à la rue d’Arras.

Et si on reconstituait le Jardin des Plantes ? (plan Robaut, 1850)

Réintégrée dans son espace originel avec ses fonds historiques, la société, qui gagnerait peut être d’ailleurs à faire évoluer ses statuts, pourrait dans le couvent disposer d’une salle de réunion, d’une bibliothèque mais aussi d’espaces d’exposition. Pourquoi ne pas imaginer, ainsi que le prévoit la loi de 2004 un système de prêt des œuvres du musée de la Chartreuse, dans la multitude que le public ne voit pas parce qu’elle est dans les dépôts ? Des salles de séminaires, ouvertes à d’autres organismes ou des entreprises, pourraient se tenir dans ces locaux exceptionnels et modernisés, enrichis d’une offre de restauration proposée au public qui pourrait également profiter aux beaux jours, d’une terrasse sur le jardin à l’arrière du bâtiment.

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L’Hôpital Général

l'hôpital général douai

Nos beaux et vieux bâtiments… vides (2)

Ville historique au riche patrimoine, Douai possède une caractéristique frappante : la présence dans ses rues de nombreux bâtiments anciens, parfois énormes, souvent classés mais… vides.

L’Hôpital Général de la Charité

Compte tenu de sa valeur patrimoniale, la Charité ou plutôt l’Hôpital Général de la Charité de Douai, près de la porte de Valenciennes, est un bâtiment d’exception. Démarrée en 1756, la construction du corps principal a été terminée en quatre années seulement mais différents ajouts ont agrandi l’ensemble jusqu’au début du XIX° siècle.

Rien ne révèle mieux la puissance financière des provinces septentrionales de la France au milieu du XVIII° siècle que la floraison à Dunkerque, Lille, Valenciennes et Douai d’hôpitaux généraux chargés de prendre en charge les indigents selon les principes coercitifs qui faisaient obligation aux autorités locales de les enfermer dans un bâtiment clos.

Dans les Flandres et le Hainaut rattachés plus tardivement au royaume, cet édit qui conservait une partie de sa puissance, reçut toutefois une mise en œuvre plus nuancée. D’abord au titre d’une autonomie que ces provinces défendaient farouchement mais ensuite parce que la diffusion des Lumières poussait peu à peu les élites à prendre conscience de leurs obligations sociales envers les pauvres.

Promoteur de la construction de la Charité, premier président du Parlement de Flandre, Charles-Joseph de Pollinchove fut l’initiateur du projet. Le financement était supporté par l’aliénation de revenus de la ville ainsi que les dons des riches familles Douaisiennes. Les besoins étaient grands dans une province populeuse où toute une part des habitants pouvait glisser de la pauvreté à l’indigence au moindre retournement de la conjoncture économique.

Un bâtiment public d’ancien régime

Le plan, qui s’étale sur près de 20 000 m2 de surface, présente la forme d’un carré partagé en croix dont le centre est une chapelle permettant, sur le principe du panoptique, aux femmes, hommes et enfants, soigneusement séparés, d’écouter la messe. 
Le bâtiment à la destination toute utilitaire est construit en briques, pierre de calcaire pour les encadrements et grès pour les soubassements.
Les toits, en ardoise, sont partagés en larmiers qui sont autant de protections contre l’incendie. Le fronton d’entrée sur le Canteleu qui représente la Charité a été réalisé en 1835 par Théophile Bra, sculpteur local.
L’ordonnance du lieu comme sa décoration en font un exemple parfait de l’architecture publique de l’Ancien Régime parvenu jusqu’à nous à peu près préservé. Endommagé partiellement par les bombardements alliés de 1944, sa reconstruction s’est réalisée en parallèle de l’inscription à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1946.

l'hôpital général douai

Longtemps hospice pour  vieillards mais aussi maison d’accueil pour les orphelins qui y recevaient une formation professionnelle, l’Hôpital général a conservé cette première fonction jusqu’en 2011, date à laquelle l’établissement a été désaffecté.
Vide depuis lors, il n’a pas manqué dès cet instant de faire l’objet de projets nombreux d’aménagement qui, en dépit d’une forte médiatisation, n’ont jamais encore abouti.

Les contribuables assurent les rabais

Racheté par la CAD en 2012 pour 3,8 millions d’euros, le bâtiment a été vendu l’année suivante pour 2,5 millions à la « Financière Vauban », holding basée à Tournai qui envisageait d’en faire un hôtel de luxe associé à une opération de vente immobilière, sachant que le classement permet d’intéressantes défiscalisations pour les acheteurs.
Les promoteurs, quant à eux, ont fait une bonne affaire puisqu’ils ont obtenu un rabais de plus d’un million. Les Douaisiens un peu moins puisqu’ils ont payé de leur poche la différence de prix.

Mirabeau sur Scarpe

L’Hôtel Mirabeau – on se demande ce que ce noble provençal à la postérité discutable vient faire sur les rives de la Scarpe –   annoncé à grand renfort médiatique dès 2012 par Jacques Vernier, sans doute pour faciliter l’élection de Françoise Prouvost, paraît sept ans plus tard absolument enlisé, constat qui ne manque pas d’interroger.

Un projet identique à Valenciennes – l’hôpital général de la Charité – mené par le même investisseur vient après dix ans de lourds travaux d’être livré. Le Royal Hainaut – beau nom qui lui au moins dit tout – a multiplié tant de difficultés et de retards qu’on tremble un peu qu’il en soit de même pour Douai.
On s’inquiète surtout que le promoteur, qui a vu deux groupes hôteliers partenaires crever sous lui (la Société Lilloise d’Investissement Hôtelier, SLIH qui gère le Crowne Plaza et L’Hermitage Gantois puis un groupe belge Martin’s Hôtels), ne sorte si épuisé d’une telle épreuve qu’il ne puisse aller plus loin. Il aurait déboursé 70 millions d’euros pour finir le chantier du Hainaut sans parler de l’obligation de créer une société hôtelière ad hoc, option qui parait indispensable pour Douai, la SLIH ayant depuis disparu du paysage.

Le Royal Hainaut à Valenciennes

Silence, on vous informe

Pour tout citoyen qui souhaite s’informer, il faut vraiment chercher pour obtenir des éléments sur ce dossier. Comme à chaque fois qu’un projet part en quenouille, au lieu de communiquer franchement, la CAD – enfin Douaisis Agglo – ainsi que la municipalité restent cois.
Nous avons ici ce qu’on pourrait appeler le syndrome scabinal : tout silence prolongé suivant un gros bruit médiatique est à Douai la preuve du loup.

Si le « curage » du bâtiment a été mené jusqu’au bout (il n’a plus aucune fenêtre, l’intérieur est décapé), on croit avoir compris que les entreprises chargées du gros œuvre et de la réfection de la façade ont déposé le bilan et qu’il faudra du temps pour en trouver d’autres.
Par ailleurs, selon le patron de Vauban, « l’année blanche fiscale », liée à la mise en place du prélèvement à la source, aurait plombé les investissements immobiliers très faibles en France cette année.

© SMB bâtiment

Les travaux devraient reprendre à la rentrée de septembre, c’est tout le bien que nous souhaitons à ce magnifique bâtiment.

Besoin d’une idée transparente?

Nous pourrions insister auprès du propriétaire pour qu’un nouvel opérateur soit désigné en urgence afin de relancer ce chantier resté à l’état de projet. Nous pourrions aussi souhaiter que la puissance publique se substitue au privé défaillant. Nous nous en garderons bien.

En revanche, il parait indispensable d’informer les contribuables de la situation exacte de ce chantier. Des visites ont été organisées, ce qui était bienvenu, mais tout citoyen aurait le droit, outre celui de regarder ce beau bâtiment, d’obtenir régulièrement des éléments sur son devenir.
Voilà qui serait une bonne occasion pour nos élus de prouver leur transparence sur la gestion des deniers publics mais plus encore de démontrer de leur capacité visionnaire. Dans ce dernier cas, la réhabilitation de la Charité de Douai verra-t-elle le jour avant la fin du prochain mandat municipal ? Les paris sont ouverts !

Nous aurions ainsi peut être un beau et vieux bâtiment… plein.

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L’hôtel de la Tramerie

Hôtel de la Tramerie

Nos beaux et vieux bâtiments…vides (1)

Ville historique au riche patrimoine, Douai possède une caractéristique frappante : la présence dans ses rues de nombreux bâtiments anciens, parfois énormes, souvent classés mais… vides.

Le joyau de la rue des Foulons

Commençons par le petit joyau de la rue des Foulons, le fameux hôtel de la Tramerie. Son nom ne provient pas, comme on aurait pu éventuellement l’imaginer, de la production drapière mais de ses supposés premiers propriétaires, les sieurs de la Tramerie.

Cette famille qui a entretenu de nombreux liens avec de grandes lignées douaisiennes (de Gouy, de Bavinchove etc.) a produit au début du XVII° siècle les puissants seigneurs « de Roucou et du Forest », gouverneurs de la place d’Aire sur la Lys.

L’appellation est impropre puisque les archives révèlent que ce bâtiment, qui était à proximité du véritable hôtel de la famille de la Tramerie, ne lui appartenait pas. Il aurait été construit par un marchand brasseur au début du XVII° siècle avant d’être transformé ensuite en hôtel particulier. Devenu la propriété d’un officier général, juste avant la Révolution, il est passé à ses descendants, notamment les Balthazar qui en ont fait une institution pour jeunes filles, première destination de ce local qui allait en connaître, non sans dommages, de très diverses.

Des usages variés au fil du temps

On lui compte en effet, toutes sortes d’utilisations jusqu’aux années 60, de l’installation d’artisans, du service des contributions indirectes, du logement d’une multitude de gens, notamment après le legs du bâtiment, au début du siècle, par la  famille Demont, à la commune.

C’est d’ailleurs quand il fut question d’installer un bureau de poste dans les lieux et pour éviter les risques de dégradations qui pouvaient en découler, qu’un classement de la façade et de la toiture fut enfin décidé en septembre 1932, sachant que l’hôtel entier avait été inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques l’année précédente.

Vide pendant des décennies, livré au vandalisme en dépit de sa protection légale, on s’interroge sur ce que sont devenus ses boiseries, ses parquets et ses ornementations, retirées – volées ? – de l’intégralité de sa surface.  On accusera sans doute la mérule, ou encore la relative jeunesse de ces aménagements. Ils dataient probablement de la restauration de 1889 ou de celle qui avait suivi l’incendie de 1913. Leur valeur historique était peut être faible.

Un bâtiment classé longtemps délaissé

Quoi qu’il en soit, on peut regretter qu’un bâtiment classé, possession de la commune, n’ait pas fait l’objet d’une protection plus sérieuse. De même, de nombreuses destinations ont été envisagées sous le long règne de Jacques Vernier. La plus aboutie, mais sans succès, ayant été celle de l’installation des bureaux de la toute proche Soginorpa, alias Maisons et Cités.

C’est sans doute l’échec de ce projet qui a paradoxalement permis la restauration du bâtiment. Il menaçait ruine quand, en 2013, avec l’aide de l’Etat, de la DRAC et du conseil départemental, la reprise des extérieurs fut lancée. Avec plus d’un million d’euros de budget (comme toujours à Douai, la connaissance du coût exact est une gageure), les travaux se sont toutefois révélés d’une grande qualité. Si l’intérieur est resté quasi inchangé c’est à dire nu, on note la réfection complète des sculptures des fenêtres, la rénovation totale du toit et des ouvrants. On reste juste un peu dubitatif quant à la rougeur accusée des joints des grès du rez-de-chaussée, mais c’est sans doute parce que nous sommes un peu trop habitués à la couleur du mâchefer que les maçons douaisiens utilisaient habituellement.

Hôtel de la Tramerie à Douai - arrière du bâtiment
Hôtel de la Tramerie – arrière du bâtiment

Six années plus tard, une coquille vide

La lecture dans la presse des sévères déclarations de M. Chéreau en 2013, quand il était dans l’opposition municipale, permet de mesurer ce qui sépare, dans le monde du réel, la parole des actes. Reprenons sans problème, puisqu’il s’agit de la même personne, les critiques du candidat à la mairie envers celui qui la dirige depuis 2000 jours ou presque. L’Hôtel de la Tramerie reste une coquille vide et c’est bien dommage.

On s’inquiète aussitôt de la frénésie qui pourrait saisir la municipalité pour trouver en urgence au bâtiment, à quelques semaines des élections, une destination bâclée à base de transformation en logement social ou d’implantation de bureaux ou autres services improbables.

Besoin d’une idée pleine?

En voilà deux, assez proches tournées vers les entreprises, si d’aventure la commune décidait d’abandonner l’eau tiède des solutions banales.

La première serait d’offrir, sous la condition juridique d’un bail emphytéotique, à une personne privée la possibilité d’installer par exemple « une maison d’hôtes d’entreprise » sur le modèle de « ma pièce » à Lyon, concept innovant autour de l’hébergement et l’organisation d’événements d’entreprises dans 4 lieux différents dans la ville (ça tombe bien il y a beaucoup de bâtiments vides à Douai). Design thinking/ serious game/afterwork/séminaires… une palette de services à la carte est proposée. Tout comme dans le même esprit Chateau form city ‘ dont la promesse est de « faire vivre une expérience pour vos réunions au cœur des villes dans une ambiance chic, inspirée et inspirante« . Une commune qui a été capable d’offrir un investissement d’1,4 million à un restaurateur étoilé (ce qui était une bonne idée) doit pouvoir reprendre cette logique pour un projet qui aurait l’avantage de laisser au privé le coût de l’aménagement intérieur selon un cahier des charges adapté aux exigences de ce monument historique.

La seconde. Pourquoi ne pas transformer l’Hôtel de la Tramerie en « espace de coworking et de co-design » Il pourrait en effet avec intérêt devenir un espace ouvert où rencontres, réunions, échanges informels pourraient se développer après un réaménagement des locaux offrant des ressources matérielles et des services de toute nature (co-working, relais de services etc.). De  nombreux projets de cet ordre ont déjà vu le jour dans la région ainsi à Lille (hall du beffroi consulaire), aménagement intelligent qui permet de soutenir le développement de l’économie locale.

Nous aurions ainsi un beau et vieux bâtiment… plein.

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La fin des embouteillages

bière à douai la fin des embouteillages

En 1900, nommé professeur au lycée de Douai, le jeune agrégé et futur géographe Raoul Blanchard est frappé lors de son arrivée par le nombre impressionnant de vespasiennes qui parsèment la ville : « il y en avait partout. Mon sens géographique me suggéra aussitôt que la présence de ces édicules était liée à un usage constant et copieux de la bière. »

La bière de Flandre

Déduction impeccable. A cette époque, les débits de boissons sont innombrables dans la ville. On en compte plusieurs centaines. La bière coule à flots sous toutes les formes.

La Flandre est, comme toutes les régions septentrionales de l’Europe jusqu’en Scandinavie, un grand espace brassicole. Les traces du breuvage y sont très anciennes. Bien plus sûre que l’eau dont la dangerosité était bien connue des hommes de l’époque, la bière est probablement, comme le cidre l’a été pour la Normandie, une des clés de la prospérité de la région. Elle a certes directement limité la mortalité de la population mais surtout, indirectement, a dynamisé, par son importance, les échanges de l’économie locale.

Une clé de la prospérité douaisienne

Le monopole de la vente des grains dont bénéficiait la ville depuis Philippe Le Bel, source de richesse bien plus durable que la draperie, concernait essentiellement l’orge que les négociants stockaient sur les quais de la Scarpe pour la vendre ensuite sur la place d’Armes.

Au XIX° siècle, les brasseurs étaient en ville une confrérie puissante et prospère comme le montre la position enviable de certaines familles.  La muse d’Auguste Angellier, Thérèse Denys, était ainsi issue d’une lignée de brasseurs qui tenaient le haut du pavé.

C’est à cette époque que la fabrication de la bière, inchangée depuis le Moyen-Age, se transforme. A l’origine essentiellement artisanale et basée sur la fermentation haute, elle devient peu à peu, avec l’invention de la réfrigération, plus stable par la fermentation basse que seules les entreprises importantes peuvent mettre en œuvre.

A Douai, après la première guerre mondiale, le secteur se concentre comme le montre la fondation des Enfants de Gayant qui rassemble en 1919 plusieurs brasseries locales. Peu avant le conflit,  La Nationale s’était s’installée au bord de la Scarpe. Le long du canal se repère encore aujourd’hui son impressionnante emprise de la rue du Gouvernement. De même, ici ou là, en regardant bien certaines habitations privées, quelques malteries se devinent sur les toits.

jour sans bière - jour misère
Jour sans bière – Jour misère

Les brasseurs disparaissent

Autre lien fort entre la ville et la bière, l’Ecole nationale des industries agricoles qui a formé durant des décennies ingénieurs et techniciens appelés à diriger les brasseries dans la région et même au delà. Beaucoup plus modeste, cette formation a subsisté au lycée agricole BioTech’ de Wagnonville dont les élèves apprennent à brasser en produisant en très petite série quelques bières spéciales.

Passé quasi inaperçu le départ en 2017 des Brasseurs De Gayant a marqué la fin d’une histoire millénaire. Dès lors, Douai ne produit plus de bière, ce qui n’était pas arrivé depuis l’époque médiévale. On ne peut que regretter – ce qui arrive souvent – que personne n’ait été capable d’empêcher ce déménagement tellement révélateur du déclin de notre ville.

Quels furent donc les arguments définitifs de Saint Omer, qui pèse deux fois moins que Douai en population, pour réussir à obtenir l’installation de cette entreprise purement douaisienne sur son territoire ?

En conclusion, on se prend à rêver, à un moment où la bière connaît un véritable regain auprès des consommateurs, que Douai puisse renouer avec sa tradition millénaire.

Besoin d’une idée maltée?

Imaginons un lieu actuellement désaffecté – on n’en manque pas – dans lequel la formation des brasseurs pourrait s’établir ainsi qu’un musée de la bière. Ce projet est parfaitement possible quand on mesure le succès de la récente exposition et du marché des producteurs de bières au Musée de la chartreuse. Cette brasserie pourrait être visitable à l’exemple de tant d’endroits dans le monde et enfin on y trouverait un estaminet dans lequel serait commercialisées la bière produite sur place, comme des productions locales sinon internationales.

bière marché des producteurs - musée de la chartreuse douai
Marché des producteurs de bières – Musée de la Chartreuse – septembre 2019

Douaisiens, encore un effort pour rester brassicoles !

*L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.

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