Douaisis Agglo s’habille en Camaïeu

C’était, de la cérémonie des vœux de notre grand patron, Christian Poiret, le truc qu’il fallait retenir : Douaisis Agglo s’implante dans le centre ville de Douai en investissant le local déserté voilà peu par Camaïeu.

Technique de vente

C’est un beau bâtiment, y’a pas à dire. Super bien placé au cœur de la « croix de Douai » mais surtout un marqueur important du passé de la cité.
Le Soldat Laboureur puis la Villa Toriani avec son célébrissime Cinatus, témoins d’une splendeur révolue, quand les conducteurs et les motards au gosier asséché pouvaient se garer au pied de leur troquet favori.

Point fort de ce spectacle d’autocélébration payé chaque année par ceux qui n’y sont pas invités, cette annonce – peu coûteuse si on la compare aux « éléphants blancs » habituels – est un coup de triangulation plutôt réussi.

D’abord par l’inversion toujours maline, chez notre vendeur de métier, des critiques reçues par la communauté d’agglomération qui nie Douai dès qu’elle le peut.
C’est une vérité ? Il suffit de la retourner : « nous travaillons pour la ville centre qui doit être une locomotive » . Ben, oui, s’il le dit c’est que c’est vrai.

Avec la certitude de la victoire, notre président au carré sort de son seul cerveau et d’un coin de table une solution miracle au désastre commercial du centre ville… à deux pas du beffroi.
Il ne lésine pas le Christian, il dégaine une réponse « Douaisis Agglo » quelques semaines après la fermeture de Camaïeu quand de nombreux magasins restent vides des années sans que cela n’émeuve nos édiles communaux sauveurs de planète.

Parions que ce truc va avancer à toute vitesse devant les citoyens ébahis et, pire encore, devant la majorité municipale qui pourra toujours juger de sa propre efficacité en y passant devant chaque matin.

Technique de provocation

Comme un gros pied de nez, Douaizizaglo pose en « cœur de ville » une provocation de grande dimension. C’est l’OM qui installe ses dirigeants au Parc des Princes ou le PSG les siens au stade Vélodrome.
On appuie là où ça fait mal et il faut reconnaître que c’est plutôt bien fait. Que peut dire Frédéric Chéreau qui a découvert lors des vœux cette invention perfide ? Rien. S’opposer est impossible. Critiquer coûtera cher.
Reste le silence gêné ou, mieux, l’élément de langage justifiant cette conquête de l’ennemi, tellement plus fort que soi-même. La VDN, qui rapporte les propos de notre maire, vend la mèche : « cette annonce est une belle annonce » . Ben oui, quoi…

Nul doute, hors l’envie pressante de se moquer de ses rivaux municipaux, que notre parrain souhaite reconquérir le terrain perdu dans l’électorat douaisien. Il est vrai que le crédit du « seigneur de Lauwin-Planque » y a bien baissé, ce qui la fiche mal quand on considère qu’il s’agit là du socle de sa puissance départementale.
On aura sans doute sur les grandes vitrines de l’ancien Camaïeu, siglées Douaisis Agglo, la trombine du président tout puissant, histoire de rappeler qu’il faut voter pour le boss qui « travaille, lui » .

On y place entre autres l’office du tourisme sorti de l’hôtel du Dauphin « trop exigu » , déménagement censé prouver que ça progresse depuis que cette compétence a été donnée à Douaizizaglo. Nous v’là avec sur les bras un local vide qui fera la paire avec le Passage Gayant

Ouh là ! On va ramer pour trouver une utilité à l’hôtel du Dauphin !
© La Voix du Nord

Cette installation est aussi une réussite à mettre au crédit de notre vice-président de Cour « insoumis » , lequel va peut être obtenir par cette bonne exposition médiatique le moyen de préparer la future conquête municipale.
Bon, il fait du tourisme, d’accord, mais quelle sera donc sa couleur partisane ? Ménidienne, marcheuse, nupésien-n-e, verdâtre, douaisinolâtre ? On a hâte de savoir.

Technique de camouflage

Il était quand même possible de rappeler à nos maîtres agglomérés, une fois le nuage de communication dissipé, qu’ils avaient un endroit parfaitement adapté pour y poser leurs services : l’hôpital général.
C’est beau, c’est grand, c’est dans le centre-ville, ça ne manque pas d’allure et c’est vide par leur faute.
Voilà ce qui aurait bien aidé à améliorer leur réputation et l’avenir de ce bâtiment à la dérive depuis plus d’une décennie. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait nos voisins valenciennois en installant une partie de leurs bureaux dans l’emprise du Royal Hainaut.

Hors ces tactiques politicardes de bas étage, passons quand même au principal : le symbolique stratégique.
Si on comprend bien, on échange un magasin pour un centre multiservices censé sauver le centre-ville. Un peu comme Frais-Marais quand on fait aux habitants, qui n’ont plus rien, l’aumône de quelques administrations délocalisées. Là, on les concentre dans le cœur de ville mais l’idée est la même.

Cette décision confirme le rôle assigné à la capitale du territoire. Perdant sa fonction commerciale, elle doit se transformer en cité administrative. La mutation bientôt achevée, Douai sera définitivement à l’abri du marché, système décidément trop exigeant. Il est tellement plus simple de solliciter l’argent public gratuit.

On pourra poser dans les cellules vides, à côté des opticiens, pharmaciens et autres agences bancaires, des services répondant mieux aux besoins d’une population elle aussi en pleine transformation. Elle pourra de plus être transportée gratuitement vers le centre où elle trouvera tout ce qui est utile : pôle emploi, CAF, Restos du Cœur, abris de nuit, poste de police…

Technique de foutage de gu….

Loin du dévoilement d’un « grand dessein » révolutionnant l’avenir du Douaisis par Douai ou, mieux, de la définition d’une stratégie touristique de haute volée, terminons en beauté par l’exemple du bienfait concret, selon l’inventeur lui même, qu’apporte cette installation aux Douaisiens.
On imagine sans peine que l’énoncer devait procurer à Christian Poiret une certaine jubilation, celle qu’on ressent quand on se venge d’un voisin détesté en lui offrant un cadeau pourri. Il doit l’accepter et en plus remercier.

Reprenons les citations de la VDN. Elles commencent bien : « vous verrez qu’il y aura toutes les compétences de Douaisis Agglo » mais après on a ça : « celui qui n’aura pas ses sacs poubelle à l’heure, il pourra aller les chercher place d’Armes » .

T’es pas content le Douaisien ? Va chercher tes sacs et réjouis toi !

Quand les squats flambent

Phénomène qui a défrayé la chronique nationale quand quelques pauvres proprios se trouvaient dépossédés de leur bien par des margoulins sans scrupules, les squats n’épargnent pas Douai non plus.

La fin du droit de propriété

Ces péripéties, quand on les regarde de près, sont emblématiques de l’actuelle impuissance publique. L’empêchement ne tient d’ailleurs pas à la supposée difficulté de les régler. Il découle de l’invention de droits « supérieurs » à celui de propriété que nos ancêtres avaient pourtant sacralisé en 1789.

Ce glissement juridique est à mettre en face de l’opinion quand on sait que 90% des citoyens interrogés défendent ce vieux principe dans tous les sondages. Le Parlement a légiféré contre le populo proprio, est-ce donc possible ?

Conscient du léger décalage qui existe de nos jours entre ces lois dingues (du DALO au SRU en passant par le sublime Duflot) et l’avis des Français, le gouvernement a inventé voilà peu un pompeux « observatoire des squats » censé donner en temps réel l’état de ces occupations sans titre, histoire de démontrer qu’il est efficace.

La lecture de ce tableau fait sourire (en janvier 2021, sur 124 cas, 17 pour les Hauts-de-France, sur… plusieurs milliers de procédures en France…). Les critères excluent pas mal de situations, notamment celles où le bien concerné n’est pas habité régulièrement, par exemple une résidence secondaire.
De même, pour intégrer cette liste, il faut avoir déclenché avant tous les leviers légaux avec avocats, huissiers et tout le tintouin.

Qu’on se rassure, ces affaires ne disparaitront pas de sitôt sauf dans le cas où le parlement irait jusqu’au bout dans les réformes en cours sur le sujet. Comme on a perdu notre Dimitri, ce n’est pas gagné.

Un marqueur de paupérisation

Les squats sont, quand ils se multiplient dans une ville, un indicateur de la dégradation des valeurs immobilières, résultat de la baisse de sa population – d’où la vacance des biens – cause et conséquence de l’effondrement de l’attractivité économique.
Ce phénomène, qui a été étudié par les urbanistes et les géographes, s’accompagne toujours des mêmes caractéristiques sociales, l’apparition d’une population pauvre et foraine ainsi que la hausse de l’insécurité. Quand on y pense, il y a assez peu de squats à Neuilly ou dans le XVI° arrondissement de Paris.

L’autre conséquence est la mise en péril des bâtiments car le destin d’un squat, très souvent, c’est de se transformer en fumée. Ces incendies peuvent être déclenchés par des branchements électriques bricolés ou, pire, par de bonnes flambées improvisées. Un meuble mis en petits bois bien secs et hop, c’est le feu de camp au milieu de la pièce.

Le vandalisme n’est aussi jamais très loin, excité par la facilité des accessibilités qu’aide une absence généralisée de surveillance. De même, l’abandon et le délabrement sont autant d’invitations aux dégradations selon le principe bien connu du carreau cassé qui veut qu’un de plus ou de moins, après tout…
Terminons enfin par l’impunité. L’anonymat des auteurs est toujours la règle. Quand ce n’est pas le cas, les sanctions sont inexistantes, comme le prouvent les piteuses conclusions policières et judiciaires des exemples qui suivent.

Les squats de Douai

A Douai, les squats prospèrent en silence, qu’ils soient publics ou privés. Dans ce dernier cas, il s’agit surtout de biens en déshérence que plus personne ne gère.

Une balade dans les rues du centre-ville et l’examen attentif de l’état des maisons les plus dégradées peut faire apparaître, ici ou là, des signes évidents d’occupations sauvages. C’est une porte ou une trappe de cave mal fermées, des serrures déglinguées ou encore l’allure bizarre des rideaux ou des ouvrants. On conseille aux lecteurs de s’amuser à observer ces signes lors de leur promenade dominicale.

Dans un mélange public/privé, on peut mettre dans le groupe qui précède les ruelles qui offrent, si on parvient à contrôler les portes d’entrée, une installation discrète dans les maisons qui s’y trouvent, restaurées avec les aides européennes mais officiellement inhabitées.
Ce fut ainsi le cas de la ruelle des Minimes qui donne sur la rue des Foulons, à quelques mètres de la mairie. Les occupants, trop malins, avaient même installé une machine à laver !

Un patrimoine en cendres

Peu de monde défend la qualité architecturale du bâtiment de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) qui se trouve rue de Roubaix. Vu de loin, ce gros truc brutaliste a pourtant belle allure mais quand on le regarde de près, on voit qu’il a pris cher, bien noirci ici ou là.
Désaffecté depuis juillet 2018 après qu’un violent incendie ait détruit une partie de la toiture, il en a connu un autre en janvier 2020 au sous-sol, transformant en chaleur les archives d’une administration depuis évanouie. Il ne manquait plus qu’un peu de flammes entre les deux niveaux déjà cramés, ce qui a été chose faite en décembre dernier.
De l’avis des spécialistes, il y a un lien formel entre son statut de squat et ces incendies à répétition.

Il était beau ce bâtiment… Payé par nos impôts…

Après le feu arrive l’eau. Dans ce cas, rappelons le triste sort réservé à notre ancienne université, squattée régulièrement comme le prouvent les traces d’habitation qu’on voit si on y fait un tour.
En mars dernier, on a découvert fortuitement une fuite dans ses sous-sols, entièrement noyés sur 2,5 mètres de hauteur. L’ampleur de l’inondation a été estimée à près de 1 200 m3. Pour donner un ordre de grandeur, c’est un peu moins que le remplissage de Sourcéane et presque le double de la piscine des Glacis.
Là encore, pas de doute, « l’acte malveillant » est évident comme l’ont reconnu les experts. Nos braves squatteurs devaient avoir soif.

Terminons en beauté par notre ancien IUFM, vainqueur toutes catégories des squats inflammables.
Largement pillé et fréquemment visité, le bâtiment a connu de nombreux « départs d’incendie » depuis sa fermeture définitive en juillet 2010. Un peu énervée, la VDN les égrène dans ses colonnes : ainsi en août 2020 – assez conséquent – puis en octobre et enfin en novembre 2022.
A chaque fois, la source des feux se trouve dans la « partie squattée » , laquelle est située tout à côté des services départementaux, proximité assez amusante quand on sait que ce bâtiment leur appartient.
Plaignons, non pas ce dernier, mais les riverains impuissants devant ces dangereux sinistres.

Oh, non, pas ça !

Que faire ?

Que dire au final ? C’est une affaire compliquée comme toujours à Douai quand l’intervention publique réclame énergie et ressources financières.
Il manque toujours un des deux trucs et même régulièrement les deux.
Tous les désastres cités – on a évité l’Hôpital Général qui est hors concours – reçoivent à chaque fois des excuses, quand on découvre le feu ou la flotte, en forme de projets à venir : « oui, oui, c’est bon, on a prévu un truc, c’est réglé » .
Ces piètres arguments relèvent évidemment de l’effet d’annonce, destiné à éteindre le ressentiment du citoyen, jusqu’au prochain incendie qu’on observera une fois de plus les bras ballants.