Trop d’impôt tue la ville

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En période électorale, la question des impôts locaux payés par les habitants est une interrogation obligatoire. Le principe est simple. Tout Douaisien donne de sa poche pour faire fonctionner les services de sa ville et même un peu plus. Dans ce « plus », il y a les investissements qui préparent l’avenir, comme les pistes cyclables ou le restaurant le Prévost.

Un système incohérent

Penchons nous sur deux impôts locaux principaux, la taxe d’habitation et la taxe foncière, cette dernière assumée par les seuls propriétaires. Nous évoquerons en conclusion la suppression de la première qui va changer profondément la donne de la fiscalité locale. C’était pourtant la ressource la plus importante des communes. A Douai, elle compte pour un tiers des 60 millions du budget de la ville.

Le calcul de la TH et de la TF relève de logiques curieuses, de celles dont notre pays a le triste privilège en matière fiscale, c’est-à-dire le n’importe quoi. D’une part les valeurs qui servent de base de calcul sont les mêmes depuis 1970 et de l’autre l’imposition n’a aucun rapport avec les revenus des habitants.

Taxes d’habitation et foncières sont en effet calculées sur une « base locative cadastrale » fictive, valeur de 1970 actualisée automatiquement et qui dépend d’éléments divers. On y trouve le confort du bien (WC, chauffage, salle de bain etc.), son emplacement, sa taille, son état d’entretien etc. C’est sur cette valeur que la commune applique le taux qu’elle vote.

Une « commission communale des impôts directs » est chargée de réviser les valeurs cadastrales. Elle est constituée de contribuables choisis par la mairie d’abord (qui propose une liste de « spécialistes », notaires ou agents immobiliers, distribués selon les quartiers) puis le Trésor Public qui distingue dans le lot 8 personnes. Difficile de connaître l’identité de ces experts installés à chaque élection, dans les faits probablement reconduits de mandat en mandat. Si un des membres de la commission lit ces lignes, on aimerait qu’il nous explique comment ça marche.

On prend cher à Douai

Les taux de Douai pour la taxe d’habitation sont à 28,95% quand Cuincy est à 12,57% et Lauwin-Planque à 19,91%.
Il faut se méfier de ces chiffres. Un village de Corse, Tasso, possède le douteux avantage d’un taux à 50,09% quand Neuilly sur Seine est à 12,57%. La différence provient de cette fameuse valeur locative révisée par la commission communale. 12,57% à Neuilly rapportent beaucoup et 50,09% à Tasso, très peu.

Les communes du Nord connaissent des taux qui sont parmi les plus hauts de France (d’où peut être le nom de la région) parce que leurs bases seraient faibles.
Sur 35361 communes du pays, dans les 100 taux les plus forts (de 30% à 50%), le Nord en constitue plus d’un tiers. Selon la Cour Régionale des Comptes, les bases de Douai sont « inférieures aux moyennes de la strate » (867,1 euros/habitant en 2018). On peut faire l’hypothèse qu’elles étaient en 1970 peu élevées, encore qu’on ne comprend pas vraiment pourquoi.

D’ailleurs, il n’est pas facile de connaître cette valeur locative, ni de la comprendre, ni même de la comparer avec celle des communes voisines. Des Douaisiens découvrent d’une année sur l’autre, alors qu’aucune amélioration de leur bien ne s’est réalisée, qu’elle augmente automatiquement et pas dans de faibles proportions.

Cette tendance est d’autant plus étonnante qu’à Douai les valeurs immobilières baissent régulièrement depuis des années. Il suffit de comparer les prix des maisons mises en vente aujourd’hui et celles qui l’étaient voilà dix ans. Avec plus de nuances selon les biens, la location est peu dynamique, ce qui rend ces augmentations « automatiques » incompréhensibles.

Car encore une fois, la fuite des habitants, processus complexe, a peut-être un lien avec le taux d’imposition. Il est courant d’entendre des Douaisiens se plaindre du poids de la fiscalité locale et d’expliquer ainsi la baisse de la population. L’examen des taux parait leur donner raison et cela d’autant plus que les valeurs locatives des communes voisines ne doivent pas beaucoup s’éloigner de celles de Douai. Il vaut mieux habiter Lambres ou Cuincy pour profiter des services de la grosse ville sans y payer ses impôts.

On peut d’ailleurs se représenter sans peine le cercle vicieux ainsi lancé : à budget constant, la baisse de la population conduit la municipalité à augmenter les impôts sur ceux qui restent. De plus en plus ponctionnés, la fuite des payants s’amplifie. Incapable de baisser ses dépenses, la commune appuie sur les taux. Les gens continuent à partir etc. Au bout du cycle, de moins en moins de Douaisiens mais à l’inverse des impôts locaux de plus en plus lourds.

Les chiffres paraissent donner raison à ce terrible enchainement. La hausse des deux taxes (TF et TH) depuis 2000 est forte, plus de 40%. Leurs taux étaient alors à 20%. Ils sont respectivement aujourd’hui à 29,55% et à 28,95%. La baisse de la population de Douai est exactement inverse à l’augmentation des taux. Etonnant, non?

Une seule option, l’augmentation

Comment ne pas soulever la responsabilité des municipalités successives dans cette évolution fiscale toujours plus lourde ?

Nous nous souvenons de la déclaration de F. Chéreau quand il a augmenté les taux « par précaution », justification qui vaut son pesant de fiscalité. Mieux, l’argument avancé pour répondre aux critiques était que « d’autres villes sont plus imposées que la notre ». Outre que cette déclaration est démentie par la périphérie de la ville, on pourrait ensuite demander aux Douaisiens s’ils souhaitent se rapprocher de ces chanceux qui paient plus qu’eux, à Condé sur Escaut (43,17%), Lambersart (37,80 %) ou Valenciennes (35,50 %).

Quoi qu’il en soit la disparition de la taxe d’habitation rend tous ces raisonnements inutiles puisque supprimée dès cette année pour les plus pauvres, elle n’existera plus pour tous les contribuables en 2023.

Prudence cependant. Le gouvernement a fait le choix, pour compenser cette perte de revenu pour les communes, de faire glisser sur elles l’intégralité du produit de la taxe foncière auparavant attribué aux départements. Si la révision des bases est prévue à partir de 2022 – sur dix ans – les municipalités continueront donc à fixer les taux. Pour mémoire, celui de Douai, à 29,55%, n’est battu dans sa périphérie que par Flers qui se situe à 31,7%.

Plutôt habile, cette réforme parait résoudre toutes les contradictions d’une fiscalité locale incohérente. La commune conserve, certes amoindri, un pouvoir propre sur ses ressources. Les bases, révisées par la redoutable et secrète commission communale, seront plus justes. C’est dit, c’est écrit.

Le Douaisien critique fera remarquer que seuls les propriétaires assureront le coût d’un impôt auxquels échapperont donc tous les locataires. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre l’effet sur la population de Douai. Estamper les seuls proprios reviendra évidemment à les faire fuir un peu plus. La ville connait 36,8% de propriétaires, soit 6500 foyers sur 17700. L’assiette sera bien réduite. Tremblez possédants, ça va taxer !

De même, parce que les recettes de la taxe foncière ne correspondent pas à celles de la taxe d’habitation, l’Etat est obligé de compenser le manque à gagner des communes. Cette idée diabolique lui donnera un levier d’une grande efficacité pour les contraindre à réduire leurs dépenses. Ce paramètre va en effet s’ajouter à une dotation globale de fonctionnement (DGF) dont les variations à la baisse sont devenues la règle. Craignons que nos élus n’aient la tentation, « par précaution » , de compenser la compensation par des hausses des taux.

Enfin, cette réforme qui possède un coût évident, va être au final supportée par tout le monde à travers l’impôt sur le revenu, la TVA, la TICPE, les taxes délirantes dont la France a le secret… Avec un peu de chance, le fardeau va se vaporiser sur la masse mais il reste une certitude pour nous tous : l’impôt ne baissera pas, ni dans la ville, ni dans le pays.

Max aime apprendre mais parle un peu souvent à la première personne. C'est un travers qu'il combat difficilement. Va falloir l'aider. Il adore la Scarpe et l'orgue de St Pierre, surtout les basses.

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