L’Hôpital Général

l'hôpital général douai

Nos beaux et vieux bâtiments… vides (2)

Ville historique au riche patrimoine, Douai possède une caractéristique frappante : la présence dans ses rues de nombreux bâtiments anciens, parfois énormes, souvent classés mais… vides.

L’Hôpital Général de la Charité

Compte tenu de sa valeur patrimoniale, la Charité ou plutôt l’Hôpital Général de la Charité de Douai, près de la porte de Valenciennes, est un bâtiment d’exception. Démarrée en 1756, la construction du corps principal a été terminée en quatre années seulement mais différents ajouts ont agrandi l’ensemble jusqu’au début du XIX° siècle.

Rien ne révèle mieux la puissance financière des provinces septentrionales de la France au milieu du XVIII° siècle que la floraison à Dunkerque, Lille, Valenciennes et Douai d’hôpitaux généraux chargés de prendre en charge les indigents selon les principes coercitifs qui faisaient obligation aux autorités locales de les enfermer dans un bâtiment clos.

Dans les Flandres et le Hainaut rattachés plus tardivement au royaume, cet édit qui conservait une partie de sa puissance, reçut toutefois une mise en œuvre plus nuancée. D’abord au titre d’une autonomie que ces provinces défendaient farouchement mais ensuite parce que la diffusion des Lumières poussait peu à peu les élites à prendre conscience de leurs obligations sociales envers les pauvres.

Promoteur de la construction de la Charité, premier président du Parlement de Flandre, Charles-Joseph de Pollinchove fut l’initiateur du projet. Le financement était supporté par l’aliénation de revenus de la ville ainsi que les dons des riches familles Douaisiennes. Les besoins étaient grands dans une province populeuse où toute une part des habitants pouvait glisser de la pauvreté à l’indigence au moindre retournement de la conjoncture économique.

Un bâtiment public d’ancien régime

Le plan, qui s’étale sur près de 20 000 m2 de surface, présente la forme d’un carré partagé en croix dont le centre est une chapelle permettant, sur le principe du panoptique, aux femmes, hommes et enfants, soigneusement séparés, d’écouter la messe. 
Le bâtiment à la destination toute utilitaire est construit en briques, pierre de calcaire pour les encadrements et grès pour les soubassements.
Les toits, en ardoise, sont partagés en larmiers qui sont autant de protections contre l’incendie. Le fronton d’entrée sur le Canteleu qui représente la Charité a été réalisé en 1835 par Théophile Bra, sculpteur local.
L’ordonnance du lieu comme sa décoration en font un exemple parfait de l’architecture publique de l’Ancien Régime parvenu jusqu’à nous à peu près préservé. Endommagé partiellement par les bombardements alliés de 1944, sa reconstruction s’est réalisée en parallèle de l’inscription à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1946.

l'hôpital général douai

Longtemps hospice pour  vieillards mais aussi maison d’accueil pour les orphelins qui y recevaient une formation professionnelle, l’Hôpital général a conservé cette première fonction jusqu’en 2011, date à laquelle l’établissement a été désaffecté.
Vide depuis lors, il n’a pas manqué dès cet instant de faire l’objet de projets nombreux d’aménagement qui, en dépit d’une forte médiatisation, n’ont jamais encore abouti.

Les contribuables assurent les rabais

Racheté par la CAD en 2012 pour 3,8 millions d’euros, le bâtiment a été vendu l’année suivante pour 2,5 millions à la « Financière Vauban », holding basée à Tournai qui envisageait d’en faire un hôtel de luxe associé à une opération de vente immobilière, sachant que le classement permet d’intéressantes défiscalisations pour les acheteurs.
Les promoteurs, quant à eux, ont fait une bonne affaire puisqu’ils ont obtenu un rabais de plus d’un million. Les Douaisiens un peu moins puisqu’ils ont payé de leur poche la différence de prix.

Mirabeau sur Scarpe

L’Hôtel Mirabeau – on se demande ce que ce noble provençal à la postérité discutable vient faire sur les rives de la Scarpe –   annoncé à grand renfort médiatique dès 2012 par Jacques Vernier, sans doute pour faciliter l’élection de Françoise Prouvost, paraît sept ans plus tard absolument enlisé, constat qui ne manque pas d’interroger.

Un projet identique à Valenciennes – l’hôpital général de la Charité – mené par le même investisseur vient après dix ans de lourds travaux d’être livré. Le Royal Hainaut – beau nom qui lui au moins dit tout – a multiplié tant de difficultés et de retards qu’on tremble un peu qu’il en soit de même pour Douai.
On s’inquiète surtout que le promoteur, qui a vu deux groupes hôteliers partenaires crever sous lui (la Société Lilloise d’Investissement Hôtelier, SLIH qui gère le Crowne Plaza et L’Hermitage Gantois puis un groupe belge Martin’s Hôtels), ne sorte si épuisé d’une telle épreuve qu’il ne puisse aller plus loin. Il aurait déboursé 70 millions d’euros pour finir le chantier du Hainaut sans parler de l’obligation de créer une société hôtelière ad hoc, option qui parait indispensable pour Douai, la SLIH ayant depuis disparu du paysage.

Le Royal Hainaut à Valenciennes

Silence, on vous informe

Pour tout citoyen qui souhaite s’informer, il faut vraiment chercher pour obtenir des éléments sur ce dossier. Comme à chaque fois qu’un projet part en quenouille, au lieu de communiquer franchement, la CAD – enfin Douaisis Agglo – ainsi que la municipalité restent cois.
Nous avons ici ce qu’on pourrait appeler le syndrome scabinal : tout silence prolongé suivant un gros bruit médiatique est à Douai la preuve du loup.

Si le « curage » du bâtiment a été mené jusqu’au bout (il n’a plus aucune fenêtre, l’intérieur est décapé), on croit avoir compris que les entreprises chargées du gros œuvre et de la réfection de la façade ont déposé le bilan et qu’il faudra du temps pour en trouver d’autres.
Par ailleurs, selon le patron de Vauban, « l’année blanche fiscale », liée à la mise en place du prélèvement à la source, aurait plombé les investissements immobiliers très faibles en France cette année.

© SMB bâtiment

Les travaux devraient reprendre à la rentrée de septembre, c’est tout le bien que nous souhaitons à ce magnifique bâtiment.

Besoin d’une idée transparente?

Nous pourrions insister auprès du propriétaire pour qu’un nouvel opérateur soit désigné en urgence afin de relancer ce chantier resté à l’état de projet. Nous pourrions aussi souhaiter que la puissance publique se substitue au privé défaillant. Nous nous en garderons bien.

En revanche, il parait indispensable d’informer les contribuables de la situation exacte de ce chantier. Des visites ont été organisées, ce qui était bienvenu, mais tout citoyen aurait le droit, outre celui de regarder ce beau bâtiment, d’obtenir régulièrement des éléments sur son devenir.
Voilà qui serait une bonne occasion pour nos élus de prouver leur transparence sur la gestion des deniers publics mais plus encore de démontrer de leur capacité visionnaire. Dans ce dernier cas, la réhabilitation de la Charité de Douai verra-t-elle le jour avant la fin du prochain mandat municipal ? Les paris sont ouverts !

Nous aurions ainsi peut être un beau et vieux bâtiment… plein.

Vous aussi vous avez des idées, partagez-les avec nous.

Max aime apprendre mais parle un peu souvent à la première personne. C'est un travers qu'il combat difficilement. Va falloir l'aider. Il adore la Scarpe et l'orgue de St Pierre, surtout les basses.

10 Comments

  1. On se demande où sont passées les fenêtres déposées ? Celles de la rue du Canteleu étaient d’époque. Celles de la partie donnant sur l’Avenue du Maréchal Leclerc avaient toutes été soufflées sous les bombardements de la dernière guerre et avaient été refaites à l’identique. Précisons une par une, puisque ce n’était pas un travail en série. Que d’argent gaspillé, perdu. Comment voulez-vous que les citoyens puissent encore donner leur confiance à leurs élus ?

    1. Excellente question qu’il serait possible de poser aussi pour la Tramerie quant à sa décoration intérieure. Pour autant, le projet de rénovation devait prendre en compte les impératifs d’isolation thermique, d’où la dépose des ouvrants qui ont certainement fini leur longue vie dans une benne. Le bâtiment est classé (enfin inscrit), ce qui oblige le propriétaire à respecter l’ordonnance des fenêtres. Prions pour que ce dossier puisse aboutir. Il en va de nos impôts. Merci de nous lire.

  2. Annoncé par Jacques Vernier pour faciliter l’élection de Francoise Prouvost ? Quelle rigolade ! Jacques Vernier ne voulait surtout pas de mon élection, raison pour laquelle il a favorisé en sous-main l’émergence d’une liste dissidente.Tout n’était que mensonges et faux-semblants.

  3. Nos acteurs et élus du Douaisis savent que le temps va se couvrir.
    Il est temps de faire les comptes et de régler les musiciens après le concert.
    C’est pour bientôt…
    Mais la période sera difficile car des justifications seront nécessaires !
    Allez encore 10 jours avant de lire la presse locale et ou régionale.

  4. Ô temps ! Suspends ton vol… et vous, heures propices… 2 ans depuis le commentaire…
    Ça commence à faire long…. Non ? Et la rue du Canteleu devient chaussée romaine… autre monument classé? Le patrimoine douaisien s’enrichit chaque jour,entre commerces antiques et habitat d’avant garde, à qui dire merci ?
    Pendant ce temps, César envahit le Douaisis de ses projets pharaoniques (Cléopâtre… Quand tu me tiens..)
    Si les jeunes savaient qu’en plus des retraites, ils auront à payer tout ça !

    1. Les jeunes ne votent pas 🙂 Mais vous avez raison, ils paieront.
      Oui, très long ce projet, totalement à l’arrêt hors quelques badigeons du plus bel effet. Mais personne ne moufte. Normal, le responsable est à présent le maître du monde !

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