Cochons de payants!

Une obsession de notre part nous dira-t-on. Pas faux. Mais il n’y a pas loin de ce sentiment à la passion. Il a semblé rigolo de se pencher sur le nombre et le profil des contribuables qui font tourner Douai avec leur taxe foncière, soit les propriétaires qui y résident encore.

A Douai, sur un budget 2020 de 59,3 millions d’euros en fonctionnement, les « impôts et taxes » représentaient en recettes 37,8 millions soit environ 63%. Le reste des ressources est constitué d’une grande variété de choses, notamment diverses dotations attribuées au titre de notre pauvreté collective.

Les impôts augmentent quand tout baisse

Concentrons nous plutôt sur les taxes foncière et d’habitation (car il existe encore des Douaisiens qui la paient) mais surtout comparons deux budgets entre eux, 2015 et 2020, les seuls pour lesquels nous disposons des documents comptables.
On s’empresse d’ajouter que nous tiendrons pour négligeable la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) dans les raisonnements qui suivent.
Pour le premier budget, « impôts et taxes » se montaient à 36,4 M d’euros dont 20,9 M d’euros pour le cumul des taxes d’habitation et foncière. Pour le second – soit cinq ans plus tard – on repère respectivement 37,8 et 23 M d’euros, dernier chiffre qui constitue, en passant, près de 40% des revenus de la ville.

Cf ligne 73111 où les taxes foncières et d’habitation sont fusionnées, les titres émis sont supérieurs aux crédits ouverts… Pour le reste, comme dirait l’autre : « you can’t fix it ? Tax it ! »

Nous noterons que dans Douai de plus en plus pauvre et de moins en moins populeux, les ponctions fiscales ne se réduisent pas. Cette progression inexorable est défendue par Frédéric Chéreau, lequel affirmait récemment qu’on « pourrait faire le choix de se serrer la ceinture et de baisser nos taux, ce n’est pas le nôtre » .

Traduction : avec un budget stable mais une population en baisse (la tendance est de 1% par an selon la Cour des Comptes), la variable d’ajustement sera la hausse régulière de la ponction sur les propriétaires… non exonérés.

Cette évolution tient, en partie, à l’augmentation nationale des « bases fictives » – dans une ville où les valeurs immobilières s’effondrent – mais aussi et surtout, depuis l’élection du maire en 2014, à celle de taux régulièrement augmentés.
Pour autant, au delà de ces considérations désespérantes, on a un peu de mal à connaître – c’est dommage – la part de chaque taxe (foncière et d’habitation) dans les ressources fiscales de la ville car les « comptes administratifs » ne les distinguent pas.
C’est d’autant plus gênant que la disparition de la seconde – réforme séculaire – doit avoir un impact sur l’économie générale du budget municipal.

Avançons dans ce brouillard fiscal. En 2015 les deux taxes amènent 20,9 M puis, en 2020, 23 M d’euros. En théorie, cette année-là, 80% des assujettis à la taxe d’habitation ne la paient plus, ce qui devrait se voir un peu.
Le mystère s’épaissit quand Frédéric Chéreau, lors de la présentation du budget en mars 2022, a annoncé, pour la seule taxe foncière, un produit de « 21 millions d’euros » .

Avec une progression « mécanique » de 0,5 million d’euros par an des deux taxes (comme constaté entre 2015 et 2020), on aurait en 2022 un total (TF + TH) de 24 millions. Si on retire les 21 millions de la taxe foncière annoncés par le maire, le produit de la taxe d’habitation serait donc de 3 millions, avec une hausse ininterrompue du tout depuis 2015

Ces augmentations, qui relèvent du prodige, méritent des recherches. Comment expliquer tout ça ? Supposons la faiblesse originelle de la taxe d’habitation, la hausse de la taxe foncière qui compense, la possible mise à jour foireuse des documents budgétaires, un truc inconnu de grande ampleur etc.
On sèche. Si un lecteur a une explication, on prend.

Quoi qu’il en soit, ouvrons donc les comptes d’apothicaire en considérant que le produit de la taxe foncière était en 2020 de 19 millions d’euros.
Ce chiffre – peu assuré – sera notre base de calcul pour connaître la part moyenne des ponctions sur les propriétés et les propriétaires.

Les propriétés

Cette donnée connue, il faut ensuite savoir combien nous avons de propriétés dans Douai. L’INSEE est précis. En 2019, on a 17773 « résidences principales » dans la ville pour 6516 propriétaires qui vivent dans leur bien.
Une comparaison est intéressante à faire sur la décennie écoulée. Elle rend compte de notre incontestable contraction démographique. On recensait en 2008 respectivement 6751 proprios sur 18028 résidences principales.
Il faut rappeler que toutes les 17773 résidences sont éligibles à la TF, payée par les propriétaires quelque soit leur statut, y compris pour ceux qui les louent mais n’y habitent pas.

Pour autant, il faut considérer la nature des biens eux-mêmes. Certains ne sont pas soumis à la TF. Cela concerne les logements sociaux dont l’exonération est de droit. On n’entrera pas dans le détail des conditions de cet avantage qui dépend du mode de financement, de l’ancienneté du bâti et surtout de son affectation.
Pour le coup, on doit retrancher ce nombre. Par chance, il est connu alors même que les bailleurs sociaux sont surreprésentés dans notre commune. Sortons des 17773 résidences principales nos 5600 logements sociaux (soit 31% du tout), restent 12173 « résidences » .

Il est possible d’ajouter à ce stock « social » tous les logements détenus par des personnes privées mais qui ne le louent pas, condition qui vaut dans certains cas exonération de la TF.
La vacance immobilière est importante à Douai. Elle a doublé en dix ans, passant de 1583 logements vides à 3693, dernier chiffre sans doute accru après la crise sanitaire.
Au doigt mouillé à la douaisienne, retenons 10% d’exonérations sur ce total, ce qui prendra aussi en compte, tant qu’à faire, les « locations sociales » assurées par des personnes privées, soit 360 logements sans TF, ce qui nous donne au final 11813 résidences.

Donc si on résume et faisant fi des biais statistiques probablement nombreux mais qui donnent tout le sel à notre raisonnement fait de carottes et de pommes de terre, nous avons à Douai 11813 résidences soumises à la TF. Sur les 19 M de recette, la valeur moyenne de la ponction est donc de 1608 euros.
Ce chiffre est à rapporter aux 827 euros qui correspondent à la moyenne nationale (et même 770 euros dans le Nord). Chez nous c’est le double et on nous dit sous le beffroi qu’on a de la marge !

Les propriétaires

Après les propriétés, il faut s’occuper des braves propriétaires habitant chez eux, lesquels étaient en 2019 exactement 6516 soit 38% de la population douaisienne.

Après cette donnée précise, les choses se compliquent. Dans notre pays fou qui adore les exceptions et les cas particuliers qui justifient l’existence d’administrations pléthoriques, il faut retirer de ce groupe les exonérés de la taxe foncière.
Ce sont, à la louche, les pauvres, les vieux (de plus de 75 ans à faibles revenus) et les personnes handicapées. Certains, c’est logique, regroupent parfois ces trois critères, surtout chez nous.
Selon l’INSEE, environ 8% des propriétaires sont considérés à Douai comme « pauvres » tandis que 12% des habitants de plus de 75 ans relèvent à leur tour de cette catégorie.
En étant généreux à la Douaizizaglo®, retenons une part de 10% de propriétaires exonérés de la TF, ce qui nous laisse 5865 personnes qui y restent assujettis.

Nous arrivons au final à ces 5865 propriétaires vivant dans leur résidence principale et qui paient en moyenne 1608 euros de taxe foncière. Le total représente la somme de 9,4 M d’euros directement passés de leur poche dans le gouffre du budget municipal.

Lecteur, si un jour tu croises un passant qui arpente la rue de Bellain vide et glacée d’un pas pressé, dis toi qu’il s’agit peut être d’un de ces généreux contribuables.

Mieux, si tu es un locataire à vélo inquiet de l’extinction du monde vivant, sache qu’il représente une espèce en voie de disparition…

——————— Petit ajout ultime….

Contribuables Taxes foncière Douai
En 2021, la TH est à 1,1 M (ne restent plus que les résidences secondaires) tandis que la TF est à 23,2 M (19,7 de produit et 3,5 M de compensation). Merci Aginda !
Effets de la disparition de la taxe d’habitation en 2021. Notons qu’en 2009, la taxe foncière ramenait 8,5 M d’euros. C’est aujourd’hui 19,7 M, soit plus du double et cela avant la compensation de l’Etat (payée par tous les contribuables)

Un Carrefour en cul de sac

Nous pensions quand même disposer d’un peu de répit après avoir appris la fermeture de notre vieux Monop’. Et bien non, la loi des séries s’impose maintenant à Douai. Carrefour Market étant parti se refaire une santé ailleurs, la conséquence logique vient de tomber : la galerie du Dauphin va fermer définitivement à la fin de l’année.

Plutôt que de revenir sur les raisons rabâchées conduisant à ces fermetures régulières (les zones commerciales favorisées par la « Commission départementale d’aménagement commercial » , la chasse aux bagnoles, l’obsession de la marche à pied et du biclou pour réduire nos 0,9% d’émission planétaire de CO2, bla bla bla…), regardons cette catastrophe supplémentaire pour tout ce qu’elle enseigne.

D’abord l’inutilité d’une galerie marchande rénovée à grand frais et qui a eu beaucoup de mal à conserver les commerces qu’elle y a péniblement installés. Tout démontre encore une fois qu’une mauvaise idée reste mauvaise quand sa mise en œuvre n’est pas étayée par des études sérieuses. On a du mal à comprendre ce qui a poussé la famille Hoang d’Eurobail à investir là dedans.

Elle a peut être été convaincue par la proximité de l’ébouriffante place du Dauphin, fleuron du dernier mandat dont les piliers chromés ont bien du mal à transformer un cloaque en espace attractif. Dans tous les cas, c’est sans appel. Absence d’impact sur le chiffre d’affaires des commerces mais à l’inverse leur disparition régulière qui transforme à présent la dite place en cul de sac. De fait, plus personne ne passera devant pour entrer dans la galerie.

Ajoutons qu’au contraire des édiles qui décident mal et agissent bêtement, les grandes enseignes possèdent, elles, un salutaire instinct de conservation. Une succursale sans clients donc sans bénéfices doit fermer. Rien à voir avec le système – gratuit comme chacun sait – d’une « Action Coeur de Ville » qui, en dépit des millions déversés, n’empêche rien. Le contribuable est éternel au contraire du client beaucoup plus provisoire. Lui, au moins, a le choix de ne pas prendre quand il ne le souhaite pas.

Quel symbole plus éclatant, enfin, que le déménagement des commerces à Sin le Noble ou ailleurs. Il démontre l’impuissance d’une ville centre qui maudit des conséquences quand elle en chérit les causes. Reprenons les mots de la VDN lorsqu’elle a évoqué la fermeture du Carrefour Market : « ce trou béant dans la galerie marchande est une claque infligée à la municipalité et à ses partenaires qui mènent une politique de revitalisation en cœur de ville » . La fermeture de la galerie n’est plus une claque, c’est un coup de poing.

Accessoirement, cette dernière pose quelques petits problèmes de gestion du parking attenant, en termes d’accès piétons notamment pour les personnes handicapées. Selon la très inspirée Voix du Nord, la fermeture « serait un coup dur pour la municipalité, pour laquelle les 200 places du parking sont une pièce maîtresse de la piétonisation du cœur de ville » . Notre petit doigt nous dit qu’on va rajouter une bonne rasade d’argent public pour résoudre ce problème.

Continuons donc à enregistrer, jour après jour, ces fermetures qui transforment inexorablement la ville en village sans attractivité commerciale. Réduite aux seuls habitants du centre, tous piétons, Douai aura une activité à leur image : rare et faible.
C’est sans doute, quand on y réfléchit un peu, la vision impensée de cette majorité municipale. Le retour définitif à l’état de nature.

Journée Portes Ouvertes

Constat d’abandon pour l’hôpital Général de Douai. Il reste aux citoyens qui l’ont payé de mesurer jour après jour l’évolution d’un patrimoine offert, pour un prix d’ami, à un investisseur efficace.
Pour mémoire, le projet de rénovation en « hôtel Mirabeau » atteindra bientôt la décennie en termes de délai.

Pour conclure ce petit reportage, il est possible comparer l’état de ces bâtiments avec celui de la « journée portes ouvertes » de la Financière Vauban en 2018, pour ceux qui en ont alors profité.
Les façades ont depuis pris de la couleur, le gros œuvre parait tenir. Pour autant, tout monument laissé ouvert à tous les vents est un appel au vandalisme comme au pillage, fréquent dans notre ville paupérisée.
Tout cela finira en bois de chauffage si on n’y prend pas garde. Allez les élus aux idées géniales : remuez vous !