Le barrage fuit

C’est fait. Dimitri du Bien est remplacé par Thibaut de Douai.
La mobilisation contre « l’extrême droite » organisée entre les deux tours dans la salle des fêtes de Cuincy « a fait pschitt » . On avait pourtant sorti de la naphtaline d’anciens caciques en espérant que ces gloires passées conjureraient le mauvais sort.
C’était oublier que l’évolution sociologique du territoire – favorisée par les mêmes quand ils étaient aux manettes – produit des effets électoraux contre lesquels plus personne ne peut plus rien.

Enfin, du nouveau au Palais Bourbon

On dira quelques trucs du résultat national que l’équipe technique bénévole de Douai Vox, imitant par paresse les instituts de sondages, n’avait pas anticipé. Personne n’a gagné si on part du principe qu’un succès législatif sous la V° République repose sur une majorité à l’assemblée. Ce n’est pas la première fois que les élections législatives débouchent sur cette configuration mais un tel déficit de sièges pour un président absolu sortant ne s’est jamais vu.

Il reste que ce résultat démontre de la finesse du peuple capable, par ce miracle du suffrage universel qui est une addition de choix individuels, d’envoyer un message collectif clair aux princes qui nous gouvernent.
Il avait choisi le jeune prodige aux présidentielles – parce que vraiment la dame ce n’était pas possible – mais sans donner au béjaune l’autorisation de faire n’importe quoi.
Comme il a joué au plus fin en évitant tous les sujets, avant de se mettre à parler ukrainien parce que les agences de comm’ lui disaient que ça payerait, le v’là sans majorité à l’assemblée.
Admirons cette sanction populaire qu’aucun état-major politique n’aurait été capable ni de concevoir, ni de réaliser.

Attendons la suite qui va, à n’en pas douter, nous réserver des surprises. Les rouages de nos institutions sont un peu rouillés quand on sait que la seule motion de censure réussie date de… 1962. Il n’est pas certain non plus que la machine, rapiécée par de nombreuses reprises (quinquennat entre autres), puisse fonctionner comme elle le devrait.
Si l’absence de majorité est un fait marquant, car les Marcheurs ont perdu pas mal de Dimitris, ils constituent toutefois le groupe le plus important de l’assemblée avec 245 sièges.
Le président absolu n’a pas dit son dernier mot.

Enfin, ça bouge dans les circonscriptions

Justement, parlons de nos deux battus de la 16° et la 17° circonscription.

Dimitri Houbron est emblématique de ces députés de circonstance nés dans la champignonnière macroniste sans passé militant, ni compétence particulière. Son bilan était mince, centré sur des sujets annexes qui ne font pas une stratégie, sans parler de l’absence totale de direction politique.
Ses prises de parole actant l’échec – le « au revoir » giscardien fait sourire – sont intéressantes pour ce qu’elles révèlent. Il se serait « engagé en 2017 pour éviter le Rassemblement National » . Ce héros combattant l’hydre aurait mieux fait durant son mandat de s’attaquer à ce qui nourrissait la bête qui l’a mangé tout cru.
A partir de ce vide mal compensé par une personnalité peu charismatique, les soutiens étaient rares dans la circonscription. Comptons pour rien l’appui anecdotique de pauvres centristes en rupture de ban et d’idées. Dimitri Houbron sera comme les inconnus célèbres qui ont traversé l’histoire de la ville. Tiens dans le genre Claude Wargnies ou Paul Moreau.

Alain Bruneel pourrait être l’opposé du précédent par l’âge, l’épaisseur militante et la solidité de l’étiquette politique. Cet apparatchik qui n’a jamais travaillé de sa vie, bénéficiait d’une sinécure de permanent depuis… 1968. Ce camarade communiste, maire de Lewarde de 1999 à 2017, a succédé la même année dans son fauteuil de député à deux parrains du PCF de la Belle Epoque. Le célèbre Georges Hage et le non moins connu Jean-Jacques Candelier, généreux employeur du fameux Roussel.
La chute d’Alain Bruneel, dernier représentant d’une idéologie évanouie et surtout dévoyée, est logique quand on observe ces élus capables de toutes les alliances dans un territoire qui, d’ailleurs, fut dans le passé plutôt SFIO, c’est à dire socialiste.
A l’inverse de son collègue Houbron auquel il s’était allié dans la détestation d’une « extrême-droite » menaçant leur mandat et leurs indemnités, Alain Bruneel pouvait se targuer d’une certaine activité. Ce spécialiste des transports gratuits et des lignes ferroviaires déficitaires n’a pas ménagé sa peine pour se faire connaître. Cette frénésie n’a pas suffi pour conjurer le sort mais rassurons nous : « Je travaillerai d’une autre manière. La lutte continue, je suis un militant » . On le savait et ce boulot sera même rémunéré.

Enfin, les élus rejoignent la sociologie locale

Ce dernier cas d’ailleurs permet de savoir ce qui se serait passé si le-elle-iel candidat-e de la Nups-e-s avait supplanté Dimitri Houbron au premier tour et donc si on avait assisté ensuite à un duel de titan entre « les extrêmes » . Sans doute le sortant sorti aurait-il appelé à voter pour la gauche, encore que ces préconisations, aujourd’hui démonétisées, n’ont pas toujours l’effet attendu. Il y a bien longtemps que les électeurs n’en font – et tant mieux – qu’à leur tête.
Plus précisément, on a, avec la chute du député Bruneel, un début de réponse. Dans la 16° comme la 17°, l’audience du Rassemblement National est devenue majoritaire. Il grignote peu à peu du terrain, cette progression profitant de candidats au profil bien meilleur que celui de l’époque pionnière.

On notera aussi l’opposition du centre contre sa périphérie qui retrouve l’antagonisme de la communauté d’agglomération. On sait qu’on a beaucoup enlevé à Douai pour consoler les communes autour de ne pas être la capitale mais il semble que cette stratégie ne fonctionne plus. Le RN arrive en tête quasiment partout (hors Esquerchin, Erchin et… Douai). On peut en déduire que ces électeurs ne sont pas contents de leur sort, ce qui serait sans doute différent si notre ville était plus prospère. Souvenons nous de ce proverbe chinois : « quand les gros maigrissent, les maigres meurent » .

Pour autant, à Douai, le RN fait à présent quasi jeu égal avec une « Gauche » protéiforme qui prospère sur les idées nouvelles qui adorent l’Autre (islam, immigration…) pour mieux détester le Vieux Pays.
Elle est largement soutenue dans notre ville, caractéristique qui devrait faire réfléchir tous ceux qui commencent à aiguiser leurs couteaux en prévision des municipales. Il y avait un agenda caché dans cette élection pour beaucoup de candidats : se faire connaître, compter ses forces et poser des jalons en prévision du Grand Soir Communal.

Il est étonnant en conclusion de voir combien notre ville et accessoirement la circonscription ont épousé les déterminations nationales. On a eu beaucoup d’abstentions, les « extrêmes » ont prospéré au détriment des sortants.
Mais il y a plus. Napoléon disait « qu’un État fait la politique de sa géographie » , celle de notre Douai dépend d’abord de sa sociologie.
L’évolution de la population, souvent évoquée dans ces pages, conduit peu à peu à y voir s’affirmer deux camps qui s’opposent sur à peu près tout. Le paradoxe, c’est que l’espace au milieu sera très convoité alors même qu’il se révélera – comme Macron et tout ce qui l’accompagne – une très étroite impasse.

Max aime apprendre mais parle un peu souvent à la première personne. C'est un travers qu'il combat difficilement. Va falloir l'aider. Il adore la Scarpe et l'orgue de St Pierre, surtout les basses.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec une *. Les commentaires sont mis en ligne après modération.

*