Hôtel Mirabeau : de la charité à la ruine

Mon collègue Nestor Burma avait publié, voilà quelques temps, le jeu des sept erreurs signalant le désastre du projet de l’Hôpital Général, alias Hôtel Mirabeau, issu de la cogitation à sens unique du cerveau de celui qui décide de tout localement.

Une communication vendeuse, glorifiante, des promesses réitérées de démarrage du chantier ont fait croire à ce projet prometteur. Aujourd’hui qu’en reste-t’il de cet Hôtel Mirabeau, renommé voilà peu « Royal Mirabeau » ?

Une promesse de cautionnement avec l’argent du contribuable a masqué quelques temps la déroute et une faillite devenues probables, à moins qu’on nous démontre chiffres et preuves à l’appui du contraire…

L’impossibilité de lever des fonds et de trouver des partenaires est devenue patente. Qui peut croire à une nouvelle donne quand la situation financière du pays n’est plus porteuse pour les rêves éveillés de cette sorte.

Deux évènements récents et concomitants ont sorti le Douaisinologue de sa chaise longue.
Toujours en veille active sur ce dossier calamiteux pour l’image de la ville centre, il a été interpellé par un sourire dans la presse et, concomitamment, par la commémoration d’un évènement historique.

Il semblerait… Il se pourrait donc…

Que l’Hôpital Général sorte enfin de son état de ruine, ouverte aux vents et intempéries…

La parution récente de ce « marronnier » (article en langage journalistique qui passe bien et remplit la feuille de journal quand l’actualité est plate) annonce qu’un nouveau permis de construire aurait été déposé pour la réhabilitation de ce fleuron architectural
Des investisseurs seraient recherchés. La pose d’un échafaudage aurait fait naître un espoir…

Que nenni, il semble mis en place pour la dépose d’une bâche publicitaire ruinée elle aussi car elle ne pouvait décemment plus vanter un projet de défiscalisation qui, dès le lancement du projet, avait fait long feu !

L’autre évènement ?

La commémoration le 11 août dernier des quatre-vingts années passées depuis le terrible bombardement de Douai d’août 1944.
Á la lumière de ces deux faits, les souvenirs du Douaisinologue ont associé à cet évènement dramatique qui a meurtri sa ville, des évènements récents qui ont à leur tour malmené ce fleuron architectural.

Démoli par les bombes alliées en 1944, l’Hôpital Général subit les marteaux-piqueurs belges depuis… 2013. Plus d’une décennie…

Il venait pourtant de loin cet Hôtel Mirabeau.

En juin 1752, Louis XV ordonna sa fondation par l’article III de sa Lettre Patente … « Nous avons ordonné que ledit Hôpital Général serait construit sur l’emplacement d’une maison pieuse dépendante de la Bourse commune des Pauvres, réunie à l’Hôpital général. Voulons qu’il soit nommé L’Hôpital de la Charité de Douay et que l’inscription en soit mise sur le portail avec l’écusson de nos Armes »…

A cette époque, un hospice s’appelait Hôpital tandis que l’hôpital proprement dit s’appelait Hôtel Dieu. Les Échevins de la Ville, qui avaient déjà un Hôtel Dieu et de nombreuses maisons de charité, décidèrent de les regrouper en donnant suite ainsi à la lettre patente du roi.

Ils firent poser la première pierre de l’édifice le 22 juillet 1756 par Charles de Pollinchove, premier président au Parlement de Flandre, grand personnage et important philanthrope.

Il ne fallut que quatre années pour achever la construction du principal, à l’exception de l’infirmerie, des bains et ateliers. La dépense s’éleva à 332 803 florins (environ 10 millions d’euros actuels), couverts par le produit de la vente de plusieurs biens et des sommes levées à cours de rentes.

Le 29 mars 1763, les administrateurs en approuvant le compte général des dépenses de construction de l’Hôpital Général en ont fait une réalité pour le bien-être des pauvres.

L’Hôpital Général a survécu par miracle à la guerre de 1914-1918… Mais lors du dernier conflit mondial…

En 1944…

Les bombardements alliés, en vue du débarquement, visaient à affaiblir les forces allemandes entre les côtes atlantiques et la Manche.

La région, entre la Normandie et l’Allemagne, était une cible prioritaire pour ses industries, ses mines, ses voies ferrées, ses arsenaux et dépôts d’essence.
Douai, capitale du pays minier et le Somainois, gare d’envoi du charbon, formaient autant d’objectifs de premier plan.

La 11 août 1944, une vague de 140 bombardiers de la Royal Air Force pilonne les gares de Douai et de Somain. Une hécatombe à Douai, ville meurtrie…
300 victimes périrent, dont 28 vieillards dans l’Hôpital Général.

On les a comptées… Pour le seul Hôpital Général, cinquante bombes ou torpilles s’abattirent sur lui ! Il s’en était fallu de peu qu’une bombe ne tombe sur la partie voisine qui aurait enseveli les 150 personnes qui y travaillaient…

Vingt minutes de bombardement intensif eurent raison de nombreux immeubles, habitations et même d’une partie des murs énormes de l’Hôpital Général.

La reconstruction fut engagée dès 1948 sous la direction des architectes Gaubert et Coasne, aidés des entreprises du cru : Breyon, Massier, Bertrand, Bera.

Sans tarder, ce monument de l’histoire charitable de Douai reprit sa mission d’aide aux indigents et aux personnes âgées.
Dès les années 1950, ce puissant monument historique, massacré en trente minutes en août 1944, s’était relevé pour assurer ses obligations sociales…

On commémore non loin d’une ruine grandissante

Le 11 août 2024, les autorités et les élus locaux, les anciens combattants, porte-drapeaux, militaires et habitants, étaient réunis au pied de la stèle du souvenir de cet évènement tragique, square de l’avenue du Maréchal Leclerc, en présence du Résistant-centenaire Jacques Desbonnet qui en avait lui-même sollicité la création.
Ils commémoraient les quatre-vingts ans de ce tragique bombardement qui coûta la vie à tant d’habitants de la ville centre et des communes voisines.
Moment de souvenir, évoqué par les passeurs d’histoire,  rappelant une tragédie qu’il ne faut pas oublier en mémoire aux victimes.

Quant à l’Hôpital Général, défiguré en temps de paix depuis 2013, c’est plus de dix années de dégradation et d’abandon qui lui ont été infligées !
Dépecés ses escaliers monumentaux en chêne qui reliaient les étages (pourquoi ?), liquidées ses centaines d’huisseries (pourquoi les démolisseurs en ont-il fait un hôtel des courant d’air ?) On n’y trouve en dix ans qu’un barbouillage partiel des façades… 

L’indifférence des échevins du moment est ainsi à l’image du Janus bifrons promoteur évoqué dans notre article précédent… Ils regardent ailleurs et s’en lavent les mains, puisqu’ils ont vendu le boulet.

L’Hôpital Général n’est plus, l’Hôtel Mirabeau ne renaîtra pas !

Si quelqu’un connait un roitelet, qu’il lui demande de signer une lettre patente pour la construction du Royal Louis XIV… Puisque son fronton porte déjà les armes du Roi Soleil…
A  deux pas de l’Hôtel du Dauphin où il logea, qui l’avait inspiré à faire de Douai une grande ville militaire, solidaire et sociale.

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