Du PADD au PLU

Du béton avec du vert à Douai

Sujet essentiel pour l’avenir de Douai, la refonte du Plan Local d’Urbanisme (PLU) entre actuellement dans sa phase concrète. Nous ne pouvions passer sous silence ces opérations et cela d’autant plus que personne ou presque n’en parle, ni n’en parlera.
La municipalité, qui en a l’obligation, a mis en ligne son Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD), base stratégique du plan à venir. Plongeons nous dedans.

Des spécialistes sont à l’œuvre

C’est un cabinet extérieur, Verdi, pompeux « designer de territoires » qui, cette année, en a assuré la réalisation. Cette grosse boite possède des antennes un peu partout, dont une à Wasquehal (Verdi Nord de France), elle même déclinée à Eleu-dit-Lauwette, d’où sort ce PADD.
Ce genre de machines – qui prospèrent depuis la décentralisation – payées à prix d’or pour produire au kilomètre ces documents stéréotypés n’échappent pas à une contradiction foncière. D’un côté, elles maîtrisent en expertes leur forme générale. Mais, de l’autre, elles ne connaissent rien des déterminations d’un territoire découvert quand on leur passe commande.

Il aurait été toutefois possible de pallier ces insuffisances par divers moyens, ainsi des enquêtes et des investigations adaptées. Rien de tout cela pour constituer le diagnostic de notre brave PADD.
Les sources sont un évident pompage du SCoT ou, plus simple encore, la reprise des problématiques qui se baladent un peu partout, saupoudrées de quelques références externes bien banales.
On comprend enfin qu’on a surtout sollicité la municipalité elle-même, probablement par divers entretiens ou le recyclage d’études qu’elle a produites dans le passé. Dans ce genre de littérature, rien ne disparait, ni ne se crée, tout se transforme.
Cette fabrication explique, c’est de bonne guerre, les innombrables « coups de chapeau » à destination de la mairie. On résume : si tout va bien c’est parce que nous sommes dirigés par une équipe de haute volée pour laquelle, au fond, ce nouveau PLU ne sera qu’un aboutissement sinon une continuité de tout ce qu’elle a déjà fait. Mouais…

Éloge du métalangage

Pour finir sur la forme, on y trouve, à cause sans doute de ce qui précède, des erreurs de faits qui amusent un peu. Comme on est sympa chez DouaiVox®, on feindra de les prendre pour des coquilles. Même remarque sur la qualité des schémas et autres cartographies dont les légendes sont illisibles. On a vraiment payé pour ça ?

Reste enfin le style dont la lourdeur et la prétention permettent à ce document d’atteindre les cimes sublimes du métalangage. Ces expressions alambiquées « qui font genre » ont pour but de convaincre le lecteur de la compétence des auteurs tout en éloignant le pékin.
Nous mettons d’ailleurs en fin d’article un lexique avec ses correspondances en français courant pour faciliter la compréhension des citoyens.

Car au delà de ces petits défauts d’apparence, on aimerait que ce document soit lu par tous les habitants de Douai sachant qu’il annonce leur environnement urbain pour les décennies à venir.
On a dans ces pages le « grand dessein » du maire et celui des rares conseillers qui y comprennent quelque chose, probablement exclusivement verdâtres.

Après la forme, attaquons nous au fond. Comme dit précédemment, rien d’innovant dans le diagnostic. Il est tellement convenu qu’on se demande comment on peut oser demander à un cabinet extérieur de le définir.
A l’exemple de beaucoup de ses sœurs du Nord et d’ailleurs, Douai est une ville moyenne en déclin. Elle a perdu près de 15 000 habitants en 50 ans, effondrement démographique qui masque la profonde transition sociologique tirant aujourd’hui la cité vers la pauvreté inactive.
Évidemment, cette évolution négative découle de la disparition des activités industrielles et minières, autrefois florissantes, dont l’énorme plus-value irriguait toute la région et sa ville-centre. C’est à ces deux mouvements, absolument liés, qu’il faut s’attaquer.

De bonnes stratégies

Reconnaissons que de ce point de vue, les axes stratégiques du PADD sont plutôt bien posés. Ils renvoient d’ailleurs à bon nombre de propositions faites par tous les candidats – sauf le sortant – lors des dernières élections municipales. Ils pourraient crier au plagiat, ils devraient plutôt saluer cet hommage.
Passons rapidement sur l’obsession réchauffagiste, tonalité lancinante du projet que nous aborderons en conclusion, pour saluer la « revitalisation du cœur de ville » ou sa « connexion avec ses faubourgs » . Célébrons surtout « l’ancrage des Douaisiens » , formule absurde qui pose toutefois l’obligation vitale de « revenir au dessus de la barre des 40 000 habitants » et pas seulement pour sauver la rémunération du DGS.

Sur ce substrat aussi logique que bienvenu, on trouve d’autres bonnes choses. Ainsi l’accent porté sur la fonction touristique du centre ville en valorisant entre autres la vieille Scarpe ou encore la priorité donnée au quartier de la gare dont la fonction de liaison et le potentiel économique sont évidents.
De même, concernant les quartiers périphériques qui se portent si mal, l’impératif de les relier au centre. S’il est difficile de comprendre de quelle façon on va s’y prendre, l’évocation à cet endroit d’un déploiement du « très haut débit » permet de supposer qu’une telle ressource internet est envisagée dans toute la ville. Et bé, si c’est vrai…
Quant à la nécessité de stopper l’hémorragie démographique, applaudissons le constat. On sort enfin du déni. Le meilleur est ensuite la découverte, pour y parvenir, de s’occuper du centre ville où, effectivement, la vacance locative est monstrueuse.
Bon, la liste de la « diversité » attendue fait sourire. On y met tout, du riche, du pauvre, du travailleur, du retraité. Il n’y manque qu’un squat autogéré.
Pour finir dans le « bon » du PADD, la fonction « polarisante » de Douai est rappelée avec justesse. C’est là qu’apparait enfin la mention de Douaizizaglo®, qu’on croyait ne jamais arriver sur ces pages. La communauté d’agglomération y est bien rare alors même que ses décisions ont un impact majeur sur l’évolution de la ville centre.

Il faut élargir le PLU

A cet instant, il faut évoquer les insuffisances du projet qui tiennent d’abord, soyons justes, à l’objet étroit d’un plan local d’urbanisme. Rappelons le pour ne pas s’illusionner sur ses effets. Un PLU énonce exclusivement des règles d’aménagement et d’utilisation des sols d’une commune et rien de plus.
Il fonctionne sur une logique de zonage qui interdit et qui autorise, la première posture étant évidemment plus efficace que la seconde.
Autrement dit, il est assez simple d’empêcher tel usage sur telle parcelle mais il est plus aléatoire, si elle est réservée à un type d’habitat ou une activité économique spécifique, que cette destination soit concrètement réalisée.

Cela pour dire que les ressorts d’un renouveau urbain, comme le souhaite la majorité municipale, ne peuvent se trouver dans le seul PLU. Il dépend de nombreux facteurs, dont en grande partie l’action des collectivités locales voisines – en premier lieu des EPCI – sinon des échelons supérieurs, département ou région.
Bien légères apparaissent la prise en compte de ces déterminations dans ce PADD. Les pauvres citations du SCoT ou celles – infimes – des projets de Douaizizaglo® (Le Raquet, la « piscine communautaire » , une fois et pas plus…) rendent bien incertaine l’atteinte des objectifs qui y sont définis.

Au delà de cette indispensable coordination de ces échelles administratives, on bute rapidement sur les moyens financiers qui vont déterminer la réussite ou l’échec du plan. Si toute la dépense des « éléphants blancs » de la communauté d’agglomération – posés à la périphérie – avait été orientée vers la ville centre, il est facile d’imaginer que les effets de cette manne financière y auraient été majeurs.

Addition des dépenses de la communauté d’agglomération, l’unité de cette estimation est le million d’euros.

Dépenses de construction de Douaisis Agglo

Il ne reste donc à la mairie, pour assurer les projets d’aménagement qui structurent son PLU, que la ressource des programmes nationaux. D’où le rappel jusqu’à plus soif de l’opération « Cœur de ville » qui a été lancée en 2018 et dont les résultats concrets se font d’ailleurs attendre. Bientôt cinq ans les gars…
Même remarque, concernant le centre ancien, sur cette « opération programmée d’amélioration de l’habitat de renouvellement urbain » (OPAH-RU). Notons que l’objectif premier de ces trucs – légal – est la création d’une « offre locative à vocation sociale » . On sera bien éloigné de la diversité attendue des nouveaux habitants célébrée dans le PADD.

Indiquons au passage que s’ils sont locataires, et plus encore d’un bailleur social, ils ne paieront pas d’impôt local. De ce fait, comptons enfin pour rien les ressources propres de la ville, c’est à dire la fiscalité communale.
DouaiVox® a suffisamment évoqué cette question dans ce blog pour ne pas y revenir encore. Un arrivant dans le Douaisis aura vite fait de comprendre qu’il vaut mieux habiter à Lambres ou Cuincy pour profiter des avantages de la belle ville centre – s’il parvient à y entrer avec sa Peugeot – sans en avoir les inconvénients fiscaux.

Parions qu’une réduction drastique de l’impôt local, sinon la convergence des taxes foncières au sein de la communauté d’agglomération, seraient d’ailleurs un levier efficace pour rendre Douai attractif, bien plus qu’une refonte du PLU.

La religion écologique va nous sauver

Terminons cette courte recension par le sentiment d’inquiétude que ce projet suscite. Si on prend un peu de hauteur, comment ne pas rester perplexe devant l’omniprésence, à tous les détours de page, d’une religion écologique qui déborde de partout par son vocabulaire et ses dogmes ?

Quel futur ce PLU dessine-t-il pour Douai ? Assurément celui de la conjuration d’un avenir apocalyptique par le biais d’innombrables interdits.
L’amusant c’est que cet évitement de fin du monde, comme les préconisations qui y correspondent, n’échappent pas à quelques contradictions quand on les regarde de près.
On va manquer d’eau mais Frais-Marais risque l’inondation. Il faut préserver le patrimoine mais tout autant le contraindre aux impératifs d’économie d’énergie, donc le dénaturer. On veut de nouveaux habitants mais si on mettait des arbres à la place ce serait mieux etc. La liste est infinie.

La plus forte contradiction est probablement celle qu’on repère entre le discours et la réalité.

La prolifération des termes lénifiants – une douzaine de « doux » ou « douce » quand même – parait annoncer une sorte de paradis où, par la persuasion bienveillante – et « douce » tant qu’à faire – serait sereinement évité tout ce qui réchauffe la planète à partir de Douai.

Il y a un agenda caché derrière cette apparence bonhomme, celle d’une angoisse eschatologique visant à éradiquer par la contrainte tout ce qui pose problème.
Loin d’attirer l’habitant nouveau ou l’entrepreneur innovant qui pourront facilement trouver mieux ailleurs, cette obsession écologique porte en elle la promesse de l’échec.
Il sera compliqué d’avoir en même temps un oasis de verdure traversé par des sentes en terre battue et une capitale régionale où déboulent une multitude d’entreprises et des masses d’habitants nouveaux.

Ce PLU sera comme une éolienne qui attend la brise qui ne vient pas : résiliente, inclusive et… inutile.

Ci dessous le lexique mirobolant du PADD qui nécessitait, comme nous l’avons indiqué, une traduction ad hoc.

VERTLANGUEFRANÇAIS
Accessibilité viaireRoutes et rues
Activité cesséeUsine fermée
Amplifier les identités des séquences urbainesHarmoniser le bâti
Artificialisation nettePlus d’arbres que de béton
Cheminement douxMarche à pied (voir connexion douce)
Connexion douce continue et fluideMarche à pied (voir cheminement doux)
Culture du risqueCraindre la chute du ciel sur la tête
Délaissé urbainFriche immobilière
Entrée de ville ferréeQuartier de la gare
Foncier mutableTerrains à vendre
Fragmentation des continuités écologiquesUn jardin, une maison, un jardin, une maison
Gare d’eauPort fluvial
Intensité et mixité urbaineParc immobilier social
Lecture facilitée de la villeRefus de la méthode globale
Liaison douce et sécuriséePasserelle sur voie ferrée
Linéaire commerçant diffusCellules de magasins vacantes
Linéaire de promenade paysagerChemin de balade
Marqueur d’identitéRéputation
Marqueur urbainMonument à voir
Matériau à fort albédoSurface réfléchissante
Mise en lumière apaiséeExtinction des lampadaires dès qu’on peut
Mode actifMarche à pied (voir mode doux)
Mode douxMarche à pied (voir mode actif)
Place de la convivialitéPlace du passage à tabac
Séquestration du carbonePlantation d’arbres
Sobriété et résilienceAbsence de dépense
Superpositions de gestionUsages multiples
Territoire inclusif, solidaire et résilientVille de pauvres, payée par les riches, tous à vélo
Trame verte, bleue, brune et sombreContraire de la rue de Bellain
Urbanisme circulaireRecyclage immobilier

Et si on faisait des remarques ?

Dans le cas souhaitable où nos lecteurs auraient l’envie de porter à la connaissance du commissaire enquêteur certaines critiques constructives sur le PLU et le PADD, voilà les créneaux disponibles au 26 novembre dernier.
On ne se bouscule pas dans cette grande métropole régionale pour contribuer à son avenir radieux et solidaire.
Il est vrai qu’on peut avoir le sentiment très net que tout est joué d’avance.
Sur la possibilité d’infléchir ces choix, c’est certain, mais les paroles s’envolent et les écrits restent, ce qui sera très utile au moment du bilan municipal sur les deux critères qui comptent : l’emploi et la démographie.