A Douai, nous aimons le train, déjà les TER comme nous l’avons dit, mais plus encore les TGV qui peuvent nous envoyer en un peu plus d’une heure à Paris et vice-versa. C’est un atout qui vient de loin. Notre capitale est placée sur une des voies ferrées les plus vieilles de France, mais n’allez pas imaginer que cela puisse nous protéger de sa disparition.
SNCF ou la stratégie du voleur chinois
Depuis 1846, l’axe Paris-Lille, vital pour notre pays, n’a cessé tout au long du siècle de se développer. Pour mémoire, nous avons même eu, dans les années 60, un merveilleux « Gayant », Trans Europ Express qui reliait Paris à Tourcoing en passant par Douai. C’était la grande époque de « l’industriel du Nord » qui se rendait à Paris pour ses affaires, figure mythique faite de classe (de fait la première), de vitesse, de richesse et d’avenir.
La SNCF a fermé cette ligne en 1986, premier pas d’une réduction continue des transports de Douai vers Paris mais aussi vers le reste de la France. Comme un voleur chinois qui déplace l’objet convoité jour après jour pour endormir la vigilance du propriétaire avant de le dérober, notre entreprise publique s’est ingéniée à retirer peu à peu de notre gare des dessertes, des horaires, des trains, des services. Un jour, le seul trafic qui subsistera sera celui qu’abrite la Maison du Vélo.
Nous avons ainsi connu la disparition des trains direct vers la Bretagne, vers l’Alsace et puis même, récemment, vers le Sud-Ouest. Nous découvrons maintenant la réduction des liaisons vers Paris dans le plan 2020 de la SNCF.
De sept dessertes directes, celle-ci a proposé en février de les réduire à quatre, avec l’idée lumineuse de renforcer l’axe Paris-Arras, histoire d’habituer les Douaisiens à emprunter un peu plus les TER avant de monter dans le TGV pour renouer avec la durée de trajet de la Belle Epoque, soit deux à trois heures pour se rendre dans la capitale.
Qui veut noyer son chien
L’examen des arguments pour réduire la fréquence de nos TGV est intéressant.
Augmenter les capacités régionales
D’abord, il fut question d’une réponse à « la demande des Hauts-de-France » qui souhaitait augmenter les capacités de la région au détriment des liaisons vers Paris. La SNCF, perfide, rappelait que le trafic voyageur de Douai relevait à 82% de liaisons inter-régionales et concluait, maline, qu’elle souhaitait réaffecter les rames supprimées aux liaisons régionales à grande vitesse (TER-GV). Certes mais dans ce dernier cas, Douai n’est pas concernée.
Augmenter la capacité des rames TGV
Ensuite, la SNCF arguait de son obligation d’acheter des rames TGV à deux étages dont la capacité (550 personnes) réclamait « un taux d’occupation convenable ». Elle justifiait de plus ce retrait par l’absence de subvention des lignes TGV depuis Paris. Outre l’association bizarre des deux arguments, les habitués de la ligne peuvent contester le premier quand ils observent le taux de remplissage du Paris-Valenciennes, d’ailleurs constitué de deux grands trains associés.
Augmenter le volume du fret
Enfin, dernière raison apportée par notre maire et peut être indirectement par la SNCF, c’était le choix de favoriser le fret au détriment des voyageurs. Les « sillons » aurait été réservés et loués aux opérateurs privés dans le cadre de la mise en concurrence. Outre que cette dernière est déjà réalisée depuis 2006, le niveau du transport des marchandises est aujourd’hui en France celui de 1927. Sacrifier des liaisons voyageurs de la gare de Douai pour cette raison est risible.
Le bouton atomique qui fait pschitt
Quoi qu’il en soit l’Union Sacrée s’est immédiatement déclarée chez nos élus, bien relayés par les citoyens consternés par cette décision unilatérale. On a eu des manifestations à partir de février, des pétitions, une médiatisation importante, au point de réussir à pousser la SNCF à revoir ses positions.
Il est à noter la posture martiale de notre maire qui adopta, ce n’est pas son habitude, un discours de fermeté qu’on aurait cru copié sur celui de ses collègues communistes. Il évoquait même le possible emploi d’une « bombe atomique » contre le ministère des transports à Paris en y plaçant – peut être en l’amenant en train – tel Godzilla, le Gayant menaçant.
Toute personne qui a eu un jour affaire aux polytechniciens ferroviaires sait que ces derniers utilisent régulièrement la bonne vieille méthode du maximum annoncé pour aboutir, après un simulacre de discussion, au minimum visé dès le départ.
Une concertation déconcertante
Une ultime concertation s’est tenue au mois de juin avec les élus et la SNCF. On peut imaginer que les participants (D. Houbron, C. Beauchamp, F. Chéreau, F. Nihous, C. Poiret, le sous-préfet en figuration) se sont quittés sans décisions très claires, car leurs réactions après l’arbitrage furent plus ou moins contrastées.
Si les sept liaisons TGV dans le sens Douai-Paris étaient maintenues, deux étaient supprimées dans le sens du retour. Outre ce déséquilibre curieux (peut-on plus facilement fuir Douai qu’y venir ?), tous les habitués de la ligne ont remarqué qu’ils devraient à présent quitter plus tôt la capitale, soit 18h52 au lieu de 19h52. Passée cette heure, il faudra coucher à Paris.
Le communiqué triomphant de notre maire, qui ferait passer la bataille de Waterloo pour une victoire, affirmait que « les mobilisations, ça paye ! » tout en reconnaissant que « nous n’aurons pas obtenu hélas le maintien intégral ». Cette dernière phrase reçut aussitôt la désapprobation de ses collègues. Tous, avec des nuances, déclarèrent avoir été mis devant le fait accompli, propos immédiatement contesté par Frédéric Chéreau sur le mode habituel du « consensus mou » qui, dans notre Douaisis excuse et permet tout : « nous avons entériné collectivement ce scénario ».
Des conséquences incalculables pour le Douaisis
L’évolution du transport ferroviaire dans notre région peut en apparence ressembler aux fermetures des voies qui se sont abattues sur les territoires ruraux un peu partout en France. L’échelle du Douaisis est toute autre. Rétrécir les liaisons TGV vers la région parisienne d’une agglomération de plus de 150 000 habitants possède des conséquences incalculables sur les ressorts économiques du territoire.
Affirmer qu’il faut des voyageurs pour avoir des trains laisse entendre que ces derniers doivent d’abord découler du dynamisme économique de la région. Sauf qu’il s’agit de l’inverse. Il faut des trains pour avoir des voyageurs et pas le contraire. Plus encore, attribuer à Douai des financements importants dans le cadre de la “revitalisation des centres villes” n’a aucun sens si le levier du transport national n’est pas maintenu ou mieux, renforcé.
Ces questions interrogent l’utilité d’un « service public » dont l’unique objet serait de relier les grandes métropoles entre elles. A quoi donc peut servir la SNCF ? Cette nébuleuse incompréhensible résiste à l’analyse, sans parler de l’opacité de ses modalités de gestion. Qui est capable de connaître le prix réel d’un sillon ? Les subventions publiques à l’entreprise représentent 14 milliards d’euros par an, soit 823 euros pour chaque ménage versant l’impôt sur le revenu…
Besoin d’une stratégie ferroviaire?
Dénoncer l’accord avec la SNCF
Il reviendra à la nouvelle équipe municipale de dénoncer ce compromis inadmissible validé par Frédéric Chéreau pour laisser à la seule SNCF la responsabilité de cette décision. Elle est parfaitement contradictoire avec la politique gouvernementale. Après la crise des Gilets Jaunes, l’Etat parait avoir pris conscience qu’il fallait mieux s’occuper des territoires qui connaissent un recul de leurs services publics alors qu’ils subissent, comme tout le monde, une ponction fiscale de plus en plus lourde.
Clarifier le rôle de la région Hauts de France
Un partenaire parait ici bien trop silencieux : la région Hauts de France. Elle se doit, outre de clarifier son rôle, d’assumer son obligation d’aménageur qui est au cœur de ses compétences. Elle serait bien inspirée de fédérer toutes les bonnes villes de Flandre – Valenciennes, Béthune, Calais, Douai – qui prennent de plein fouet les réductions continues de leur liaisons ferroviaires. Il faut installer cette union régionale pour contraindre la SNCF à revoir sa politique.
Peser sur l’ouverture du réseau à la concurrence
Enfin, la région doit peser dans le débat de l’ouverture, à partir de 2019, de la concurrence sur les grandes lignes du pays. Rien n’empêche, si la SNCF fait défaut, de solliciter les grandes compagnies européennes pour qu’elles installent sur les « sillons » des Hauts de France une offre de transport plus variée et dans tous les cas, différente d’une société nationale de plus en plus éloignée des impératifs du service public.
A ce jour, Douai et l’ensemble de son agglomération reste la Très Grande Victime de ces négociations.
Max aime apprendre mais parle un peu souvent à la première personne. C’est un travers qu’il combat difficilement. Va falloir l’aider. Il adore la Scarpe et l’orgue de St Pierre, surtout les basses.
Après avoir lu cet article,je suis scandalisée !!!!!! Les décisions qui nous concernent…. Nous,les voyageurs férroviaires ne sont pas prises par Ceux qui ont besoin de prendre le train malheureusement !!!!
Que faîtes vous Les Hauts De France !!!! Vous devez défendre les droits de vos départements !!!!!
Chère Nicole, votre coup de g… nous va droit au coeur ! Il y a certainement un levier du côté de l’hôtel de région sinon celui du département. « Ne pas subir », voilà un beau mot d’ordre.