La seconde entreprise douaisienne

On ne dira pas grand chose de notre Plan Local d’Urbanisme présenté voilà peu, document de… 1700 pages dont le poids prouve l’utilité. Le conseiller d’un président américain a théorisé un jour l’intérêt de rédiger des lois incompréhensibles afin qu’elles soient votées sans difficulté par les représentants du peuple. On y est.

Si nous étions à la recherche d’un symbole de notre folie bureaucratique, ce serait cette jungle invasive dans laquelle pour y comprendre quelque chose le pauvre citoyen doit se frayer un chemin à coups de machette.
Il peut découvrir après pas mal d’efforts, dans une éclaircie, son paradigme idéologique. On vous le donne pour vous éviter de vous fatiguer. La ville « marchante » sauvera la planète à partir de Douai…

Lors du long conseil municipal du 17 mars dernier, les débats ont oscillé entre la remarque microscopique (la villa Labisse, dans la section cadastrale AZ, a-t-elle été vendue au prix fort à un promoteur ou pas ?) et la critique stratégique (est-il vrai que construire du neuf vide l’ancien et pousse à la baisse du prix de l’immobilier ?).

Le meilleur était évidemment la forme, le fond étant imposé qu’on le veuille ou non. On a particulièrement apprécié le duel de ces deux dames proches par l’âge, l’allure, les lunettes, la voix, l’ambition et dans lequel la plus intelligente n’était pas forcément celle qu’on croit.

Le travail vaut en lui même

Tout ça pour en venir – on sait, c’est plutôt capillo-tracté – à la défense qui déboule dès qu’on critique les services municipaux, plaidoirie entendue plusieurs fois durant ce conseil. Il est interdit de dire qu’ils peuvent être nuls ou simplement défaillants parce qu’ils auraient « beaucoup travaillé » .

On a tant d’exemples de foirages de leur part qu’il parait pourtant tout à fait légitime, y compris s’ils y ont mis du temps et parce que nous les payons par nos impôts, de souligner ici ou là leur incompétence, leur insuffisance ou… leur lenteur.

D’où l’intérêt de ce qui suit, à savoir une petite présentation de ces services quant à leurs personnels, leur nombre et leur coût.
De ce point de vue, nous avons, avec cette entité, une entreprise douaisienne à forte main-d’œuvre et gros chiffre d’affaire.

L’armée communale

La mairie, telle que nous la donnent les documents budgétaires, présentait en 2020 pas moins de 660 emplois si on considère les postes « budgétaires » (à temps complet, soit 547, ou partiels, soit 113).
Le montant est plus faible en « équivalent temps plein annuel travaillé » , calcul complexe dont le total aboutit à 608,34 « ETPT » , soit les agents titulaires (578,36) et non titulaires (29,98).

Pour comprendre ces deux approches, il faut séparer les postes des personnes. Il n’y a pas forcément correspondance entre les supports budgétés et les gens qu’on met dessus ou pas. On peut avoir des différences entre les deux termes.
L’État possède toujours des personnes rémunérées plus nombreuses que les supports votés. Notre commune est plus vertueuse puisqu’elle fait l’inverse.

En comparaison nationale, l’INSEE indique dans la strate des communes de 20 à 50000 habitants (on est juste au milieu avec nos 35000 Douaisiens), un effectif moyen de 616 emplois, pas trop éloigné du notre, ce qui est bon signe.
Nous sommes aussi modestes pour les ETPT car la moyenne nationale de 20 pour 1000 habitants est supérieure à Douai qui se situe à la louche à 18. On pourrait presque nous dire « sous-administrés » . Tant mieux.

Retenons enfin, dans cette approche générale, le rapport « temps complet/temps non complet » pour les emplois budgétaires, soit 83% contre 17%. Regardons ensuite les agents titulaires et ceux qui ne le sont pas, soit 95% contre 5%.

Ces derniers chiffres donnent une idée assez parlante de la politique de ressource humaine de la commune, laquelle doit plaire aux syndicats. On est souple dans l’octroi du temps partiel (proche de la moyenne nationale cependant) et on aime les titulaires (15 points de mieux que la moyenne nationale).

Filières municipales

La structure par filière, en la comparant à celle de la fonction publique territoriale en moyenne nationale, renvoie aux services donnés aux habitants.
Les différences mériteraient une étude approfondie que nous ne ferons pas. Toutefois, nul doute que l’historique des recrutements, plus qu’une stratégie consciente, joue ici un rôle non négligeable.
Pour résumer, nous sommes relativement faibles en administratif et en animation, très fournis en culturel comme en technique.
Voyons ces deux derniers traits comme une illustration de notre célèbre et enviée dichotomie sociale.

La répartition par catégories d’emplois (A,B,C) démontre que nous disposons d’abord d’un personnel relevant majoritairement de la dernière strate (pour 70% des emplois budgétaires), proportion assez proche de celle de la FPT nationale (75%), petite différence qui provient probablement d’une volonté communale de resserrer le pyramidage. Pour autant, plus la base de la dite pyramide est large et moins elle coûte cher.

Enfin, notons que les deux filières qui connaissent un fort taux d’emplois permanents à temps non complet, sont la technique (14%) et surtout la culturelle (45%), cette dernière connaissant par ailleurs la plus forte présence de non titulaires (26%), lesquels sont pour la quasi totalité des enseignants en arts.
Dans ce dernier cas, l’agent qui bénéficie de l’indice le plus haut (995) est un de ces professeurs.
L’absence de titularisation n’est donc pas toujours synonyme de faible rémunération. Il existe des contractuels très bien payés. C’est d’ailleurs parfois le moyen de s’affranchir des règles contraignantes de la FPT.
Si Douai présente parmi ses agents 5% de contractuels (CDD, CDI), Douaisis Agglo en aligne 30%.

Coûts et rémunérations

Le chapitre 012 du budget (2020) donne les « charges de personnel » assumées par la commune et accessoirement les contribuables : 28,7 millions d’Euros par an. Si on retire de cette somme les cotisations et les charges dont la France a le secret, on obtient en rémunération globale directe 21 millions d’Euros.
Ce chiffre permet de calculer le salaire moyen mensuel d’un agent de la commune = 2650 euros.
Évidemment, la moyenne sans écart-type est l’indicateur le plus bête qui soit. Disons simplement que la distance doit être grande entre la paye d’un DGS – sans doute le mieux rémunéré du lot, sans parler des avantages en nature – et un apprenti tout en bas de l’échelle.

Classement local

Pour finir, il est bon de se demander où se situe la commune quand on la compare aux entreprises douaisiennes, en chiffre d’affaire ou en nombre d’emplois.
On peut discuter la pertinence de soumettre une administration à ce genre de « benchmarking » mais il est toujours bon d’avoir en tête ces paramètres quand on vote.

Avec 660 emplois, l’administration municipale est faible à côté du bel hôpital local qui en aligne 2600. Même remarque du côté de Renault qui, en attente de son embellie électricienne, compte actuellement 2300 travailleurs.
Pour autant, ces dernières entreprises ne concernent pas que Douai intra muros. Dans cette limite circonscrite, le plus gros employeur de la ville est Maisons & Cités avec 832 salariés suivi de Douai Distribution (Leclerc) qui en compte 258. La commune est donc le deuxième employeur de la cité avec ses 660 agents, ce qui n’est pas rien, on en conviendra.

Le plus amusant est de penser que Frédéric Chéreau est donc le patron des deux plus grosses entités de la ville, président de Maisons & Cités et maire de Douai. Vous imaginez la force de frappe du gars ?

En « chiffre d’affaire » , c’est moins net. Le premier établissement de Douai (67° entreprise de la région), déjà cité avec logique, est Maisons & Cités avec 312 millions d’Euros. Le second (81°) est SIA avec 244 M, le troisième (248°) est Douai Distribution (Leclerc) avec 81 M.
Quoi qu’il en soit, la commune par l’importance de son budget pourrait être classée en quatrième place du groupe, avec ses 77 M de budget, assez proche de Norevie (278° régional) dont le CA s’établit à 74 M.

On ne dira rien de cette présence massive des bailleurs sociaux dans la ville qui explique aisément notre réflexe « logement social » – c’est un circuit court décarboné – devant une friche immobilière ou l’impératif de repeuplement, objectif d’ailleurs mis au cœur du PLU.

Quelle plus-value ?

Tout en considérant que nous ne sommes pas devant une administration pléthorique, de fait proche des moyennes nationales, ce qui est une très bonne chose, cette courte présentation suscite évidemment tout un tas de questions et d’abord du côté de la performance.

On aimerait connaitre la satisfaction des habitants quant aux services qu’ils reçoivent au quotidien. La ville bruisse de rumeurs d’incurie ou de laisser-aller qu’il serait bon de documenter sérieusement.

Des déjections canines qui trainent des semaines sur les trottoirs, l’impossibilité d’obtenir rapidement une pièce d’identité, la sous-traitance à des cabinets extérieurs de dossiers pourtant de pleine compétence, des travaux intempestifs menés en dépit du bon sens etc.
Il y a ici matière à audit afin de vérifier la qualité de notre administration municipale, ce qui serait le moyen de contourner deux écueils, l’excès de critiques comme leur interdiction pavlovienne évoquée plus haut.

Hors cet examen qui restera évidemment un vœu pieux, il serait déjà possible de répondre aux impératifs de qualité de ce service public en adoptant un truc banal : la Charte Marianne.
Voilà qui serait utile pour juger de l’efficacité, du côté des usagers, de la seconde entreprise douaisienne.
Pour connaitre la plus-value globale, attendons l’alternance politique qui viendra peut-être. Gardez ces chiffres en mémoire, 77 millions d’Euros de budget, 660 emplois au service des Douaisiens…

Max aime apprendre mais parle un peu souvent à la première personne. C'est un travers qu'il combat difficilement. Va falloir l'aider. Il adore la Scarpe et l'orgue de St Pierre, surtout les basses.

2 Comments

    1. Certes mais la Charte garde toute son utilité dans les collectivités locales, sachant que ces « services publics + » concernent plutôt l’État. Mais retenons votre précision quant à la possibilité de son adoption par notre administration municipale 🙂 Merci de votre lecture attentive.

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