En espérant mieux (2/2)

Nous avons laissé Alexandre de Calonne, enfant de Douai, au moment de sa nomination au Contrôle Général, ancêtre de notre redoutable ministère des finances. A ce poste, l’audace sera sa marque, non sans prise de risque avant l’effondrement final.

Keynes avant Keynes

Quoi qu’il en soit, Calonne arrive avec un plan qui n’est pas doctrinaire comme celui de Turgot, ni moralisateur comme celui de Necker.
Sa maîtrise technique sans égale de l’administration s’inscrit dans une stratégie assez proche des futures doctrines keynésiennes. Il faut restaurer le crédit public pour relancer la machine économique donc emprunter à tout va. C’est ce qu’il va faire.

La situation budgétaire n’est pas sans rappeler celle d’aujourd’hui, avec son déficit abyssal et sa répartition défectueuse des impôts.
En 1783, dans un royaume où les plus riches paient très peu, les rentrées d’argent sont évidemment très inférieures aux sorties. De plus, les emprunts exigibles – qui ne sont pas la dette totale – représentent trois fois le volume du budget, notamment du fait du coût de la guerre d’Amérique. La banqueroute menace.

Sans perdre de temps, Calonne attaque tous les sujets. Il modifie le rapport or/argent de la monnaie pour réduire la spéculation sur les métaux précieux et restaure la ferme générale dans son organisation première.
Il crée en août 1784 une nouvelle caisse d’amortissement – future Banque de France – dont l’objectif était de rembourser en 25 ans la moitié des dettes de l’État qui représentent près de deux milliards de livres.
Il lance de concert toute une série de travaux – routes, canaux, ports maritimes – susceptibles de faciliter l’activité économique, tout en prenant des mesures financières, primes ou avances de trésorerie aux établissements, favorisant le développement industriel.
La paix étant faite avec l’Angleterre, Calonne signe, avec ce voisin qu’il admire, un traité de commerce en septembre 1786. Le pari du contrôleur consiste à favoriser outre Manche les exportations françaises, notamment en vins et produits de luxe. En retour, les importations anglaises doivent stimuler l’industrie française, ce qui sera le cas pour les secteurs les plus performants, ainsi la miroiterie.

L’afflux de capitaux permis par le desserrement budgétaire de Calonne débouche sur une frénésie de dépenses, notamment au bénéfice de la famille royale, de la Cour et plus généralement des classes favorisées, aristocratie ou bourgeoisie d’affaires.
Dans la décennie qui précède la révolution, la remarquable floraison des constructions à Paris et en province, comme le renouveau des arts décoratifs dont le sublime « style Louis XVI » , trouvent leur source dans cette manne inespérée.

Arx tarpeia Capitoli proxima

Cette hausse des dépenses ne s’accompagne aucunement d’un accroissement des impôts que Calonne a même tendance à réduire. Toutefois « l’état de grâce » commence à se dissiper. A la fin de 1785, l’opinion se retourne sous la conjonction des facteurs défavorables que le contrôleur général n’a pas réformés d’emblée.
Car seul un traitement de cheval peut soigner les maux dont souffre le budget du royaume, notamment une meilleure répartition de la charge fiscale, c’est à dire son extension à la noblesse et au clergé. En 1786, le déficit, d’ailleurs mal connu, y compris par le contrôle général, est énorme.

Une situation insoluble peut parfois être utile en obligeant à la réforme radicale dont personne ne voulait. Certains historiens estiment que Calonne aurait ainsi sciemment poussé à la dépense pour rendre inévitable la révolution fiscale. Mais dans un pays comme la France, de tous temps et pire encore dans une société d’ordres, il est impossible d’agir quand on a perdu le soutien des gens qui comptent.

Quoi qu’il en soit le ministre propose au roi en août 1786 un projet de « subvention territoriale » perpétuelle, payée par tous les propriétaires sans exception et dont le montant serait calculé par des assemblées locales. Le coup de génie, aujourd’hui banal, est de ne considérer que le terrain et pas le statut de celui qui le tient.
Au delà, à l’exemple de Turgot, il ajoute diverses mesures comme la suppression des douanes intérieures, le remplacement des corvées par une prestation en argent et enfin la transformation de la Caisse d’escompte en banque d’État.

Louis XVI approuve le plan mais, bien que « roi absolu » , il a l’obligation de consulter ses sujets sur une réforme de cette ampleur. L’opposition des parlements étant certaine, Calonne repousse la solution des États Généraux, lente et complexe. Il opte pour un compromis baroque : une « assemblée des notables » , inspirée d’un précédent de 1626. Il est certain que sa capacité de persuasion et la rapidité de la manœuvre triompheront de toutes les préventions.

L’assemblée des notables

Pour la vitesse, c’est raté. Le caractère velléitaire du roi n’a pas permis de pousser les feux. Décidée en août 1786, l’assemblée se réunit à Versailles le 22 février 1787. La pression, extrême, surmène le contrôleur général qui tombe malade, ce qui repousse de deux semaines l’ouverture des débats.

Dans la salle de l’hôtel des Menus Plaisirs montée pour l’occasion, Calonne dut s’interroger sur son prodigieux destin, lui petit noble douaisien à peine français, artisan d’un renouveau institutionnel digne d’un Richelieu ou d’un Sully, assis comme le voulait l’étiquette sur son pliant, face au roi et aux princes du sang.
Il n’a pas dormi, corrigeant jusqu’au matin son projet de discours. Quand vient son tour après les bonnes paroles de Louis XVI, il est égal à lui même. Lors de son exposé d’une heure, son « talent prodigieux » frappe l’assistance, pour autant sourdement inquiète de ce qui peut sortir de ce cerveau singulier.

Tout au long des semaines de débats, la partie s’avère moins facile que prévue. Des 147 personnalités composant cette instance, bien peu – à peine un tiers – soutiennent les innovations envisagées.
L’opposition ne faiblit pas en dépit des efforts de Calonne qui, selon un témoin, « fut en butte à tout ce que la mauvaise volonté, la grossièreté même, purent suggérer, sans qu’il sortit un instant du calme et de la modération la plus parfaite, ni que des questions tumultueuses faites et qui souvent se croisaient, embrouillassent la justesse et la clarté de ses répliques » .

Ces discussions se doublent de polémiques violentes dans l’opinion. Necker combat son ennemi dans les gazettes sur le montant réel du déficit, chiffre immédiatement réfuté dans les mêmes canaux par Calonne.
La Cour, qui ne veut aucune réforme, s’en mêle, ainsi la reine qui n’a jamais apprécié ce ministre sans doute trop intelligent pour elle. Il s’en plaint au roi. Suit une scène incroyable. Convoquée par son mari souverain, Marie-Antoinette est tancée « comme un enfant pris en faute » en présence du plaignant. « Me voilà perdu, se dit Calonne » . Il avait raison.

La disgrâce puis l’exil

Devant l’enlisement des travaux, tous les journaux bruissent du prochain renvoi du contrôleur qui croit encore, en optimiste impénitent, au soutien inconditionnel de Louis XVI. C’était mal apprécier la force de l’ennemi devant la faiblesse du roi absolu.
Se pensant sauvé au soir du 5 avril, Calonne apprend le lendemain son renvoi, associé à celui de son adversaire le plus acharné au conseil, Miromesnil.
Si beaucoup se réjouissent de cette décision, quelques esprits avisés comprennent cependant que cette éviction annonce le pire. Il est résumé d’une belle formule par Chamfort : « on avait laissé tranquille M. de Calonne quand il a mis le feu et on l’a puni quand il a sonné le tocsin » .

Les espoirs de jouer un rôle en coulisses, voire même de revenir aux affaires, sont vite douchés. Installé dans son château de Berny à Fresnes, Calonne reçoit l’ordre de se retirer dans sa terre d’Hannonville en Meuse, qu’il a acquise à son mariage. Sa seule satisfaction est sans doute de savoir que le même sort est réservé à Necker.
Loménie de Brienne, son pire ennemi, devenu ministre d’État, clôt fin mai les travaux d’une assemblée dont il ne sort quasiment rien. Sa disgrâce s’accompagne d’humiliations personnelles (il doit rendre son cordon du Saint Esprit) mais surtout d’une vindicte générale, du peuple qui le hue sur son passage et des parlements qui risquaient gros sous son ministère. Comprenant le danger et soucieux de pouvoir se défendre plus aisément, Calonne s’exile en août en Angleterre.

Le financier des Princes

Dans l’adversité, Calonne dispose de quelques consolations. D’abord l’accueil chaleureux que lui réservent les Britanniques, peut-être plus objectifs que l’opinion française ou plutôt reconnaissants des effets positifs, pour eux, du traité de 1786.
Il peut ensuite compter sur l’appui sans faille de sa maîtresse de longue date, d’ailleurs flamande comme lui, l’admirable Anne Josèphe de Nettine, fille de banquière et épouse du richissime conseiller d’Harvelay.
Veuve en septembre, elle se remarie avec Calonne, lors d’un court séjour en France, en juillet 1788 dans la chapelle du château d’Abancourt. Il y aurait beaucoup à dire sur cette épouse fidèle qui continuera jusqu’au bout à le soutenir dans ses entreprises au péril de sa fortune.

Mariage de Calonne en 1788 au château d’Abancourt, les paraphes des mariés en haut puis ceux du frère, l’abbé, ainsi que de Charles Herries, banquier britannique qui sera un soutien durant l’émigration, père d’un futur Lord of Treasury.

Quoi qu’il en soit, Calonne, de sa luxueuse demeure d’Hyde Park Corner, fait imprimer plusieurs mémoires justifiant sa politique et qui rencontrent l’actualité car la situation budgétaire de la monarchie arrive en 1788 au point de rupture.
Incorrigible, il espère que la préparation des États Généraux lui offriront un retour gagnant. Candidat à la députation dans sa Flandre natale, l’accueil qu’il reçoit est si désastreux qu’il retourne à Londres aussitôt.

L’histoire est facétieuse. Après la prise de la Bastille et l’effondrement de l’Ancien Régime, de nombreux émigrés rejoignent Outre-Manche le ministre disgrâcié.

En dépit des circonstances passées, Calonne, fidèle inconditionnel de la monarchie, est un des artisans, au début des évènements, de la contre-révolution émigrée. Sans rancune quand on considère leur attitude devant ses tentatives de réforme, il met à la disposition des princes, Comtes de Provence et d’Artois, sa capacité d’action et les ressources de sa fortune.
Membre important des conseils royaux de Coblence ou Turin, il voyage à travers l’Europe au gré des victoires révolutionnaires qui compliquent ses parcours en l’obligeant à des détours étonnants.
Reçu en grandes pompes, tel le ministre qu’il n’est plus, par certains souverains, il est aussi renvoyé par d’autres, inquiets de ses initiatives face à une République conquérante.
Il n’est pas impossible que Calonne ait aimé ce retour en grâce particulier, peut être en imaginant, en cas de restauration des Bourbons, d’un retour aux affaires.

Les derniers feux

Couché sur la liste des émigrés dès 1792, les gouvernements qui se succèdent à Paris lui prêtent – d’une manière très exagérée – un rôle central dans les manœuvres des Bourbons contre la République.
De fait, son action apparait de moins en moins influente au fil des ans. Elle est plutôt épistolaire, sinon littéraire, avec de nombreuses publications sur la situation française qui démontrent toujours d’une fine compréhension des enjeux.
Ces prises de position conduiront d’ailleurs à la rupture avec les princes, les comtes de Provence (futur Louis XVIII) et d’Artois (futur Charles X), quand Calonne affirmera l’impossibilité de revenir, en cas de restauration, sur les réformes sociales et fiscales de la Constituante.

Comme toujours, l’ancien Contrôleur dépense l’argent qu’il n’a pas. Son épouse en voyage avait pris, avant de partir, la précaution d’emporter l’argenterie pour rendre impossibles les invitations qu’ils ne pouvaient se permettre. Sans hésiter, Calonne loua tout le matériel de table, sans rogner ensuite sur la magnificence des plats qu’il considérait devoir à ses hôtes.

A ce rythme, comme celui de son éloignement des chefs de l’émigration, sa situation financière devient peu à peu insoluble. Sa collection de tableaux – 360 toiles dont des Rembrandt, Titien, Vinci, Tintoret etc. – saisie à Londres, mal vendue, est dispersée dans toute l’Europe.
A partir de 1795, quand arrive en France le Directoire, Calonne entre dans la période la plus difficile qu’il ait connue, au point d’attaquer, comme le montrent ses courriers, la bonne humeur qui, dans l’adversité la plus noire, ne l’avait jamais quitté.

Retour en France

Avec la Paix d’Amiens en 1800 qui fait suite à l’arrivée de Bonaparte au pouvoir, Calonne réclame sa radiation de la liste des émigrés. Il est à peu près oublié de l’opinion mais pas des gouvernants qui trainent pour accéder à sa requête.
Audacieux comme à son habitude, il débarque à Calais en mai 1802 pour forcer le destin. Il espère, dans la remise en ordre financière menée par le Premier Consul, retrouver un rôle à jouer… à 68 ans.

De fait, il compte sur ses contacts près du nouveau pouvoir. Ainsi Mollien, réfugié à Londres comme son ancien patron sous la Terreur, devenu en 1800 directeur de la Caisse de Garantie et d’Amortissement – future Caisse des Dépôts et Consignation – qui doit apurer la dette française.
On le croit aussi lié à Fouché qui compte l’utiliser contre Talleyrand pour amadouer les milieux royalistes qui commencent à compter à Paris, comme ceux proches des intérêts britanniques.

Calonne rédige dans l’urgence plusieurs mémoires qu’il adresse à Bonaparte, persuadé qu’ils attesteront d’une compétence restée intacte. Il y a dans ces notes des vues pénétrantes, posées comme toujours sur une expertise des finances de haute volée. Le charme est cependant rompu. Si personne ne tient compte de ces écrits, c’est aussi que ses anciens collaborateurs n’ont aucune envie qu’on rappelle leur passé au service de Louis XVI.
A cette fin, le Moniteur publie un commentaire cinglant sur un projet « tellement faux qu’il n’avait pas l’air d’avoir été fait à Paris mais d’être écrit de la Chine » . Napoléon rappelle de Sainte Hélène les conditions de cet accueil hostile. Vingt ans plus tard, il avait gardé en tête l’apparence défectueuse de mémoires « qui étaient raturés, il ne s’était pas donné la peine de les épurer. Ce manque d’égards me choqua. D’ailleurs, je n’entrais pas dans les idées de l’ex-ministre » .

Resté à Paris, Calonne ne désespère pas pour autant mais le destin, cette fois-ci, va contrecarrer ses plans. Se promenant dans le jardin des Tuileries, apercevant une montgolfière s’élevant dans les airs, il se met à courir pour voir de près l’envol de l’engin. Rentré chez lui en nage, il est atteint d’une pneumonie qui l’emporte le 29 octobre 1802.

Destins des Calonne

Ainsi se termine l’existence d’Alexandre de Calonne, sans doute, avec Merlin, la plus célèbre de Douai pour cette période et même au delà. Pour autant, sa disparition y passa inaperçue comme d’ailleurs dans tout le pays. L’heure du ministre était finie, le monde n’avait plus besoin de lui.

Quant à ses proches, leur destin rejoint cette indifférence. Son épouse, qui l’avait assisté jusqu’au bout avec son dévouement habituel, décède en 1813, n’ayant « conservé que 6000 francs de rente et ne se plaignant pas » .
Son fils unique, Charles, n’était déjà plus de ce monde. Officier de chasseurs au service de l’Angleterre, atteint de la malaria, il meurt à Messine en 1808.

Plus singulière sera la destinée de son jeune frère Ladislas. Soutenu par son aîné dans sa carrière ecclésiastique, il lui apporte en retour un soutien sans faille lors de l’émigration, notamment par des contacts innombrables dans toute l’Europe.
En 1799, « l’abbé » s’installe simple prêtre au Canada, sur des terres de l’Île-du-Prince-Édouard qui appartenaient à son frère. Revenu en Angleterre en 1803 pour s’entendre avec les créanciers qui le harcelaient depuis la mort d’Alexandre, il exerce un ministère à Liverpool le temps de régler ces dettes.

L’abbé de Calonne, né à Douai en 1743 et mort à Trois-Rivières en 1822.


Établi au Québec en 1807, ce prélat pourtant habitué au faste vivait en ascète, réservant ses revenus aux plus nécessiteux. Estimé des populations des deux langues et des deux religions, Ladislas est mort en 1822 en « odeur de sainteté » . La tradition orale canadienne a longtemps conservé ce pieux souvenir. En 1962, une vieille ursuline de Trois-Rivières parlait encore de « notre M. de Galonne » comme si elle l’avait connu.

Pour finir, outre ce parcours prodigieux tenant à de rares compétences intellectuelles, retenons quelques traits de caractères qui permettront peut être d’atténuer l’opprobre généralisée dont est victime jusqu’à aujourd’hui notre Contrôleur Général.
D’abord une incontestable générosité qui contredit la cupidité régulièrement attachée à son souvenir. Les sources documentaires, notamment celles de sa période d’émigration, indiquent que toute rentrée d’argent aboutissait pour lui à une immédiate distribution de ces fonds à plus pauvre que lui.

Mais il y a mieux encore. Ainsi cette profession de foi, exprimée par l’intendant Calonne. Elle pourrait être méditée à profit par nos actuels dirigeants : « n’être pas touché de la misère publique, ne pas craindre d’aggraver les charges du peuple, ne pas faire son possible pour en diminuer le poids, ce n’est pas seulement un défaut de mérite dans un administrateur des finances ; c’est à mes yeux une véritable infamie » .

Douaisis Agglo s’habille en Camaïeu

C’était, de la cérémonie des vœux de notre grand patron, Christian Poiret, le truc qu’il fallait retenir : Douaisis Agglo s’implante dans le centre ville de Douai en investissant le local déserté voilà peu par Camaïeu.

Technique de vente

C’est un beau bâtiment, y’a pas à dire. Super bien placé au cœur de la « croix de Douai » mais surtout un marqueur important du passé de la cité.
Le Soldat Laboureur puis la Villa Toriani avec son célébrissime Cinatus, témoins d’une splendeur révolue, quand les conducteurs et les motards au gosier asséché pouvaient se garer au pied de leur troquet favori.

Point fort de ce spectacle d’autocélébration payé chaque année par ceux qui n’y sont pas invités, cette annonce – peu coûteuse si on la compare aux « éléphants blancs » habituels – est un coup de triangulation plutôt réussi.

D’abord par l’inversion toujours maline, chez notre vendeur de métier, des critiques reçues par la communauté d’agglomération qui nie Douai dès qu’elle le peut.
C’est une vérité ? Il suffit de la retourner : « nous travaillons pour la ville centre qui doit être une locomotive » . Ben, oui, s’il le dit c’est que c’est vrai.

Avec la certitude de la victoire, notre président au carré sort de son seul cerveau et d’un coin de table une solution miracle au désastre commercial du centre ville… à deux pas du beffroi.
Il ne lésine pas le Christian, il dégaine une réponse « Douaisis Agglo » quelques semaines après la fermeture de Camaïeu quand de nombreux magasins restent vides des années sans que cela n’émeuve nos édiles communaux sauveurs de planète.

Parions que ce truc va avancer à toute vitesse devant les citoyens ébahis et, pire encore, devant la majorité municipale qui pourra toujours juger de sa propre efficacité en y passant devant chaque matin.

Technique de provocation

Comme un gros pied de nez, Douaizizaglo pose en « cœur de ville » une provocation de grande dimension. C’est l’OM qui installe ses dirigeants au Parc des Princes ou le PSG les siens au stade Vélodrome.
On appuie là où ça fait mal et il faut reconnaître que c’est plutôt bien fait. Que peut dire Frédéric Chéreau qui a découvert lors des vœux cette invention perfide ? Rien. S’opposer est impossible. Critiquer coûtera cher.
Reste le silence gêné ou, mieux, l’élément de langage justifiant cette conquête de l’ennemi, tellement plus fort que soi-même. La VDN, qui rapporte les propos de notre maire, vend la mèche : « cette annonce est une belle annonce » . Ben oui, quoi…

Nul doute, hors l’envie pressante de se moquer de ses rivaux municipaux, que notre parrain souhaite reconquérir le terrain perdu dans l’électorat douaisien. Il est vrai que le crédit du « seigneur de Lauwin-Planque » y a bien baissé, ce qui la fiche mal quand on considère qu’il s’agit là du socle de sa puissance départementale.
On aura sans doute sur les grandes vitrines de l’ancien Camaïeu, siglées Douaisis Agglo, la trombine du président tout puissant, histoire de rappeler qu’il faut voter pour le boss qui « travaille, lui » .

On y place entre autres l’office du tourisme sorti de l’hôtel du Dauphin « trop exigu » , déménagement censé prouver que ça progresse depuis que cette compétence a été donnée à Douaizizaglo. Nous v’là avec sur les bras un local vide qui fera la paire avec le Passage Gayant

Ouh là ! On va ramer pour trouver une utilité à l’hôtel du Dauphin !
© La Voix du Nord

Cette installation est aussi une réussite à mettre au crédit de notre vice-président de Cour « insoumis » , lequel va peut être obtenir par cette bonne exposition médiatique le moyen de préparer la future conquête municipale.
Bon, il fait du tourisme, d’accord, mais quelle sera donc sa couleur partisane ? Ménidienne, marcheuse, nupésien-n-e, verdâtre, douaisinolâtre ? On a hâte de savoir.

Technique de camouflage

Il était quand même possible de rappeler à nos maîtres agglomérés, une fois le nuage de communication dissipé, qu’ils avaient un endroit parfaitement adapté pour y poser leurs services : l’hôpital général.
C’est beau, c’est grand, c’est dans le centre-ville, ça ne manque pas d’allure et c’est vide par leur faute.
Voilà ce qui aurait bien aidé à améliorer leur réputation et l’avenir de ce bâtiment à la dérive depuis plus d’une décennie. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait nos voisins valenciennois en installant une partie de leurs bureaux dans l’emprise du Royal Hainaut.

Hors ces tactiques politicardes de bas étage, passons quand même au principal : le symbolique stratégique.
Si on comprend bien, on échange un magasin pour un centre multiservices censé sauver le centre-ville. Un peu comme Frais-Marais quand on fait aux habitants, qui n’ont plus rien, l’aumône de quelques administrations délocalisées. Là, on les concentre dans le cœur de ville mais l’idée est la même.

Cette décision confirme le rôle assigné à la capitale du territoire. Perdant sa fonction commerciale, elle doit se transformer en cité administrative. La mutation bientôt achevée, Douai sera définitivement à l’abri du marché, système décidément trop exigeant. Il est tellement plus simple de solliciter l’argent public gratuit.

On pourra poser dans les cellules vides, à côté des opticiens, pharmaciens et autres agences bancaires, des services répondant mieux aux besoins d’une population elle aussi en pleine transformation. Elle pourra de plus être transportée gratuitement vers le centre où elle trouvera tout ce qui est utile : pôle emploi, CAF, Restos du Cœur, abris de nuit, poste de police…

Technique de foutage de gu….

Loin du dévoilement d’un « grand dessein » révolutionnant l’avenir du Douaisis par Douai ou, mieux, de la définition d’une stratégie touristique de haute volée, terminons en beauté par l’exemple du bienfait concret, selon l’inventeur lui même, qu’apporte cette installation aux Douaisiens.
On imagine sans peine que l’énoncer devait procurer à Christian Poiret une certaine jubilation, celle qu’on ressent quand on se venge d’un voisin détesté en lui offrant un cadeau pourri. Il doit l’accepter et en plus remercier.

Reprenons les citations de la VDN. Elles commencent bien : « vous verrez qu’il y aura toutes les compétences de Douaisis Agglo » mais après on a ça : « celui qui n’aura pas ses sacs poubelle à l’heure, il pourra aller les chercher place d’Armes » .

T’es pas content le Douaisien ? Va chercher tes sacs et réjouis toi !

Quand les squats flambent

Phénomène qui a défrayé la chronique nationale quand quelques pauvres proprios se trouvaient dépossédés de leur bien par des margoulins sans scrupules, les squats n’épargnent pas Douai non plus.

La fin du droit de propriété

Ces péripéties, quand on les regarde de près, sont emblématiques de l’actuelle impuissance publique. L’empêchement ne tient d’ailleurs pas à la supposée difficulté de les régler. Il découle de l’invention de droits « supérieurs » à celui de propriété que nos ancêtres avaient pourtant sacralisé en 1789.

Ce glissement juridique est à mettre en face de l’opinion quand on sait que 90% des citoyens interrogés défendent ce vieux principe dans tous les sondages. Le Parlement a légiféré contre le populo proprio, est-ce donc possible ?

Conscient du léger décalage qui existe de nos jours entre ces lois dingues (du DALO au SRU en passant par le sublime Duflot) et l’avis des Français, le gouvernement a inventé voilà peu un pompeux « observatoire des squats » censé donner en temps réel l’état de ces occupations sans titre, histoire de démontrer qu’il est efficace.

La lecture de ce tableau fait sourire (en janvier 2021, sur 124 cas, 17 pour les Hauts-de-France, sur… plusieurs milliers de procédures en France…). Les critères excluent pas mal de situations, notamment celles où le bien concerné n’est pas habité régulièrement, par exemple une résidence secondaire.
De même, pour intégrer cette liste, il faut avoir déclenché avant tous les leviers légaux avec avocats, huissiers et tout le tintouin.

Qu’on se rassure, ces affaires ne disparaitront pas de sitôt sauf dans le cas où le parlement irait jusqu’au bout dans les réformes en cours sur le sujet. Comme on a perdu notre Dimitri, ce n’est pas gagné.

Un marqueur de paupérisation

Les squats sont, quand ils se multiplient dans une ville, un indicateur de la dégradation des valeurs immobilières, résultat de la baisse de sa population – d’où la vacance des biens – cause et conséquence de l’effondrement de l’attractivité économique.
Ce phénomène, qui a été étudié par les urbanistes et les géographes, s’accompagne toujours des mêmes caractéristiques sociales, l’apparition d’une population pauvre et foraine ainsi que la hausse de l’insécurité. Quand on y pense, il y a assez peu de squats à Neuilly ou dans le XVI° arrondissement de Paris.

L’autre conséquence est la mise en péril des bâtiments car le destin d’un squat, très souvent, c’est de se transformer en fumée. Ces incendies peuvent être déclenchés par des branchements électriques bricolés ou, pire, par de bonnes flambées improvisées. Un meuble mis en petits bois bien secs et hop, c’est le feu de camp au milieu de la pièce.

Le vandalisme n’est aussi jamais très loin, excité par la facilité des accessibilités qu’aide une absence généralisée de surveillance. De même, l’abandon et le délabrement sont autant d’invitations aux dégradations selon le principe bien connu du carreau cassé qui veut qu’un de plus ou de moins, après tout…
Terminons enfin par l’impunité. L’anonymat des auteurs est toujours la règle. Quand ce n’est pas le cas, les sanctions sont inexistantes, comme le prouvent les piteuses conclusions policières et judiciaires des exemples qui suivent.

Les squats de Douai

A Douai, les squats prospèrent en silence, qu’ils soient publics ou privés. Dans ce dernier cas, il s’agit surtout de biens en déshérence que plus personne ne gère.

Une balade dans les rues du centre-ville et l’examen attentif de l’état des maisons les plus dégradées peut faire apparaître, ici ou là, des signes évidents d’occupations sauvages. C’est une porte ou une trappe de cave mal fermées, des serrures déglinguées ou encore l’allure bizarre des rideaux ou des ouvrants. On conseille aux lecteurs de s’amuser à observer ces signes lors de leur promenade dominicale.

Dans un mélange public/privé, on peut mettre dans le groupe qui précède les ruelles qui offrent, si on parvient à contrôler les portes d’entrée, une installation discrète dans les maisons qui s’y trouvent, restaurées avec les aides européennes mais officiellement inhabitées.
Ce fut ainsi le cas de la ruelle des Minimes qui donne sur la rue des Foulons, à quelques mètres de la mairie. Les occupants, trop malins, avaient même installé une machine à laver !

Un patrimoine en cendres

Peu de monde défend la qualité architecturale du bâtiment de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) qui se trouve rue de Roubaix. Vu de loin, ce gros truc brutaliste a pourtant belle allure mais quand on le regarde de près, on voit qu’il a pris cher, bien noirci ici ou là.
Désaffecté depuis juillet 2018 après qu’un violent incendie ait détruit une partie de la toiture, il en a connu un autre en janvier 2020 au sous-sol, transformant en chaleur les archives d’une administration depuis évanouie. Il ne manquait plus qu’un peu de flammes entre les deux niveaux déjà cramés, ce qui a été chose faite en décembre dernier.
De l’avis des spécialistes, il y a un lien formel entre son statut de squat et ces incendies à répétition.

Il était beau ce bâtiment… Payé par nos impôts…

Après le feu arrive l’eau. Dans ce cas, rappelons le triste sort réservé à notre ancienne université, squattée régulièrement comme le prouvent les traces d’habitation qu’on voit si on y fait un tour.
En mars dernier, on a découvert fortuitement une fuite dans ses sous-sols, entièrement noyés sur 2,5 mètres de hauteur. L’ampleur de l’inondation a été estimée à près de 1 200 m3. Pour donner un ordre de grandeur, c’est un peu moins que le remplissage de Sourcéane et presque le double de la piscine des Glacis.
Là encore, pas de doute, « l’acte malveillant » est évident comme l’ont reconnu les experts. Nos braves squatteurs devaient avoir soif.

Terminons en beauté par notre ancien IUFM, vainqueur toutes catégories des squats inflammables.
Largement pillé et fréquemment visité, le bâtiment a connu de nombreux « départs d’incendie » depuis sa fermeture définitive en juillet 2010. Un peu énervée, la VDN les égrène dans ses colonnes : ainsi en août 2020 – assez conséquent – puis en octobre et enfin en novembre 2022.
A chaque fois, la source des feux se trouve dans la « partie squattée » , laquelle est située tout à côté des services départementaux, proximité assez amusante quand on sait que ce bâtiment leur appartient.
Plaignons, non pas ce dernier, mais les riverains impuissants devant ces dangereux sinistres.

Oh, non, pas ça !

Que faire ?

Que dire au final ? C’est une affaire compliquée comme toujours à Douai quand l’intervention publique réclame énergie et ressources financières.
Il manque toujours un des deux trucs et même régulièrement les deux.
Tous les désastres cités – on a évité l’Hôpital Général qui est hors concours – reçoivent à chaque fois des excuses, quand on découvre le feu ou la flotte, en forme de projets à venir : « oui, oui, c’est bon, on a prévu un truc, c’est réglé » .
Ces piètres arguments relèvent évidemment de l’effet d’annonce, destiné à éteindre le ressentiment du citoyen, jusqu’au prochain incendie qu’on observera une fois de plus les bras ballants.

En espérant mieux (1/2)

Dernier grand ministre de l’ancien régime, Alexandre de Calonne était un enfant de Douai. Si la postérité n’a pas toujours été tendre avec lui, les historiens ont récemment réévalué sa tentative de réforme de la monarchie avant l’effondrement de 1789.
En dépit de cet échec, le personnage mérite qu’on s’y arrête. Son origine flamande et parlementaire serait en elle même un sujet d’intérêt mais il est surtout, à bien des égards, un prototype de la caste des hauts fonctionnaires qui peuplent aujourd’hui nos administrations.

C’est avec cette idée en tête qu’on doit aborder ce portrait qui sera partagé en deux parties, toutes placées sous la devise géniale de sa famille : « en espérant mieux » .

Une grande famille parlementaire

Calonne qui est né à Douai le 20 janvier 1734 n’était pas le fils de n’importe qui. Son géniteur, Louis, était président du parlement de Flandre. Sa mère, Henriette de Francqueville d’Abancourt, venait d’une noblesse un peu plus ancienne que celle de son époux. Sa famille était de Cambrai. Il en reste des traces, le musée municipal a été installé dans son hôtel.

Revenons au père. Il était né en 1700 à Tournai d’où sortaient les ancêtres de la plupart de ses collègues. Comme eux, il a rapidement rejoint Douai devenue en 1713 capitale de la province. Louis suit les traces de ses père et grand-père en embrassant la magistrature, laquelle leur avait permis l’anoblissement.

Il faut d’emblée préciser que ce terme de « parlement » n’a aucun rapport avec celui que nous connaissons aujourd’hui. Il s’agissait d’instances judiciaires dont les membres – aristocrates – achetaient leurs charges, loin de toute désignation gouvernementale et de toute élection.

Il y a toujours, comme point de départ de ces dynasties locales, des biens fonciers plus ou moins nombreux, fruits de cette remarquable habileté dans les affaires dont a toujours fait preuve – jusqu’à aujourd’hui – l’élite flamande.
Pour les Calonne, ces possessions se trouvent à Merchin, bourg de Lesquin, où leur seigneurie comptait une vingtaine d’hectares associés à un certain nombre de rentes. Se sont ensuite ajoutés d’autres titres puis diverses charges échevinales à Tournai puis Douai.

Des débuts prometteurs

Revenons au jeune Alexandre de Calonne. Envoyé à Paris au célèbre collège des Quatre-Nations, il s’y révèle extraordinairement brillant, décrochant plusieurs prix de grec, de latin et même d’éloquence. Pour autant, c’est à Douai qu’il acquiert ses diplômes de « Droit et de Droit canonique » .
Reçu avocat en 1754, il se forme aux affaires aux côtés de son père. Après quelques années consacrées à la jurisprudence locale dont il devient rapidement expert, il est en 1758 avocat général au conseil provincial d’Artois. C’est une position d’attente. Louis de Calonne, président à mortier depuis 1739, reprend la place de procureur général de Douai en 1757 pour la transmettre toute chaude à son fils préféré.

Hotel dit de Calonne détruit par les Allemands à Douai en 1918
Hôtel de la famille Calonne rue de Bellain en novembre 1918

Le moment est propice car l’équilibre des trois clans qui se partagent les postes du parlement de Flandre vient de se rompre par la mort en 1756 de Charles-Joseph de Pollinchove, président incontesté durant 45 ans.
Les deux familles restantes – Calonne et Blondel d’Aubers – s’opposent sans merci, lutte que n’atténuent pas les liens matrimoniaux. La sœur d’Alexandre, Marie-Anne, est l’épouse d’Eugène Blondel, successeur de Pollinchove en décembre 1756.

Trois ans plus tard, comme prévu, Alexandre succède à son père au poste de procureur général au parlement de Flandre. Cette accession n’est pas régulière du tout mais Louis dispose de soutiens solides à la Cour et surtout la réputation du fils, déjà grande, permettent quelques entorses à la règle.
L’œuvre du procureur de Douai sera à la hauteur des attentes. Il est certes un régional de l’étape, expert des arcanes du parlement local, ce qui l’aide beaucoup, mais sa compétence et son efficacité marqueront les esprits. Aucun de ses successeurs ne parviendra à l’égaler.

L’homme du roi

Il y a un risque, si on entre trop dans les détails de l’action de Calonne à Douai, de perdre nos lecteurs. Retenons simplement qu’elle s’inscrit dans l’antagonisme qu’entretient la monarchie avec ses parlements. Ces derniers s’attachent sans relâche à maintenir, sinon augmenter, leur autonomie devant le pouvoir royal. De cette opposition insoluble sortira la révolution.

Quoi qu’il en soit, paradoxalement, le procureur général sera plutôt du côté du roi contre ses collègues et en premier lieu son beau-frère. Ce dernier a beaucoup de mal à conjurer ses initiatives. Il est vrai que sa capacité de travail, son intelligence stratégique et son culot sont très supérieurs aux compétences du premier président.

Calonne est soutenu par le gouvernement, soucieux de disposer d’un parlement, certes renforcé dans ses prérogatives mais dont les patrons sont loyaux à la monarchie. Dans cette période troublée, l’appui d’une telle instance, même aussi petite que l’est la Flandre des confins, est toujours bon à prendre.

Le procureur général démontre d’un brio sans égal. Il n’y a pas un parlementaire qui lui arrive à la cheville et il le sait. A ce titre, son arrogance est sans limites, alliée à un optimisme excessif. Incapable de rancune, il oublie que ce travers, surtout chez les médiocres, peut être inexpiable.

En 1763, une opposition massive va causer sa perte. Son projet de création d’une « cour des aides » visant à rassembler toutes les exceptions fiscales – innombrables – sous la seule juridiction du parlement de Douai ne passe pas. Parvenu au conseil du roi et pourtant soutenu par le contrôleur général, le dossier est enterré sine die.
Comme de nos jours, la peur de débordements avait conduit le pouvoir à ne rien changer.

Un grand intendant

Comprenant que la cité ne lui sera jamais favorable, Calonne quitte Douai pour acheter, en 1765, un office de maître des requêtes. Ce n’est pas donné, son coût serait aujourd’hui de plus d’un million d’euros, mais il est payant. Cette fonction parisienne met ses titulaires au contact régulier du gouvernement qui peut en distinguer les personnalités les plus prometteuses.
« État que l’on n’embrasse que pour le quitter » selon le mot du chancelier d’Aguesseau, il est le vivier – sorte d’ENA -où la monarchie recrute ses hauts fonctionnaires, ministres, intendants, contrôleurs généraux etc.

Très vite, Calonne se fait remarquer, intervenant en 1765 d’une manière décisive lors de la célèbre affaire de Bretagne. Sa manœuvre dans la procédure – habile mais sans scrupules excessifs – conduit le président La Chalotais à l’arrestation puis l’exil.
Plus encore, il contribue à la rédaction du discours de Louis XV lors de la « séance de la flagellation » au parlement de Paris en mars 1766. Le monarque rappelle – par des mots aussi cinglants que choisis – qu’il est, dans le royaume, la source de toute autorité : « l’ordre public tout entier émane de moi, j’en suis le gardien suprême, mon peuple n’est qu’un avec moi » .

La récompense ne tarde pas. Calonne obtient l’intendance des Trois-Évêchés, suivie en 1778 par celle de son pays natal, la Flandre et l’Artois. Son action, à Metz puis Lille, est remarquable dans ces fonctions assez proches de celles des futurs préfets napoléoniens.
Comme elles touchent beaucoup de domaines, il s’intéresse de près aux innovations agricoles, industrielles ou financières avec un suivi attentif des détails qui fait le succès de la mise en œuvre. L’urbanisme, comme à Douai où il a défendu avec succès contre les échevins le règlement de 1718, est une de ses préoccupations essentielles.
Lille en recevra sa salle de spectacle et un nouvel hôtel d’intendance, réalisés après son départ mais dont le projet, permis par l’astucieux croisement de sources financières auxquelles personne n’avait pensé, est sorti tout entier de son esprit fertile.

Enfin, dans ces positions, Calonne parvient à impressionner la haute noblesse, duc de Broglie ou prince de Condé, qui lui apporte un soutien utile pour la suite. Ce milieu – qui n’est pas celui de la robe – l’attire. L’attraction, réciproque, découle de ses qualités qui épousent celles de la Cour. Spirituel, aimable, fastueux, il aime de plus les femmes qui le lui rendent bien.

Le ministre d’État

Calonne a épousé en 1769 Marie-Joséphine Marquet, riche héritière. La fiancée n’est pas jolie avec « un grand front élevé et un menton en galoche » mais elle est la petite fille de Pâris-Duverney, issue d’une famille de la haute finance qui compte des banquiers, des fermiers généraux ou des receveurs du roi. Ce mariage prestigieux et la fortune qui s’y attache durent peu. Coup du sort, la jeune épouse meurt l’année suivante en couches à vingt ans.

Fidèle à la monarchie tout en sachant faire connaitre à la Cour sa réputation d’habileté, Calonne vise rien moins que le contrôle général des finances. On parle souvent de nos jours de ce fameux « hubris » dont sont affligées certaines personnalités politiques. L’intendant de Flandre répond assez bien au concept. La situation financière du royaume est catastrophique mais il ne doute pas un instant qu’il est l’homme de la situation.

Dès 1781, utilisant ses incontestables talents littéraires, il n’hésite pas à publier sous le manteau un libelle hostile à Necker. Remercié en mai, le banquier suisse, qui en devient un ennemi mortel, est remplacé successivement par deux médiocres, Joly de Fleury puis d’Ormesson, qui se sont mis à dos tous les milieux d’affaires. Calonne profite durant cette période d’une campagne médiatique qui crée en sa faveur une étonnante attente de la part de l’opinion.

Il est vrai que personne n’ignore qu’il peut être, par sa bonne maîtrise de ces sujets, une solution aux deux maux du pays, l’opposition parlementaire et la méfiance de la haute finance.
Le 3 novembre 1783, Alexandre de Calonne est nommé par Louis XVI, qui s’est fait forcer la main par Vergennes, contrôleur général des finances, emploi complété en janvier 1784 par le titre de ministre d’État.

On raconte que dès sa première rencontre avec le souverain, il ose à brûle-pourpoint lui réclamer une très forte somme pour éteindre ses dettes. Surpris, le roi accède toutefois à sa demande, lui donnant des actions d’une compagnie dont la vente devait couvrir le besoin.
Les mauvaises langues ajoutent que le contrôleur général, dont la vie à crédit faisait partie de son prestige, s’est bien gardé de s’en défaire. C’était un « bonus de bienvenue » avant la lettre

La grande période d’Alexandre de Calonne s’ouvre alors, à 50 ans, pour le royaume et pour lui.

A quoi servent-ils ?

Ah si les illuminations de la rue de la mairie pouvaient s’accompagner d’occasions de se réjouir ! Pas de bol, un article de « l’Observateur du Douaisis » nous en empêche une fois de plus.
V’là qu’il nous annonce la fermeture de commerces de Douai emblématiques du centre-ville, le célèbre Devred et le non moins fameux Paprika.

Si on veut faire dans la nuance, il faut reconnaitre que la disparition progressive des magasins des villes moyennes sont des phénomènes complexes qui dépassent probablement de beaucoup les moyens de nos pauvres élus municipaux, en maîtrise théorique comme en capacité d’action.

Pour autant, comme le montrent certains exemples, il ne suffit pas d’espérer pour entreprendre, sans parler de la justification de l’existence de tout gouvernement : prévoir.

De ce point de vue, persuadons nous que la succession de crises qui assaillent notre pays depuis quelques années n’a comme origine que l’oubli coupable de ce principe de bon sens. Si ça foire ici ou là, c’est qu’une décision n’a pas été ou mal prise quelques années plus tôt.
Il est d’ailleurs assez piquant de voir nos gouvernants, qui bénéficient de la ponction fiscale la plus élevée du monde occidental, mettre tous leurs efforts à faire accepter aux citoyens la pénurie dans les services qu’ils leur doivent : soins, électricité, mobilité, éducation…

A notre échelle communale, il en est de même. Douai, gavée des revenus du charbon aurait pu, quand elle avait ces moyens, anticiper la fin des houillères.
Elle aurait pu, surtout, un peu plus tard, mieux négocier cette calamiteuse communauté d’agglomération qui transforme peu à peu la ville en trou noir commercial, faute d’y consacrer ses soins et ses ressources financières comme elle le devrait.

Des exemples de villes moyennes qui ont su résister au marasme existent. On a le cas extraordinaire d’Amnéville en Moselle, d’abord sauvé du communisme par son maire, Jean Kiffer, lequel a ensuite réussi à transformer une cité sidérurgique à la dérive en station thermale dynamique dédiée à une multitude d’activités génératrices de plus-value.

Il peut donc arriver que des équipes municipales trouvent les moyens de limiter la casse, tout simplement en identifiant certains facteurs de déclin et en mettant toute leur énergie à les réduire.
A Douai, partons du principe que c’est cuit du côté de Douaizizaglo® tant qu’on aura le parrain et le duo infernal aux manettes. Il ne nous reste donc que nos représentants communaux, lesquels après tout, en absence du soutien de leurs collègues agglomérés, pourraient définir toutes sortes de stratégies pour conjurer notre mauvais sort commercial.

Malheureusement, de ce côté, c’est pas fameux. Comme le montre l’orientation du « plan d’aménagement » que nous avons examiné récemment, il y a peu de chance qu’on sorte d’une décroissance qui met en priorité le sauvetage de la planète plutôt que celui de nos magasins.
Empêchons les clients de venir en bagnole, mettons les habitants à la marche à pied obligatoire, instaurons la cité « solidaire, inclusive et végétale » qui nous sauvera tous…

Mais il y a pire que ces choix absurdes, après tout soutenus par les électeurs puisqu’ils ont voté pour l’équipe actuelle. Cet article de « l’Observateur » prouve, à travers les témoignages des commerçants concernés, à quel point ce sujet n’est en aucun cas le dossier prioritaire de notre équipe municipale.

Le citoyen de base pourrait se dire, compte-tenu de l’impact catastrophique de ces fermetures sur l’image de la ville, que nos élus rémunérés passeraient tout leur temps à s’en occuper. Il ne suffit pas d’espérer pour entreprendre, ce serait au moins la preuve qu’ils se battent sur ce front où Douai joue sa survie.

Lisons. Que les « travaux de piétonisation de la rue de Bellain » n’aient pas aidé, les commerçants en sont persuadés, ces empêchements s’ajoutant aux effets de la crise sanitaire : « on a perdu près de 50% de trafic entre 2019 et aujourd’hui » . Ah oui, quand même…
Le pire est de lire ensuite cette promesse de désespérance : « on n’a pas été aidé par l’équipe municipale en place. Le maire n’est jamais venu nous voir pour savoir comment on se portait après l’épidémie et les travaux » . Pas un élu, pas un responsable n’a pris la peine de tâter le pouls de ces entrepreneurs en difficulté ? On croit rêver.

La conclusion est plus révélatrice encore ou d’ailleurs logique, de celle des réponses que peut donner une végétarienne quand on lui demande ce qu’elle pense d’un bon steak saignant.
Notre adjointe chargée, pas moins que « de l’urbanisme, des grands projets, du commerce et de l’artisanat » , explique, sur le mode procrastinateur qui restera la marque de cette équipe municipale, que rien n’est « encore dessiné » . Non, sans blague, rien ?
Verbatim ça donne : « nous n’avons pas avancé sur le sujet » , ou encore mieux : « nous envisageons de contacter les propriétaires. Si rien n’est prévu, nous rencontrerons des acteurs à la recherche de locaux pour partager l’information » .  

Vous avez bien lu, pas d’action, pas de concret, « on va partager l’information…. » . Nous on la donne : la vacance commerciale du centre-ville avoisine les 25% quand la France est à 9%…

Du PADD au PLU

Du béton avec du vert à Douai

Sujet essentiel pour l’avenir de Douai, la refonte du Plan Local d’Urbanisme (PLU) entre actuellement dans sa phase concrète. Nous ne pouvions passer sous silence ces opérations et cela d’autant plus que personne ou presque n’en parle, ni n’en parlera.
La municipalité, qui en a l’obligation, a mis en ligne son Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD), base stratégique du plan à venir. Plongeons nous dedans.

Des spécialistes sont à l’œuvre

C’est un cabinet extérieur, Verdi, pompeux « designer de territoires » qui, cette année, en a assuré la réalisation. Cette grosse boite possède des antennes un peu partout, dont une à Wasquehal (Verdi Nord de France), elle même déclinée à Eleu-dit-Lauwette, d’où sort ce PADD.
Ce genre de machines – qui prospèrent depuis la décentralisation – payées à prix d’or pour produire au kilomètre ces documents stéréotypés n’échappent pas à une contradiction foncière. D’un côté, elles maîtrisent en expertes leur forme générale. Mais, de l’autre, elles ne connaissent rien des déterminations d’un territoire découvert quand on leur passe commande.

Il aurait été toutefois possible de pallier ces insuffisances par divers moyens, ainsi des enquêtes et des investigations adaptées. Rien de tout cela pour constituer le diagnostic de notre brave PADD.
Les sources sont un évident pompage du SCoT ou, plus simple encore, la reprise des problématiques qui se baladent un peu partout, saupoudrées de quelques références externes bien banales.
On comprend enfin qu’on a surtout sollicité la municipalité elle-même, probablement par divers entretiens ou le recyclage d’études qu’elle a produites dans le passé. Dans ce genre de littérature, rien ne disparait, ni ne se crée, tout se transforme.
Cette fabrication explique, c’est de bonne guerre, les innombrables « coups de chapeau » à destination de la mairie. On résume : si tout va bien c’est parce que nous sommes dirigés par une équipe de haute volée pour laquelle, au fond, ce nouveau PLU ne sera qu’un aboutissement sinon une continuité de tout ce qu’elle a déjà fait. Mouais…

Éloge du métalangage

Pour finir sur la forme, on y trouve, à cause sans doute de ce qui précède, des erreurs de faits qui amusent un peu. Comme on est sympa chez DouaiVox®, on feindra de les prendre pour des coquilles. Même remarque sur la qualité des schémas et autres cartographies dont les légendes sont illisibles. On a vraiment payé pour ça ?

Reste enfin le style dont la lourdeur et la prétention permettent à ce document d’atteindre les cimes sublimes du métalangage. Ces expressions alambiquées « qui font genre » ont pour but de convaincre le lecteur de la compétence des auteurs tout en éloignant le pékin.
Nous mettons d’ailleurs en fin d’article un lexique avec ses correspondances en français courant pour faciliter la compréhension des citoyens.

Car au delà de ces petits défauts d’apparence, on aimerait que ce document soit lu par tous les habitants de Douai sachant qu’il annonce leur environnement urbain pour les décennies à venir.
On a dans ces pages le « grand dessein » du maire et celui des rares conseillers qui y comprennent quelque chose, probablement exclusivement verdâtres.

Après la forme, attaquons nous au fond. Comme dit précédemment, rien d’innovant dans le diagnostic. Il est tellement convenu qu’on se demande comment on peut oser demander à un cabinet extérieur de le définir.
A l’exemple de beaucoup de ses sœurs du Nord et d’ailleurs, Douai est une ville moyenne en déclin. Elle a perdu près de 15 000 habitants en 50 ans, effondrement démographique qui masque la profonde transition sociologique tirant aujourd’hui la cité vers la pauvreté inactive.
Évidemment, cette évolution négative découle de la disparition des activités industrielles et minières, autrefois florissantes, dont l’énorme plus-value irriguait toute la région et sa ville-centre. C’est à ces deux mouvements, absolument liés, qu’il faut s’attaquer.

De bonnes stratégies

Reconnaissons que de ce point de vue, les axes stratégiques du PADD sont plutôt bien posés. Ils renvoient d’ailleurs à bon nombre de propositions faites par tous les candidats – sauf le sortant – lors des dernières élections municipales. Ils pourraient crier au plagiat, ils devraient plutôt saluer cet hommage.
Passons rapidement sur l’obsession réchauffagiste, tonalité lancinante du projet que nous aborderons en conclusion, pour saluer la « revitalisation du cœur de ville » ou sa « connexion avec ses faubourgs » . Célébrons surtout « l’ancrage des Douaisiens » , formule absurde qui pose toutefois l’obligation vitale de « revenir au dessus de la barre des 40 000 habitants » et pas seulement pour sauver la rémunération du DGS.

Sur ce substrat aussi logique que bienvenu, on trouve d’autres bonnes choses. Ainsi l’accent porté sur la fonction touristique du centre ville en valorisant entre autres la vieille Scarpe ou encore la priorité donnée au quartier de la gare dont la fonction de liaison et le potentiel économique sont évidents.
De même, concernant les quartiers périphériques qui se portent si mal, l’impératif de les relier au centre. S’il est difficile de comprendre de quelle façon on va s’y prendre, l’évocation à cet endroit d’un déploiement du « très haut débit » permet de supposer qu’une telle ressource internet est envisagée dans toute la ville. Et bé, si c’est vrai…
Quant à la nécessité de stopper l’hémorragie démographique, applaudissons le constat. On sort enfin du déni. Le meilleur est ensuite la découverte, pour y parvenir, de s’occuper du centre ville où, effectivement, la vacance locative est monstrueuse.
Bon, la liste de la « diversité » attendue fait sourire. On y met tout, du riche, du pauvre, du travailleur, du retraité. Il n’y manque qu’un squat autogéré.
Pour finir dans le « bon » du PADD, la fonction « polarisante » de Douai est rappelée avec justesse. C’est là qu’apparait enfin la mention de Douaizizaglo®, qu’on croyait ne jamais arriver sur ces pages. La communauté d’agglomération y est bien rare alors même que ses décisions ont un impact majeur sur l’évolution de la ville centre.

Il faut élargir le PLU

A cet instant, il faut évoquer les insuffisances du projet qui tiennent d’abord, soyons justes, à l’objet étroit d’un plan local d’urbanisme. Rappelons le pour ne pas s’illusionner sur ses effets. Un PLU énonce exclusivement des règles d’aménagement et d’utilisation des sols d’une commune et rien de plus.
Il fonctionne sur une logique de zonage qui interdit et qui autorise, la première posture étant évidemment plus efficace que la seconde.
Autrement dit, il est assez simple d’empêcher tel usage sur telle parcelle mais il est plus aléatoire, si elle est réservée à un type d’habitat ou une activité économique spécifique, que cette destination soit concrètement réalisée.

Cela pour dire que les ressorts d’un renouveau urbain, comme le souhaite la majorité municipale, ne peuvent se trouver dans le seul PLU. Il dépend de nombreux facteurs, dont en grande partie l’action des collectivités locales voisines – en premier lieu des EPCI – sinon des échelons supérieurs, département ou région.
Bien légères apparaissent la prise en compte de ces déterminations dans ce PADD. Les pauvres citations du SCoT ou celles – infimes – des projets de Douaizizaglo® (Le Raquet, la « piscine communautaire » , une fois et pas plus…) rendent bien incertaine l’atteinte des objectifs qui y sont définis.

Au delà de cette indispensable coordination de ces échelles administratives, on bute rapidement sur les moyens financiers qui vont déterminer la réussite ou l’échec du plan. Si toute la dépense des « éléphants blancs » de la communauté d’agglomération – posés à la périphérie – avait été orientée vers la ville centre, il est facile d’imaginer que les effets de cette manne financière y auraient été majeurs.

Addition des dépenses de la communauté d’agglomération, l’unité de cette estimation est le million d’euros.

Dépenses de construction de Douaisis Agglo

Il ne reste donc à la mairie, pour assurer les projets d’aménagement qui structurent son PLU, que la ressource des programmes nationaux. D’où le rappel jusqu’à plus soif de l’opération « Cœur de ville » qui a été lancée en 2018 et dont les résultats concrets se font d’ailleurs attendre. Bientôt cinq ans les gars…
Même remarque, concernant le centre ancien, sur cette « opération programmée d’amélioration de l’habitat de renouvellement urbain » (OPAH-RU). Notons que l’objectif premier de ces trucs – légal – est la création d’une « offre locative à vocation sociale » . On sera bien éloigné de la diversité attendue des nouveaux habitants célébrée dans le PADD.

Indiquons au passage que s’ils sont locataires, et plus encore d’un bailleur social, ils ne paieront pas d’impôt local. De ce fait, comptons enfin pour rien les ressources propres de la ville, c’est à dire la fiscalité communale.
DouaiVox® a suffisamment évoqué cette question dans ce blog pour ne pas y revenir encore. Un arrivant dans le Douaisis aura vite fait de comprendre qu’il vaut mieux habiter à Lambres ou Cuincy pour profiter des avantages de la belle ville centre – s’il parvient à y entrer avec sa Peugeot – sans en avoir les inconvénients fiscaux.

Parions qu’une réduction drastique de l’impôt local, sinon la convergence des taxes foncières au sein de la communauté d’agglomération, seraient d’ailleurs un levier efficace pour rendre Douai attractif, bien plus qu’une refonte du PLU.

La religion écologique va nous sauver

Terminons cette courte recension par le sentiment d’inquiétude que ce projet suscite. Si on prend un peu de hauteur, comment ne pas rester perplexe devant l’omniprésence, à tous les détours de page, d’une religion écologique qui déborde de partout par son vocabulaire et ses dogmes ?

Quel futur ce PLU dessine-t-il pour Douai ? Assurément celui de la conjuration d’un avenir apocalyptique par le biais d’innombrables interdits.
L’amusant c’est que cet évitement de fin du monde, comme les préconisations qui y correspondent, n’échappent pas à quelques contradictions quand on les regarde de près.
On va manquer d’eau mais Frais-Marais risque l’inondation. Il faut préserver le patrimoine mais tout autant le contraindre aux impératifs d’économie d’énergie, donc le dénaturer. On veut de nouveaux habitants mais si on mettait des arbres à la place ce serait mieux etc. La liste est infinie.

La plus forte contradiction est probablement celle qu’on repère entre le discours et la réalité.

La prolifération des termes lénifiants – une douzaine de « doux » ou « douce » quand même – parait annoncer une sorte de paradis où, par la persuasion bienveillante – et « douce » tant qu’à faire – serait sereinement évité tout ce qui réchauffe la planète à partir de Douai.

Il y a un agenda caché derrière cette apparence bonhomme, celle d’une angoisse eschatologique visant à éradiquer par la contrainte tout ce qui pose problème.
Loin d’attirer l’habitant nouveau ou l’entrepreneur innovant qui pourront facilement trouver mieux ailleurs, cette obsession écologique porte en elle la promesse de l’échec.
Il sera compliqué d’avoir en même temps un oasis de verdure traversé par des sentes en terre battue et une capitale régionale où déboulent une multitude d’entreprises et des masses d’habitants nouveaux.

Ce PLU sera comme une éolienne qui attend la brise qui ne vient pas : résiliente, inclusive et… inutile.

Ci dessous le lexique mirobolant du PADD qui nécessitait, comme nous l’avons indiqué, une traduction ad hoc.

VERTLANGUEFRANÇAIS
Accessibilité viaireRoutes et rues
Activité cesséeUsine fermée
Amplifier les identités des séquences urbainesHarmoniser le bâti
Artificialisation nettePlus d’arbres que de béton
Cheminement douxMarche à pied (voir connexion douce)
Connexion douce continue et fluideMarche à pied (voir cheminement doux)
Culture du risqueCraindre la chute du ciel sur la tête
Délaissé urbainFriche immobilière
Entrée de ville ferréeQuartier de la gare
Foncier mutableTerrains à vendre
Fragmentation des continuités écologiquesUn jardin, une maison, un jardin, une maison
Gare d’eauPort fluvial
Intensité et mixité urbaineParc immobilier social
Lecture facilitée de la villeRefus de la méthode globale
Liaison douce et sécuriséePasserelle sur voie ferrée
Linéaire commerçant diffusCellules de magasins vacantes
Linéaire de promenade paysagerChemin de balade
Marqueur d’identitéRéputation
Marqueur urbainMonument à voir
Matériau à fort albédoSurface réfléchissante
Mise en lumière apaiséeExtinction des lampadaires dès qu’on peut
Mode actifMarche à pied (voir mode doux)
Mode douxMarche à pied (voir mode actif)
Place de la convivialitéPlace du passage à tabac
Séquestration du carbonePlantation d’arbres
Sobriété et résilienceAbsence de dépense
Superpositions de gestionUsages multiples
Territoire inclusif, solidaire et résilientVille de pauvres, payée par les riches, tous à vélo
Trame verte, bleue, brune et sombreContraire de la rue de Bellain
Urbanisme circulaireRecyclage immobilier

Et si on faisait des remarques ?

Dans le cas souhaitable où nos lecteurs auraient l’envie de porter à la connaissance du commissaire enquêteur certaines critiques constructives sur le PLU et le PADD, voilà les créneaux disponibles au 26 novembre dernier.
On ne se bouscule pas dans cette grande métropole régionale pour contribuer à son avenir radieux et solidaire.
Il est vrai qu’on peut avoir le sentiment très net que tout est joué d’avance.
Sur la possibilité d’infléchir ces choix, c’est certain, mais les paroles s’envolent et les écrits restent, ce qui sera très utile au moment du bilan municipal sur les deux critères qui comptent : l’emploi et la démographie.

Cochons de payants!

Une obsession de notre part nous dira-t-on. Pas faux. Mais il n’y a pas loin de ce sentiment à la passion. Il a semblé rigolo de se pencher sur le nombre et le profil des contribuables qui font tourner Douai avec leur taxe foncière, soit les propriétaires qui y résident encore.

A Douai, sur un budget 2020 de 59,3 millions d’euros en fonctionnement, les « impôts et taxes » représentaient en recettes 37,8 millions soit environ 63%. Le reste des ressources est constitué d’une grande variété de choses, notamment diverses dotations attribuées au titre de notre pauvreté collective.

Les impôts augmentent quand tout baisse

Concentrons nous plutôt sur les taxes foncière et d’habitation (car il existe encore des Douaisiens qui la paient) mais surtout comparons deux budgets entre eux, 2015 et 2020, les seuls pour lesquels nous disposons des documents comptables.
On s’empresse d’ajouter que nous tiendrons pour négligeable la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) dans les raisonnements qui suivent.
Pour le premier budget, « impôts et taxes » se montaient à 36,4 M d’euros dont 20,9 M d’euros pour le cumul des taxes d’habitation et foncière. Pour le second – soit cinq ans plus tard – on repère respectivement 37,8 et 23 M d’euros, dernier chiffre qui constitue, en passant, près de 40% des revenus de la ville.

Cf ligne 73111 où les taxes foncières et d’habitation sont fusionnées, les titres émis sont supérieurs aux crédits ouverts… Pour le reste, comme dirait l’autre : « you can’t fix it ? Tax it ! »

Nous noterons que dans Douai de plus en plus pauvre et de moins en moins populeux, les ponctions fiscales ne se réduisent pas. Cette progression inexorable est défendue par Frédéric Chéreau, lequel affirmait récemment qu’on « pourrait faire le choix de se serrer la ceinture et de baisser nos taux, ce n’est pas le nôtre » .

Traduction : avec un budget stable mais une population en baisse (la tendance est de 1% par an selon la Cour des Comptes), la variable d’ajustement sera la hausse régulière de la ponction sur les propriétaires… non exonérés.

Cette évolution tient, en partie, à l’augmentation nationale des « bases fictives » – dans une ville où les valeurs immobilières s’effondrent – mais aussi et surtout, depuis l’élection du maire en 2014, à celle de taux régulièrement augmentés.
Pour autant, au delà de ces considérations désespérantes, on a un peu de mal à connaître – c’est dommage – la part de chaque taxe (foncière et d’habitation) dans les ressources fiscales de la ville car les « comptes administratifs » ne les distinguent pas.
C’est d’autant plus gênant que la disparition de la seconde – réforme séculaire – doit avoir un impact sur l’économie générale du budget municipal.

Avançons dans ce brouillard fiscal. En 2015 les deux taxes amènent 20,9 M puis, en 2020, 23 M d’euros. En théorie, cette année-là, 80% des assujettis à la taxe d’habitation ne la paient plus, ce qui devrait se voir un peu.
Le mystère s’épaissit quand Frédéric Chéreau, lors de la présentation du budget en mars 2022, a annoncé, pour la seule taxe foncière, un produit de « 21 millions d’euros » .

Avec une progression « mécanique » de 0,5 million d’euros par an des deux taxes (comme constaté entre 2015 et 2020), on aurait en 2022 un total (TF + TH) de 24 millions. Si on retire les 21 millions de la taxe foncière annoncés par le maire, le produit de la taxe d’habitation serait donc de 3 millions, avec une hausse ininterrompue du tout depuis 2015

Ces augmentations, qui relèvent du prodige, méritent des recherches. Comment expliquer tout ça ? Supposons la faiblesse originelle de la taxe d’habitation, la hausse de la taxe foncière qui compense, la possible mise à jour foireuse des documents budgétaires, un truc inconnu de grande ampleur etc.
On sèche. Si un lecteur a une explication, on prend.

Quoi qu’il en soit, ouvrons donc les comptes d’apothicaire en considérant que le produit de la taxe foncière était en 2020 de 19 millions d’euros.
Ce chiffre – peu assuré – sera notre base de calcul pour connaître la part moyenne des ponctions sur les propriétés et les propriétaires.

Les propriétés

Cette donnée connue, il faut ensuite savoir combien nous avons de propriétés dans Douai. L’INSEE est précis. En 2019, on a 17773 « résidences principales » dans la ville pour 6516 propriétaires qui vivent dans leur bien.
Une comparaison est intéressante à faire sur la décennie écoulée. Elle rend compte de notre incontestable contraction démographique. On recensait en 2008 respectivement 6751 proprios sur 18028 résidences principales.
Il faut rappeler que toutes les 17773 résidences sont éligibles à la TF, payée par les propriétaires quelque soit leur statut, y compris pour ceux qui les louent mais n’y habitent pas.

Pour autant, il faut considérer la nature des biens eux-mêmes. Certains ne sont pas soumis à la TF. Cela concerne les logements sociaux dont l’exonération est de droit. On n’entrera pas dans le détail des conditions de cet avantage qui dépend du mode de financement, de l’ancienneté du bâti et surtout de son affectation.
Pour le coup, on doit retrancher ce nombre. Par chance, il est connu alors même que les bailleurs sociaux sont surreprésentés dans notre commune. Sortons des 17773 résidences principales nos 5600 logements sociaux (soit 31% du tout), restent 12173 « résidences » .

Il est possible d’ajouter à ce stock « social » tous les logements détenus par des personnes privées mais qui ne le louent pas, condition qui vaut dans certains cas exonération de la TF.
La vacance immobilière est importante à Douai. Elle a doublé en dix ans, passant de 1583 logements vides à 3693, dernier chiffre sans doute accru après la crise sanitaire.
Au doigt mouillé à la douaisienne, retenons 10% d’exonérations sur ce total, ce qui prendra aussi en compte, tant qu’à faire, les « locations sociales » assurées par des personnes privées, soit 360 logements sans TF, ce qui nous donne au final 11813 résidences.

Donc si on résume et faisant fi des biais statistiques probablement nombreux mais qui donnent tout le sel à notre raisonnement fait de carottes et de pommes de terre, nous avons à Douai 11813 résidences soumises à la TF. Sur les 19 M de recette, la valeur moyenne de la ponction est donc de 1608 euros.
Ce chiffre est à rapporter aux 827 euros qui correspondent à la moyenne nationale (et même 770 euros dans le Nord). Chez nous c’est le double et on nous dit sous le beffroi qu’on a de la marge !

Les propriétaires

Après les propriétés, il faut s’occuper des braves propriétaires habitant chez eux, lesquels étaient en 2019 exactement 6516 soit 38% de la population douaisienne.

Après cette donnée précise, les choses se compliquent. Dans notre pays fou qui adore les exceptions et les cas particuliers qui justifient l’existence d’administrations pléthoriques, il faut retirer de ce groupe les exonérés de la taxe foncière.
Ce sont, à la louche, les pauvres, les vieux (de plus de 75 ans à faibles revenus) et les personnes handicapées. Certains, c’est logique, regroupent parfois ces trois critères, surtout chez nous.
Selon l’INSEE, environ 8% des propriétaires sont considérés à Douai comme « pauvres » tandis que 12% des habitants de plus de 75 ans relèvent à leur tour de cette catégorie.
En étant généreux à la Douaizizaglo®, retenons une part de 10% de propriétaires exonérés de la TF, ce qui nous laisse 5865 personnes qui y restent assujettis.

Nous arrivons au final à ces 5865 propriétaires vivant dans leur résidence principale et qui paient en moyenne 1608 euros de taxe foncière. Le total représente la somme de 9,4 M d’euros directement passés de leur poche dans le gouffre du budget municipal.

Lecteur, si un jour tu croises un passant qui arpente la rue de Bellain vide et glacée d’un pas pressé, dis toi qu’il s’agit peut être d’un de ces généreux contribuables.

Mieux, si tu es un locataire à vélo inquiet de l’extinction du monde vivant, sache qu’il représente une espèce en voie de disparition…

——————— Petit ajout ultime….

Contribuables Taxes foncière Douai
En 2021, la TH est à 1,1 M (ne restent plus que les résidences secondaires) tandis que la TF est à 23,2 M (19,7 de produit et 3,5 M de compensation). Merci Aginda !
Effets de la disparition de la taxe d’habitation en 2021. Notons qu’en 2009, la taxe foncière ramenait 8,5 M d’euros. C’est aujourd’hui 19,7 M, soit plus du double et cela avant la compensation de l’Etat (payée par tous les contribuables)

Un Carrefour en cul de sac

Nous pensions quand même disposer d’un peu de répit après avoir appris la fermeture de notre vieux Monop’. Et bien non, la loi des séries s’impose maintenant à Douai. Carrefour Market étant parti se refaire une santé ailleurs, la conséquence logique vient de tomber : la galerie du Dauphin va fermer définitivement à la fin de l’année.

Plutôt que de revenir sur les raisons rabâchées conduisant à ces fermetures régulières (les zones commerciales favorisées par la « Commission départementale d’aménagement commercial » , la chasse aux bagnoles, l’obsession de la marche à pied et du biclou pour réduire nos 0,9% d’émission planétaire de CO2, bla bla bla…), regardons cette catastrophe supplémentaire pour tout ce qu’elle enseigne.

D’abord l’inutilité d’une galerie marchande rénovée à grand frais et qui a eu beaucoup de mal à conserver les commerces qu’elle y a péniblement installés. Tout démontre encore une fois qu’une mauvaise idée reste mauvaise quand sa mise en œuvre n’est pas étayée par des études sérieuses. On a du mal à comprendre ce qui a poussé la famille Hoang d’Eurobail à investir là dedans.

Elle a peut être été convaincue par la proximité de l’ébouriffante place du Dauphin, fleuron du dernier mandat dont les piliers chromés ont bien du mal à transformer un cloaque en espace attractif. Dans tous les cas, c’est sans appel. Absence d’impact sur le chiffre d’affaires des commerces mais à l’inverse leur disparition régulière qui transforme à présent la dite place en cul de sac. De fait, plus personne ne passera devant pour entrer dans la galerie.

Ajoutons qu’au contraire des édiles qui décident mal et agissent bêtement, les grandes enseignes possèdent, elles, un salutaire instinct de conservation. Une succursale sans clients donc sans bénéfices doit fermer. Rien à voir avec le système – gratuit comme chacun sait – d’une « Action Coeur de Ville » qui, en dépit des millions déversés, n’empêche rien. Le contribuable est éternel au contraire du client beaucoup plus provisoire. Lui, au moins, a le choix de ne pas prendre quand il ne le souhaite pas.

Quel symbole plus éclatant, enfin, que le déménagement des commerces à Sin le Noble ou ailleurs. Il démontre l’impuissance d’une ville centre qui maudit des conséquences quand elle en chérit les causes. Reprenons les mots de la VDN lorsqu’elle a évoqué la fermeture du Carrefour Market : « ce trou béant dans la galerie marchande est une claque infligée à la municipalité et à ses partenaires qui mènent une politique de revitalisation en cœur de ville » . La fermeture de la galerie n’est plus une claque, c’est un coup de poing.

Accessoirement, cette dernière pose quelques petits problèmes de gestion du parking attenant, en termes d’accès piétons notamment pour les personnes handicapées. Selon la très inspirée Voix du Nord, la fermeture « serait un coup dur pour la municipalité, pour laquelle les 200 places du parking sont une pièce maîtresse de la piétonisation du cœur de ville » . Notre petit doigt nous dit qu’on va rajouter une bonne rasade d’argent public pour résoudre ce problème.

Continuons donc à enregistrer, jour après jour, ces fermetures qui transforment inexorablement la ville en village sans attractivité commerciale. Réduite aux seuls habitants du centre, tous piétons, Douai aura une activité à leur image : rare et faible.
C’est sans doute, quand on y réfléchit un peu, la vision impensée de cette majorité municipale. Le retour définitif à l’état de nature.

Journée Portes Ouvertes

Constat d’abandon pour l’hôpital Général de Douai. Il reste aux citoyens qui l’ont payé de mesurer jour après jour l’évolution d’un patrimoine offert, pour un prix d’ami, à un investisseur efficace.
Pour mémoire, le projet de rénovation en « hôtel Mirabeau » atteindra bientôt la décennie en termes de délai.

Pour conclure ce petit reportage, il est possible comparer l’état de ces bâtiments avec celui de la « journée portes ouvertes » de la Financière Vauban en 2018, pour ceux qui en ont alors profité.
Les façades ont depuis pris de la couleur, le gros œuvre parait tenir. Pour autant, tout monument laissé ouvert à tous les vents est un appel au vandalisme comme au pillage, fréquent dans notre ville paupérisée.
Tout cela finira en bois de chauffage si on n’y prend pas garde. Allez les élus aux idées géniales : remuez vous !

Régie ou délégation

Cette fois un peu de philosophie politico-économique avec quelques définitions sur la façon dont une collectivité locale ou l’État assurent les missions qui justifient leur existence.
En gros, soit ils les gèrent eux mêmes – c’est une régie – soit ils les passent à d’autres, souvent des entreprises privées, contre une rémunération, c’est une délégation de service public.

Faire soi-même ou pas

Comme on est en France, ce qui précède est la situation théorique idéale. Dans la réalité, elle est presque rare. On peut déléguer une mission à un machin plus ou moins public, la découper en morceaux dont certains sont privés et d’autres publics etc. Les possibilités sont infinies jusqu’à la folie.
Il existe ainsi la célèbre « régie intéressée » qui confie un service public à un contractant qui se rémunère par un bénéfice sur les résultats tandis que la collectivité reste chargée de la direction générale du bazar. Donc cette « régie » est une délégation…

Dans ce qui est certain, on dira que le régalien est toujours public – l’armée, la police – mais on trouvera bien ici ou là à coups de mercenaires et de vigiles quelques exceptions qui confirment la règle.

Voilà un siècle, l’action publique se limitait à l’indispensable. Elle intervient aujourd’hui partout. Le contact entre le privé et le public est une passoire, sachant que le second réduit inexorablement la surface du premier.
Le mouvement n’est pas près de s’arrêter quand on observe les crises actuelles qui poussent le citoyen vacciné et masqué à réclamer « plus d’État » pour s’en préserver.

Privé ou public

L’idéologie aide un peu pour y voir plus clair.

La Gauche adore la régie, synonyme pour elle de respect des intérêts des citoyens, les plus démunis en tête. Il y a au bout du bout du cerveau de ses élus le rêve d’une étatisation complète de l’économie. Un paradis d’égalité à base de dons gratuits dont disparaitrait l’abominable entrepreneur privé, toujours soupçonnable d’échapper à l’impôt salvateur et en plus, aujourd’hui, de détruire la planète.

La Droite est à l’inverse, mais sans que ce soit une vérité absolue comme nous le verrons plus loin, plutôt favorable à la délégation. Outre de délimiter le périmètre et la dépense de la mission, elle défend l’idée simple que le patron de l’entreprise qui en sera chargée aura à cœur de la maintenir en bonne santé. Il va surveiller de près le budget afin d’éviter le gâchis auquel n’échappe pas toujours l’administration publique.

© La Gazette des Communes

Difficile de trancher cette question. Il existe des collectivités locales ou des services d’État qui dépensent au mieux avec une efficacité maximale. Il en est d’autres qui sous-traitent au privé parce que leur personnel est incapable de faire, ce qui revient au contribuable à payer deux fois.
Certaines délégations de service public à base de contrats léonins sont le royaume de la gabegie – ou du truandage au bénéfice des amis – quand d’autres, évidemment, ne coûtent que le juste prix.

Il est incroyable de savoir qu’en France, il n’existe aucune obligation imposant aux collectivités locales la comparaison avec les modes de gestion alternatifs à la régie. Par contre, elle s’impose quand on décide d’une délégation de service, par la logique de la mise en concurrence.

Cette dissymétrie prouve à quel point nous considérons la puissance publique comme insoupçonnable. C’est probablement un reste de notre histoire monarchique qui faisait de l’impôt une obligation – en fait un tribut – découplée de tout avantage concret pour le payant.
L’ADN des Anglo-saxons est diamétralement opposé. Comme leur démocratie en procède, l’impôt est sacré. Les pires crimes sont de s’en dissimuler et ensuite de le gâcher. On comprendra que les Français ne combattent que le premier.

Avantages et inconvénients

Si on rentre un peu plus dans le détail, encore qu’il s’agit là d’affreuses simplifications, le facteur qui intervient dans les arbitrages régie/délégation est évidemment le coût rapporté au service donné, sachant qu’il est assuré dans tous les cas par des ponctions fiscales.

Celui d’un service public ne peut être réduit à sa masse salariale et moins encore corrélé fermement aux bienfaits qu’il apporte aux citoyens, même si certaines administrations disposent d’indicateurs et de ratios.
Plus précise, une délégation de service public est dépendante d’un cahier des charges qui commande l’abondement financier donné au prestataire pour qu’il assure sa mission.

Pour autant, il doit quand même faire un peu de bénéfice, lequel peut être accru par un serrage des charges, en premier lieu celles du personnel, mais aussi une meilleure optimisation de la mise en œuvre.
Comme le montrent actuellement les péripéties gazières qui poussent certains délégataires à dénoncer leur contrat, tout défaut se traduit par un retour au budget de la collectivité. Si on résume, le bénéfice va au délégataire tandis que les pertes sont pour le contribuable.

Arrêtons là ces réflexions générales qui mériteraient des traités de droit public, lesquels existent. On y renvoie les lecteurs parvenus jusqu’ici. En fait, cette affaire de régie et de délégation nous intéresse pour sa traduction dans nos affaires locales.

On « fait maison »

On découvre ainsi dans le foisonnement d’éléphants blancs qui est la marque de notre Douaizizaglo® la variabilité des arbitrages du président Poiret – absolu tout puissant – sur cette question.

La récente annonce de l’abandon du célèbre CFA du Douaisis a permis d’apprendre la raison pour laquelle l’agglo voulait assurer sa construction en régie. Habituellement, on délègue sagement un chantier à des gens qui sont meilleurs spécialistes du béton que la pauvre administration de Douaizizaglo®.

Ce choix aurait permis « de récupérer la TVA » , justification triviale s’il en est. Tout contribuable préférerait qu’on mette plutôt en avant – outre l’utilité de la chose – la capacité à construire bien, rapidement et pas cher. Ces critères devraient être d’ailleurs les trois axes d’une évaluation de tous nos projets locaux d’où qu’ils viennent.

La TVA est par définition une taxe qui s’ajoute au coût d’une opération. Si le CFA avait coûté 10 M d’euros, nous aurions donné en sus à notre État bienfaiteur 2 M, ce qui aurait monté la dépense globale à 12 M. La « récupération » n’est pas absence de paiement. Le fisc qui touche les sous les redonne ensuite à la collectivité locale maîtresse d’œuvre. Ces 2 M auraient donc été une cagnotte, de la fraîche en plus, qui aurait pu servir à réduire l’emprunt ou à toutes sortes de choses inconnues de nous tous.

Enfin, il parait peu probable que notre président – infaillible et visionnaire – prenne lui même pelle et pioche pour construire un bâtiment, ni même que cette charge revienne à Douaizizaglo® en dépit de son efficacité bien connue. Il faudrait évidemment passer par divers prestataires, de premier et second œuvre, avec sans doute la possibilité d’un choix local, ce qui n’aurait probablement pas été le cas si un gros opérateur gérait toute l’affaire.

Les patrons varient souvent

On tient habituellement Christian Poiret pour un gars de droite. Enfin, on annonce cette obédience avec précaution car elle parait, quand on la documente, assez flottante. Cette incertitude ménidienne explique les variations de notre président – bien aimé et omniscient – sur le sujet des régies et délégations. Son goût pour la première interpelle.

De ce côté, on a en effet beaucoup d’exemples, hors cette affaire de CFA dont le modèle serait parait-il venu des DOM-TOM, argument qui vaut son pesant de bon gouvernement.
Existait aussi, mais c’est ancien, l’organisation originelle du SMTD qui ne séparait pas l’agglo du syndicat, un peu comme si l’assemblée nationale avait géré en direct la SNCF. Ce n’était pas de la régie mais de la méga-régie. Notons aujourd’hui en passant le statut d’ornithorynque de la STAD-Evéole qui est public sans l’être tout à fait.
Plus exotique encore, il faut citer la transformation de notre entité agglomérée en promoteur en charge des opérations immobilières du Raquet. Il était assez ébouriffant de rencontrer dans des salons spécialisés des « vendeurs » siglés Douaizizaglo®. Soulignons leur efficience, comme on dit, pour bétonner puis peupler ce quartier.
Autre sujet amusant, Arkéos. La Cour des Comptes avait soulevé l’absence d’un budget propre qui interdisait de repérer dans le « grand tout » les déficits accumulés par cette merveille. Notons qu’on tente, loin de toute délégation – c’est le moins qu’on puisse dire – de conjurer l’échec de ce « musée » en le transformant en parc d’attraction.
On a enfin, rappelée récemment, l’opération EuraDouai dont Douaizizaglo® envisage de piloter « tous les grands équipements » , probablement sur le modèle du Raquet.

Bien fol qui s’y fie

Pour les DSP, leur recensement précis parait compliqué à faire mais elles sont probablement moins nombreuses que les régies, surtout à Douai.
Pour preuve le débat qui a eu lieu au conseil d’agglomération en juillet dernier lors de l’octroi de la délégation de gestion des deux fleurons du Raquet : Sourcéane mais surtout la fameuse patinoire que le monde entier va nous envier pour sa sobriété energétique.

Le maire de Douai Frédéric Chéreau et ses alliés se sont abstenus, le premier justifiant sa décision par la défense logique de la régie de la part d’un socialiste, laquelle « permet plus de souplesse dans l’accueil des écoles » sachant que « le cœur de l’activité d’un délégataire de service public, c’est de faire du commerce ».
Notre président, qui a toujours un peu de mal avec la contradiction, est monté au créneau pour défendre cette option sortie de sa seule tête, choix voté ensuite par le conseil comme un seul homme. Cette fois-ci, les arguments relevaient d’une affaire de sous sans TVA. Le prix annoncé était, pour Sourcéane, de 680 000 € et, pour la patinoire, de 473 000 €, montants qualifiés de « raisonnables » par Christian Poiret, encore que les obligations du prestataire ne sont pas connues.

Toujours vachard, notre patron aggloméré a taclé son rival douaisien en lui jetant à la figure le coût de ses deux piscines municipales qui serait d’1 million d’€ annuels. Sortes de monuments historiques en mauvais état (surtout Beausoleil), elles sont effectivement gourmandes en énergie et disposent d’un personnel largement dimensionné. Ceci explique cela.

© La Voix du Nord 2018

Pour revenir à la délégation, l’amusant reste le choix du prestataire. Si Récréa a quitté Sourcéane, Douaizizaglo® a fait un blot avec la patinoire en passant les deux sous la gestion du célèbre Vert Marine qui a récemment défrayé la chronique.
Ce prestataire tentaculaire (80 équipements en DSP) a en effet dénoncé certains contrats piscinicoles au titre de l’envolée du prix du gaz.
Notons qu’Armentières et d’autres communes de notre région se trouvent donc actuellement bien embêtées. Il semble pourtant que nous ne risquons rien car notre président – écologique et inoxydable – a prévu que la biomasse remplace le précieux produit russe. Si c’est vrai, tant mieux.

Pour conclure sur ce sujet, quelques réflexions. D’abord qu’il est moins clair que les postures qu’il provoque, lesquelles comme nous les avons vues, découlent de l’idéologie plutôt que d’approches rationnelles.
L’autre aspect reste évidemment l’absence d’information sinon de contrôle, d’abord sur le coût des services publics et ensuite sur la motivation de leurs possibles délégations.
On peut supposer une certaine incompréhension de nos élus professionnels sur ces dossiers ou, au niveau inférieur, un manque total de curiosité de leur part alors qu’ils sont rémunérés pour s’y intéresser.

Osons une fois encore un vœu ultime : que tous les lecteurs de cet article s’obligent à chercher les raisons des arbitrages de notre patron – super et fort – quant aux régies et autres délégations qu’ils découvrent au quotidien. Cherchons bien. L’apparent est peut être le caché mais peut être pas.

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