C’est quand qu’on fusionne ?

Les affaires lambresques ont éveillé dans le groupe des experts bénévoles de Douai Vox un intérêt pour un sujet souvent évoqué en France : le regroupement des communes en entités plus grosses.
La fusion de Douaisis Agglo ne manquerait pas d’intérêt si elle était réalisée à son échelle.

Regardons cela de plus près.

La folle exception française

Quand les Constituants de 1790 ont décidé de transformer les paroisses millénaires en communes, ils ne se doutaient pas que cette décision aboutirait aujourd’hui à un excès numérique qui constitue une singularité mondiale.

Nos petits 15% de la population de l’UE correspondent, avec 34955 communes, à 40% des entités municipales européennes. Encore mieux. Sur ce total 2500 communes comptent moins de 100 habitants, sachant même que 17000 ne dépassent pas la barre des 500.

Regardons nos voisins plus malins : la Belgique les a divisées par cinq en dix ans, l’Allemagne par trois depuis plus longtemps encore. Pragmatique comme toujours, le Royaume-Uni les a regroupées voilà des lustres. Ses 545 « districts » comptent en moyenne 100 000 habitants chacun.

L’histoire a légué à la Flandre une densité humaine particulièrement forte, ce qui explique que les 646 communes du Nord soient si populeuses. Certaines, notamment dans l’Avesnois et le Cambrésis, sont certes de très petite taille – Dehéries compte 38 habitants – mais la majorité affiche une démographie largement supérieure.

C’est le cas du Douaisis dont les 35 communes sont plutôt grosses. Si Roucourt, la plus petite, pèse 500 administrés, l’ensemble est plutôt au dessus du millier, sachant que Douai avec ses 35 000 « vint’d’osier » représente un quart des 150000 habitants de la communauté d’agglomération.

Que des avantages

Il est facile de comprendre que le regroupement de ces entités en quelques unes possèderait beaucoup d’avantages.

Il y a le principe bien connu de « l’union fait la force » . Se mettre à plusieurs donne l’avantage du nombre pour se faire entendre au dessus, dans toutes les instances du genre départements, régions et même l’État.

Cette « abondance des peuples » , comme l’aurait dit Louis XIV, est la condition du respect. Dans notre inextricable maillage administratif, c’est le rapport de force qui prime et en aucun cas l’équité.
Que pèse une commune de 100 habitants (il en existe qui comptent une dizaine d’habitants) lorsqu’elle souhaite investir dans un projet ? A peu près rien.

Il y a aussi la capacité financière, plus forte avec 100 000 habitants que 100, sachant que l’État a aussi créé des subventions pour faciliter ces regroupements par diverses exemptions fiscales ou même, plus subtil, le maintien de la hauteur de ses financements.

Enfin, un grand territoire donne de la dimension au sens propre à tout aménagement spatial, aux investissements collectifs ou, encore mieux, à la gestion prospective à long terme.

Que des blocages

Comme ces regroupements sont rares, on subodore qu’il doit y avoir un truc qui coince. Voilà un précepte que les réformateurs de tous poils doivent avoir en tête : quand ça ne se fait pas, il y a des raisons pour ça.

D’abord le travers national de ne réformer qu’en cas de circonstances particulières : la révolution, la banqueroute ou la guerre. On peut les souhaiter ardemment mais ces conditions sont rarement réunies.
Napoléon a eu cette chance incroyable. La banqueroute de l’État a provoqué la Révolution qui a débouché sur la guerre. D’où l’œuvre impériale

Motivation plus concrète, ne rien changer arrange beaucoup de monde. C’est le cas de l’armée d’élus locaux – un demi-million de personnes – qui émargent aux frais des contribuables.
A la louche, la ponction représente de 1 à 2 milliards d’Euros annuels, peut être même le double. Ce n’est pas demain que tout ce populo va abandonner sa rémunération en soutenant une réduction des collectivités locales qui la ferait disparaitre.

Dernier blocage, sans doute le plus dirimant comme on dit, le clivage politique. Pensons à Douai qui est en délicatesse avec sa périphérie depuis des années. On n’est pas certain qu’il s’agisse d’une opposition gauche-droite même si ça y ressemble. Dans tous les cas ça bloque tout.

Il est effectivement impossible, dans ce genre de configuration, qu’un camp abandonne son pouvoir – et tout ce qui s’y attache – pour les céder à ses adversaires. C’est aussi simple que cela.

Une vieille idée démonétisée

Les facteurs qui précèdent expliquent l’échec de fusions dont le principe a pourtant été posé voilà plus de 50 ans. Le paradoxe, c’est que notre maillage administratif a vu depuis ses conditions de fonctionnement régulièrement modifiées mais sans aucune réduction de ses strates.

D’abord la réforme la plus importante, révolutionnaire, la loi de décentralisation de 1983, dite « de transfert de compétences » , qui aurait été, en profitant de l’expansion budgétaire du moment, l’occasion de regrouper les communes puis, dans la foulée, de simplifier le mille-feuilles. Il n’en a rien été.

De très nombreux textes ont ensuite suivi mais aucun n’égale l’ébouriffante « loi NOTRe » partie avec les objectifs qui précèdent – notamment supprimer le département – pour les oublier en route. Elle a même fini avec une strate de plus, ces « super-régions » qui n’ont aucune existence logique.

Les « super régions » issues de la loi NOTRe, alias Valls. On cherche vainement le respect des « pays » et des reliefs, tout en plaignant les gens de l’Aquitaine…

La France est habituée aux « réformes » qui ne changent rien, facilement acceptées.
Retenons toutefois les stratégies de contournement que l’État a quand même essayé d’imposer sur le dossier.
C’est un gagne-terrain qui avance millimètre par millimètre mais dont l’échelle du temps, comme l’Hôpital Général, est séculaire.

Ainsi, conservant le principe de la « fusion communale » , on y a récemment ajouté pour faire passer la pilule, le concept de « communes déléguées » qui, en s’associant, peuvent conserver mairie et conseil municipal. Avec une telle possibilité, on se demande ce qui subsiste de l’idée de départ.

Le futur sera la communauté d’agglomération

Il reste cependant un machin qui, en dépit du fait qu’il ajoute une strate de plus au maillage administratif, pourrait à peu de frais amorcer une sortie par le haut de ces tentatives qui sont autant d’échecs cuisants.

Pour tuer la commune ou le département, rien de plus efficace que de leur retirer des moyens financiers et des bouts de pouvoirs, c’est à dire des compétences. C’est assez limité pour le second mais très avancé pour la première.

C’est ainsi qu’il faut analyser la mise en place – obligatoire – des communautés de communes et d’agglomération, d’abord simple cadre prospectif (cf le SCoT) mais ensuite, par la grâce de nombreuses décisions, bénéficiaires de plus en plus de puissance comme le prouve la frénésie dépensière de notre Douaisis Agglo.

Sur le site de cette dernière, la liste de ses compétences fait sourire par son manque de hiérarchie.
Loisiparc est mis sur le même plan que le développement (séparé en durable, rural et économique, rien que ça) mais c’est de plus par un lien discret qu’on découvre les « autres compétences » qui sont loin d’être minces.
On y trouve par exemple les « infrastructures routières, fluviales ou ferroviaires » ou, mieux, « l’aménagement de l’espace communautaire » , une fois encore mélangés avec des bidules insignifiants ainsi la « capture des animaux errants » .

Faisons un rêve

Comme nous aimons nous amuser, allons dans le sens de ce qui précède en défendant la fusion communautaire pour tout ce qu’elle pourrait changer pour nous autres, pauvres administrés.

Quelle serait l’intérêt d’une communauté d’agglomération transformée en grande commune de 150000 habitants ?

Pas mal de choses – ainsi les compétences déjà attribuées citées plus haut – sont déjà en place et pas nécessairement pour notre bien. Quand viendra le moment des bilan financiers des éléphants blancs semés par notre président tout puissant, on s’en rendra compte.

Mais ne nous arrêtons pas à ces broutilles. Dépassons les. Prônons la fusion de toutes les communes du Douaisis en une seule entité. En poussant la logique jusqu’au bout, les conséquences seraient paradoxalement bénéfiques :

si la majorité actuelle se perpétue année après année c’est parce que le système de vote à deux tours favorise ce conglomérat d’intérêts et d’arrangements entre amis. Un vote globalisé donnerait enfin l’alternance.

découlerait de cette fusion un bien immédiat pour nos impôts : la réduction de l’armée d’élus locaux qui émargent au titre de mandats dont on se demande souvent quel en est l’effet sur le quotidien des habitants du Douaisis.

-Sans doute, l’objectif le plus utile de ce regroupement serait l’harmonisation des ponctions fiscales avec une taxe foncière, entre autres, identique sur tout le territoire, moyen évident pour stopper l’hémorragie démographique de la ville centre.

-Avec un budget globalisé sur le territoire, il y aurait une meilleure rationalisation de la dépense, à la fois par économies d’échelles mais tout autant par une meilleure perception des enjeux généraux donc des décisions prises.

-Ce dernier point permet d’évoquer le déficit démocratique d’un conseil communautaire aux ordres car livré aux décisions d’un seul. Ramenée dans ce lieu par la force du suffrage direct, la souveraineté locale disposerait enfin d’un espace de débat et de décision collective. Nous en serions sauvés !

Les élections municipales approchent à grands pas. On a hâte de connaître parmi les 6 ou 7 listes qui se disputeront à Douai les suffrages des électeurs, celles qui défendront cette option révolutionnaire.
Quant aux candidats des 34 autres communes du Douaisis, on peut douter, compte tenu des avantages offerts par la situation actuelle, qu’il y ait beaucoup de défenseurs de cette bonne idée qui n’est pas fausse.

Mais sait-on jamais ?

Le peuple a parlé

Comme nous avons beaucoup blablaté sur les élections municipales de Lambres, il convient d’en dire un mot après la parole du peuple.

Disons le tout net et même s’il étonne : le résultat est sans appel. Les votants de Madame Sanchez ont été deux fois plus nombreux que ceux de Monsieur Goulois.

Dont acte.

© La Voix du Nord

Comment expliquer l’échec de ce dernier ? Essayons de le décortiquer à la mode Voix du Nord en le considérant comme une répétition des futures échéances électorales du Douaisis, celles de 2026.

Mieux vaut dépenser que le contraire

Très certainement, la raison de la querelle a-t-elle joué fortement dans le débat. Toutes les économies budgétaires imposées pour réaliser un projet nébuleux d’isolation thermique des bâtiments communaux, pourtant légué par le grand maire inventeur du TVME, ont pesé lourd dans les décisions des électeurs.

Il est vrai que le message envoyé aux habitants n’était pas particulièrement attractif. Ce clivage était du genre asymétrique : il est toujours plus facile de défendre un retour de dépenses – dont des indemnités diverses – que le contraire.

C’est cool d’avoir un président² dans sa poche

Autre facteur positif probablement tout aussi puissant : la proximité de Madame Sanchez avec le président de la communauté d’agglomération qui se trouve être, en plus, le président du département, lequel, sans vergogne, s’est d’ailleurs invité dans le débat.

Dans notre région en forme de république bananière, ce type de proximité, irrésistible, est synonyme de subventions faciles et de traitement préférentiel.

Les électeurs adorent ça. Faut faire avec.

Ville de droite, résultat de droite

Par ailleurs, il ne faut pas exclure, même si ce type de détermination a tendance aujourd’hui à s’estomper, la force des positionnements politiques qui retrouvent leur logique naturelle quand c’est flou.

La liste sortante a tenté de rassembler toutes sortes d’origines, du Vert à l’apolitisme en passant par la gauche, dans une ville très clairement classée à droite.

Il est certain que les électeurs ont préféré désigner la candidate qu’on imagine du même bord que son patron – soit « conservateur » faute d’une meilleure définition – plutôt qu’un conglomérat inclassable.

Compétences et vertus ne valent pas succès

Quant à l’influence de l’équipe de la gagnante sur la population, tenons la pour nulle, à part un ou deux membres. L’examen attentif de la biographie de certains convainc que les déterminations électorales n’en dépendent en aucun cas.

De l’autre côté, cela démontre de la même façon que la personnalité de Bernard Goulois ne l’a sans doute pas aidé à gagner. On peut être honnête et opiniâtre mais ne pas attirer pour autant les suffrages et peut être même les faire fuir.

Voilà le premier enseignement que tous les futurs impétrants du Douaisis doivent méditer dans la perspective de 2026.

Par contre, naissance et amour, ça paie

Bernard Goulois n’a sans doute pas assez insisté sur ses origines pourtant locales, argument unique de son adversaire comme on peut le lire dans la VDN au cœur d’un article au titre qui tue et qui cherche vainement ce qui a attiré l’électeur, hors le critère de « Lambrésienne pure souche » .

Cette qualité, répétée ad nauseam, laisse songeur quand on considère la complexité de gestion d’une commune, même aussi petite que l’est Lambres.

On aurait pu espérer la mise en avant de compétences académiques, d’expérience professionnelle ou, mieux, d’un lourd passé d’élue, mais non, rien de tout cela : « Je suis née ici, j’ai grandi à la cité des Cheminots, je suis allée avec mes amis au Mille club avant qu’il devienne MJC (…) Je suis d’ici, j’aime ma ville, et c’est le cas de beaucoup dans notre équipe. »

Que les futurs candidats méditent cette deuxième leçon : pour gagner dans le Douaisis, il faut y naitre et aimer sa ville…

La campagne, très courte, a permis d’ailleurs à cette candidate – c’était très bien vu – d’éviter tout débat, toute explication, toute exposition d’une connaissance fine du pilotage d’une municipalité. L’avenir dira si la capacité de gestion fait partie du portefeuille de Madame Sanchez.

Après tout peut être.

On attend la Cour des Comptes

Pour conclure, cette dernière a très souvent fustigé la mauvaise gestion de l’équipe sortante à laquelle elle a appartenu pendant trois ans.
Elle a, après sa victoire, annoncé l’ouverture d’un « audit » susceptible de faire la lumière sur la situation financière de la commune.

Seuls les spécialistes des affaires comptables savent que ce type de contrôle ne s’exercera que sur l’équilibre général des comptes, lequel a été constamment assuré depuis l’élection de l’équipe sortante en 2020.

En revanche, on conseille à la nouvelle municipalité de voir plus loin.
Elle doit saisir la Cour Régionale des Comptes pour un examen approfondi de la décennie écoulée, du boulot mené – emprunts compris – non seulement par l’équipe sortante mais aussi et surtout sur celle qui l’a précédée.

C’est certainement à ce titre que les habitants de cette belle petite commune bourgeoise pourront être rassurés sur l’avenir pour lequel ils ont voté, hausse des dépenses et réduction du déficit budgétaire ainsi que Mme Sanchez s’est engagée à les assurer.

On prend date.

Senatus populusque duacus

Comme tous les Français, Douai n’a pas habituellement grand chose à faire des sénatoriales mais Christophe Dumont est candidat en septembre prochain, ce qui change tout.
Le maire de Sin le Noble a-t-il une chance d’être élu ? Voilà qui peut être intéressant à observer de près.

Un bon maire

En bons voisins, on ne peut en effet être indifférent à son destin. Tous les douaisinologues savent qu’il constitue à Douaisis Agglo, avec Jean-Luc Hallé, la garde rapprochée de Christian Poiret, le fameux « duo infernal » .

D’aucuns pensent même qu’il serait, plus que son alter ego d’Hamel (700 habitants, 40 ans de mandat), l’héritier du patron communautaire, sachant qu’il en est le 1er vice-président, titre connu pour les espérances qu’il donne à celui qui le détient.

Ses qualités éminentes se sont plutôt bien déployées dans sa commune depuis 2014 si on en juge par sa réélection magistrale en 2020. Peu de maires peuvent se vanter d’avoir terrassé leurs adversaires en un seul tour par 75% des voix.

On se souvient enfin de l’esprit de sacrifice dont Christophe Dumont a fait preuve aux départementales en faisant équipe avec une douaisienne exfiltrée de la capitale pour éviter au patron une concurrence dangereuse sur son canton. L’abstention massive explique sans doute l’échec du duo, à moins que cette alliance ait déplu aux électeurs.

Utilité relative du Sénat

On dira peu du Sénat souvent présenté avec des trémolos dans la voix comme le « Grand Conseil des Communes françaises » selon la célèbre formule de Gambetta.
C’est oublier son origine, qui est celle de la chambre des Lords britanniques, laquelle explique largement son statut de maison de retraite pour professionnels de la politique.

C’est surtout faire peu de cas de toutes les réformes que cette institution a empêchées, de l’impossibilité de réduire le nombre de communes au maintien absurde du département, en passant par un certain nombre de lois que ces vieux messieurs ont bloquées avant de plier devant l’assemblée nationale.

Pour finir, les citoyens seraient bien embêtés si on les interrogeait sur le rôle précis de ce machin ou, mieux, s’agissant des sénateurs du Nord, si on leur demandait d’énoncer leur nom, de dire de quels partis ils dépendent et enfin et surtout d’expliquer ce qu’ils ont réalisé durant leur si important – car lucratif – mandat.

Des changements inaperçus

Il y a eu ces dernières décennies des modifications de cette sinécure, parfois passées inaperçues. La durée du mandat est à présent de six ans au lieu de neuf auparavant. Le renouvellement des sièges ne se fait donc plus par tiers mais par moitié tous les trois ans. C’est ainsi que le Nord vote cette année.

L’élection, toujours au suffrage indirect, repose à 95% sur les choix des délégués que désignent les conseils municipaux mais là encore, quelques changements récents.
Si chaque conseiller municipal des villes de plus de 9000 habitants est à présent électeur, le bonus est encore plus net pour les communes de plus de 30000 habitants. Elles bénéficient en effet d’un délégué supplémentaire par tranche de 800 habitants au-delà de cette dernière limite.

Ces évolutions subreptices réduisent de fait le poids – autrefois excessif – des zones rurales dans la « chambre haute » .
Ce système est avantageux chez nous pour Tourcoing, Roubaix mais surtout Lille. Avec ses 240000 habitants qui sont un étonnant concentré de Socialistes, elle dispose avec ces derniers des Mohicans de 250 électeurs possibles sur les 6000 qui composent le corps électoral nordiste, ce qui n’est pas rien.

11 sénateurs dans le Nord

Le résultat de 2017 reflétait comme souvent les grosses étiquettes partisanes.
Les 6000 délégués, dont les votes sont répartis à la proportionnelle, avaient donné, grosso modo, pour le PS, LR, l’UDI et le PC deux sénateurs chacun.
Le reste s’était éparpillé façon puzzle
, à l’unité, sur des listes aux intitulés invraisemblables du genre « Les Élus locaux s’engagent » (ce n’était pas le cas ?) ou encore « La Voix des Communes et des Territoires » (Elle vient d’où sinon ?).
On croit comprendre qu’elles sont centristes.

Le résultat sera probablement dans le même genre cette année, nonobstant les changements de personnes, toujours possibles dans ces marigots asséchés que sont devenus les partis nordistes.

Sachant que le mode de scrutin est totalement corrélé aux résultats des municipales, regardons ce qui s’est passé en 2020.
Dans les villes de plus de 9000 habitants, la Gauche et la Droite ont perdu respectivement 3 et 4 communes.
Cela au bénéfice d’un gloubi-boulga centriste et « sans étiquette »
, la plupart du temps avec le même maire, ce dernier ayant simplement changé de marque commerciale.

Considérons ce phénomène comme un effet déstructurant du macronisme, lequel sera peut-être un élément d’incertitude, encore que la performance des adeptes du président actuel aux municipales est quand même restée limitée.

Un sénateur sinois ?

Christophe Dumont a-t-il une chance d’être élu ? Peut-être. On peut déjà noter que le Douaisis n’a jamais eu beaucoup de représentants au Sénat, hors, il n’y a pas si longtemps, le regretté Patrick Masclet, maire d’Arleux.
De ce point de vue, l’élection du patron de Sin le noble serait un rattrapage légitime, sachant que l’agglomération lilloise au sens large a été très représentée en 2017 (7 sur 11…).

Au delà de la géographie, la typologie des sénateurs du Nord démontre qu’il vaut mieux être l’élu d’une petite commune ou un personnage politique de second plan pour se retrouver au palais du Luxembourg.
On a, certes, deux anciens ministres parmi les actuels, ainsi Patrick Kanner ou Valérie Létard, mais la question de leur influence nationale peut être posée. D’ailleurs, si le premier persiste, la seconde passe la main pour 2023.

Sur ce critère, maire d’une cité de 15 000 habitants – peut être d’ailleurs un peu trop grosse – Christophe Dumont pourrait avoir une chance, sans parler de son positionnement politique, évidemment « indépendant » à la suite du célèbre Dany Wattebled qui a été élu sur ce critère en 2017.

Ces listes « apolitiques » sont celles qui peuvent apporter quelques surprises. Avec un ticket d’entrée à 400 voix par sénateur, il est toujours possible pour ces dernières de décrocher la timbale dans un scrutin où les arrangements entre amis participent au charme sénatorial.

Ce sera difficile

Pour le reste, un sénateur sinois parait peu probable, d’abord parce qu’il faut considérer le positionnement des candidats sur les listes.
Si on en croit les médias, Christophe Dumont sera en troisième position après Dany et Marie-Claire Lermytte. Pour cette dernière, il y a peut-être une stratégie tenant à sa mairie de Brouckerque où elle a succédé à Jean-Pierre Decool. Comme ce dernier ne se représente pas au Sénat, ses anciens soutiens pourraient se reporter sur cette liste.

C’est dire, pour Christophe Dumont, que la troisième place risque fort d’être comme la quatrième aux Jeux Olympiques : la pire de toutes. Il parait rien moins que possible qu’une liste « indépendante » puisse obtenir trois élus. C’était d’ailleurs, à la suite du sénateur Decool déjà cité, la position de Jean-Luc Hallé en 2017. Il n’est pas sénateur…

Ensuite, il y a les courants souterrains de ce comité électif qui représente 0,3% de la population du Nord. Si l’idée de donner des sénateurs ailleurs qu’à Lille peut jouer, l’audience du Douaisis dans les rapports de force parait bien limitée à l’inverse de Valenciennes ou de la côte dunkerquoise.
On pourrait bien sûr compter sur l’appui du président au carré – qui a donné le feu vert – mais il n’est pas certain que les délégués soient tous de ses partisans, loin de là. La logique d’une élection indirecte c’est qu’on y vote plus souvent « contre » que « pour » .

En conclusion

Pour finir, outre le positionnement du maire de Sin le Noble, as usual placé sous le prisme du « centrisme » , on peut se demander si les qualités de Christophe Dumont ne sont pas, en elles mêmes, un handicap.

La lecture attentive des biographies de ces sénateurs du Nord dévoile une sacrée liste d’apparatchiks ou de professionnels de la politique (le top, presqu’incroyable, Frédéric Marchand, macroniste avéré), de gens qui n’ont jamais exercé un vrai métier ou, quand ils en ont eu un, c’est si vieux que personne ne s’en souvient et même pas les intéressés.
Directeur administratif au musée de la mine de Lewarde, ce n’est pas le cas de Christophe Dumont. Il a un boulot, lui.

Mieux, on sait qu’il a succédé à Sin le Noble à un édile qui a été en délicatesse avec certaines règles légales. C’est curieusement – sans que cela n’aille jamais très loin, rassurons nous – le cas de certains de nos sénateurs.
Ainsi le Daubresse soupçonné de détournements de fonds publics, la Filleul condamnée pour « violation du statut protecteur du salarié » en contradiction d’une loi venant de son propre parti et enfin le Wattebled qui a vu refusés ses frais de campagne mais qui, péché véniel, n’a pas été frappé d’inéligibilité.

Christophe, que vas-tu faire dans cette galère ?

C’est plus Lambres, c’est Bakhmout !

Franchement, on les plaint les gens de Lambres. Bon, nous, à Douai, on est écrasés d’impôts pour qu’on soit pauvres mais Dieu merci on a jusqu’ici échappé au genre de guerre civile que traverse la cité voisine.
Depuis l’annonce des prochaines élections municipales, ça flingue et ça tape dans tous les sens. On se demande ce qui va émerger de ces ruines.

Tout le monde s’y met

Pour être franc, on ne sait plus trop quoi en penser, de cette affaire. On assiste à un combat de chiffres et de procès d’intention, masqué par une bonne dose de baratin.
L’ancien maire s’en mêle, comme le patron communautaire. On voit même des Douaisiens, pour des raisons obscures, jouer les utilités.
Pour filer la métaphore ukrainienne, sous ce camouflage, on prépare l’offensive sans trop regarder aux moyens puisqu’elle va tout régler.

Outre une audience impressionnante, notre précédent article a reçu pas mal de commentaires, dont certains assez agressifs, ce qui démontre de l’importance pour certains de retrouver leurs places mais surtout leur incapacité au débat. Raison de plus pour en rajouter une louche.

Si la vérité dérange, c’est une excellente raison pour continuer à la chercher.

Mais pourquoi maintenant ?

Déjà, ils sont quand même comiques, les cris de ces mutins décidés à faire de Bernard Goulois le responsable du conflit. Il paraissent oublier que leur opposition a été logiquement la raison de leur perte de mandat et de leurs indemnités.
Personne ne les obligeait à démissionner. Quand ils l’ont fait – action génératrice – c’était évidemment pour provoquer de nouvelles élections et, pour Caroline Sanchez, espérer prendre la place du maire.

On a du mal à comprendre, concernant cette dame, pourquoi elle ne l’a pas réclamée dès 2020, cette fameuse place. C’était facile, bardée comme elle est de mandats qui ne peuvent qu’attester d’éminentes compétences.
Nul doute qu’elle aurait été, comme le prouvent ses brillantes prises de parole, une mairesse d’élite, capable de vision stratégique et d’efficacité dans l’action.

Ce curieux assemblage d’opposition dénonce bruyamment aujourd’hui les deux déficits qu’il appréciait hier : le budgétaire et le démocratique.

On sera des grands gestionnaires

Pour les difficultés budgétaires, il faut d’abord préciser que la ruine financière est balancée par les factieux à la tête des futurs électeurs pour les faire flipper. C’est facile, personne n’y comprend rien et la peur n’arrange rien.

Diverses sources, en « open data » , permettent toutefois de connaitre les grandes masses du budget lambrésien depuis quelques années. Ce dernier n’est pas très gros, pas plus de 8 millions d’euros quand Douai en sort un qui pèse dix fois plus.

Principe souvent oublié à Lambres, cette petite cité ne peut avoir les moyens d’une grande.

Revient souvent dans cette campagne le concept ébouriffant de la « capacité de désendettement » , soit le nombre d’années que mettrait une ville à rembourser l’intégralité de sa dette si elle y allouait la totalité de ses excédents.

L’État considère qu’une durée de plus de douze ans doit déclencher une mise sous tutelle. Rassurons les Lambrésiens, cette mesure – même en cas d’endettement monstrueux, il en existe – est rarement appliquée. Des discussions aboutissent le plus souvent à des arrangements type consensus mou dont la France a le secret.
Par contre, si le budget avait été rejeté – ce qui était sans doute l’objectif des opposants – la ville y passait aussitôt.

A Lambres, comme partout ailleurs, on a toujours emprunté depuis des décennies, ce qui permet ici ou là de rééquilibrer les comptes, notamment sur la section investissement.
M. Vandewoestyne a recouru à cette option quasiment tous les ans pour des sommes relativement importantes. On repère trois « pics » : 2012, 2016 et 2019 avec, à chaque fois, un emprunt de 1,5 million d’euros.
Son successeur a fait de même en 2022 pour une somme légèrement inférieure. Ces quatre emprunts seront éteints respectivement en 2026, 2030, 2034 et 2037…

Des variations de la capacité d’endettement ont logiquement suivi ces apports. Ainsi en 2019 et 2022 deux « bourrelets » à 10 ans, qui ne sont pas 12 ni 13 ans. Pour le dernier, il s’est aplati à 5 ans l’année suivante. Lambres n’est pas ruinée et ne mourra pas…

On est des « démocrates »

Pour la « démocratie » , les guillemets sont évidemment des pincettes. Il faut interroger l’histoire et les pratiques locales.

Il n’est pas certain que M. Vandewoestyne ait été un forcené de la gestion participative et de l’autogestion municipale durant ses longs mandats. Selon des témoignages aussi concordants que récurrents, l’ancien édile se gardait bien de réclamer de ses colistiers leur autorisation pour agir, ce qui ne parait pas avoir posé le moindre problème.

Dans notre belle région, l’exigence de « démocratie » émane toujours de l’opposition, qu’elle soit interne ou externe, en aucun cas de la majorité. Quand tout le monde est d’accord pour laisser les patrons décider à leur guise, personne ne trouve à redire sur leur mode de gouvernement.
On fait confiance et cela d’autant plus qu’on est souvent incapable de déceler d’éventuels manquements. Si on l’est et qu’on en repère, le coût du dévoilement sera tel qu’il vaut mieux s’écraser.

De ce point de vue, ces appels à la « démocratie » venant de gens qui ont prospéré à l’ombre de Douaisis Agglo ne manquent pas de sel.
Glissons sur ce que prennent les opposants qui critiquent une décision géniale du Grand Président. Gardons en revanche, l’octroi à deux battus des urnes, à Douai et Auby, d’un siège de vice-président. Souvenons nous, surtout, du refus d’en attribuer un au maire de la capitale du Douaisis, pourtant dument élu avec 3400 voix, dix fois plus que celui de Lauwin-Planque.

« Démocratie, démocratie ! » certes, mais pour y croire il faut qu’elle obtienne de temps en temps, comme l’amour, quelques preuves.

Une normalisation à la Douaisis Agglo ?

En conclusion, en tenant pour saugrenus les conflits qui précèdent, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur les motivations profondes de cette crise municipale. Faisons le pari que ses ressorts souterrains ne seront connus qu’après les élections.

Dans tous les cas, l’intervention de la communauté d’agglomération dans ce conflit, intempestive, est peut être une clé d’explication. Il est quand même rare de voir une intercommunalité sortir d’une neutralité qui devrait être sa première obligation.

Contrairement à ce que croit l’opinion, il n’existe aucune hiérarchie entre les niveaux territoriaux. Les départements ne commandent pas les EPCI et les EPCI ne commandent pas les communes.
Bernard Goulois, qui n’était pas vice-président à l’inverse de son prédécesseur et de son adjointe démissionnaire, ne parait pas recevoir beaucoup de soutien du conseil communautaire. A l’inverse, la lecture des rézosocios démontre que ses membres ne sont pas avares de critiques à son encontre.

Il sera d’ailleurs intéressant d’observer ce que fera Mme Sanchez si d’aventure elle sort battue des urnes. Pourra-t-elle garder ou pas sa sinécure douaizizaglossiste ? Si un siège à la CAD revient à sa liste devenue d’opposition, tiendra-t-elle compte de la sanction populaire – par définition démocratique – en abandonnant sa vice-présidence ?

En cas de victoire, certes improbable, c’est encore plus intéressant. Mme Sanchez se retrouvera à assumer trois lourds mandats réclamant une présence régulière et active.
Comme on peut parier sur le maintien du siège cantonal, sa vice-présidence sera-t-elle abandonnée au bénéfice de la mairie ? Qui sera donc mis à sa place ? Mystère et boule de gomme…

Ce qui est bien avec le Douaisis, c’est qu’on n’est jamais déçu et cette fois-ci encore on ne le sera pas.

Douaisis Agglo lez Douai

Habituellement, nous ne nous occupons pas des affaires des voisins mais comme il y a un lien dans ce qui va suivre avec Douaisis Agglo, on ne résiste pas à l’envie de regarder de près les péripéties municipales de Lambres lez Douai.
De Caroline Sanchez ou Bernard Goulois, qui va sortir victorieux du marigot électoral de 2023 ?

La banlieue riche apolitique

Cette commune, refuge des bourgeois qui évitent la lourde taxe foncière douaisienne, est notre banlieue chic quand on la compare à Waziers, Lallaing ou nous. Notre taux de pauvreté est à 28% quand Lambres se situe à 10%…

Retenez le principe : moins on taxe et plus on a des riches. Mais comment est-ce possible ?

Longtemps gérée – oxymore – par l’homme des déchets, Martial Vandewoestyne, le choix de ce dernier de ne pas se représenter en 2020 en a étonné plus d’un. L’abandon de tant de responsabilités rémunératrices, patiemment obtenues par l’association étroite avec Christian Poiret, n’est pas dans les habitudes de nos élus professionnels.

C’est intéressant, Lambres. Martial Vandewoestyne l’a dirigée vingt ans, comme son prédécesseur, le regretté Jules Fromont. Si ce dernier était « sans étiquette » , son successeur était plutôt adepte d’une obédience à géométrie variable.
On a eu en deux décennies un apolitisme de droite oscillant entre les deux extrêmes. Les anciens Républicains diraient que c’est de l’opportunisme.

Le pape local de l’écologie

Déjà évoqué dans Douai Vox, retenons aussi le goût de l’écologie d’un maire qui en a fait son fond de commerce. Ce trait mériterait une étude serrée, notamment d’un bon paquet de décisions qui n’étaient probablement pas, avec ses petits 5000 habitants, dans les moyens de sa commune.

Les péripéties du Symevad et celles de Lambres relèvent en partie de cette propension absurde de nos pauvres élus à choisir des solutions « innovantes » sans toujours maîtriser les facteurs objectifs du succès.

Martial Vandewoestyne, comme tous les princes qui tiennent le haut du pavé du Douaisis politique à l’ombre du président au carré, n’a pas échappé à cette coûteuse malédiction.

C’est dans cette logique générale qu’il faut analyser les conflits qui ont déchiré le conseil municipal lambrésien.

Un maire improvisé à liste unique

Déjà, le moins qu’on puisse dire, c’est que la succession du sortant n’a pas été préparée avec beaucoup de soin. Une équipe de bric et de broc s’est constituée en 2020 sans stratégie, ni grande logique. Elle n’avait même pas une opposition qui aurait pu l’obliger à clarifier ses positions. Tout politologue le dira : le destin d’un parti unique c’est de créer des partis en son sein.

On a fait simple pour la tête de liste, choisissant comme souvent, le 1er adjoint en charge des finances, sujet qui donne l’illusion de l’expertise.
Dissipons la. Il existe dans les collectivités locales des services qui font le boulot et des élus qui n’y sont généralement pour rien. C’est déjà beau quand ils comprennent qu’un budget administratif doit être légalement à l’équilibre.

Historiquement, les chicayas ont très tôt débuté, excités par la personnalité de Bernard Goulois, maire improvisé qui a tenté la synthèse entre les intérêts de sa commune et ceux du maître tout puissant donneur de subventions. Ces derniers se confondaient en plus avec les appétits de la camarilla dirigée par sa première adjointe, Caroline Sanchez, ci devant 3° vice-présidente de Douaisis Agglo.

L’adjointe se voit pousser des ailes

On le plaint un peu, le maire sortant, d’avoir eu à ses côtés la co-listière cantonale de Christian Poiret. Ses ambitions s’avéraient d’autant plus grandes à Lambres qu’elles étaient étouffées partout ailleurs, communauté d’agglomération et département compris.

Ne cherchez pas chez Caroline Sanchez une décision, une idée, un truc « waouh » de sa part, dans chacun de ses mandats rémunérateurs, ça n’existe pas. Elle pouvait soutenir son maire dans un moment difficile. Elle tente de prendre sa place. L’histoire s’en souviendra.

Dans les péripéties, le premier épisode a été l’éviction d’Etienne Samain, débarqué au bout d’un an pour des raisons obscures. La rumeur dit qu’il avait signé son arrêt de mort en ne soutenant que d’une fesse à Lambres les conseillers départementaux sortants.
La trouille de perdre du couple Poiret – Sanchez explique le prompt châtiment affligé à l’infortuné adjoint et l’ardeur mise par ses anciens collègues à se partager ses dépouilles.

La commune de Lambres n’a plus de sous

Plus grave a donc été cette histoire de budget. On peut faire le pari que Bernard Goulois n’avait pas tout à fait mesuré la fragilité des finances de sa commune quand il en a pris la direction.
On évoque la guerre en Ukraine et toutes sortes de raisons exotiques pour justifier l’impasse. Lambres n’étant pas la seule ville confrontée à ces difficultés extérieures, si ça coince, c’est qu’il y avait un problème structurel.

Il fallait donc combler le « trou » découvert cette année. Il était profond, plusieurs centaines de milliers d’euros. Si les journaux ne donnent pas tous les détails, ils évoquent toutefois un projet magique de rénovation énergétique des bâtiments communaux.
Legs de M. Vandewoestyne, il semble que ce dossier, qui plombe les finances de Lambres pour plusieurs décennies, est la source du litige.

Bernard Goulois, pour maintenir cette affaire de rénovation en dépit des critiques internes, a coupé dans beaucoup de lignes budgétaires : les indemnités des élus, les subventions de certaines associations, notamment le CCAS. Il aurait été mieux inspiré, pour ne pas mécontenter tout le monde, de sucrer une seule rente et pas plus.

La marche électorale forcée

Couvant sous la cendre, les conflits ont rapidement fait jour par un vote du budget obtenu de justesse puis, après, une opposition collective médiatisée. Le plus marquant fut alors le réflexe des dits médias d’aller aussitôt interroger Caroline Sanchez sur ses intentions mais plus encore ses dénégations, contredites par les faits peu après.

Il est à mettre au crédit du maire un accès d’autorité pourtant éloigné de son caractère. Le retrait des délégations – et des indemnités – de cinq de ses sept adjoints a logiquement précipité les choses. Ces derniers, rejoints par plusieurs conseillers municipaux, ont démissionné, obligeant au renouvellement de la totalité du conseil.

La rapidité de réaction de la préfecture à programmer les élections est en elle-même une interrogation. Le budget était voté, rien ne pressait. Les mauvaises langues, dont Douai Vox fait partie, imaginent assez bien que ce raccourcissement des délais est lié à la perte des indemnités des factieux jusqu’au scrutin, y compris à la communauté d’agglomération.
Évidemment, si les élections s’étaient tenues à la rentrée de septembre, cela faisait un sacré trou dans le budget des « intéressé-e-s » pour parler comme notre écologiste local.

Une prime au sortant ?

Cette précipitation, outre l’avantage évoqué plus haut, permet aussi de prendre de vitesse les adversaires. Caroline Sanchez, ce qui n’est peut être pas le cas de Bernard Goulois, dispose déjà d’une équipe toute prête, de soutiens de poids dans le département et l’agglo. Faisons le pari que ses figurations dans ces instances seront valorisées comme il se doit.

Avec deux listes, ce qui en fait une de plus qu’en 2020, l’appel aux électeurs peut avoir le mérite de clarifier les positions.
La Gauche lambresque, peu fournie, elle aussi prise de court, aimerait bien jouer les trouble-fêtes avec une 3° liste. Si on en croit les présidentielles, elle pèse un petit 25% dans cette commune qui a donné à la droite un bon 45% (RN + Zemmour + Dupont-Aignan + Pécresse). Le centre, c’est Macron pour 25%…

Quoi qu’il en soit, quel pronostic pour ces futures élections ?
Généralement, l’électorat, qui n’aime pas les bricolages politicards au parfum de trahison, remet le sortant au pouvoir.
Si nous avions un conseil à donner à Bernard Goulois dont l’honnêteté ne peut être contestée, ce serait, dans cette campagne éclair, de prendre ses distances avec son prédécesseur et Douaisis Agglo. Les deux, qui se confondent, ne lui veulent pas du bien.

Il doit ensuite méditer l’adage qui doit primer dans cette affaire : les ennemis des ennemis sont des amis.

Un degré

Douai a connu récemment de vifs débats sur la sobriété énergétique des installations municipales rendue obligatoire par la guerre en Ukraine, « l’urgence climatique » et la disparition des espèces.
Est revenu du fond du cerveau des bénévoles de Douai Vox un moyen d’économie dont on nous avait beaucoup parlé voilà une dizaine d’années : le chauffage innovant de la piscine des Glacis.
La formule prophétique de la mairie nous oblige : « le temps déterminera si ce projet connait le succès escompté » . On y est, plongeons nous dedans.

L’égout salvateur

Au début des années 2010, en effet, était sortie du cerveau fertile de nos élus – à la mode Tram ou TVME – l’adoption d’un chauffage révolutionnaire : la cloacothermie.
Comme l’auront compris les habitués du célèbre « cloaca maxima » romain, il s’agissait de récupérer la chaleur des eaux des égouts pour la réinjecter dans le système de chauffage des bâtiments. Tout ça par une machinerie complexe faite d’inox, de boucle de Tichelmann, du méchant et redoutable « biofilm » .

Allez les matheux, faites mieux que le bureau d’étude !

Le système était, comme toujours, une « première nationale » et devait concerner la piscine des Glacis mais surtout la résidence Gayant, propriété d’un de nos impériaux « dodus dormants » locaux : Norevie.

Plus de dix ans après, le dossier doit être examiné sur les trois points qui commandent tout investissement d’envergure : le coût prévisionnel, les gains attendus mais surtout leur croisement qui doit aboutir au résultat concret.

Un coût variable

Il faut avouer que l’immersion dans les journaux qui présentaient le projet justifie cet effort quand on découvre la surprenante diversité des prix annoncés. Si on retrouve ses petits, les variations, toujours à la hausse, font craindre que l’addition finale ait été plus lourde que prévue.

Nous étions au démarrage aux environs de 600000 €, passés ensuite à 642000 €, pour enfin atteindre une somme dont on admirera la précision 667124 €, évidemment « hors-taxes » .
D’autres annonces plus récentes avouent 747000 € et même un peu après – ce sera le dernier prix connu – 870000 €.

On renâcle à évoquer l’addition des deux bénéficiaires (850 + 695 soit 1,55 M d’€) quand, en 2014, Suez faisait sa pub sur son système. Pour résumer, on doit être autour du « million » habituel, il est vrai atténué par une possible subvention de 400000 € offerte par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
L’ADEME a peut être ouvert sa bourse mais il faut supposer que nous ayons satisfait à son très exigeant cahier des charges. Il y a parfois loin de la coupe aux lèvres comme le montre la situation budgétaire de nos voisins lambresques.

Des gains à la louche

Pour les gains attendus, le mirobolant côtoie le modeste, le tout en forme de nébuleuse.
Le système devait économiser, si on comprend bien, 84 tonnes d’équivalent pétrole pour la ville et même 126 tonnes pour Norevie.

Le bailleur, qui n’était pas en peine de calcul, en annonçait un autre : une économie de 30 € par foyer de la Cité Gayant ou une réduction globale du coût annuel de chauffage de 47 000 €.
Du côté de la mairie, même communication triomphale : le dispositif devrait couvrir 53 % des besoins en chauffage « de l’eau et de l’air ambiant » de la piscine des Glacis.

Quand manquent les idées, nos grands-mères disaient qu’il fallait parler du temps. La technique est remplacée aujourd’hui par le propos écologique.
On affirmait, avant de lancer les travaux, que le gain pouvait aller « jusqu’à 90 % par rapport à d’autres sources d’énergie » mais encore mieux, qu’il évitait « jusqu’à 70 % des émissions de gaz à effet de serre » .

Des péripéties fluviales

Après toutes ces annonces mirifiques, le feuilleton de la construction de la « première nationale » n’a pas manqué d’épisodes croquignolesques.

Les travaux – et les dépenses qui vont avec – ayant à peine débuté, on découvre avec consternation que le bureau d’études qui devait évaluer la vitesse des effluents d’égout – dont dépendait l’efficacité du système – s’était fourvoyé dans ses calculs. Pire, en plus du problème de circulation, il apparait que le débit de « l’or sale » est insuffisant.

Ces constatations mettent le chantier à l’arrêt en septembre 2013. Dans ces cas-là, on tombe sur le responsable mais il a fait faillite. Il reste son assureur mais le combat est douteux, contentieux d’ailleurs depuis abandonné par la commune.

Norevie, refroidie, quitte le navire à ce moment, ce qui laisse la ville seule à assurer la suite.

La mairie réduit la taille du projet en dirigeant le « gain » vers la seule piscine des Glacis tandis qu’elle change l’emplacement de « l’échangeur à plaques » . Il passe du boulevard Hayez à la rue Montsarrat, ce qui l’éloigne bizarrement du local à chauffer, sachant que la proximité joue dans l’efficacité du bidule.
Selon les experts municipaux, le débit serait à cet endroit « plus important car des eaux usées du Raquet, du quartier des Épis et surtout, du centre hospitalier y affluent » . S’ils le disent…

Principe de la cloacothermie, à noter l’appoint tout petit sur le schéma mais… essentiel…

Quoi qu’il en soit, après un arrêt de trois années, les travaux redimensionnés à la baisse ont repris, pour aboutir en juin 2017 à une mise en service saluée à grand renfort de dithyrambes. La planète sera sauvée par le sauvetage de la cloacothermie douaisienne.

Quelques ordres de grandeur

On ignore, dans le silence médiatique de six années qui ont suivi ces communications victorieuses, si le fameux système fonctionne réellement et surtout s’il rapporte autant qu’annoncé.

A la mise en route, le responsable technique municipal avait indiqué qu’il donnerait 1 degré en sus de ceux amenés par la chaudière, ce qui faisait passer la température de la piscine de 28,5 à 29,5° et même, paraît-il, 30° pour le petit bassin.

Il existe des télescopages amusants.

Lors du conseil municipal qui a acté en octobre dernier toute une batterie d’économies d’énergie, notamment le retour, la nuit, de l’obscurité médiévale dans nos rues, on avait dans l’inventaire la piscine des glacis.
S’y retrouvait cet important « degré » mais cette fois-ci en baisse de la température de l’eau qui permettrait une économie de 7000 € par an.

Amusons nous à rapporter cette valeur du précieux degré – ainsi connue – au coût de mise en œuvre de la cloacothermie, soit 870000 €. On obtient un amortissement en 124 ans et 67 ans si l’ADEME a réellement subventionné le machin. On est loin des dix ans annoncés.

Comme on aime chez Douai Vox les calculs à la graisse d’oie, on peut aussi s’amuser à reprendre les économies présentées par Norevie : 30 € par an par foyer soit un gain total de 45000 €.
Comme on compte 800 logements dans le quartier, le calcul donne plutôt 24000 € soit la moitié de ce qui précède. Cette somme ramenée à son tour au coût des travaux met l’amortissement à près de 40 ans (hors ADEME).

Autre calcul rigolo, le pourcentage d’économie sur une année de chauffage de la résidence en considérant un prix moyen d’énergie lequel, comme nous le savons tous, a considérablement augmenté depuis un an.
Bref, en restant modeste sur ce dernier facteur, on atteint un laborieux 8% de baisse de la note sur une année. On comprend que le bailleur ait quitté le navire dès qu’il a pu le faire.

On chauffe…

Il serait probablement injuste de mettre ces piteuses conclusions sur le seul dos de l’actuelle municipalité qui n’était pas l’inventeur de la chose.
Elle s’est trouvée devant un dilemme : arrêter le massacre et perdre le fruit d’une dépense déjà faite ou continuer en espérant récolter in fine un avantage, même léger.
Il y avait peut être aussi dans le maintien de cette idée la continuité d’un mandat précédent.

Quoi qu’il en soit, notons que nous sommes encore une fois, pauvres Douaisiens, en présence d’un dossier dont on peut légitimement s’interroger sur la façon dont il a été configuré du début à la fin.
Comment ne pas regretter qu’il n’y ait eu personne, à aucun moment, pour confronter ces chiffres, les vérifier, les critiquer, pour apporter un peu de bon sens dans cette course au « degré » unique ?

On a, certes, l’habitude en France de ces projets décevants qui coûtent peu puisqu’ils dépendent de l’argent public. Mais quand pourrons nous empêcher ces machins décidés – ça tombe bien s’agissant d’une piscine – au doigt mouillé ?

Florent-Guiot a bien mérité de la patrie

L’Histoire est une discipline qu’on hésite à qualifier de scientifique même si elle a la prétention de restituer le passé avec le plus de véracité possible.
Une célèbre formule de Ranke résume la chose : elle doit être « wie es eigentlich gewesen » , c’est à dire reconstituer « ce qui s’est réellement passé » en s’appuyant sur des sources vérifiées qui, à l’époque de Léopold, étaient exclusivement écrites.

Au delà de cet impératif bien aidé de nos jours par la science qui les a multipliées, notamment en archéologie, l’étape suivante est celle des « problématiques » . Quand les faits sont assurés, il reste à comprendre pourquoi ils ont eu lieu.

Ces questionnements peuvent être infinis. Par exemple, pour Douai, comment a-t-il été possible, dans cette ville si catholique, de faire disparaitre durant la Révolution la quasi totalité du patrimoine religieux ainsi que tous les ordres monastiques qui pullulaient dans la ville avant 1789 ? Tous ces croyants ne l’étaient donc pas ?

L’homme providentiel

La problématique révolutionnaire nous amène d’ailleurs ici. Moment assez meurtrier en France, il ne le fut pas du tout dans le Nord et encore moins à Douai.
Si on interroge l’homme de la rue, il avancera probablement qu’on a beaucoup guillotiné sur les bords de Scarpe. Ce n’est pourtant pas du tout le cas, à peine une vingtaine de morts, et sans la guillotine. Cette divergence apporte un éclairage original sur la Révolution nordiste.

Il est vrai que dans l’infortuné Pas de Calais, l’œuvre sanglante de Joseph Lebon est connue. La chance du Nord fut Florent-Guiot.
Mettre au crédit d’un seul homme un phénomène historique est toujours hasardeux. Mais, comme nous allons le voir, tout démontre, sur un fond de résistance de l’opinion aux idées radicales, que le représentant en mission ne fut pas pour peu dans la faible « quantité de sang versé » par le département pendant la Révolution.

Son influence sur le cours des choses, comme d’ailleurs celle de Lebon, tient d’abord au pouvoir sans limites que le Comité de Salut Public donnait aux députés missionnés.
En cas de faiblesse des dirigeants civils et militaires, la destitution, souvent suivie d’une exécution, ne trainait pas. Le remplaçant se devait de réussir avec la perspective, en cas d’échec, de connaitre le destin de ses prédécesseurs.
Avec une telle pression, le zèle s’avérait la condition première de l’efficacité.

Le représentant en mission dans le département du Nord

Qui était donc Florent Guiot ? Bourguignon, il était né en 1755 à Semur en Auxois. Son père François, qui fut élu maire de cette ville en 1790, était lui-même fils d’un marchand et fermier prospère, issu d’un tout petit village, Chassey.
Florent, après de bonnes études juridiques, devient avocat puis adjoint du procureur du roi qui n’est autre que son père. Cette fonction consistait, sous l’Ancien Régime, à représenter les intérêts du monarque, de fait ceux du public, devant les parlements.

Adepte des idées nouvelles comme tant d’avocats mais surtout rejeton d’une famille de notables qui comptait dans le bailliage, il est élu député du Tiers aux États Généraux. Pour se distinguer de son collègue qui porte le même patronyme que lui, il choisit alors de s’appeler « Florent-Guiot » en un seul mot, abandonnant par la même occasion l’aristocratique « Guiot de Saint Florent » qu’il utilisait jusqu’alors.
Peu visible lors des débats de la Constituante, il en commente toutefois les péripéties par une centaine de lettres adressées aux patriotes de Semur, qu’il retrouve après la séparation de l’assemblée.
La loi interdisant aux Constituants se présenter à la Législative, il obtient par élection en 1791 la nouvelle charge de procureur-syndic, soit la direction exécutive du district.

Florent-Guiot ne l’assure pas longtemps. Il revient à Paris en 1792 après son entrée à la Convention Nationale. Siégeant sur les bancs de la Montagne, il profite de l’appui de son collègue de la Côte d’Or, Prieur, ancien officier du génie, député de premier plan et membre du Comité depuis août 1793.
C’est avec son soutien qu’il est nommé représentant en mission dans le Nord par décret du 2 frimaire an II (22 novembre 1793), poste qui est loin d’être sans enjeu, ni sans risque.

Depuis la déclaration de guerre à l’Autriche en avril 1792, le salut de la République se joue en effet aux frontières. Après Valmy en septembre et la brève conquête des Pays Bas, les troupes françaises essuient à partir de 1793 de nombreux revers.
Les victoires d’Hondschoote et de Wattignies en septembre puis octobre arrêtent l’ennemi mais quand Florent-Guiot arrive dans le département, plusieurs places (Le Quesnoy, Condé et Valenciennes) sont toujours aux mains des Autrichiens.
L’invasion menace tandis que les désordres, attisés par les excès des « sans-culottes » , s’amplifient.

La Terreur molle du Nord

Attaquée de toutes parts, la Convention met à l’ordre du jour à partir d’août la « Terreur » , mesure considérée comme « nécessaire » pour combattre les ennemis intérieurs et extérieurs.
A l’initiative des Jacobins, activement soutenue par les Montagnards en mission, cette politique impitoyable s’impose partout à partir de l’automne 1793, bien aidée par la proclamation de la loi dite « des suspects » .
Cette dernière, invention de Merlin – de Douai – et de Cambacérès, permet d’arrêter n’importe qui, sans motivation juridique, ni aucune justification d’aucune sorte, le soupçon suffisant.
Quand on connait la modération ultérieure de ces deux magistrats, on se demande ce qui a pu les pousser à prendre une telle initiative.

Cet état d’exception atteint son paroxysme dans le Nord exactement quand Florent-Guiot s’y trouve, de novembre 1793 à septembre 1794.

Dès son arrivée, il s’oppose à « l’hébertisme » , extrémisme que combat Robespierre dans la capitale. Son apparence en novembre 1793 est celle d’une curieuse « armée révolutionnaire du Nord » dirigée par un ancien comédien, Dufresse, qui se signale par diverses exactions contre les « accapareurs » et les « prêtres » .
Cette troupe improvisée liquidée en décembre, toute l’énergie de Guiot se tourne ensuite vers l’élimination d’un de ses collègues représentants, Châles, ancien chanoine, dont le passé parait l’obliger à la surenchère terroriste.

Dans cette situation instable, l’élimination des radicaux n’est pas sans risque car les contre-révolutionnaires relèvent la tête. Paris commence à se demander si leur représentant ne serait pas un dangereux adepte du « modérantisme » .
Au bout d’un mois à peine, Guiot est menacé d’un rappel. Sa chance, une fois encore, vient de son ami Prieur, probablement alerté en sous-main. Envoyé sur place, il conclut rapidement au maintien du représentant.

Châles enfin rappelé à Paris en janvier, Guiot n’en est pas quitte pour autant. Dans le Pas de Calais, son collègue Lebon s’agite beaucoup. Après avoir installé à Arras un tribunal révolutionnaire, il y réussit tant qu’on désire ajouter le Nord à sa mission, ce qu’il refuse au grand soulagement du voisin.

En février, les deux représentants sont rappelés pour rendre compte mais si Lebon retourne à Paris pour s’expliquer, Guiot joue la montre.
Restant sur place, il multiplie les courriers enflammés « contre le despotisme » pour prouver sa foi révolutionnaire mais il ne peut éviter l’envoi de deux députés, Choudieu et Richard, chargés d’en vérifier l’épaisseur. On ignore les arguments présentés mais comme Prieur de la Côte d’Or, ils préconisent le statu quo.

La défense de la Patrie en danger

Résidant habituellement à Lille, Guiot faisait de nombreuses tournées dans le département, s’arrêtant de temps en temps à Douai auquel il a évité la transformation de son tribunal criminel – cadeau de Merlin à sa ville natale – en tribunal révolutionnaire à la Lebon.

Peu intéressé par la traque obsessionnelle des « complotistes » , il se consacre d’abord à la défense nationale, montrant une grande fermeté contre les espions à la solde de l’ennemi, lesquels se confondent avec la contre-révolution émigrée.

Anticlérical sinon antireligieux, Guiot mène aussi un combat résolu contre les « superstitions » mais sur un mode, selon certains témoins, qualifié de « sournois » . Évitant tout excès sanglant, il joue sur la menace avec des arrestations ciblées – souvent suivies peu après de libérations discrètes – politique qui rencontre un certain succès.

Son habileté s’exprime aussi dans l’approvisionnement des armées, en denrées alimentaires et en salpêtre.
Pour les premières, connaissant la richesse agricole du Nord et le peu empressement des paysans à offrir leurs récoltes sans contrepartie, il veille à les indemniser rapidement. Cette stratégie qui ménage les propriétaires voit les grains et les fourrages affluer.
Pour le salpêtre, matériau indispensable pour fabriquer la poudre à canon, la production prend un essor remarquable avec le lessivage systématique des caves. Plusieurs ateliers sont créés dans le département, notamment à Douai où une fabrique est installée dans la chapelle du couvent des Récollets anglais.

S’il est interdit aux représentants en mission de créer des impôts, les emprunts forcés sont possibles. Guiot met en place à destination des notables en janvier 1794 un système qui prévoit le doublement puis le triplement de la ponction en cas de retard. Il récolte dans les délais plus de 2 millions de livres.
Pour autant, outre de rester modéré dans ses demandes, il ne va pas jusqu’à constituer comme Lebon, qui suit scrupuleusement le décret de ventôse, des listes de suspects indiquant leur degré de richesse pour pouvoir plus rapidement confisquer leurs avoirs et éventuellement les guillotiner dans la foulée.

Lebon s’impose dans le Nord

L’action militaire de Guiot, hors les aspects matériels présentés plus haut, reste mineure. Toutefois, quand Landrecies tombe aux mains de l’ennemi le 30 avril, le Comité de Salut Public le charge d’organiser la défense de Cambrai.

Il l’aborde comme à son habitude avec modération, analysant le peu d’empressement des habitants à soutenir le siège comme la conséquence des pillages menés par les troupes républicaines. Il s’efforce de leur rendre justice par diverses indemnités.
Cette prudence suscite la défiance du comité qui envoie sur place le 2 mai deux de ses membres éminents, St Just et Lebas, qui comprennent aussitôt que Guiot n’est pas l’homme de la situation.
Ils en ont un sous la main à proximité, Lebon, qui s’installe dans la ville avec les animateurs les plus énergiques de son tribunal révolutionnaire. Les exécutions s’enchainent immédiatement à un rythme qu’on pourrait qualifier d’arrageois.

Allégorie mettant en scène Lebon et ses œuvres, à Arras et Cambrai : « guerre à tous les agens du crime, poursuivons les jusqu’au trépas »

Conscient du danger, Guiot s’efface. Installé à Lille dans un premier temps, il en est délogé par Choudieu et Richard de retour aux armées du Nord. La distance possédant quelques vertus, il se pose à Dunkerque dans un évident état d’inquiétude quand on considère les désaveux qu’il vient de subir.

La situation militaire mobilise toutes les énergies mais c’est dans cette semi-retraite qu’il assiste à la reprise d’Ypres en mai mais surtout à la victoire de Fleurus le 26 juin, laquelle éloigne durablement la menace ennemie dans les Flandres.
Pour donner des gages au Comité, il joue toutefois les utilités, s’opposant à coups de messages bien sentis aux « modérantistes » comme à la « faction hébertiste qui cherche à renaître de ses cendres » .
Robespierre ayant à Paris liquidé tous ses opposants, Guiot sait que cet été 1794 est le moment de tous les dangers.

Thermidor ou la délivrance

Le renversement de la situation militaire change cependant la donne. Beaucoup de députés, notamment ceux de la Plaine, veulent mettre un terme à la Terreur. L’ennemi est partout repoussé. La République est sauvée. Pourquoi continuer cette dictature sanglante ?
Au grand soulagement des modérés ligués par leur peur commune, c’est chose faite le 9 thermidor (27 juillet 1794) avec l’exécution de Robespierre et de ses alliés, élimination facilitée par les moyens expéditifs de la Terreur.
La nouvelle arrive peu après dans le Nord. La joie de Guiot n’est pas feinte. Dans la proclamation qu’il adresse immédiatement aux communes du département, il affirme sans ambages : « ces vils scélérats ont reçu le prix de leurs crimes » .

En proportion des risques qu’il a courus, il a des comptes à régler, en premier lieu contre Lebon qu’il dénonce et qui est immédiatement mis en état d’arrestation par la Convention.
La roue tourne. Le Comité qui souhaitait rappeler tous les représentants en mission depuis plus de trois mois, n’applique pas cette mesure à Guiot auquel, de surcroit, il donne le Pas de Calais aussitôt épuré des « terroristes » laissés sur place par son ancien collègue.

En septembre 1794, il est enfin rappelé à Paris mais une fois encore, ce qui prouve sa communauté de vues avec la Convention thermidorienne, il est un des rares Montagnards immédiatement renvoyés en mission le 25 frimaire an III (15 décembre 1794) pour le Nord et le Pas de Calais, la Somme étant même ajoutée le 26 nivôse an III (15 janvier 1795).

Cette deuxième mission sera moins risquée que la précédente mais Guiot doit faire face à une situation économique désastreuse, notamment les subsistances qui manquent partout.
Il applique une fois de plus une méthode nuancée, utilisant plutôt la persuasion et ne recourant à la coercition que dans les cas extrêmes, là où les hommes de la Terreur confisqueraient et exécuteraient les récalcitrants.
Son inquiétude, probablement accentuée par le surmenage auquel il est soumis, est celle de révoltes de la faim qui mettraient la République en danger.
Les villes sont pour cette raison l’objet de ses soins extrêmes, ainsi à Douai où il déplore en mars 1795 que les pauvres n’aient que des « pains de fèves » à manger. Il se démène pour que Hazebrouck, qui ne manque de rien, envoie ses grains en surplus.

Du notable napoléonien au régicide proscrit

Guiot quitte le Nord à la fin de 1795 quand est instituée la constitution de l’An III qui fonde le Directoire. Il ne fait pas partie, dans la Côte d’Or, du tiers des Conventionnels qui devaient obligatoirement intégrer les Conseils (Prieur l’est sur liste complémentaire).
Par contre, les électeurs du Nord qui se sont souvenus de sa bienveillante modération l’ont désigné, bel hommage, premier sur la liste principale du département au Conseil des Anciens.
Pour autant, il est élu ensuite, en avril 1798, au Conseil des Cinq-Cents mais cette fois-ci au titre du département natal.

Apprécié par le gouvernement, Guiot avait, avant son élection, été nommé résident auprès de la République des « Trois ligues rhétiques » (ou Grisons) en février. Il y reste jusqu’à son rappel en avril 1799.
Toujours nuancé, il avait soutenu le projet d’un État grison neutre puis, comprenant l’intérêt stratégique, il demanda son rattachement à la République helvétique. D’abord opposé à une intervention militaire française dans la région, l’invasion autrichienne d’octobre 1798 l’obligea à réviser ses plans.

Cette mission diplomatique déboucha sur une autre peu éloignée de son ancienne mission. Il est en effet envoyé en juillet 1799 auprès de la République batave au moment crucial de l’invasion anglo-russe. Il défend vainement la neutralité du gouvernement hollandais « modéré » avant, désavoué, de revenir en France au bout de quelques mois.

Cet instant, nous sommes en novembre 1799, est celui du 18 Brumaire que Guiot soutient mais sans être pour autant un fervent partisan de Bonaparte. Il en reçoit toutefois, en décembre, un siège au Corps Législatif, responsabilité qu’il conservera jusqu’en juin 1814.
Sous le régime, Guiot reste relativement en retrait, recevant en 1806, la charge de secrétaire, puis de substitut au Conseil des prises.

Plusieurs sources indiquent qu’il aurait été mêlé à la conspiration du général Malet en 1812. Toutefois, tout démontre qu’il ne fut que l’hôte de réunions dont il ignorait la teneur comme le prouve l’absence de poursuites à son encontre.

La chute de Napoléon et le retour des Bourbons l’oblige à l’exil comme tous les Conventionnels régicides. Guiot, à l’exemple d’une cinquantaine de ses anciens collègues, s’installe à Bruxelles, hébergé par son ami Cambon qui, en financier averti, avait réussi à préserver sa fortune.
La générosité de son bienfaiteur alla jusqu’à lui attribuer, après sa mort en 1820, « la table, feu et lumière aussi longtemps que celui-ci résidera dans la Belgique » , ce coût étant pris sur sa succession.

La révolution de 1830 permet à Guiot de rentrer en France et de recouvrer ses droits, notamment une pension de 2500 francs reçue quand il prend sa retraite un an plus tard… à 76 ans.
Devenu aveugle, il est recueilli par sa fille, fruit de son union avec Marie Elisabeth Tifon qu’il avait épousée à Paris le 6 nivôse an III (23 décembre 1794). Si cette dernière est décédée dans la capitale en 1842, son époux l’avait précédée quelques années plus tôt.
Florent-Guiot était mort à Avallon le 18 avril 1834.

Un célèbre inconnu de la période révolutionnaire

En conclusion, voilà une nouvelle problématique : comment expliquer l’oubli dont Florent-Guiot fait l’objet ?
Son action modératrice, affirmée au milieu des dangers, son intelligence manœuvrière, sa défense de la patrie, la durée de ses missions auraient du le mettre dans le groupe des grands Conventionnels encore célébrés de nos jours.

Rien de tout cela. Il n’existe même pas une rue, une place, une impasse qui porte son nom, y compris dans son pays natal.

Sans doute, son profil de Montagnard convaincu, mais tout autant de modéré « opportuniste » , lui ont-ils valu des critiques des deux camps qui se sont disputé la mémoire de la Révolution dès la Monarchie de Juillet.

Les historiens légitimistes ont dénoncé les travers sanglants d’une période auxquels Guiot ne pouvait échapper par définition puisqu’il avait voté la mort du roi.
Les Républicains ont défendu à l’inverse l’œuvre révolutionnaire, parfois en exaltant ses aspects violents, la patrie excusant tout. Guiot les a largement atténués.
Le pire a été atteint par les chercheurs marxistes, Mathiez mais surtout Soboul, lesquels assimilaient le jacobinisme au bolchévisme et Robespierre avec Lénine. Ennemi déclaré de « l’incorruptible » , Guiot n’avait aucune chance.

Il est certain qu’il aurait été parfaitement à l’aise dans la France modérée de la III° République, respectueux du droit de propriété et ennemi de tous les excès.

Gageons toutefois que deux évolutions pourraient aider à sortir Florent-Guiot du purgatoire :

D’abord la disparition des passions sur cette période, largement remplacées par celles qui touchent la Seconde Guerre Mondiale, devenue la référence absolue du présent. Citons François Furet : « il est temps d’affirmer que la Révolution est terminée et de la considérer enfin comme un objet de science » . Prenons la donc comme un « bloc » à la Clemenceau et rendons à Florent-Guiot tout ce que la mémoire lui doit.

Ensuite, autre possibilité, se servir de la curieuse évolution de l’Histoire contemporaine dont le rôle parait être, non pas la recherche du passé, mais ce qu’on pourrait qualifier de « réparation mémorielle » quand on exhume un parfait inconnu pour lui attribuer une découverte majeure ou un rôle essentiel dans des évènements importants. Florent-Guiot répond absolument à cette définition.

Pour finir, trêve de bavardages : quand va-t-on enfin baptiser une rue, une avenue, un boulevard de Douai en souvenir de l’action bienveillante de notre représentant en mission dans le département du Nord ? On pourrait le faire au Raquet et même à la Clochette.

La seconde entreprise douaisienne

On ne dira pas grand chose de notre Plan Local d’Urbanisme présenté voilà peu, document de… 1700 pages dont le poids prouve l’utilité. Le conseiller d’un président américain a théorisé un jour l’intérêt de rédiger des lois incompréhensibles afin qu’elles soient votées sans difficulté par les représentants du peuple. On y est.

Si nous étions à la recherche d’un symbole de notre folie bureaucratique, ce serait cette jungle invasive dans laquelle pour y comprendre quelque chose le pauvre citoyen doit se frayer un chemin à coups de machette.
Il peut découvrir après pas mal d’efforts, dans une éclaircie, son paradigme idéologique. On vous le donne pour vous éviter de vous fatiguer. La ville « marchante » sauvera la planète à partir de Douai…

Lors du long conseil municipal du 17 mars dernier, les débats ont oscillé entre la remarque microscopique (la villa Labisse, dans la section cadastrale AZ, a-t-elle été vendue au prix fort à un promoteur ou pas ?) et la critique stratégique (est-il vrai que construire du neuf vide l’ancien et pousse à la baisse du prix de l’immobilier ?).

Le meilleur était évidemment la forme, le fond étant imposé qu’on le veuille ou non. On a particulièrement apprécié le duel de ces deux dames proches par l’âge, l’allure, les lunettes, la voix, l’ambition et dans lequel la plus intelligente n’était pas forcément celle qu’on croit.

Le travail vaut en lui même

Tout ça pour en venir – on sait, c’est plutôt capillo-tracté – à la défense qui déboule dès qu’on critique les services municipaux, plaidoirie entendue plusieurs fois durant ce conseil. Il est interdit de dire qu’ils peuvent être nuls ou simplement défaillants parce qu’ils auraient « beaucoup travaillé » .

On a tant d’exemples de foirages de leur part qu’il parait pourtant tout à fait légitime, y compris s’ils y ont mis du temps et parce que nous les payons par nos impôts, de souligner ici ou là leur incompétence, leur insuffisance ou… leur lenteur.

D’où l’intérêt de ce qui suit, à savoir une petite présentation de ces services quant à leurs personnels, leur nombre et leur coût.
De ce point de vue, nous avons, avec cette entité, une entreprise douaisienne à forte main-d’œuvre et gros chiffre d’affaire.

L’armée communale

La mairie, telle que nous la donnent les documents budgétaires, présentait en 2020 pas moins de 660 emplois si on considère les postes « budgétaires » (à temps complet, soit 547, ou partiels, soit 113).
Le montant est plus faible en « équivalent temps plein annuel travaillé » , calcul complexe dont le total aboutit à 608,34 « ETPT » , soit les agents titulaires (578,36) et non titulaires (29,98).

Pour comprendre ces deux approches, il faut séparer les postes des personnes. Il n’y a pas forcément correspondance entre les supports budgétés et les gens qu’on met dessus ou pas. On peut avoir des différences entre les deux termes.
L’État possède toujours des personnes rémunérées plus nombreuses que les supports votés. Notre commune est plus vertueuse puisqu’elle fait l’inverse.

En comparaison nationale, l’INSEE indique dans la strate des communes de 20 à 50000 habitants (on est juste au milieu avec nos 35000 Douaisiens), un effectif moyen de 616 emplois, pas trop éloigné du notre, ce qui est bon signe.
Nous sommes aussi modestes pour les ETPT car la moyenne nationale de 20 pour 1000 habitants est supérieure à Douai qui se situe à la louche à 18. On pourrait presque nous dire « sous-administrés » . Tant mieux.

Retenons enfin, dans cette approche générale, le rapport « temps complet/temps non complet » pour les emplois budgétaires, soit 83% contre 17%. Regardons ensuite les agents titulaires et ceux qui ne le sont pas, soit 95% contre 5%.

Ces derniers chiffres donnent une idée assez parlante de la politique de ressource humaine de la commune, laquelle doit plaire aux syndicats. On est souple dans l’octroi du temps partiel (proche de la moyenne nationale cependant) et on aime les titulaires (15 points de mieux que la moyenne nationale).

Filières municipales

La structure par filière, en la comparant à celle de la fonction publique territoriale en moyenne nationale, renvoie aux services donnés aux habitants.
Les différences mériteraient une étude approfondie que nous ne ferons pas. Toutefois, nul doute que l’historique des recrutements, plus qu’une stratégie consciente, joue ici un rôle non négligeable.
Pour résumer, nous sommes relativement faibles en administratif et en animation, très fournis en culturel comme en technique.
Voyons ces deux derniers traits comme une illustration de notre célèbre et enviée dichotomie sociale.

La répartition par catégories d’emplois (A,B,C) démontre que nous disposons d’abord d’un personnel relevant majoritairement de la dernière strate (pour 70% des emplois budgétaires), proportion assez proche de celle de la FPT nationale (75%), petite différence qui provient probablement d’une volonté communale de resserrer le pyramidage. Pour autant, plus la base de la dite pyramide est large et moins elle coûte cher.

Enfin, notons que les deux filières qui connaissent un fort taux d’emplois permanents à temps non complet, sont la technique (14%) et surtout la culturelle (45%), cette dernière connaissant par ailleurs la plus forte présence de non titulaires (26%), lesquels sont pour la quasi totalité des enseignants en arts.
Dans ce dernier cas, l’agent qui bénéficie de l’indice le plus haut (995) est un de ces professeurs.
L’absence de titularisation n’est donc pas toujours synonyme de faible rémunération. Il existe des contractuels très bien payés. C’est d’ailleurs parfois le moyen de s’affranchir des règles contraignantes de la FPT.
Si Douai présente parmi ses agents 5% de contractuels (CDD, CDI), Douaisis Agglo en aligne 30%.

Coûts et rémunérations

Le chapitre 012 du budget (2020) donne les « charges de personnel » assumées par la commune et accessoirement les contribuables : 28,7 millions d’Euros par an. Si on retire de cette somme les cotisations et les charges dont la France a le secret, on obtient en rémunération globale directe 21 millions d’Euros.
Ce chiffre permet de calculer le salaire moyen mensuel d’un agent de la commune = 2650 euros.
Évidemment, la moyenne sans écart-type est l’indicateur le plus bête qui soit. Disons simplement que la distance doit être grande entre la paye d’un DGS – sans doute le mieux rémunéré du lot, sans parler des avantages en nature – et un apprenti tout en bas de l’échelle.

Classement local

Pour finir, il est bon de se demander où se situe la commune quand on la compare aux entreprises douaisiennes, en chiffre d’affaire ou en nombre d’emplois.
On peut discuter la pertinence de soumettre une administration à ce genre de « benchmarking » mais il est toujours bon d’avoir en tête ces paramètres quand on vote.

Avec 660 emplois, l’administration municipale est faible à côté du bel hôpital local qui en aligne 2600. Même remarque du côté de Renault qui, en attente de son embellie électricienne, compte actuellement 2300 travailleurs.
Pour autant, ces dernières entreprises ne concernent pas que Douai intra muros. Dans cette limite circonscrite, le plus gros employeur de la ville est Maisons & Cités avec 832 salariés suivi de Douai Distribution (Leclerc) qui en compte 258. La commune est donc le deuxième employeur de la cité avec ses 660 agents, ce qui n’est pas rien, on en conviendra.

Le plus amusant est de penser que Frédéric Chéreau est donc le patron des deux plus grosses entités de la ville, président de Maisons & Cités et maire de Douai. Vous imaginez la force de frappe du gars ?

En « chiffre d’affaire » , c’est moins net. Le premier établissement de Douai (67° entreprise de la région), déjà cité avec logique, est Maisons & Cités avec 312 millions d’Euros. Le second (81°) est SIA avec 244 M, le troisième (248°) est Douai Distribution (Leclerc) avec 81 M.
Quoi qu’il en soit, la commune par l’importance de son budget pourrait être classée en quatrième place du groupe, avec ses 77 M de budget, assez proche de Norevie (278° régional) dont le CA s’établit à 74 M.

On ne dira rien de cette présence massive des bailleurs sociaux dans la ville qui explique aisément notre réflexe « logement social » – c’est un circuit court décarboné – devant une friche immobilière ou l’impératif de repeuplement, objectif d’ailleurs mis au cœur du PLU.

Quelle plus-value ?

Tout en considérant que nous ne sommes pas devant une administration pléthorique, de fait proche des moyennes nationales, ce qui est une très bonne chose, cette courte présentation suscite évidemment tout un tas de questions et d’abord du côté de la performance.

On aimerait connaitre la satisfaction des habitants quant aux services qu’ils reçoivent au quotidien. La ville bruisse de rumeurs d’incurie ou de laisser-aller qu’il serait bon de documenter sérieusement.

Des déjections canines qui trainent des semaines sur les trottoirs, l’impossibilité d’obtenir rapidement une pièce d’identité, la sous-traitance à des cabinets extérieurs de dossiers pourtant de pleine compétence, des travaux intempestifs menés en dépit du bon sens etc.
Il y a ici matière à audit afin de vérifier la qualité de notre administration municipale, ce qui serait le moyen de contourner deux écueils, l’excès de critiques comme leur interdiction pavlovienne évoquée plus haut.

Hors cet examen qui restera évidemment un vœu pieux, il serait déjà possible de répondre aux impératifs de qualité de ce service public en adoptant un truc banal : la Charte Marianne.
Voilà qui serait utile pour juger de l’efficacité, du côté des usagers, de la seconde entreprise douaisienne.
Pour connaitre la plus-value globale, attendons l’alternance politique qui viendra peut-être. Gardez ces chiffres en mémoire, 77 millions d’Euros de budget, 660 emplois au service des Douaisiens…

La terre est verte comme une orange

Après avoir évoqué deux candidats presque certains aux prochaines municipales, tendance « parrain » , les douaisinologues ont l’obligation de se pencher sur leurs outsiders. Prenons de l’avance et un pari sur…. Nicolas Froidure…
En théorie, dans le monde impitoyable de la communication, parler d’un inconnu, c’est toujours risquer de lui donner une audience imméritée. Certes, mais le profil politique du « boss » de l’écologie locale mérite qu’on s’y arrête quelques instants.

L’étoile qui monte

D’abord, héraut de la religion réchauffagiste locale depuis le débarquement de Jackie Avenel, Nicolas Froidure possède par essence, en grand maître des dogmes, le pouvoir énorme dont tous ses collègues écologistes de gauche – pléonasme – profitent partout : contraindre le monde d’adopter leurs lubies pour sauver la planète.

L’audience de ce clergé aurait du s’effondrer quand on mesure les désastres dont il est et sera responsable : entre autres, destruction du nucléaire électrique, disparition de la production automobile nationale, empêchement d’entrer dans les centre-villes pour les pauvres et enfin interdiction prochaine de louer des habitations mal isolées.

Autant de décisions qui vont « emm… les Français » dans les grandes largeurs mais bizarrement sans aucun risque pour leurs auteurs auxquels tout est pardonné.
Au titre de cette magnanimité des médias et de l’opinion, nous pouvons faire le pari que le parcours de notre chef écologiste local n’en est qu’à ses débuts.

Les soleils de la galaxie municipale

Il est déjà bien aidé – comme le montre le verdissement obsessionnel de notre PADD – par sa proximité avec l’équipe municipale.
Ce n’est pas un secret, tout le monde sait que son épouse, Stéphanie Stiernon, est maire-adjoint avec des dossiers très stratégiques. Ils ne font pas toujours la preuve de l’efficacité mais si les patrons de la ville sont équipés un jour du moteur idéologique qu’ils n’ont pas, ce sera par ces deux-là.

Avant toute chose, nous conseillons à nos lecteurs de se plonger dans le blog que Nicolas Froidure tient depuis quelques mois. Ces expressions sont rares à Douai. Elles ont, pour cette raison, la valeur des écrits qui restent quand les paroles s’envolent.
L’intéressé en gagnera aussi un peu de flux. Sa page est bien terne mais cette apparence – où le vert domine – est voulue. Nicolas économise le carbone. La contrepartie de cette pénitence est, comme tout ce qui sera imposé par ces « parfaits » , la disparition des fioritures.

Les prises de position de Nicolas Froidure, comme l’usage immodéré d’une épouvantable écriture inclusive qui ne doit pas faciliter la lecture des dyslexiques, donnent quelques indices sur ses convictions.
Osons donc le portrait. Comme le cholestérol, il y a du bon et du mauvais chez ce colosse « au sourire si doux » .

La vertu parabolique

Commençons par le positif car il y en a. D’abord la sincérité, incontestable, telle que nous pouvons la percevoir. Notre fraichement élu « secrétaire du groupe EELV Douaisis » ne peut être soupçonné de faire de la politique pour un intérêt personnel.
Il n’est pas de ces politiciens en herbe, malédiction locale, dont l’ambition repose d’abord sur les ors et les revenus qui accompagnent les possibles élections. Citons l’intéressé : « je mets un point d’honneur à m’opposer à tout cumul dans le temps et dans le nombre de mandats » . S’ils pouvaient tous le faire…

Il sait aussi payer de sa personne et de son temps. On se souvient de son tour de circonscription à vélo avant les législatives qui l’a vu en visiter toutes les communes, sans exception.
On peut ajouter – pour l’avoir vérifié – qu’il est régulièrement la seule personne qui laisse un avis argumenté lors des enquêtes publiques. Provoquées par les nombreux projets bétonniers de notre maître local, leur fréquence est inversement proportionnelle aux remarques des citoyens.

On a enfin un trait plus incertain, celui d’une possible naïveté stratégique. Partisan d’une belle exigence éthique, Nicolas Froidure peut se mettre en position de faiblesse comme l’a montré la désignation, au nom de la NUPES, du candidat à la députation, emportée facilement par un enseignant inconnu mais « Insoumis » en provenance d’Hamel.
Si notre « secrétaire » défend des règles qu’il s’applique à lui même rigoureusement, ce n’est évidemment pas le cas de ses rivaux moins vertueux, au sein d’un parti qui se révèle régulièrement, dans la distance qui sépare les postures des actes, champion toutes catégories.

L’astre noir se rapproche

Outre cette faiblesse foncière, il y en a une autre plus gênante diamétralement opposée : la certitude d’appartenir au Camp du Bien. Cette posture, par définition inaccessible au doute, s’accompagne des risques bien connus de la toute puissance.
Il ne s’agit évidemment pas pour Nicolas Froidure d’installer une dictature à l’ombre du beffroi mais d’avoir beaucoup de mal à prendre en compte les attentes du populo.
Comme son combat est celui de la survie de l’humanité, le modeste impératif de « l’urgence climatique » ne peut souffrir d’aucune contestation. Il n’est pas certain qu’à ce titre, on soit, à l’échelle municipale, à l’écoute des bas intérêts du Douaisien de base.

Frais-Marais enfin décarbonné, si beau et si vivant

De là, on note les travers d’une utopie qui reste, comme le dit le Larousse, une « vue politique ou sociale qui ne tient pas compte de la réalité » . Notre héros écologiste a une vision, rêve éveillé d’une cité verdie à tout les étages, faite de marche à pied décarbonnée, de voies interdites aux automobiles où les enfants jouent à la marelle.
Douai n’a aucunement la sociologie correspondant à cet idéal boboïsant qui est d’abord celui des grandes métropoles prospères livrées en 2020 à la furie escrologiste. Comme le montrent les faits divers de la Voix du Nord, la population de notre ville, soumise à la misère matérielle et sociale, contredit radicalement, notamment en termes sécuritaires, un « vivre ensemble » aussi artificiel que surjoué.

Doit-on en déduire que la ligne « verte, bleue, brune et sombre » de Nicolas n’aura aucune chance de l’emporter ?
Certainement pas. D’abord, il est certain qu’il y aura aux prochaines municipales, au titre du « refus de l’invisibilisation » défendu par notre secrétaire local, une liste autonome EELV, séparée de la NUPES mais surtout de l’équipe actuelle.
L’enjeu sera pour elle de passer devant tout le monde, dont le sortant, au premier tour.

L’avenir nous dira la solidité de cet oracle dans un futur électoral qui sera, on l’espère, « apaisé » , « doux » et surtout, surtout, « résilient » .

Bientôt le duel des titans

Voilà du boulot pour les Douaisinologues qui doivent préparer les électeurs à leurs futurs dilemmes d’isoloir. Il faut dire que l’actualité s’accélère avec la sortie du bois de François Guiffard et Coline Craeye en prévision des municipales de Douai pour 2026.
Ces candidats, chacun à leur façon, apparaissent avec quelques points communs mais aussi de petites différences. Regardons cela de plus près.

Primeur fait loi

Déjà, ils s’y prennent tôt les sauveurs de ville en péril ! Nous sommes quand même à trois ans des prochaines échéances. Il va en couler, d’ici là, de l’eau sous le pont de la Massue. Le département sera-t-il toujours dirigé par notre patron absolu ? Le Douaisis existera-t-il encore en 2026 ? Pas sûr.

Quoi qu’il en soit, ces très précoces déclarations de candidature relèvent de la technique « premiers partis premiers servis » . Il faut se faire connaitre rapidos pour que s’imposent dans la tête des Douaisiens l’existence de leaders bientôt incontestables. N’oubliez pas, chers lecteurs, que ce sont ces prophéties autoréalisatrices qui fabriquent nos élus de métier.

On est là pour votre bien

Ces candidatures ont un bel emballage. Comme ni Mme Craeye, ni M. Guiffard ne peuvent avouer la vérité toute nue – on veut ce job avec ses avantages – il faut cacher l’ambition personnelle derrière un paravent désintéressé.

D’emblée, un prête-nom : « l’association » supposée « apolitique » comme il se doit. C’est peut être le cas quand on considère les louvoiements passés de ces deux philanthropes, capables d’échanger un camp pour un autre en deux secondes et plus si affinités.
Ensuite la proclamation de « valeurs » qui sont le fond de sauce du programme : réchauffisme religieux, fermeture des commerces et insécurité, ces derniers sujets en critiques subliminales de Frédéric Chéreau.
Mais après, inversion de ce qui précède : on est à l’écoute des habitants, leurs désirs seront des ordres. Si d’aventure l’électeur souhaite des bagnoles rue de Bellain, il y aura comme un problème, non ?

Notons toutefois les différences, et d’abord le vecteur. Si M. Guiffard a choisi le tract, Mme Craeye s’est contentée d’un article de la VDN, toujours bonne fille pour alimenter la chronique douaisienne. Savourons toutefois les petites vacheries disséminées dans le papier.

Tous acteurs de notre bonheur insoumis

M. Guiffard est professionnel avec son tract qui parait sorti tout droit de Douaisis Agglo. On trouve un plaidoyer exaltant l’œuvre accomplie à coups de chiffres ronds dans lesquels le tourisme est en bonne place.
Bon, d’accord, le camarade insoumis a fait de grandes choses au nom de l’idéal révolutionnaire du temps libre mais c’était comment avant, statistiquement parlant ? Et puis tu en es où avec l’hôtel Mirabeau, François ?

On aimerait un point de départ et un point d’arrivée

Il y a aussi au recto une carte de vœux remplie de brassées d’amour envers les Douaisiens qui bossent. Ne cherchez pas une subtilité stratégique dans tout ça, vous êtes dans la « douaisinolâtrie » .
On peut y ajouter la formule finale qui ressemble fort au programme actuel du maire mais aussi à celui de ses futurs concurrents verdâtres. Douai, c’est une « capitale régionale, dynamique, résiliente et solidaire » … Oh non, s’il s’y met à son tour…

Retenons pour finir une sorte d’aveu qui n’est pas sans rendre sympathique ce jeune homme pressé au passé si mince. Il « apprend de cette responsabilité » , en fait de celle qui lui permet de briller, cette célèbre vice-présidence accordée selon son bon plaisir par le maître du Douaisis et autres seigneuries en toute illégitimité électorale.

Les Douaisiens ont besoin de moi

Comme à son habitude sanitaire et médicale, Mme Craeye « soutient et vient en aide » aux pauvres Douaisiens qui souffrent. Il faut impressionner les lecteurs par le nombre d’adhérents de son « association » . La centaine ferait un peu trop faux, un petit « 80 » fait bien l’affaire comme l’annonce d’un secret et redoutable « réseau » qui alimenterait tout ça.

On surfe sur les petits-déjeuners mis en œuvre par la mairie, histoire de se les approprier façon « poisson pilote » , pour terminer par la promesse d’éventuelles recettes miracles de la « dynamisation du centre-ville » . Groupes de travail, experts, approche « concrète » , Mme Craeye fait dans l’agile, elle est moderne.

Ses co-listiers le sont moins. Pas du tout candidats mais bien placés sur la liste macroniste de 2020, comme le relève la VDN. C’est en fait une OPA du conseil départemental du Nord sur notre ville. M. Sitko, ainsi que M. Houdry, y bossent, comme l’avait fait en son temps Mme Craeye.
Soyons juste, celle-ci n’y exerce plus depuis sa récente arrivée comme « DGS » à Anzin-Saint-Aubin dans le Pas de Calais.

Guerre civile ou pas ?

Cette dernière péripétie départementale intéresse les Douaisinologues pour la relation que ces deux candidats entretiennent avec Christian Poiret. Tentons quelques hypothèses. Allons nous assister lors des prochaines municipales à une guerre civile opposant deux partisans du patron ?

François Guiffard est absolument un pro Douaisis Agglo par sa vice-présidence touristique. C’est peut être aussi le cas de Coline Craeye. Son exil à Sin lors des élections cantonales, co-listière d’un membre du « duo infernal » , n’a pu se faire sans la bénédiction du conseiller départemental sortant.
A Douai, l’abstention massive prévisible rendait cette concurrence dangereuse pour le président du conseil départemental. Il aurait eu l’air fin s’il était passé sous les 12,5%…

Pour autant, le récent transfert de Mme Craeye dans une petite commune de la CUA à l’ombre du boss arrageois, Frédéric Leturque, indique peut être une volonté d’indépendance.
Le crédit du parrain dans la capitale du Douaisis, plutôt bas, n’est probablement pas un avantage pour qui se réclamera de lui. Cette fine mouche n’est certainement pas passée à côté de ce paramètre.

Dans tous les cas, il va falloir observer les glissements tectoniques dans le combat qui s’annonce. Trahisons, alliances, changements de pied risquent fort d’en être la toile de fond. Espérons que Douai profitera de cette émulation certainement positive.

Le juste milieu nourrit l’extrémisme

Enfin, il restera à connaître, hors les « valeurs » stéréotypées citées plus haut, les stratégies de ces candidats pour l’avenir de la ville.
Le « dogme escrologiste » sera en bonne place, y compris dans les programmes des 5 ou 6 prétendants qui, as usual, se bousculeront aux urnes en 2026. L’amusant, c’est que si tout le monde s’y met, il sera fondu dans la masse, ouf !

Quant aux positionnements politiques et partisans, hors les allégeances évoquées plus haut, le duo Craeye-Guiffard tentera à n’en pas douter d’investir le « gros centre » . M. Guiffard fera « gros centre à gauche » et Mme Craeye « gros centre à droite » , d’où un très possible embouteillage sur un espace convoité de plus en plus étroit.

Ce sera une impasse, l’heure n’est plus au macronisme du « ni gauche ni droite » . Les dernières élections ont montré à l’inverse la forte polarisation de l’opinion douaisienne sur les extrêmes.
Frédéric Chéreau, qui a conservé son étiquette de PS mâtinée de NUPES, en profitera, sans parler de sa position de sortant qui est un avantage absolu face à tous ses concurrents.
A l’autre bout, une liste RN, renforcée par les conquêtes récentes de ce parti dans la région, aura toutes les chances de rallier à elle, notamment dans une périphérie oubliée de tous, les partisans de la droite populaire et nationale.