Paie ta flotte et tais toi !

Livré par un colporteur appointé dans nos boites aux lettres, le « Mag » de Douaisis Agglo débarque.
Si on fait abstraction du ridicule d’un organe de propagande payé par nos impôts, il s’avère une mine d’information quant à la frénésie de projets qui sortent du cerveau du président Christian Poiret.

Évolution = augmentation

Notre attention du jour se porte non pas sur ces annonces mirobolantes, leur temps viendra, mais sur un sujet plus trivial : l’eau, annoncée page 15 par un titre qui euphémise grave.
Pas « d’augmentation » , non, non, non, mais une « évolution du prix » dont on peut deviner, comme on est très malins, qu’elle a un lien avec un alourdissement futur de nos factures.

Une baisse, c’est l’hypothèse interdite, comme d’ailleurs un simple gel. Tout se dégrade, tout est plus cher, mais n’allons pas chercher ailleurs la solution du problème.

La distribution de l’eau n’échappe pas à cette facilité empruntée par nos élus sur tout et n’importe quoi, du traitement des ordures ménagères aux prélèvements des taxes foncières en passant par leurs indemnités.

La pluie sort des robinets

Disposer d’une eau courante en ouvrant un robinet est un prodige plus récent qu’on ne le croit. Dans les années 1920, à peine 20% des communes – les plus urbanisées – en disposaient à domicile.
La situation n’était pas brillante au sortir de la Seconde Guerre Mondiale : 70% des zones rurales n’étaient toujours pas desservies.

De fait, la couverture complète du pays n’a été réalisée qu’à la fin des années 1980, acmé de tous nos services publics comme on s’en rend compte de nos jours.
Dans le Nord, c’est à l’origine un simple syndicat intercommunal créé en 1950 qui s’est chargé de l’adduction des zones rurales.
Ce Noréade distribue aujourd’hui 750 communes des Hauts de France et même quelques unes au nord du Douaisis. Ailleurs, dans le territoire, c’est la communauté d’agglomération qui s’en occupe.

Noréade est partagée en deux finalités universelles qu’on doit toujours avoir en tête : l’eau et l’assainissement avec un prix qui est l’addition de ces deux facteurs.
D’un côté, le traitement des eaux usées et la gestion du ruissellement de la pluie bienfaitrice. De l’autre, les captages, la potabilisation puis enfin l’adduction de l’eau potable.

Agence de l’eau et gestion communautaire

L’agence de l’eau Artois-Picardie est – chose extraordinaire quand on considère ces deux termes – située à Douai.
Bras armé de l’État sur la flotte collective, son utilité interroge quand on sait que les communautés d’agglomération possèdent à présent cette compétence par obligation depuis 2014.

Douaisis Agglo gère ainsi « le cycle de l’eau » , lequel – pas de panique – est mis en œuvre par des prestataires privés (Véolia), dans huit communes de l’agglomération qu’il nous faut citer :
-Aubigny-au-Bac, Courchelettes, Dechy, Douai, Flers-en-Escrebieux, Fressain, Sin-le-Noble et Waziers. Noréade prend en charge les 27 restantes.

Les foyers « abonnés » découvrent donc dans le « Mag » le nouveau tarif, le mètre-cube (m³) passant de 3,62 € à 4,19 €.
Comme on aime les calculs rigolos, en prenant comme base la consommation moyenne par foyer français (120 m³ par an), la douloureuse passe donc de 435 €/an à 503 €/an, « petite » évolution de 68 €, soit 15%… Une paille…

L’organe de propagande indique que ce nouveau prix serait « un des plus bas dans la région » .
Ce baratin est facile à démonter. Hors la zone de Calais qui culmine à 4,5 €/m³, Lille est à 4,02 €/m³ et Dunkerque à 4,09 €/m³.
Encore mieux, ce prix, qui est n’est pas « TTC » , est en réalité plus élevé : 4,61 €/m³ à Douai.
Il faut ajouter en effet la TVA (7%), la ponction de l’Agence de l’Eau (13%), le reste du prix comprenant l’assainissement (45% part en constante augmentation) et l’eau (25%).

Tout augmente, ma pauvre dame

Toutes les justifications à la hausse ne sont pas sans rappeler celles de notre ancien président du SYMEVAD quant à l’inéluctabilité de la montée de la TEOM.
On y trouve l’ébouriffant « durcissement de la règlementation » (ah, bon, laquelle ?), la « hausse du coût de l’énergie » (on chauffe l’eau au gaz russe ?) et le « maintien du patrimoine » (on doit parler des canalisations romaines…).

On a du mal à comprendre que ces arguments n’apparaissent qu’aujourd’hui. Ainsi le redoutable « perchlorate » qui provient du TNT abondamment utilisé chez nous entre 1914 et 1918. C’était hier…
Il y a aussi les « fuites » du système que des études nationales établissent en moyenne à 20% de l’adduction. Nous serions, parait-il, très en dessous. Tant mieux, la dépense n’en sera que plus limitée.

S’ajoute « la lutte contre l’imperméabilisation » des sols, laquelle serait responsable des inondations dans le pays.
Il faut mettre des bottes et faire la guerre au macadam tout en espérant que le curage des fossés et autres caniveaux accompagne bien cette stratégie (CGCT L 2226-1).

On a enfin la « modernisation » des stations d’épuration. Il est vrai qu’on découvre jour après jour – au rythme de l’extension continue d’une réglementation bourgeonnante – des substances que notre territoire ignorait jusqu’alors.
Pas sûr qu’elles soient vraiment dangereuses mais bon, si ça justifie la hausse des factures, c’est toujours ça de pris.

Une taxe qui n’en est plus une

Cela pour se rendre compte que le prix de l’eau n’est plus connecté au coût du service qu’elle réclame. Ce n’est pas nouveau. Taxes et redevances ne relèvent déjà plus vraiment en France de leur définition juridique.

Pour preuve l’incroyable variation des factures dans le pays, lesquelles correspondent mal aux conditions orographiques des territoires. En 2021, si le prix moyen de l’eau était de 4,34 €/m³, les disparités sont énormes.

Le Havre est à 4,74 €/m³ quand Strasbourg plafonne à 2,88 €/m³. Le Bas-Rhin est champion de l’eau bon marché avec une moyenne de 2,90 €/m³ tandis que son voisin le Haut-Rhin est presque au double : 5,06 €/m³.
Les deux Seine, la Maritime et la Marne, sans doute à cause de ce toponyme commun, battent tous les records : 6,12 €/m³.

Plus bizarre encore, le découplage entre la pluviométrie et le prix. La région PACA, plutôt sèche, est à 3,69 €/m³ quand les Hauts de France, pays des parapluies, sont à 4,73 €/m³ en moyenne.
L’examen des précipitations dans la région depuis 60 ans apprend même qu’elles ont augmenté sur la période, de 190 mm cumulés sur la côte à 70 mm au sud. Ce ne sont pas les habitants des bords de l’Aa ou la Liane qui nous contrediront…

Le prix va sauver la planète

La valeur de l’eau dans le Douaisis dépend donc de facteurs obscurs, faute de connaître avec exactitude le coût réel de sa gestion rapporté aux redevances réclamées aux utilisateurs.

On arrive dès lors – approche parfaitement assumée par nos décideurs – au prix transformé en outil stratégique.
Comme l’indique un spécialiste de l’égalité homme-femme, par ailleurs directeur de l’Agence de l’eau, augmenter la facture des utilisateurs possède une vertu : les pousser à réduire leur consommation.

Il n’est pas impossible qu’on ait affaire à un mécanisme inverse, à savoir la baisse régulière – à prix constant – des consommations qui oblige à un maintien de la manne donc une hausse des taxes.
Tout entrepreneur sait que lorsque la vente d’un produit s’affaisse, la réponse par une augmentation de son prix ne révèle qu’une chose : l’excès des coûts fixes, notamment ceux du personnel.

Depuis vingt ans, les usages domestiques se réduisent régulièrement avec des factures qui augmentent… 100 litres par jour et par habitant en 1975, 170 en 2004, 145 actuellement. La tendance est à -1,4% par an.

Si les consommateurs que nous sommes sont régulièrement culpabilisés dans les médias et ailleurs, nous apparaissons peu gourmands en eau douce quand on compare notre « empreinte » à celle de l’agriculture ou mieux, des centrales électriques : 5,3 milliards de m³ contre les 16 milliards de m³ que consomment ces merveilles censées sauver la planète…

La production d’eau potable est la consommation des foyers

Coûts et prix, quelques hypothèses…

Pour finir, quelques calculs à la graisse d’oie à partir des chiffres – aussi nombreux que variés, jamais sourcés – qu’on trouve dans les publications locales. Les biais doivent être épais mais l’ensemble prouve une chose, l’incertitude des données.

Prenons une consommation moyenne de 150 litres d’eau potable par jour. Avec un prix du litre à 0,5 centimes d’€, on arrive à un coût annuel de 273,75 €.

Du côté des revenus de ces « pompes à phynances » , pour une consommation moyenne de 150 m³ par an, au prix nouveau, les 44500 abonnés apporteraient 23 millions d’€.
D’autres sources donnent même 30 000 bénéficiaires, ce qui réduirait la manne, dès lors passée à 18,8 millions d’€.
Ces variations dépendent évidemment de la répartition des consommateurs « assainissement/eau » dans des proportions difficiles à cerner.

En prenant l’affaire par un autre bout, on apprend que 3,9 millions de m³ auraient été vendus en 2021. L’unité mise à 4,19 €, le gain pour Douaisis Agglo serait donc de 16,3 millions…

Si vous êtes comme nous, vous avez du mal à saisir l’étendue de la cagnotte mais une certitude, elle n’est pas mince.

De fait, n’ont pas été abordés ici les sujets de la régie et de la délégation, sachant que cette dernière a été choisie de longue date pour l’eau douaisienne.

L’état florissant des sociétés gestionnaires, ainsi de la Lyonnaise transformée en Suez puis en Véolia, démontre que le précieux liquide peut rapporter gros. Il peut aussi connaître le contraire, ce qui démontre la complexité d’un marché très éloigné de la concurrence « libre et parfaite » .

Pour autant, il est difficile de trancher entre l’intérêt d’une régie, courante dans les grandes métropoles, et celle d’une délégation souvent présente dans les habitats plus dispersés.

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Bref, que dire pour conclure ? On rêve de connaître un jour un débat sérieux sur la gestion locale de l’eau, à ce moment historique où la couverture totale du territoire enfin réalisée, on aboutit à la régression de la consommation accompagnée de l’explosion des tarifs.

Le « prix évolue » certes, mais parions que ce ne sera jamais vers sa diminution pour les génies qui nous gèrent.

Viendra alors le moment où tous ceux qui le pourront adopteront le circuit court de l’autonomie – gratuite – par récupération de leurs eaux de pluie ou la réanimation de leurs puits ancestraux.

Il restera alors à des abonnés en diminution à payer une eau potable de plus en plus chère tandis que la population dans son ensemble sera contrainte, quoi qu’il arrive, d’assumer un assainissement à prix d’or.



A quoi servent-ils ?

Ah si les illuminations de la rue de la mairie pouvaient s’accompagner d’occasions de se réjouir ! Pas de bol, un article de « l’Observateur du Douaisis » nous en empêche une fois de plus.
V’là qu’il nous annonce la fermeture de commerces de Douai emblématiques du centre-ville, le célèbre Devred et le non moins fameux Paprika.

Si on veut faire dans la nuance, il faut reconnaitre que la disparition progressive des magasins des villes moyennes sont des phénomènes complexes qui dépassent probablement de beaucoup les moyens de nos pauvres élus municipaux, en maîtrise théorique comme en capacité d’action.

Pour autant, comme le montrent certains exemples, il ne suffit pas d’espérer pour entreprendre, sans parler de la justification de l’existence de tout gouvernement : prévoir.

De ce point de vue, persuadons nous que la succession de crises qui assaillent notre pays depuis quelques années n’a comme origine que l’oubli coupable de ce principe de bon sens. Si ça foire ici ou là, c’est qu’une décision n’a pas été ou mal prise quelques années plus tôt.
Il est d’ailleurs assez piquant de voir nos gouvernants, qui bénéficient de la ponction fiscale la plus élevée du monde occidental, mettre tous leurs efforts à faire accepter aux citoyens la pénurie dans les services qu’ils leur doivent : soins, électricité, mobilité, éducation…

A notre échelle communale, il en est de même. Douai, gavée des revenus du charbon aurait pu, quand elle avait ces moyens, anticiper la fin des houillères.
Elle aurait pu, surtout, un peu plus tard, mieux négocier cette calamiteuse communauté d’agglomération qui transforme peu à peu la ville en trou noir commercial, faute d’y consacrer ses soins et ses ressources financières comme elle le devrait.

Des exemples de villes moyennes qui ont su résister au marasme existent. On a le cas extraordinaire d’Amnéville en Moselle, d’abord sauvé du communisme par son maire, Jean Kiffer, lequel a ensuite réussi à transformer une cité sidérurgique à la dérive en station thermale dynamique dédiée à une multitude d’activités génératrices de plus-value.

Il peut donc arriver que des équipes municipales trouvent les moyens de limiter la casse, tout simplement en identifiant certains facteurs de déclin et en mettant toute leur énergie à les réduire.
A Douai, partons du principe que c’est cuit du côté de Douaizizaglo® tant qu’on aura le parrain et le duo infernal aux manettes. Il ne nous reste donc que nos représentants communaux, lesquels après tout, en absence du soutien de leurs collègues agglomérés, pourraient définir toutes sortes de stratégies pour conjurer notre mauvais sort commercial.

Malheureusement, de ce côté, c’est pas fameux. Comme le montre l’orientation du « plan d’aménagement » que nous avons examiné récemment, il y a peu de chance qu’on sorte d’une décroissance qui met en priorité le sauvetage de la planète plutôt que celui de nos magasins.
Empêchons les clients de venir en bagnole, mettons les habitants à la marche à pied obligatoire, instaurons la cité « solidaire, inclusive et végétale » qui nous sauvera tous…

Mais il y a pire que ces choix absurdes, après tout soutenus par les électeurs puisqu’ils ont voté pour l’équipe actuelle. Cet article de « l’Observateur » prouve, à travers les témoignages des commerçants concernés, à quel point ce sujet n’est en aucun cas le dossier prioritaire de notre équipe municipale.

Le citoyen de base pourrait se dire, compte-tenu de l’impact catastrophique de ces fermetures sur l’image de la ville, que nos élus rémunérés passeraient tout leur temps à s’en occuper. Il ne suffit pas d’espérer pour entreprendre, ce serait au moins la preuve qu’ils se battent sur ce front où Douai joue sa survie.

Lisons. Que les « travaux de piétonisation de la rue de Bellain » n’aient pas aidé, les commerçants en sont persuadés, ces empêchements s’ajoutant aux effets de la crise sanitaire : « on a perdu près de 50% de trafic entre 2019 et aujourd’hui » . Ah oui, quand même…
Le pire est de lire ensuite cette promesse de désespérance : « on n’a pas été aidé par l’équipe municipale en place. Le maire n’est jamais venu nous voir pour savoir comment on se portait après l’épidémie et les travaux » . Pas un élu, pas un responsable n’a pris la peine de tâter le pouls de ces entrepreneurs en difficulté ? On croit rêver.

La conclusion est plus révélatrice encore ou d’ailleurs logique, de celle des réponses que peut donner une végétarienne quand on lui demande ce qu’elle pense d’un bon steak saignant.
Notre adjointe chargée, pas moins que « de l’urbanisme, des grands projets, du commerce et de l’artisanat » , explique, sur le mode procrastinateur qui restera la marque de cette équipe municipale, que rien n’est « encore dessiné » . Non, sans blague, rien ?
Verbatim ça donne : « nous n’avons pas avancé sur le sujet » , ou encore mieux : « nous envisageons de contacter les propriétaires. Si rien n’est prévu, nous rencontrerons des acteurs à la recherche de locaux pour partager l’information » .  

Vous avez bien lu, pas d’action, pas de concret, « on va partager l’information…. » . Nous on la donne : la vacance commerciale du centre-ville avoisine les 25% quand la France est à 9%…

Cochons de payants!

Une obsession de notre part nous dira-t-on. Pas faux. Mais il n’y a pas loin de ce sentiment à la passion. Il a semblé rigolo de se pencher sur le nombre et le profil des contribuables qui font tourner Douai avec leur taxe foncière, soit les propriétaires qui y résident encore.

A Douai, sur un budget 2020 de 59,3 millions d’euros en fonctionnement, les « impôts et taxes » représentaient en recettes 37,8 millions soit environ 63%. Le reste des ressources est constitué d’une grande variété de choses, notamment diverses dotations attribuées au titre de notre pauvreté collective.

Les impôts augmentent quand tout baisse

Concentrons nous plutôt sur les taxes foncière et d’habitation (car il existe encore des Douaisiens qui la paient) mais surtout comparons deux budgets entre eux, 2015 et 2020, les seuls pour lesquels nous disposons des documents comptables.
On s’empresse d’ajouter que nous tiendrons pour négligeable la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) dans les raisonnements qui suivent.
Pour le premier budget, « impôts et taxes » se montaient à 36,4 M d’euros dont 20,9 M d’euros pour le cumul des taxes d’habitation et foncière. Pour le second – soit cinq ans plus tard – on repère respectivement 37,8 et 23 M d’euros, dernier chiffre qui constitue, en passant, près de 40% des revenus de la ville.

Cf ligne 73111 où les taxes foncières et d’habitation sont fusionnées, les titres émis sont supérieurs aux crédits ouverts… Pour le reste, comme dirait l’autre : « you can’t fix it ? Tax it ! »

Nous noterons que dans Douai de plus en plus pauvre et de moins en moins populeux, les ponctions fiscales ne se réduisent pas. Cette progression inexorable est défendue par Frédéric Chéreau, lequel affirmait récemment qu’on « pourrait faire le choix de se serrer la ceinture et de baisser nos taux, ce n’est pas le nôtre » .

Traduction : avec un budget stable mais une population en baisse (la tendance est de 1% par an selon la Cour des Comptes), la variable d’ajustement sera la hausse régulière de la ponction sur les propriétaires… non exonérés.

Cette évolution tient, en partie, à l’augmentation nationale des « bases fictives » – dans une ville où les valeurs immobilières s’effondrent – mais aussi et surtout, depuis l’élection du maire en 2014, à celle de taux régulièrement augmentés.
Pour autant, au delà de ces considérations désespérantes, on a un peu de mal à connaître – c’est dommage – la part de chaque taxe (foncière et d’habitation) dans les ressources fiscales de la ville car les « comptes administratifs » ne les distinguent pas.
C’est d’autant plus gênant que la disparition de la seconde – réforme séculaire – doit avoir un impact sur l’économie générale du budget municipal.

Avançons dans ce brouillard fiscal. En 2015 les deux taxes amènent 20,9 M puis, en 2020, 23 M d’euros. En théorie, cette année-là, 80% des assujettis à la taxe d’habitation ne la paient plus, ce qui devrait se voir un peu.
Le mystère s’épaissit quand Frédéric Chéreau, lors de la présentation du budget en mars 2022, a annoncé, pour la seule taxe foncière, un produit de « 21 millions d’euros » .

Avec une progression « mécanique » de 0,5 million d’euros par an des deux taxes (comme constaté entre 2015 et 2020), on aurait en 2022 un total (TF + TH) de 24 millions. Si on retire les 21 millions de la taxe foncière annoncés par le maire, le produit de la taxe d’habitation serait donc de 3 millions, avec une hausse ininterrompue du tout depuis 2015

Ces augmentations, qui relèvent du prodige, méritent des recherches. Comment expliquer tout ça ? Supposons la faiblesse originelle de la taxe d’habitation, la hausse de la taxe foncière qui compense, la possible mise à jour foireuse des documents budgétaires, un truc inconnu de grande ampleur etc.
On sèche. Si un lecteur a une explication, on prend.

Quoi qu’il en soit, ouvrons donc les comptes d’apothicaire en considérant que le produit de la taxe foncière était en 2020 de 19 millions d’euros.
Ce chiffre – peu assuré – sera notre base de calcul pour connaître la part moyenne des ponctions sur les propriétés et les propriétaires.

Les propriétés

Cette donnée connue, il faut ensuite savoir combien nous avons de propriétés dans Douai. L’INSEE est précis. En 2019, on a 17773 « résidences principales » dans la ville pour 6516 propriétaires qui vivent dans leur bien.
Une comparaison est intéressante à faire sur la décennie écoulée. Elle rend compte de notre incontestable contraction démographique. On recensait en 2008 respectivement 6751 proprios sur 18028 résidences principales.
Il faut rappeler que toutes les 17773 résidences sont éligibles à la TF, payée par les propriétaires quelque soit leur statut, y compris pour ceux qui les louent mais n’y habitent pas.

Pour autant, il faut considérer la nature des biens eux-mêmes. Certains ne sont pas soumis à la TF. Cela concerne les logements sociaux dont l’exonération est de droit. On n’entrera pas dans le détail des conditions de cet avantage qui dépend du mode de financement, de l’ancienneté du bâti et surtout de son affectation.
Pour le coup, on doit retrancher ce nombre. Par chance, il est connu alors même que les bailleurs sociaux sont surreprésentés dans notre commune. Sortons des 17773 résidences principales nos 5600 logements sociaux (soit 31% du tout), restent 12173 « résidences » .

Il est possible d’ajouter à ce stock « social » tous les logements détenus par des personnes privées mais qui ne le louent pas, condition qui vaut dans certains cas exonération de la TF.
La vacance immobilière est importante à Douai. Elle a doublé en dix ans, passant de 1583 logements vides à 3693, dernier chiffre sans doute accru après la crise sanitaire.
Au doigt mouillé à la douaisienne, retenons 10% d’exonérations sur ce total, ce qui prendra aussi en compte, tant qu’à faire, les « locations sociales » assurées par des personnes privées, soit 360 logements sans TF, ce qui nous donne au final 11813 résidences.

Donc si on résume et faisant fi des biais statistiques probablement nombreux mais qui donnent tout le sel à notre raisonnement fait de carottes et de pommes de terre, nous avons à Douai 11813 résidences soumises à la TF. Sur les 19 M de recette, la valeur moyenne de la ponction est donc de 1608 euros.
Ce chiffre est à rapporter aux 827 euros qui correspondent à la moyenne nationale (et même 770 euros dans le Nord). Chez nous c’est le double et on nous dit sous le beffroi qu’on a de la marge !

Les propriétaires

Après les propriétés, il faut s’occuper des braves propriétaires habitant chez eux, lesquels étaient en 2019 exactement 6516 soit 38% de la population douaisienne.

Après cette donnée précise, les choses se compliquent. Dans notre pays fou qui adore les exceptions et les cas particuliers qui justifient l’existence d’administrations pléthoriques, il faut retirer de ce groupe les exonérés de la taxe foncière.
Ce sont, à la louche, les pauvres, les vieux (de plus de 75 ans à faibles revenus) et les personnes handicapées. Certains, c’est logique, regroupent parfois ces trois critères, surtout chez nous.
Selon l’INSEE, environ 8% des propriétaires sont considérés à Douai comme « pauvres » tandis que 12% des habitants de plus de 75 ans relèvent à leur tour de cette catégorie.
En étant généreux à la Douaizizaglo®, retenons une part de 10% de propriétaires exonérés de la TF, ce qui nous laisse 5865 personnes qui y restent assujettis.

Nous arrivons au final à ces 5865 propriétaires vivant dans leur résidence principale et qui paient en moyenne 1608 euros de taxe foncière. Le total représente la somme de 9,4 M d’euros directement passés de leur poche dans le gouffre du budget municipal.

Lecteur, si un jour tu croises un passant qui arpente la rue de Bellain vide et glacée d’un pas pressé, dis toi qu’il s’agit peut être d’un de ces généreux contribuables.

Mieux, si tu es un locataire à vélo inquiet de l’extinction du monde vivant, sache qu’il représente une espèce en voie de disparition…

——————— Petit ajout ultime….

Contribuables Taxes foncière Douai
En 2021, la TH est à 1,1 M (ne restent plus que les résidences secondaires) tandis que la TF est à 23,2 M (19,7 de produit et 3,5 M de compensation). Merci Aginda !
Effets de la disparition de la taxe d’habitation en 2021. Notons qu’en 2009, la taxe foncière ramenait 8,5 M d’euros. C’est aujourd’hui 19,7 M, soit plus du double et cela avant la compensation de l’Etat (payée par tous les contribuables)

Un Carrefour en cul de sac

Nous pensions quand même disposer d’un peu de répit après avoir appris la fermeture de notre vieux Monop’. Et bien non, la loi des séries s’impose maintenant à Douai. Carrefour Market étant parti se refaire une santé ailleurs, la conséquence logique vient de tomber : la galerie du Dauphin va fermer définitivement à la fin de l’année.

Plutôt que de revenir sur les raisons rabâchées conduisant à ces fermetures régulières (les zones commerciales favorisées par la « Commission départementale d’aménagement commercial » , la chasse aux bagnoles, l’obsession de la marche à pied et du biclou pour réduire nos 0,9% d’émission planétaire de CO2, bla bla bla…), regardons cette catastrophe supplémentaire pour tout ce qu’elle enseigne.

D’abord l’inutilité d’une galerie marchande rénovée à grand frais et qui a eu beaucoup de mal à conserver les commerces qu’elle y a péniblement installés. Tout démontre encore une fois qu’une mauvaise idée reste mauvaise quand sa mise en œuvre n’est pas étayée par des études sérieuses. On a du mal à comprendre ce qui a poussé la famille Hoang d’Eurobail à investir là dedans.

Elle a peut être été convaincue par la proximité de l’ébouriffante place du Dauphin, fleuron du dernier mandat dont les piliers chromés ont bien du mal à transformer un cloaque en espace attractif. Dans tous les cas, c’est sans appel. Absence d’impact sur le chiffre d’affaires des commerces mais à l’inverse leur disparition régulière qui transforme à présent la dite place en cul de sac. De fait, plus personne ne passera devant pour entrer dans la galerie.

Ajoutons qu’au contraire des édiles qui décident mal et agissent bêtement, les grandes enseignes possèdent, elles, un salutaire instinct de conservation. Une succursale sans clients donc sans bénéfices doit fermer. Rien à voir avec le système – gratuit comme chacun sait – d’une « Action Coeur de Ville » qui, en dépit des millions déversés, n’empêche rien. Le contribuable est éternel au contraire du client beaucoup plus provisoire. Lui, au moins, a le choix de ne pas prendre quand il ne le souhaite pas.

Quel symbole plus éclatant, enfin, que le déménagement des commerces à Sin le Noble ou ailleurs. Il démontre l’impuissance d’une ville centre qui maudit des conséquences quand elle en chérit les causes. Reprenons les mots de la VDN lorsqu’elle a évoqué la fermeture du Carrefour Market : « ce trou béant dans la galerie marchande est une claque infligée à la municipalité et à ses partenaires qui mènent une politique de revitalisation en cœur de ville » . La fermeture de la galerie n’est plus une claque, c’est un coup de poing.

Accessoirement, cette dernière pose quelques petits problèmes de gestion du parking attenant, en termes d’accès piétons notamment pour les personnes handicapées. Selon la très inspirée Voix du Nord, la fermeture « serait un coup dur pour la municipalité, pour laquelle les 200 places du parking sont une pièce maîtresse de la piétonisation du cœur de ville » . Notre petit doigt nous dit qu’on va rajouter une bonne rasade d’argent public pour résoudre ce problème.

Continuons donc à enregistrer, jour après jour, ces fermetures qui transforment inexorablement la ville en village sans attractivité commerciale. Réduite aux seuls habitants du centre, tous piétons, Douai aura une activité à leur image : rare et faible.
C’est sans doute, quand on y réfléchit un peu, la vision impensée de cette majorité municipale. Le retour définitif à l’état de nature.

Régie ou délégation

Cette fois un peu de philosophie politico-économique avec quelques définitions sur la façon dont une collectivité locale ou l’État assurent les missions qui justifient leur existence.
En gros, soit ils les gèrent eux mêmes – c’est une régie – soit ils les passent à d’autres, souvent des entreprises privées, contre une rémunération, c’est une délégation de service public.

Faire soi-même ou pas

Comme on est en France, ce qui précède est la situation théorique idéale. Dans la réalité, elle est presque rare. On peut déléguer une mission à un machin plus ou moins public, la découper en morceaux dont certains sont privés et d’autres publics etc. Les possibilités sont infinies jusqu’à la folie.
Il existe ainsi la célèbre « régie intéressée » qui confie un service public à un contractant qui se rémunère par un bénéfice sur les résultats tandis que la collectivité reste chargée de la direction générale du bazar. Donc cette « régie » est une délégation…

Dans ce qui est certain, on dira que le régalien est toujours public – l’armée, la police – mais on trouvera bien ici ou là à coups de mercenaires et de vigiles quelques exceptions qui confirment la règle.

Voilà un siècle, l’action publique se limitait à l’indispensable. Elle intervient aujourd’hui partout. Le contact entre le privé et le public est une passoire, sachant que le second réduit inexorablement la surface du premier.
Le mouvement n’est pas près de s’arrêter quand on observe les crises actuelles qui poussent le citoyen vacciné et masqué à réclamer « plus d’État » pour s’en préserver.

Privé ou public

L’idéologie aide un peu pour y voir plus clair.

La Gauche adore la régie, synonyme pour elle de respect des intérêts des citoyens, les plus démunis en tête. Il y a au bout du bout du cerveau de ses élus le rêve d’une étatisation complète de l’économie. Un paradis d’égalité à base de dons gratuits dont disparaitrait l’abominable entrepreneur privé, toujours soupçonnable d’échapper à l’impôt salvateur et en plus, aujourd’hui, de détruire la planète.

La Droite est à l’inverse, mais sans que ce soit une vérité absolue comme nous le verrons plus loin, plutôt favorable à la délégation. Outre de délimiter le périmètre et la dépense de la mission, elle défend l’idée simple que le patron de l’entreprise qui en sera chargée aura à cœur de la maintenir en bonne santé. Il va surveiller de près le budget afin d’éviter le gâchis auquel n’échappe pas toujours l’administration publique.

© La Gazette des Communes

Difficile de trancher cette question. Il existe des collectivités locales ou des services d’État qui dépensent au mieux avec une efficacité maximale. Il en est d’autres qui sous-traitent au privé parce que leur personnel est incapable de faire, ce qui revient au contribuable à payer deux fois.
Certaines délégations de service public à base de contrats léonins sont le royaume de la gabegie – ou du truandage au bénéfice des amis – quand d’autres, évidemment, ne coûtent que le juste prix.

Il est incroyable de savoir qu’en France, il n’existe aucune obligation imposant aux collectivités locales la comparaison avec les modes de gestion alternatifs à la régie. Par contre, elle s’impose quand on décide d’une délégation de service, par la logique de la mise en concurrence.

Cette dissymétrie prouve à quel point nous considérons la puissance publique comme insoupçonnable. C’est probablement un reste de notre histoire monarchique qui faisait de l’impôt une obligation – en fait un tribut – découplée de tout avantage concret pour le payant.
L’ADN des Anglo-saxons est diamétralement opposé. Comme leur démocratie en procède, l’impôt est sacré. Les pires crimes sont de s’en dissimuler et ensuite de le gâcher. On comprendra que les Français ne combattent que le premier.

Avantages et inconvénients

Si on rentre un peu plus dans le détail, encore qu’il s’agit là d’affreuses simplifications, le facteur qui intervient dans les arbitrages régie/délégation est évidemment le coût rapporté au service donné, sachant qu’il est assuré dans tous les cas par des ponctions fiscales.

Celui d’un service public ne peut être réduit à sa masse salariale et moins encore corrélé fermement aux bienfaits qu’il apporte aux citoyens, même si certaines administrations disposent d’indicateurs et de ratios.
Plus précise, une délégation de service public est dépendante d’un cahier des charges qui commande l’abondement financier donné au prestataire pour qu’il assure sa mission.

Pour autant, il doit quand même faire un peu de bénéfice, lequel peut être accru par un serrage des charges, en premier lieu celles du personnel, mais aussi une meilleure optimisation de la mise en œuvre.
Comme le montrent actuellement les péripéties gazières qui poussent certains délégataires à dénoncer leur contrat, tout défaut se traduit par un retour au budget de la collectivité. Si on résume, le bénéfice va au délégataire tandis que les pertes sont pour le contribuable.

Arrêtons là ces réflexions générales qui mériteraient des traités de droit public, lesquels existent. On y renvoie les lecteurs parvenus jusqu’ici. En fait, cette affaire de régie et de délégation nous intéresse pour sa traduction dans nos affaires locales.

On « fait maison »

On découvre ainsi dans le foisonnement d’éléphants blancs qui est la marque de notre Douaizizaglo® la variabilité des arbitrages du président Poiret – absolu tout puissant – sur cette question.

La récente annonce de l’abandon du célèbre CFA du Douaisis a permis d’apprendre la raison pour laquelle l’agglo voulait assurer sa construction en régie. Habituellement, on délègue sagement un chantier à des gens qui sont meilleurs spécialistes du béton que la pauvre administration de Douaizizaglo®.

Ce choix aurait permis « de récupérer la TVA » , justification triviale s’il en est. Tout contribuable préférerait qu’on mette plutôt en avant – outre l’utilité de la chose – la capacité à construire bien, rapidement et pas cher. Ces critères devraient être d’ailleurs les trois axes d’une évaluation de tous nos projets locaux d’où qu’ils viennent.

La TVA est par définition une taxe qui s’ajoute au coût d’une opération. Si le CFA avait coûté 10 M d’euros, nous aurions donné en sus à notre État bienfaiteur 2 M, ce qui aurait monté la dépense globale à 12 M. La « récupération » n’est pas absence de paiement. Le fisc qui touche les sous les redonne ensuite à la collectivité locale maîtresse d’œuvre. Ces 2 M auraient donc été une cagnotte, de la fraîche en plus, qui aurait pu servir à réduire l’emprunt ou à toutes sortes de choses inconnues de nous tous.

Enfin, il parait peu probable que notre président – infaillible et visionnaire – prenne lui même pelle et pioche pour construire un bâtiment, ni même que cette charge revienne à Douaizizaglo® en dépit de son efficacité bien connue. Il faudrait évidemment passer par divers prestataires, de premier et second œuvre, avec sans doute la possibilité d’un choix local, ce qui n’aurait probablement pas été le cas si un gros opérateur gérait toute l’affaire.

Les patrons varient souvent

On tient habituellement Christian Poiret pour un gars de droite. Enfin, on annonce cette obédience avec précaution car elle parait, quand on la documente, assez flottante. Cette incertitude ménidienne explique les variations de notre président – bien aimé et omniscient – sur le sujet des régies et délégations. Son goût pour la première interpelle.

De ce côté, on a en effet beaucoup d’exemples, hors cette affaire de CFA dont le modèle serait parait-il venu des DOM-TOM, argument qui vaut son pesant de bon gouvernement.
Existait aussi, mais c’est ancien, l’organisation originelle du SMTD qui ne séparait pas l’agglo du syndicat, un peu comme si l’assemblée nationale avait géré en direct la SNCF. Ce n’était pas de la régie mais de la méga-régie. Notons aujourd’hui en passant le statut d’ornithorynque de la STAD-Evéole qui est public sans l’être tout à fait.
Plus exotique encore, il faut citer la transformation de notre entité agglomérée en promoteur en charge des opérations immobilières du Raquet. Il était assez ébouriffant de rencontrer dans des salons spécialisés des « vendeurs » siglés Douaizizaglo®. Soulignons leur efficience, comme on dit, pour bétonner puis peupler ce quartier.
Autre sujet amusant, Arkéos. La Cour des Comptes avait soulevé l’absence d’un budget propre qui interdisait de repérer dans le « grand tout » les déficits accumulés par cette merveille. Notons qu’on tente, loin de toute délégation – c’est le moins qu’on puisse dire – de conjurer l’échec de ce « musée » en le transformant en parc d’attraction.
On a enfin, rappelée récemment, l’opération EuraDouai dont Douaizizaglo® envisage de piloter « tous les grands équipements » , probablement sur le modèle du Raquet.

Bien fol qui s’y fie

Pour les DSP, leur recensement précis parait compliqué à faire mais elles sont probablement moins nombreuses que les régies, surtout à Douai.
Pour preuve le débat qui a eu lieu au conseil d’agglomération en juillet dernier lors de l’octroi de la délégation de gestion des deux fleurons du Raquet : Sourcéane mais surtout la fameuse patinoire que le monde entier va nous envier pour sa sobriété energétique.

Le maire de Douai Frédéric Chéreau et ses alliés se sont abstenus, le premier justifiant sa décision par la défense logique de la régie de la part d’un socialiste, laquelle « permet plus de souplesse dans l’accueil des écoles » sachant que « le cœur de l’activité d’un délégataire de service public, c’est de faire du commerce ».
Notre président, qui a toujours un peu de mal avec la contradiction, est monté au créneau pour défendre cette option sortie de sa seule tête, choix voté ensuite par le conseil comme un seul homme. Cette fois-ci, les arguments relevaient d’une affaire de sous sans TVA. Le prix annoncé était, pour Sourcéane, de 680 000 € et, pour la patinoire, de 473 000 €, montants qualifiés de « raisonnables » par Christian Poiret, encore que les obligations du prestataire ne sont pas connues.

Toujours vachard, notre patron aggloméré a taclé son rival douaisien en lui jetant à la figure le coût de ses deux piscines municipales qui serait d’1 million d’€ annuels. Sortes de monuments historiques en mauvais état (surtout Beausoleil), elles sont effectivement gourmandes en énergie et disposent d’un personnel largement dimensionné. Ceci explique cela.

© La Voix du Nord 2018

Pour revenir à la délégation, l’amusant reste le choix du prestataire. Si Récréa a quitté Sourcéane, Douaizizaglo® a fait un blot avec la patinoire en passant les deux sous la gestion du célèbre Vert Marine qui a récemment défrayé la chronique.
Ce prestataire tentaculaire (80 équipements en DSP) a en effet dénoncé certains contrats piscinicoles au titre de l’envolée du prix du gaz.
Notons qu’Armentières et d’autres communes de notre région se trouvent donc actuellement bien embêtées. Il semble pourtant que nous ne risquons rien car notre président – écologique et inoxydable – a prévu que la biomasse remplace le précieux produit russe. Si c’est vrai, tant mieux.

Pour conclure sur ce sujet, quelques réflexions. D’abord qu’il est moins clair que les postures qu’il provoque, lesquelles comme nous les avons vues, découlent de l’idéologie plutôt que d’approches rationnelles.
L’autre aspect reste évidemment l’absence d’information sinon de contrôle, d’abord sur le coût des services publics et ensuite sur la motivation de leurs possibles délégations.
On peut supposer une certaine incompréhension de nos élus professionnels sur ces dossiers ou, au niveau inférieur, un manque total de curiosité de leur part alors qu’ils sont rémunérés pour s’y intéresser.

Osons une fois encore un vœu ultime : que tous les lecteurs de cet article s’obligent à chercher les raisons des arbitrages de notre patron – super et fort – quant aux régies et autres délégations qu’ils découvrent au quotidien. Cherchons bien. L’apparent est peut être le caché mais peut être pas.

Monoprix, multi-échecs

fermeture monoprix douai

Une nouvelle qui a déboulé récemment sur les rézosocios se confirme dans les journaux : la fermeture prochaine de notre bon vieux Monoprix. 87 ans de vie et hop ! C’est terminé pour le Monop’.
On rajoute cette catastrophe à toutes les autres, Kruidvat, déjà évoqué, mais aussi celles dont on n’entend pas parler.
Ces magasins qui disparaissent en douce après des années de fonctionnement ou, pire, après quelques mois d’ouverture quand quelques fous optimistes vérifient avec horreur la fragilité de leur business plan.

Les raisons de ces fermetures sont faciles à comprendre. Rien à voir avec le covid et la guerre en Ukraine. Quand un magasin n’a plus de clients. Il ne fait plus de bénéfice. Il accumule les pertes. Il coule. Voilà ce qui le pousse un jour à mettre la clé sous la porte et pas autre chose.
On voit bien ici et là de pauvres arguments justifiant des « aides » (évidemment publiques) pour retarder la funeste échéance. Ce sont des solutions provisoires qui n’empêchent rien. Il faut revenir au fond. Si tous nos magasins du centre ville ferment les uns après les autres, c’est que les clients ne s’y rendent pas.

Ensuite, arrive la question centrale : mais qu’est-ce qui les empêche ? Nous le savons tous. De loin, les zones commerciales périphériques offrent de meilleures raisons d’y aller (prix, accessibilité). De près, faire reposer une activité économique sur les seuls habitants d’un centre ville de plus en plus paupérisé, est absurde.

Car nous sommes maintenant arrivés au moment fatidique. Celui où la réduction de l’offre commerciale, sa pauvreté, ses lacunes conduisent le consommateur à ne plus considérer le centre ville de Douai comme un lieu valable pour y faire ses courses. La spirale est enclenchée. Il devient impossible de la briser. Le mal est fait.

Mais pas de panique, nos édiles veillent. Ils savent. Ils ont tout compris. Ils sont efficaces. Ils anticipent. D’ailleurs ça se voit. Les ouvertures sont égales aux fermetures parait-il. Sans blague. Mettre sur le même plan l’ouverture d’un tacos halal dans la périphérie avec la fermeture d’un magasin comme Monoprix ou Kruidvat, c’est de l’escroquerie intellectuelle.

fermeture monoprix douai
C’est beau, un Monop’, la nuit, à Douai….

Le plus terrible dans cette affaire est sans doute, outre leur impunité, l’entêtement de ceux qui contribuent à un échec aussi massif. Un peu comme les Khmers verts qui poussent à la disparition du nucléaire en s’étonnant ensuite du prix de l’électricité, nos élus professionnels s’obstinent dans l’erreur.
Si ça ne marche pas c’est qu’on n’a pas été assez loin dans la piétonnisation et dans l’empêchement de la bagnole pour accéder au centre ville. C’est ainsi qu’il faut regarder ces travaux débiles qui réduisent les possibilités de stationnement, entre autres pour les vélos que peu de gens utilisent (dans tous les cas pas les élus) ou encore pour des trams en forme de bus dont l’offre – certes gratuite avec nos sous – est d’une fabuleuse médiocrité.

Ce n’est pas grave, on va vous en remettre de la mobilité douce. Vous allez en bouffer de la marche à pied. Elle va sauver la ville. Ne doutons pas que notre rue de Bellain ressemblera aux cheminements des cimetières. Ils sont calmes, paisibles mais mortifères.
Il ne restera du centre de Douai que cette belle rue piétonne, minérale et glacée, transformée avec nos impôts en paradis à l’abri des lois du marché, celui des opticiens, des pharmaciens, des banquiers, des services administratifs échoués là faute de mieux.
Il subsistera dans ces voies mortes, rassurons nous, quelques ilots de vente de produits frais encerclés, au mieux de fast-foods lamentables ou de vendeurs de fringues misérables mais, au pire, par une multitude grandissante de cellules abandonnées livrées à la désolation et au mépris.

Associations lucratives sans but

Volontaires et bénévoles d'associations

Il est de ces sujets qui ne peuvent qu’intéresser les douaisinologues. Les « associations à but non lucratif » en font partie surtout quand elles traversent l’actualité locale.

Le recours a échoué

Chacun sait que le maire de Douai, Frédéric Chéreau, décidé à défendre les intérêts de sa capitale – et ça c’était bien – candidat aux élections départementales, n’a pu, mais de peu, terrasser son terrible adversaire.
Christian Poiret est devenu, grâce à sa courte victoire, le président du plus gros département de France. 2,6 millions d’habitants pour 345 voix. C’est le résultat qui compte. Admirons l’exploit…

Un recours a suivi ce scrutin serré. Ce qu’on sait des moyens soulevés, c’est qu’ils n’étaient pas minces. Des membres d’une association de quartier auraient assuré certains électeurs d’obtenir des avantages matériels contre un vote en faveur du conseiller sortant.

Si le tribunal a confirmé ces faits, il a statué au final sur le maintien du résultat. Dont acte. Certains pourraient penser que des fautes ne se jugent pas à leur nombre mais dans ces sujets, l’angle du magistrat est mathématique, pas moral. Le volume des truandages doit être équivalent à la différence des voix pour avoir faussé l’élection. Ce n’était pas le cas.

La mairie ne paie plus

Cette affaire a connu un rebondissement lors du dernier conseil municipal où a été décidée la suspension de la subvention de l’association concernée, « Deux mains ensemble », bien connue au faubourg de Béthune.
Le débat qui a suivi était intéressant quant au positionnement des uns et des autres mais surtout l’utilité d’une association de quartier dans l’univers politique local. C’était un peu un festival d’arrière-pensées du genre « il vaut mieux ne pas dire ce qu’on a vraiment dans la tête ».

Notre maire s’est abstenu au titre de l’implication procédurale expliquée plus haut. La dame LREM a défendu l’association au nom de « ses 5000 adhérents », ce qui peut toujours être utile. L’insoumis douaiziaglossiste a joué l’arbitre. Il aurait eu du mal à critiquer son patron communautaire.
Si, au final, la majorité municipale désunie a quand même voté cette délibération, retenons l’intervention de Katia Bittner qui a parfaitement résumé le problème. Ces pratiques inadmissibles piétinent les valeurs démocratiques tout en prenant des citoyens en otage. On est d’accord.

Une association « loi 1901 »

Pour annoncer la couleur de notre propos, nous avons repris en titre celui de l’excellent bouquin du regretté Pierre-Patrick Kaltenbach qui disait tout vingt cinq ans plus tôt, notamment l’exigence de transparence et de contrôle qui devraient s’imposer à ces très françaises associations dans lesquelles le pire côtoie souvent le meilleur.

La loi de juillet 1901 a autorisé les citoyens qui le souhaitaient à « s’associer » librement, décision qui rompait avec le mode répressif traditionnel. Toutes sortes d’organisations (clubs, sociétés, amicales etc.) bravaient déjà le pouvoir et cela d’autant plus qu’elles ne constituaient aucune menace pour l’ordre public.
La « liberté » sans cesse mise en avant de nos jours doit être nuancée pour cette loi qui préparait la séparation de l’église et de l’Etat. Elle visait d’abord l’interdiction des congrégations religieuses qui restaient, elles, soumises à l’autorisation. Il s’agissait pour les braves Républicains laïcs de séparer le bon grain de l’ivraie.

Mais que prévoyait ce fameux article 5….

Quoi qu’il en soit, rappelons quand même les bases de ce texte fondateur. Une association est une société de personnes de droit privé. Outre l’interdiction du profit, son fonctionnement doit reposer sur les cotisations de ses membres.
Aucun autre financement n’est de droit, ce que contredit « l’explosion associative subventionnée » qu’on constate depuis des décennies dans notre pays. L’effet de la multiplication des associations (de 700 000 à 1,5 million en vingt ans) est connu : celles qui ne réclament pas, un jour ou l’autre, une portion d’argent public gratuit sont rares.

Des bienfaits du contrôle

Les péripéties de l’association de quartier citée plus haut permettent de s’inquiéter quand on observe ses caractéristiques, emblématiques à bien des égards.

D’abord des chiffres mirobolants répétés dans les médias : ses « 100 bénévoles », ses « 5040 adhérents » (le quartier compte 7000 habitants…), ses « nombreuses actions » mais surtout, on en parle moins, des subventions qu’elle reçoit chaque année et pas seulement les 36 000 euros de la commune. Tout cela mériterait sans doute quelques vérifications objectives.

Car il faut ensuite poser la question de son rôle, de son statut, des appétits qu’elle suscite et qui expliquent beaucoup de postures. Une grosse association intervient à des degrés divers dans des rapports de forces qui ne sont jamais innocents. Plus encore dans une commune paupérisée comme la notre où une aide sociale aussi sacralisée que multiforme peut déboucher sur des dérives scandaleuses.

On nous dira que les liens d’une municipalité avec ses associations construisent un système qui satisfait tout le monde.
Il est bon en effet, pour un maire, de disposer de groupes organisés – plus ils sont gros et mieux c’est – qui peuvent le soutenir aux échéances électorales. Il peut même arriver – enquête à faire – que leurs dirigeants soient conseillers municipaux et qu’on ait été les chercher pour cette raison.
En retour, la commune les aide activement matériellement par un prêt de local, une subvention ou, mieux, les deux. Le bouclage est parfait. Il l’est encore plus quand il se cache devant « l’intérêt général », lequel, comme la femme de César, est insoupçonnable par définition.
Les édiles diront que ces associations « font du bon boulot », qu’elles « accompagnent la population qui en a le plus besoin » etc. Bref, qu’elles assurent une « mission de service public » . C’est sans doute vrai mais cela doit-il se traduire par un soutien de leurs adhérents dans les urnes ?

L’autre question – transgressive – concerne l’utilité de ces associations dans un pays qui est, en termes de dépenses sociales, champion du monde mais surtout leur complémentarité avec les structures publiques qui interviennent dans les mêmes domaines.
Il faut ajouter enfin l’ardente obligation dont on ne doute pas qu’elle soit celle des payeurs comme des dépensiers : la vérification régulière de la plus-value de l’action en termes d’effets sur les bénéficiaires… rapportés au coût global.

Subventions et locaux aux associations de Douai

Il existe un intéressant tableau qui renseigne sur les subventions que la ville apporte aux associations douaisiennes. On peut saluer qu’il soit disponible dans un territoire où la quête de l’information ressemble souvent à un jeu de piste (mise à jour, avril 2022, le tableau n’est plus là…).

Ce document (un pdf…) n’est évidemment pas exhaustif. On y trouve les associations qui ont obtenu de la commune un prêt de local ou un abondement financier. Celles qui échappent à ces deux caractéristiques – espérons qu’elles soient nombreuses – n’y sont pas répertoriées.

En 2020, 289 associations ont ainsi été aidées par les impôts des Douaisiens en nature et en budget. Sur ce total, 128 ne bénéficient que d’un local et 161 souvent en plus du local, d’une subvention.

On doit probablement se réjouir d’avoir dans notre ville un tel nombre et une telle variété. On dira que c’est un signe de la vigueur du bénévolat et une preuve de l’engagement au service des autres. Les péripéties de « Deux mains ensemble » peuvent écorner ces beaux principes mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain.
Si certaines associations, faute de contrôle, ont une éthique incertaine, la plupart sont utiles à plusieurs titres. Elles profitent ainsi du désintéressement de leurs animateurs, plaisent à leurs adhérents, tout en apportant à leurs éventuels bénéficiaires des loisirs, de la culture, des arts, des activités sportives ou un très divers accompagnement social.

Un tri sommaire peut être réalisé par les sujets qui précèdent. Ce n’est pas une tâche facile. Certaines ont un nom hermétique qui ne dit rien quand d’autres naviguent hors des radars, sans référence nulle part. Les associations sont des organismes vivants qui naissent et qui meurent. Leurs pilotes – comme les modes qui les motivent – ne sont pas éternels.
Ce tableau complète les perceptions économiques ou sociologiques qu’on peut avoir de Douai. Les associations sportives et sociales remplacent peu à peu les vieilles solidarités, fond ancien de la loi de 1901 (amical, syndical, paroissial…).

La répartition par grandes catégories démontre, c’est banal, que le sport, le social et les loisirs sont très représentés à Douai. Plus finement, comme le prouve le tableau ci-dessous, la proportion des associations subventionnées selon ces thèmes varie en revanche significativement. Quand 72% des associations sportives en profitent, toutes les autres tournent autour de 50%. Bref, pour avoir de la fraîche, vaut mieux porter un maillot.

Un budget de plus de 4 millions chaque année

Quant aux subventions, leur total se monte à 4,1 millions d’euros. On peut penser que c’est peu mais tout autant croire le contraire. Ce chiffre représente un bon quart des investissements annuels de la commune. Il faudrait ajouter le coût théorique du prêt des locaux mais sa mesure est difficile. Dans certains cas, si les bâtiments et les impôts fonciers sont importants, ce poste peut être lourd.
La moyenne des subventions par association est d’environ 26 000 euros, chiffre qui masque une certaine vaporisation de la manne. Les arts et culture sont bien servis (85 000 euros en moyenne) quand les loisirs/jeux sont à 7000 euros.

Part moyenne par thèmes subventions Douai

Bien entendu, une moyenne peut être trompeuse surtout quand certaines associations reçoivent de fort montants et d’autres de très faibles. La plus modeste subvention est de 150 euros (Club des cheminots retraités du Douaisis) tandis que la plus importante monte à 684 000 euros.
Elle concerne l’Hippodrome dont on aurait pu croire qu’il était un EPIC mais qui n’est en fait qu’une modeste association au titre de la loi de 1901. Deux gros postes ensuite, l’Ecole d’art à 231 000 euros, la MJC à 47 000 euros. Ensemble, ces sommes expliquent la hauteur de la subvention moyenne des associations culturelles.
La deuxième subvention en importance profite à l’association des Centres Sociaux de Douai (ACSD) qui émarge à 538 000 euros. On a ainsi, avec l’Hippodrome, les deux jambes de la ville – culturelle et sociale – mais il n’est pas certain qu’elles s’emmêlent souvent.

On retrouve enfin, dans la répartition du gâteau, la trilogie sport/ social/ culture qui émarge au dessus du quart du budget global.

Subventions par thèmes des associations Douai

Il faut peigner cette longue liste pour y repérer des choses étonnantes dont on ne doute pas qu’elles aient une explication rationnelle.

Ainsi, de ne pas y trouver les Gayants compte tenu du fonctionnement de la corporation des porteurs. Elle possède des règles, gère des sous, reçoit un financement qu’on imagine conséquent et profite d’un local municipal dont le coût doit bien exister quelque part. Entreprise privée, EPCI, EPIC, fondation, administration publique, confrérie, société secrète ? On sèche un peu.

Autre surprise. On peut recevoir une aide de Douai quand on n’y est pas basé (24% du total) mais sans doute, l’action est-elle douaisienne. On trouve bien sûr des associations nationales (la Croix Rouge est parisienne comme les Restaurants du Coeur sont lillois).
Lille nous envoie 11 associations, Paris et Lambres 6, Sin 5, Lauwin-Planque 4, Waziers, Cuincy, Marcq, Arleux, Roost et Arras 3. Enfin 8 communes de la CAD et 11 du département abritent chacune une association douaisienne. 4 du reste de la France et 1 à l’étranger (Burkina Faso) complètent cette répartition. Pour cette dernière, ASAMA (4725 euros), il s’agit peut être de l’association pour la « Sauvegarde des Masques« , basée à Ouagadougou, mais c’est difficile à vérifier.

On trouve ensuite un financement de 5000 euros pour une curieuse « Association des Maires et Présidents d’intercommunalités des Alpes Maritimes » aussi exotique que « S.O.S SAHEL International France » basée à Asnières qui reçoit de la ville 60 000 euros, ce qui n’est pas rien.
Enfin, restons positifs. On note que les plus gros financements concernent des associations douaisiennes à tous les points de vue, ainsi les lieux culturels ou l’ACSD présentés plus haut. Une exception mais c’est pour une bonne cause. « CesArts » est certes localisée à La Ciotat mais elle travaille dans les Hauts de France où elle organise depuis 1992 le fameux Figra passé du Touquet à Douai récemment. Il nous en coûte 48 000 euros.

Et si on faisait un vœu ?

Une conclusion en forme de vœux qui resteront pieux, as usual, mais qu’on donne pour le fun :

1-Que la liste des associations aidées soit actualisée régulièrement, au titre des locaux qu’on leur prête et des financements qu’elles reçoivent. Il faut poser la question, pour ces derniers, des plus faibles montants dont l’utilité reste à prouver. Une limite minimale de subvention à 500 ou 1000 euros ne serait pas de trop pour éviter la vaporisation.

2-A la suite du point qui précède, une concentration de la stratégie communale associative quant à leur objet, leur intérêt et leurs effets serait hautement souhaitable pour affirmer des axes prioritaires. De même, est-il raisonnable d’aider en ordre dispersé des syndicats, des organismes para-publics, de très grosses associations nationales qui sont de toutes les façons subventionnées par d’autres ?

3-Enfin, pour répondre aux interrogations de cet article, on aimerait qu’un rapport soit publié chaque année sur la mise en œuvre des 31 conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO) signées par la ville et qu’il en soit de même pour les autres associations aidées quant à leur plus-value objectivement mesurée. Ces éléments seraient mis ainsi à la disposition des Douaisiens pour leur parfaite et objective information.

Résultats du sondage sur la piétonnisation

résultats sondage piétonnisation douai rue de Bellain

Il convient, la campagne sondagière de Douai Vox à présent terminée, de présenter à nos fidèles habitués ses intéressants enseignements.

Le lecteur attentif aura remarqué que Douai Vox a adopté pour qualifier cette opération un barbarisme à « double n » quand la mairie a fait plus économique avec un seul « n » . Maintenant, vous savez à qui vous avez affaire : les « contre » parlent de « piétonnisation » quand les « pour » disent « piétonisation ».

Pour nos lecteurs qui se méfient de la littérature, un diaporama avec couleurs et images animées est disponible tout en bas de l’article. Il reprend les traits saillants du sondage. Bon visionnage.

On a fait comment ?

Quelques précisions méthodologiques en préalable, du style de celles que nous aurions aimé avoir de la municipalité quant à l’enquête qu’elle a mise en œuvre après la notre, sans parler du « sondage » de 2015…

Nous avons choisi une solution robuste et pas trop chère (50 euros TTC), non sans quelques imperfections, notamment son utilisation sur smartphone qui a pu apparaître parfois un peu compliquée.

Dans les paramétrages, il était impossible de répondre plus d’une fois ou de retourner en arrière pour éviter quelques dérives. Quoi qu’il en soit, pour augmenter l’audience, nous avons sponsorisé le questionnaire sur Facebook et Instagram.

La cible concernait 15 202 personnes dans un rayon de 12 kilomètres autour de Douai. On compte en fin de campagne 2955 interactions avec 698 entrées sur l’interface du sondage. Sur ce groupe, 451 personnes ont été jusqu’au bout, soit 64,6% de taux d’achèvement. Signe de sa simplicité, près de 79,8% des répondants l’ont réalisé en moins de 5 minutes tandis que 11,5%, peut être des spécialistes des jeux en ligne, rois du joystick, l’ont fait en moins de deux.

Le panel

Si l’utilisation de Facebook limite nécessairement le profil du public, comme le montre la structure par âges des répondants, nous avons constaté le maintien des proportions des avis « pour ou contre » tout au long de la campagne, ce qui confirme la tendance globale du « panel » et donc sa représentativité. Nous aurions aimé approcher du millier mais ne boudons pas un résultat qui reflète assez bien l’état de l’opinion.

Les trois groupes (centre, hors centre, hors ville) sont quasiment à l’équilibre (31,3%, 29,5% et 36,5%). Si on note que 231 femmes ont répondu, les hommes ne sont pas très loin : 220. Signe de l’impact Facebook – qui est un « truc » de vieux selon les jeunes – sur les répondants, 37,3% d’entre eux entrent dans la strate 35-49 ans. Les 18-24 ans sont rares (6,4%) comme les plus de 70 ans (2,7%).

La structure CSP des répondants est plus originale quand on la compare avec celle de la ville que nous donne l’INSEE. Ainsi, pour notre sondage, les cadres sont les plus nombreux à répondre (23,9%) mais ils ne représentent à Douai que 6,7% de sa population. Les professions intermédiaires sont à 21,7% (INSEE 11,1%) et les employés à 14,4% (INSEE 16%). Si 5,1% des ouvriers ont participé, ils sont 13,9% dans la ville. 11,3% des retraités en ont fait de même alors qu’ils sont 23% à Douai. La seule catégorie identique, du sondage à l’INSEE, est celle des agriculteurs : 0%.

De là à penser qu’une part importante de notre population, de fait la plus modeste, échappe, comme aux élections, au droit et au pouvoir de parler, il n’y a qu’un pas.

La question qui tue

L’objectif était de mesurer l’adhésion reçue par la piétonnisation pour la relier au profil des répondants, tout en se projetant sur leurs attentes en terme de commerces dans le centre-ville. Après tout, que souhaitent les Douaisiens et les non-Douaisiens sur ce point ? Il était bon d’avoir quelques indices.

D’emblée, la connaissance du projet est forte puisque seulement 23,1% des répondants n’en ont jamais entendu parler. On note l’importance des réseaux sociaux (36,2%) dans la source d’information en espérant qu’elle renvoie en partie à la communication de la commune quand elle utilise ce canal.  

Malheureusement, on peut en douter car 79% des répondants n’ont jamais, ni participé à une démarche, ni été sollicités pour donner leur avis sur le sujet.  Notons que seuls 11% ont répondu à un sondage, 10% ont assisté à une réunion et à peine 6% sont allés dans un atelier organisé par la commune. Trois héros sur 451 ont d’ailleurs participé aux trois options. Saluons un engagement civique peut être lié à leur statut municipal.

Nous avions pris le parti de dissocier la question de l’embellissement de celle de la piétonnisation pour apporter une nuance sur ces deux points.

On en déduit que les Douaisiens et assimilés trouvent ces rues bien laides si on en juge par l’écrasante majorité – 85,1% – qui souhaite une rénovation matérielle de l’axe Madeleine-Bellain. Cette adhésion massive pose d’ailleurs problème puisqu’elle ne pourrait qu’occasionner les travaux que les opposants au projet perçoivent comme un empêchement aux accès de la clientèle.

Réponse globalement négative

Cœur du débat et déficit flagrant de la part de la mairie qui s’est bien gardée d’envisager la possibilité d’un refus, nous avons demandé aux sondés leur avis sur la piétonnisation sur le mode « d’accord/pas d’accord ».

Les réponses apparaissent très partagées avec un léger avantage pour les « pas d’accord » avec 48,6% opposés aux 44,3% « d’accord », sachant que 7,1% sont sans opinion.

Il faut évidemment croiser ces résultats avec l’origine géographique. Partant du principe qu’habiter en centre-ville ou dans une commune limitrophe peut jouer un rôle important dans l’avis, nous avons proposé cette nuance.

Les résultats confirment l’intuition que nous avons tous, à savoir que les habitants du centre – qui peuvent venir à pied dans les rues commerçantes – sont plutôt pour la piétonnisation (51%) tandis que les « extérieurs », sans doute conscients des freins au stationnement sinon à l’accès au centre en automobile que va représenter ce projet, sont globalement contre (52% pour les autres quartiers et 53% dans les communes limitrophes).

Un autre croisement est indispensable, celui du profil des répondants. Notons que les dames sont majoritairement contre (56%, pour 36%) quand les hommes sont pour (52%, contre 40%). Même clivage sur le statut socio-professionnel. Les cadres sont d’accord à 51% (contre 41%), les professions intermédiaires et les artisans sont contre respectivement à 52% (pour, 43%) et 50% (pour, 36%). Les ouvriers sont en équilibre parfait.

La question sur les usages de mobilité, pour employer la novlangue à la mode, permet des découvertes amusantes. 44 vélocipédistes déclarés (7,8% des répondants) sont les rares bénéficiaires des travaux cyclables visant à sortir la voiture de la ville. Ce sont de plus des ingrats car sur les 200 personnes qui soutiennent la piétonnisation, on ne compte que 12 adeptes de la petite reine. Tout ça pour ça…

Des motivations nuancées

Plus intéressantes encore sont les motivations des avis. Il s’agissait de propositions fermées, ce qui n’exclut pas la possibilité d’autres arguments pour autant limitée. Ce qui est évident c’est que les opposants sont plus nets dans leurs choix que les partisans de la piétonnisation.

Pour ces derniers, deux raisons  sont majoritairement évoquées : l’accélération de la fermeture des commerces (35,9%) et l’inaccessibilité du centre-ville (38,5%), les deux étant évidemment liés.

La dispersion est plus grande pour les fervents de la marche à pied mais aussi plus subtile. Avec 34,4%, la première conséquence favorable serait l’implantation de nouveaux commerces. Viennent ensuite l’attraction touristique (22,4%) et la réduction de la pollution (21,2%). A noter le curieux succès (12,5%) de l’augmentation du chiffre d’affaire des commerces, diamétralement opposée à l’argument principal des anti-piétonnisation.

On veut des marques !

Sur les attentes commerciales, le sondage est particulièrement intéressant même s’il est indispensable de le mettre en perspective du profil global des répondants. La demande est unanime en magasins de vêtements qui disparaissent peu à peu ainsi qu’en restaurants peu nombreux dans le centre. Une contradiction apparait entre la soif des « grandes enseignes » et son contraire, les commerces indépendants aux confins de l’artisanat.

Pour les marques, informations qui pourraient plaire aux aménageurs de centre-ville et autres managers de commerces de détail, H & M comme Zara sont plébiscitées. D’autres aussi en moindre proportion mais cette floraison d’enseignes expressément citées donne une idée de l’attente de l’opinion sur ce champ.

Il n’était pas demandé aux participants d’indiquer les commerces qu’ils ne souhaitaient pas dans la ville mais comme beaucoup l’ont spontanément indiqué, on peut l’évoquer. Deux types d’offres sont rejetés, les « kebabs » et les « fastfood » dont Douai est effectivement saturé tout en étant un marqueur bien connu de paupérisation.

On se retrouve dans deux ans

Pour conclure, quelques enseignements et une morale.

D’abord que la ville apparait une fois encore particulièrement fracturée. Elle l’est politiquement, socialement mais tout autant dans les attentes envers un renouveau du centre-ville. Le projet de piétionnisation est un nouveau catalyseur de ses contradictions profondes.

Ensuite, on ne peut que regretter que la municipalité n’ait pas tenté, avant de se lancer, de mieux connaître avis et attentes de l’opinion, y compris au delà de la ville sachant, comme nous l’avons déjà exposé, que Douai ne peut se dynamiser sans l’apport essentiel d’une clientèle extérieure. Il est impossible de laisser le centre-ville à l’appréciation de ses seuls habitants.

Enfin, comment ne pas s’inquiéter de la brume qui entoure les motivations de ce projet séculaire ? Envisage-t-il, comme l’indiquent certains répondants, le renouvellement de l’offre commerciale par disparition de l’ancienne ? Est-il mis en oeuvre dans l’espoir de susciter, au delà de nos murs, l’intérêt de clients extérieurs comme aux beaux jours des années 70 ? S’agit-il simplement d’embellir une rue mais surtout d’y interdire la bagnole ?

On ne le saura pas. Ce qu’on sait, ainsi que le prouve ce sondage, c’est que ce projet possède toutes les apparences d’un pari. On peut espérer que ses conséquences soient positives. On peut craindre qu’elles soient négatives. Des études ou des enquêtes dignes de ce nom auraient permis d’éclairer cette question, simplement en mesurant par exemple les effets des travaux de la rue de la Mairie sur l’activité des commerces qui s’y trouvent.

En ne comptant que les habitants de Douai qui ont répondu au sondage, l’exact équilibre entre les « pour » et les « contre » (127 contre 128) mérite l’attention de la municipalité. Placée devant ce verre à moitié plein, elle peut en déduire que son projet recueille l’assentiment de la population. Mais regardant en même temps sa moitié vide, elle ne peut tenir pour rien l’hostilité évidente d’une part aussi importante de l’opinion. En gros, paradoxe amusant, le partisan du projet est un homme CSP+ habitant le centre-ville. Pas sûr, qu’il soit l’électeur d’un maire socialo-communiste…

Prenons date. Nous verrons dans deux ans minimum (un an est un vœu pieux en ces temps de crise sanitaire) quel sera à l’issue des travaux l’état de nos magasins.
Dans le brouillard qui noie ce dossier dans la célébrissime « pensée magique » , nous sommes certains d’une chose. Pensons au général Joffre qui, lorsqu’on lui demandait s’il était l’inventeur de la bataille de la Marne, répondait : « je ne sais pas qui l’a gagnée mais je sais qui l’aurait perdue » . Nous aussi nous le saurons. C’est déjà ça.

Un tramway nommé délire (2)

tramway de Douai, l'arche de feu

Sujet qui a marqué l’histoire de notre ville, l’installation du « tramway » réclame une description. Le dossier est lourd. Il sera donc découpé en feuilleton.

Un si mauvais travail (2/3)

Après avoir analysé les principes qui ont conduit notre communauté d’agglomération à se lancer dans la construction d’un « tramway », il convient à présent d’examiner les conditions de sa réalisation.

Notre source sera ici presque unique. Il s’agit du rapport de la Cour Régionale des Comptes (CRC) sobrement intitulé « Syndicat Mixte des Transports du Douaisis » publié en novembre 2013. La lecture de ce document, certes un peu ancien, si on accepte de s’y plonger, apporte un éclairage étonnant sur cette catastrophe industrielle.

Grands et petits, les manquements de toutes natures, du début à la fin du processus, laissent pantois par leur nombre, leur gravité et évidemment leurs conséquences. Faisons ici œuvre de vulgarisation en résumant en quelques courts chapitres ce rapport qui, s’il fait honneur à notre magistrature, n’a eu aucun effet sur rien, ni personne.

Le statut illégal du SMTD

D’emblée, la CRC soulève un premier sujet, celui du statut juridique du SMTD, rien que cela, et de la confusion étonnante, illégale, de l’autorité organisatrice de transport urbain (AOTU) avec le service public industriel et commercial (SPIC) représenté par le SMTD. C’est à dire en gros, le mélange de ceux qui décident avec ceux qui font fonctionner le truc.

La CAD a ainsi choisi, dans un ensemble bizarre, de constituer une régie directe qui n’est ni un EPIC (établissement public industriel et commercial), ni une régie autonome. Il aurait sans doute fallu créer un EPCI (établissement public de coopération intercommunale), petite inversion de lettre qui change tout. Curieusement, les pilotes se sont bien gardés de le faire.

En apparence, vu de loin, cela ne paraît pas grave sinon par la dissociation absurde entre la gestion budgétaire ou celle du personnel que seul le DGS de la CAD pouvait assurer, et qui étaient étrangères au patron du SMTD.

Il y a une autre conséquence bien repérée par le magistrat, la confusion des budgets. Si la collectivité doit en posséder un en propre, celui d’un service de transport doit être dissocié pour qu’on y comprenne quelque chose. La régie directe permet d’éviter que ce soit le cas en mettant ces choses dans le grand tout de la communauté d’agglomération dans lequel il est difficile d’y retrouver ses petits.

Des comptes au doigt mouillé

Comme il se doit, la CRC s’intéresse aux comptes. Cet examen n’est pas très favorable quand elle observe le taux d’exécution. Il témoigne habituellement de la réalité de la dépense. Celle de 2010 interpelle car elle était à 16% quand la recette se montait à 19%.

Le juge soupçonne que cette bizarrerie n’est pas fortuite. Elle permet d’éviter d’afficher un déficit (ainsi en 2008 et 2009) qui aurait immédiatement déclenché un contrôle budgétaire aux conséquences radicales. Peut-être, pour notre bien à tous, que la chimère aurait été tuée dans l’œuf.

Par ailleurs, la précision des additions reste à améliorer.  On note des subventions indiquées mais non obtenues (une différence de rien du tout : 4,5 millions) le tout sur un principe de recettes qui n’existent pas ou peu car la subvention – en fait l’impôt ou la taxe – est le mode le plus courant de financement du SMTD.

En effet, comme aujourd’hui, la participation des communes est très faible, le prix des tickets peu élevé, sans parler de la surreprésentation des transports scolaires dans l’activité de la société. De là à réclamer la gratuité des transports, comme le défendent certains élus, il n’y a qu’un rail.

Nous avons déjà repéré ici ou là la propension de prendre des décisions au doigt mouillé de la part de nos édiles. Un lecteur pourrait croire qu’on pousse un peu mais quand la Cour elle même le dit, cela prend une autre tournure.

Les rédacteurs s’étonnent ainsi de l’absence de statistiques, d’indicateurs dignes de ce nom. La performance d’un service délivré à coût d’euros pris dans la poche des contribuables est donc inconnue. Le juge s’étrangle quand il constate qu’on ne connaît « ni le nombre total de voyages par catégories de clientèles, ni le taux de fréquentation, ni le nombre de trajet ». Il faudra effectivement attendre 2011 pour savoir enfin le prix de revient au kilomètre mais nous mettons au défi le contribuable de le connaître en 2020.

De l’incompétence à tous les étages

Pointée par les auteurs, la compétence limitée des équipes du SMTD en charge du dossier explique peut être le désastre.

Ainsi, les magistrats relèvent, acides, l’absence d’habilitation du directeur d’exploitation qui n’avait pas les certifications requises. Ni les courriers du Préfet (septembre 2010), ni les mises en demeure de la DREAL (janvier 2012) sous la menace d’une radiation du SMTD du registre des transporteurs routiers, n’ont réussi durant plusieurs années à régler le problème.

De même, ils s’étonnent dans la même ligne de la faiblesse numérique et technique des équipes mises au service du dossier. De 2005 à 2008, ils comptent deux contrôleurs de travaux, deux administratifs, un responsable de la communication, tous remplacés ensuite par un seul ingénieur, de plus débutant. On en arrive à se demander qui, dans ce désert, décidait réellement des destinées d’un dossier aussi important.

Pas étonnant au final qu’on puisse lire cette constatation inquiétante, soit la « formation sommaire en comptabilité publique et droit budgétaire des agents en charge des finances ». La tenue matérielle des comptes en découle sans doute. On en était au SMTD à un système « tout papier » pour un budget dépassant les 100 millions d’euros. Ici ou là, le juge découvre des tableaux « Excel » chargés de suppléer cette étonnante absence de logiciel de gestion financière.

Des arbitrages à la va comme je te pousse

Adopté dès le départ du projet, le principe du tramway ne sera conservé, comme nous le savons tous, que dans cette appellation mensongère qui fait rire tous nos voisins. 

De fait, très vite, notamment après la découverte que l’Etat ne donnerait aucune subvention – l’espoir était d’obtenir 30 à 40 millions d’euros – on décide d’abandonner le principe du double rail pour passer au rail unique mis en place par certaines villes, soit un étrier central dans le sol qui guide et alimente les rames. Quelques semaines plus tard, on l’abandonne à son tour pour le remplacer par un « guidage immatériel » sur pneus supposé moins coûteux. Le système est pourtant futuriste. Des capteurs enfouis dans le sol dirigent les voitures par ordinateur sans intervention du machiniste.

La réalisation de la totalité du projet, les deux axes A et B, était calculée pour un coût de 83 millions d’euros (immatériel) contre 115 (rail unique) De fait, ces prévisions ont été largement et rapidement dépassées. Le réalisé – en 2013 – est monté à 142 millions. Enfin, peut-être, car là, le juge marche sur des œufs. Les mandatements qu’il repère, tous additionnés, donnent selon le mode de calcul de 130 à… 180 millions de dépense réelle.

La première phase jusqu’à Guesnain aurait, d’après ses calculs, un coût global « avoisinant » les 131 millions d’euros. Au final, le magistrat estime que le coût total des deux lignes (A et B) ne sera pas éloigné de 370 millions d’euros. A comparer avec les 83 annoncés…

La conclusion est implacable concernant le choix du mode de guidage. A son grand dam, la CRC déplore n’avoir trouvé aucun plan prévisionnel justifiant le choix stratégique d’une technique immatérielle supposé moins onéreuse que le double puis le simple rail.

Force est de constater que cette décision n’avait aucune motivation objective. Comme les juges le remarquent, cet avantage financier n’ayant jamais pu être sérieusement prouvé, il n’a de fait jamais existé.

On aime beaucoup APTS

Une fois choisi le mode de transport (immatériel et sur pneus), un appel d’offre a été lancé à destination des constructeurs qui, on peut l’imaginer, ne devaient pas être très nombreux compte tenu de ces caractéristiques initiales qui tiennent, comme nous l’avons déjà vu, de l’ornithorynque.

De fait, le marché étant infructueux (décembre 2004), les pilotes font le choix de passer au système plus souple d’offres négociées.

Deux entreprises sont sollicitées : APTS et Siemens. La première est une société néerlandaise à responsabilité limitée, « Advanced Public Transport Systems » (APTS), la seconde n’a pas à être présentée. Basée à Munich, elle est le premier employeur privé d’Allemagne et la plus grande société d’ingénierie européenne.

En mars 2005, la première est choisie selon des principes confus. La petite société triomphe de la grande entreprise pour son écart de prix, ses délais, son esthétique. Gardons les deux premières motivations en mémoire. Elles prennent toute leur saveur dans la réalisation concrète du marché.

D’ailleurs, le juge s’interroge sur la qualité de l’offre négociée, n’hésitant pas à la qualifier de « biaisée ». Il est vrai que nos promoteurs paraissaient beaucoup apprécier la société néerlandaise à travers une inégalité de traitement qui interroge.

Rappelons qu’en 2010, le tribunal administratif de Lille a d’ailleurs donné raison à Siemens qui contestait l’attribution du marché à APTS parce qu’elle avait été basée sur une technologie inexistante. Il faut savourer cette conclusion qui est exactement la définition d’une chimère.

Si les responsables d’APTS, qui n’avait à son actif qu’un unique système de transport (celui d’Eindhoven, abandonné depuis), ont été plusieurs fois reçus à Douai, ce ne fut jamais le cas, effectivement, de ceux de Siemens. Ensuite, tous les retards, manquements de la société hollandaise n’ont donné lieu à aucune mesure de rétorsion de la part du SMTD ainsi une dénonciation du marché.

Pour le respect des délais, la livraison complète était prévue en juillet 2007 mais APTS a bénéficié de plusieurs avenants la repoussant : longueur des bus passée de 18 à 24 mètres, prestations supplémentaires diverses et variées et enfin, c’est un aveu, possibilité de réception des voitures sans guidage immatériel.

La charrue avant les bœufs

Le prototype bivalent avait un problème très français. Il lui fallait deux homologations émanant de deux services pour pouvoir fonctionner. D’abord celui qui gère les véhicules sur pneus et ensuite celui qui s’occupe du guidage immatériel, à savoir le célèbre « service technique des remontées mécaniques et des transports guidés » (STRMTG).

Une entreprise normale aurait d’abord essayé d’obtenir les homologations qui décident de tout avant de commencer quoi que ce soit. La France possédant des critères plus sévères que les Pays-Bas en terme de transport sans conducteur, le préalable absolu, concernant le niveau de sécurité (Safety Integrity Level ou SIL-4), le plus contraignant de tous, était d’y répondre prioritairement. Le plus incroyable, c’est que cette obligation dirimante n’est même pas évoquée dans le marché.

Ces deux homologations s’accompagnaient d’une troisième, relevée par la Cour, celle s’exerçant sur l’infrastructure du réseau, ainsi les ouvrages d’art. Elle est surprise de découvrir que ces travaux ont démarré sans avoir obtenu la moindre certification. Lancés dès 2005, ils sont en effet terminés en 2008 mais ne seront utilisés qu’en 2010, après avoir enfin obtenu une homologation routière manuelle, à défaut d’une homologation immatérielle qui, elle, n’existera jamais.

Dans la réalisation des infrastructures, les dépenses qui correspondaient à des aménagements (trottoirs etc.) dans les communes traversées par le tramway (Dechy, Guesnain, Sin le Noble…), qui devaient en toute légalité payées par ces dernières, ne l’ont jamais été. Lisons le rapport : le SMTD « a financé des travaux ne relevant pas de son patrimoine (…) qu’il a pris soin de ne pas amortir ».

Des protocoles « secrets »

Sous cet ensemble caractérisé par un n’importe quoi incroyable apparut en 2009 un document étonnant, rédigé sur du papier à l’en-tête de la société APTS.

Revêtu des signatures de l’ordonnateur alors en fonction et du président d’APTS, il comporte une mention manuscrite dont l’auteur n’est pas identifié et qui atteste de son caractère secret : «Confidentiel à ne pas transmettre même en interne au SMTD».

Portant sur l’annexe intitulée «schéma de payement» il mentionne la date manuscrite du 7 juillet 2005, soit dix jours après la signature de l’acte d’engagement et la veille de la notification du marché à APTS. Cette date correspond également à celle d’un déplacement de membres du SMTD chez la société APTS.

Il prévoit une allonge de 8,7 millions pour obtenir le niveau de sécurité SIL4 et des délais supplémentaires, accord passé en dehors de tout marché et évidemment hors de tout contrôle de légalité.

Une contrepartie était toutefois prévue. Le SMTD recevrait un intéressement si d’autres villes dans le futur achetaient les fameux véhicules sans chauffeur d’APTS. Il était prévu le nombre de bus (181…) pour une durée de… 10 ans. Pas fous, les Hollandais avaient imposé un plafonnement à 9 millions d’euros. 

Il y a eu une conclusion légale à cet acte illégal. Une transaction a été signée en février 2011 au bénéfice d’APTS qui avait porté ce document auprès des tribunaux. L’arrangement, payé par le SMTD, c’est à dire les contribuables douaisiens, selon la CRC, « s’apparente à un avenant » qui revient à ratifier « une partie non négligeable du protocole secret ».

Une conclusion

Pour le lecteur qui nous a suivi jusqu’au bout, ce dont nous le remercions, il reste à poser la conclusion de cet épisode. Nous verrons dans un autre article la question de la responsabilité des acteurs qui ont été aux manettes de cet accident industriel de grande ampleur.

Pensons toutefois à l’incroyable cheminement qui a vu, sur presque une décennie, un projet d’ampleur quasi séculaire mené dans le plus parfait mépris du devoir d’information envers les citoyens et leurs mandants.

Rappelons ainsi l’absence d’une communication régulière et sincère envers les élus de la communauté d’agglomération. A aucun moment, comme le rappellent les juges, n’ont été expliqués les enjeux et les choix d’un dossier d’une importance pourtant stratégique pour l’avenir du Douaisis.

Avec des outils comptables réduits à leur plus simple expression, l’information de l’assemblée délibérante est toujours restée limitée. La CDC relève toutefois la « rétrospective de l’année précédente et un éclairage sur le budget de l’exercice à voter ». Ces documents faisaient l’impasse sur les engagements pluriannuels, les seuls qui permettaient de comprendre la dimension des engagements. Ce manquement aurait d’ailleurs été un motif d’annulation des comptes mais personne n’a trouvé utile de le soulever.

On remarque le même déficit vers les usagers sinon les contribuables. La lecture des journaux qui retracent le feuilleton du « tramway » est une source bien réduite pour que l’opinion puisse de faire une idée du désastre qui s’est déroulé sous ses yeux alors même que ses conséquences financières étaient lourdes pour son porte-monnaie. Dans cet ensemble, le juge est juste. Il relève qu’une consultation a quand même été lancée en 2011. Mais cette opération n’a été suivie d’aucun effet car il y a eu un « vice de forme » dans sa mise en œuvre…

Pour conclure tout à fait, reprenons une formule des rédacteurs du rapport qui qualifie assez bien le pilotage du dossier. La CRC considère que le choix du procédé technique par le SMTD, mais surtout la façon dont il a géré sa réalisation, ont pris le pas sur « toutes les règles législatives, règlementaires et les principes les plus élémentaires de prudence qui doivent normalement conduire l’action publique ».

Il y a dès lors un mystère de grande ampleur sur un ratage d’une aussi grande dimension. Tenons pour rien les règles de prudence qui ne sont pas toujours l’obsession de nos élus et qui restent complexes à repérer. Mais comment peut-on s’assoir, quand on est une collectivité locale, sur les règles législatives et réglementaires sans que cette légèreté coupable ne puisse donner lieu à aucune conséquence légale ?

Un tramway nommé délire (1)

tramway douai évéole - le tram de Douai

Sujet qui a marqué l’histoire de notre ville, l’installation du « tramway » réclame une description. Le dossier est lourd. Il sera donc découpé en feuilleton.

Une si mauvaise idée (1/3)

Déjà évoquée par Douai Vox™, la grande idée des nouveaux « modes de transport » est la source de ce désastre industriel. L’époque réclame en effet des « circulations douces », du vélo, de la marche à pied mais aussi et c’est là où Douai prend cher, une bonne dose de tramway.

On a oublié le « solitaire« 

La cité avait pourtant eu à partir de 1896 un tramway qui, tant bien que mal, avait survécu aux deux guerres mondiales. Surnommé « le solitaire » comme un vulgaire Binbin pour la rareté de ses passagers, il avait été abandonné en 1953. Il est vrai qu’à cette époque, la modernité était de faire de la place aux autobus.

Le tramway, vieille idée, a retrouvé depuis une vingtaine d’années une nouvelle jeunesse. Malheureusement pour une image positive – l’électricité propre, le rail démocratique – qui masque ses grandes insuffisances. Outre son incapacité à transformer les automobilistes en usagers, son coût est énorme. Il n’est pas évident et surtout très onéreux de poser des rails dans des rues. Il faut de la largeur de voie et une configuration spatiale favorable, deux conditions que l’histoire s’est bien gardée de léguer à Douai. Conservons les en mémoire parce qu’elles sont, avec l’incurie des promoteurs, la clé du désastre.

Un tramway réclame des conditions favorables

Cette « bonne idée » partait d’abord d’hypothèses absolument fausses.  On regrette que les élus, ceux qui ont imaginé d’installer un tramway à Douai, n’aient pas lu la nombreuse littérature qui aborde ce sujet au fond.  

Ils auraient pu commencer par la géographie et la démographie. Sur un territoire, pour qu’un tramway soit viable, toutes les études indiquent qu’un seuil d’au moins 500 000 habitants est nécessaire (1 million pour un métro). La référence en la matière, le « Centre d’Etudes sur les Réseaux, les Transports, l’Urbanisme », le fameux CERTU,  est un peu plus souple. Pour lui, la pertinence du tramway dans les agglomérations moyennes dépend au minimum d’un seuil de 300 000 habitants dans le rapport coût/besoins.

Plus compliqué, au nombre s’ajoute la répartition de la population. Si la ville centre connaît une forte concentration d’habitants mais que l’agglomération est plus diffuse, ce fameux « mitage » rend l’intérêt du tramway très incertain. C’est exactement la configuration du Douaisis.

Il faut relire enfin les journaux régionaux de l’époque qui, au delà de la magie du tramway, justifient le projet. On retrouve régulièrement l’argument ébouriffant « d’une hausse de 50% de la circulation automobile dans la ville dans les dix ans », prédiction qui prend tout son sel quand on observe son état actuel. Comme peuvent le certifier nos commerçants, un plan fou est bien plus efficace pour tuer les déplacements automobiles. Il ne coûte rien.

Peut être, posons cette hypothèse, que nos promoteurs devaient faire partie de ces parents qui le matin déposent leur enfant à St Jean ou Châtelet et qui, par la même occasion, bloquent tout le quartier du Canteleu. Quoi qu’il en soit, rien n’a confirmé ces prédictions. La population a diminué depuis 2004 (début du projet), de moins en moins de voitures entrent dans la ville et le tramway est un bus.

De l’illusion à la chimère

Lancée sur des rails qui n’étaient pas encore posés, il était toujours possible de réduire la dimension ou même arrêter une affaire qui dès le début échappait à toute rationalité. Les experts avaient malheureusement cédé la place aux politiques dans un mouvement qui possède, quand on l’observe une décennie plus tard, tous les traits d’une hystérie collective. En bon français, on appelle cette illusion « un schéma de pensée conjoncturel », c’est à dire que l’idée du moment écrase le bon sens du passé.

Fascinés par la modernité magique du mode de transport – guidage magnétique, motorisation hybride, pilotage automatique – les élus n’étaient plus à même de s’opposer à quoi que ce soit. 

S’ajoutait à ce mirage technologique peu éloigné du tapis volant, toute une stratégie marketing de haute volée susceptible de réduire les préventions les plus fermes. Du « Transport du Douaisis » devenant « Eveole » en passant par la rénovation « esthétique » de lieux trop longtemps abandonnés – la gare entre autres – le projet portait en lui la force irrésistible d’un renouveau.

Il donnait enfin à la ville de l’avance. Passée à côté de tant de virages stratégiques, ce « tramway sans exemple connu » mettait Douai à la pointe du progrès. Enfin, la ville devenait pionnière.

Aujourd’hui, tout regard sur ce passé est cruel. Gardons en un seul symbole, celui de la présentation en janvier 2006, au buffet de la gare encore ouvert et bientôt définitivement fermé, d’une chimère qui allait mener le territoire à la ruine.

A suivre, 2-Un tramway nommé délire

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