Quand le chat n’est plus là, il est là quand même

A Lauwin-Planque, des chats disparaissent, retrouvés mystérieusement morts dans les jardins de la ville.
La maire, Sonia Vallet, réagit en adoptant le vocabulaire de Christian Poiret, son illustre prédécesseur.
L’imitation est la recette du succès  : « c’est très triste pour les chats. On ne va pas lâcher, on va faire la lumière là-dessus. On aura le fin mot, j’en suis sûre » .

Empoisonnement par des voisins ne supportant pas le vagabondage des félidés sur leurs plates-bandes ? Épidémie de COVID animal ? Manque de vigilance des maîtres ? La municipalité se perd en conjectures.

Le patron ne peut plus cumuler

Décidément, il s’en passe des choses à Lauwin-Planque. Il y a, certes, l’inquiétante disparition des chats, mais aussi, sujet pour les douaisinologues, diverses péripéties qui agitent le conseil municipal et, au delà, un « village » qui bruisse de mille rumeurs.

Du temps du président au carré, guidé d’une main de fer, tout ce monde là marchait d’un seul pas, obéissant au doigt et à l’œil.
Malheureusement, la loi sur le cumul est passée par là. Il a bien fallu se séparer du mandat de trop.

Conseiller départemental, président dudit département du Nord – un des plus gros de France – président de Douaisis agglo, Christian Poiret a donc été contraint de se dessaisir de son boulot de maire, clé de toutes les responsabilités qui précèdent.

Dynastie ou compétences ?

Cela dit, pas folle la guêpe. D’abord, Christian Poiret a un peu trainé à décider, jouant des délais de la procédure lancée par Frédéric Chéreau après les élections cantonales.
En février 2023, huit mois après le scrutin, il a passé la main, restant toutefois conseiller municipal de la liste unique qui dirige le « village » depuis… 1995.

Le démissionnaire avait la ressource, comme dans toute république bananière, de placer son fils à la tête de la cité.
Qu’il ait eu des scrupules à adopter un principe monarchique qui préfère l’hérédité à la compétence ou que l’intéressé ait décliné l’offre, il est difficile de trancher. Fabien Poiret sera toutefois premier adjoint, on ne sait jamais.

Pour faire moderne, le président a opté pour une solution qui n’est pas sans rappeler sa binôme cantonale : placer une femme à la tête de la mairie.
On se doute ici que ni la compétence, ni l’hérédité ne jouent mais, à Lauwin-Planque, les désirs du patron, même démissionnaire, sont des ordres.

C’est ainsi que Sonia Vallet a été nommée maire.

L’affaire ne s’est pas passée simplement. Lauwin-Planque, c’est l’illusion démocratique qui se fracasse sur le réel.

Le premier adjoint, Bernard Barelle, pensait ainsi succéder au patron comme l’espèrent tous les brillants seconds. Il est vrai qu’il avait assuré l’intérim après la prise du département par Christian Poiret. Son moment était enfin venu.

Cette ambition n’entrait pas du tout dans les projets du patron. Pour les imposer, un despote sait se draper dans le voile de la démocratie, laquelle devait – bien contrôlée – soutenir la parité homme-femme.
Pas de bol, lors du vote « interne » organisé en septembre 2022, c’est le premier adjoint qui est sorti vainqueur. Pas de très loin (10 contre 8 voix) mais le gagnant c’était lui.

Christian Poiret a semblé dans un premier temps accepter la sanction populaire. Mais très vite, réalisant le danger d’un Lauwin-Planque dirigé par un autre, le patron a su démontrer une fois de plus qu’il était prêt à ne « rien lâcher » quant à son maintien par procuration à la tête du « village » .

Révolte des « Vigilants »

D’où le 20 février 2022, l’élection en bonne et due forme du premier magistrat de la commune.
Ce fut, selon la VDN, un « scrutin à la Koh Lanta » puisque qu’on a découvert à la fin du dépouillement – devant le ban et l’arrière-ban des parrains locaux – la victoire de la dame désignée par Christian Poiret… à une voix de majorité.

Cette élection à l’arrache a évidemment laissé des traces.

La liste unique de 2020, qui entre temps a perdu deux conseillers démissionnaires, s’est alors coupée en deux.
Deux clans s’opposent à 12 contre 5. Le quintet d’opposition, intitulé « Vigilance » , annonce bien le programme.

En juin dernier, les élections sénatoriales ont été l’occasion d’un nouveau conflit, lié à l’imprudence de deux conseillers qui ont osé le vote nul dans la désignation des délégués.
Cette audace a déclenché un pataquès dont seules les communes du Nord ont le secret, mélange d’impréparation, de méconnaissance des règles légales et de foirage dès que le patron absolu n’est plus là.

La normalisation est en route

Il est vrai que 3 délégués contre 2 pour les « Vigilants » minoritaires, ça la posait mal pour le maître du département du Nord.
Quand on pense qu’il sponsorisait en plus la liste du père Watebled qui devait ramasser la mise sénatoriale, c’était gênant.

En dépit du secret du vote, les services de renseignements lauwinois ont vite repéré les déviationnistes.
Les deux adjoints concernés se sont vus retirer leurs délégations à la vitesse de la lumière, ainsi Xavier Halut et Florence Thuillier qui avaient peut être montré, après l’élection de Sonia Vallet, le bout d’une oreille un peu trop neutre.

On se doute que « La lettre lauwinoise » © aurait bien aimé éviter l’étalement dans ses colonnes de la fronde qui déchire le « village » mais comment faire ?

Cette normalisation au nom du salut du parti unique lauwinois n’a pas empêché une dernière péripétie lors du conseil municipal du 27 septembre dernier. Sonia Vallet, opportunément « souffrante » , s’est bien gardée de le présider.

Ce furent donc le fils et le père qui s’en chargèrent, pour ce dernier pas qu’un peu.

La « bonne humeur » casse l’ambiance

Une association récemment créée, « Bonne humeur et détente » , a osé lors de la séance réclamer une subvention à la commune.
Fabien Poiret (le fils) ne savait pas trop quoi faire comme souvent mais Christian Poiret (le père) savait, lui.

D’abord la proximité de cette association avec les Vigilants lesquels, par ailleurs, se confondaient ignominieusement avec les bénévoles qui avaient déserté en décembre le célèbre marché de Noël du patron.
Comme l’aurait dit l’autre, « la demande était modeste mais les demandeurs ne l’étaient pas » .

Ce fut d’ailleurs, avec un refus catégorique du boss, l’occasion pour ce dernier, président au carré – conseiller municipal – maire putatif, d’exposer sa philosophie d’une association subventionnée.
Elle ne doit jamais « tirer » sur celui qui la nourrit mais surtout ne doit « pas faire de politique » . Ah oui, d’accord, mais si la « politique » de l’association soutient la collectivité locale qui paie, alors là c’est bon ?

On peut supposer que oui.

Si dans le Nord l’égalité et l’équité commandaient l’octroi de la manne, ça se saurait… © La Lettre Lauwinoise

Pour finir, on admire le courage de ces mutins qui ont levé l’étendard de la révolte au cœur même du « village » .
Quand on connait la vindicte qui vaut à tout déviant, soit la « damnatio memoriae » , soit la disparition, dans un périmètre de 100 bornes, du moindre appui matériel ou humain, ces citoyens méritent des éloges.

Car ils ont mis au jour, s’il le fallait encore, des pratiques politiques qui n’améliorent pas l’image du Douaisis.

Pensons à la mesquinerie insigne d’une intervention, dans une affaire à 500 balles, du président d’un conseil départemental qui gère un budget de 4 milliards d’euros.

Mesquinerie probablement provoquée par la trouille qui doit saisir l’intéressé quant à un « village » échappant à son contrôle. Selon la théorie bien connue des dominos, la fin des mandats pourrait apparaitre à l’horizon.

Mesquinerie, surtout, découlant d’une toute puissance qui lui permet de tout faire et même n’importe quoi. Pourquoi se gênerait-il ? Les limites sont franchies depuis longtemps.

A ce niveau, on s’interroge ainsi sur l’utilité d’une loi sur le cumul des mandats.

On se souvient, à ce titre, de la prédiction du regretté Guy Carcassonne, sur le risque de maintenir un maire démissionnaire dans son conseil municipal : « dans un tel système, se développerait la pratique du contournement par lequel un élu confierait la municipalité à un prête-nom, tout en continuant à agir comme son véritable patron. Ni la démocratie ni l’efficacité n’ont rien à y gagner » .

Depuis, la loi sur le cumul a pourtant permis cette absurde possibilité. Quand on voit la situation de Lauwin-Planque, le parlement aurait mieux fait d’écouter les experts…

Quand on sauve le « Mirabeau » avec nos sous

Alors là, on atteint des sommets dans le cynisme aggloméré quant à la solution miracle que vient de sortir de son bonnet notre parrain bien-aimé.
Voilà que Douaisis Agglo met la main au porte monnaie pour sauver « l’hôtel Mirabeau » , imposante verrue immobilière en plein centre de Douai dont l’apparence actuelle atteste de la bonne santé du territoire.

Nous avions à plusieurs reprises abordé le devenir de ce monument historique en déshérence, dès avril 2019 et, quatre ans plus tard, ici pour une visite improvisée qui donnait une idée des désastres qui peuvent parfois découler d’un projet mal conçu.

On va le faire… avec de l’argent public

A plusieurs reprises, Christian Poiret a botté en touche quand on lui mettait cet échec personnel devant les yeux.

Le propos lénifiant as usual était « que ça se fera un jour ou l’autre » mais comme le contraire commençait à se voir, pour éviter d’affaiblir la réputation d’omniscience de notre maître à tous, il fallait quand même bouger.

Nous y voilà.

Pour résumer, la communauté d’agglomération a voté cette semaine une délibération qui garantit l’emprunt de 12 millions d’euros pris par l’opérateur constructeur aménageur société hôtelière « Financière Vauban » qui, outre de posséder le bâtiment, devait débuter l’opération en… 2013.

Le plus risible était le lâche soulagement des « opposants » macroniens et socialos lesquels comme des gogos ont applaudi la manœuvre. On pense à la formule de Machiavel : « La férocité de ce spectacle fit le peuple demeurer en même temps content et stupide » .

Ce « peuple » aurait été en effet plus inspiré de soulever tout ce qui débloque dans cette décision, non pas dans sa légalité, avérée quoique bizarre, mais dans tout ce qui entoure depuis le début – et qui le sera jusqu’à la fin – cette affaire aussi honteuse qu’extravagante.

Résumons, jeu des 7 erreurs, les ratés successifs des génies qui président aux destinées du Douaisis quant à la maîtrise du projet :

1ère erreur

La première, la plus évidente, a été l’abandon – non motivé – du projet initial défini par Jacques Vernier. L’épure était bien avancée, les architectes, dont on espère qu’ils ont été payés, s’étaient mis au boulot. L’opération, prudente, était bien dimensionnée.

Invention du gouvernement d’alors, le concept était celui d’un partenariat public privé (P.P.P.), entre le propriétaire hospitalier du bâtiment et le groupe « Rabot Dutilleul » , entreprise centenaire et nordiste, sise à Wasquehal, dont le sérieux comme la surface financière n’avaient pas, à l’époque comme maintenant, à être démontrés.

Mais arrivant aux manettes de la « pompe à phynances » que constituait feue la « CAD » , notre président n’a pas trouvé mieux que de liquider ce projet pour en faire un autre, évidemment plus grand et plus beau.

Dix ans plus tard… Rien… Mais il n’y est pour rien…

Douaisis agglo du rififi à Palerme plage - @Tampographe sardon

2ème erreur

Adepte bien connu de la « régie » qui transforme régulièrement la communauté d’agglomération en entreprise immobilière, Christian Poiret a d’abord acheté l’hôpital général en 2012 pour 3,8 millions d’euros.

Acquis par de l’argent public, ce bien a été vendu l’année suivante pour 2,5 millions à la « Financière Vauban », holding basée à Tournai pour en faire un hôtel de luxe, ajouté à une opération de vente d’appartements défiscalisés.

On glosera longtemps sur la bonne affaire réalisée par le promoteur, Xavier Lucas, puisqu’il a obtenu un rabais de plus d’un millionLes contribuables un peu moins. Ils ont payé de leur poche la différence de prix.

A ce stade, la question est celle ci : pourquoi la Financière Vauban n’a t’elle pas acheté directement le bâtiment aux précédents propriétaires ? Cette manip’ était-elle une subvention masquée ?

Pas de panique, nous ne le saurons jamais.

3° erreur

C’est là qu’on s’interroge sur le choix de ce promoteur. Pourquoi lui ?

En France comme ailleurs, ils ne sont jamais bien vus. Certains dénoncent ces bétonnages qui sont autant d’artificialisations démoniaques détruisant la planète.
Plus dangereuses que le bobard qui précède, ces opérations, aux confins du fric et de la politique, ont parfois débouché sur le pire du pire, non sans éclabousser tous les constructeurs, même les plus vertueux.

Le flamboyant patron de la Financière Vauban est un Janus bifrons.
Pour quelques uns, il est le sauveur de vieux bâtiments dont personne ne veut mais, pour d’autres, un entrepreneur qui ne s’embarrasse pas de détails comme le montrent les conflits qui parsèment son parcours.

Ses opérations sont souvent fragiles, assaillies de problèmes, avec le risque en bout de course du naufrage définitif.
Le Royal Hainaut de Valenciennes, parti avec un budget de 40 millions d’euros, s’est conclu par le double, après pas mal de frayeurs, sans doute excessives puisque ces travaux ont abouti.

Pourquoi ?

Parce que Xavier Lucas est un malin qui lie son destin à celui des pauvres élus qui portent un toast au cocktail « monument historique-opération géniale » .
Comme il leur est impossiblepar la loid’abandonner un bâtiment classé, la variable d’ajustement sera la remise au pot du côté des collectivités locales, pot sans fond comme nous le savons tous.

4° erreur

D’où cette garantie décidée par le conseil d’agglomération, enfin par son président, c’est à dire le soutien par une autorité publique d’un emprunt contracté par une entreprise privée.
Pour l’instant rien ne sort de la poche de Douaisis Agglo qui ne sera sollicitée qu’en cas de défaut de l’opérateur mais cette délibération amène pas mal de questions.

D’abord le montant annoncé – 12 millions d’euros – qui parait bien léger quand on considère le projet du Hainaut dont le coût a été six fois plus important. On peut faire le pari que notre « Mirabeau » n’en sera pas loin.
Il s’agit donc d’une garantie pour faire levier auprès des banques sur un emprunt beaucoup plus gros ou, mieux, un signal donné à ces dernières pour les persuader que, quoi qu’il arrive, l’argent public viendra à la rescousse.

Notons que ce chantier, qui aurait du commencer en 2013, n’a de fait jamais débuté, hors le « curage » des menuiseries (question subsidiaire, où sont donc passées les espagnolettes bicentenaires et les ouvrants encore en état ?).

Si le promoteur en est, comme un ami impécunieux, à demander une garantie à ses potes pour démarrer des travaux après une décennie d’attente, on peut se poser des questions sur la confiance que lui portent les banquiers.

5° erreur

La loi prévoit, par plusieurs articles du CGCT, la possibilité pour un EPCI de garantir un emprunt à charge pour lui, comme déjà dit, en cas de défaillance, de payer à la place du débiteur les annuités du prêt.

Ces décisions sont très encadrées pour éviter toutes les dérives que les élus pourraient commettre dès qu’on leur lâche la bride.
D’abord, elles ne doivent concerner que des emprunts et rien d’autre (pas de lignes de trésorerie etc.) mais surtout la quotité maximale est fixée à 50%, chiffre que Douaisis Agglo a allégrement atteint.

Il lui aurait été possible de faire moins, par prudence, mais non. La formule martiale du patron, lors du vote communautaire, sent le gars qui croit sortir du fric de sa poche : « quand on a quelque chose dans la tête, on y arrive toujours quand on veut » .
Oui, très bien, c’est un guerrier courageux, mais c’est fastoche avec des fonds publics et c’est en plus pour un projet foireux

Enfin, on n’ose relever la possible contradiction entre cette garantie de prêt et l’interdiction votée par le parlement en 1988 de le faire pour des entreprises en difficulté.
On ne doute pas que notre Douaisis Agglo, comme les représentants de l’État dont c’est le rôle, ont vérifié la bonne santé du sauveur de l’hôpital général et qu’ils vérifieront la réalité de ses obligations auprès des prêteurs.

On espère aussi qu’une convention a prévu toutes ces choses pour, en cas de problème, permettre à nos élus visionnaires de parer à toute éventualité.

6° erreur

Notre président au carré a pris à plusieurs reprises, comme preuve de la future réussite du « Mirabeau tout beau » , l’exemple du Royal-Hainaut de Valenciennes.

Or rien n’est semblable entre les deux projets à plusieurs titres : le bâti lui même, la configuration des immeubles, l’emprise etc. Seul le point de départ est commun : des Ehpad à bout de souffle dans des monuments historiques dégradés.
Après, tout est différent. Ainsi, entre autres, l’installation des bureaux de la communauté d’agglomération de Valenciennes-Métropole dans les ailes, présence publique qui a évidemment soulagé les finances de l’opérateur.

Ce dernier a réalisé dans la douleur le Royal-Hainaut, non sans mettre ses ressources en péril. De ce point de vue, la chance du valenciennois c’est qu’il est passé avant le « Mirabeau » douaisien. Ce qui est fait n’est plus à faire et ce qui n’est pas fait reste à faire.

Pour autant, la viabilité de cet hôtel « de luxe » , dont les charges apparaissent importantes, doit être examinée sur le long terme. On aimerait connaitre son taux de remplissage moyen depuis l’ouverture…
Il est situé au sein d’un territoire qui n’est pas la Côte d’Azur ou Paris, même si le Hainaut sait mieux que Douaisis tirer son épingle du jeu sur à peu près tous les tableaux.

7° erreur

D’où la dernière erreur. Quel sera – si d’aventure il sort un jour de terre – l’équilibre financier du Mirabeau ? On nous jette au visage un projet dont les seuls détails sont le « luxe » , ses « 62 chambres » et ses « 118 appartements » mis en vente.

Ces présentations qui se copient les unes sur les autres se gardent bien d’interroger au fond le concept du machin. Quel plan marketing ? Quel équilibre général ? Quelles retombées pour le propriétaire ? Le gestionnaire ? Le territoire ?

Douai et le Douaisis peuvent-ils être le lieu du luxe et du farniente ? Verra-t-on des Ferrari et autres Porsche côtoyant les voiturettes sans permis et les bus gratuits à la sortie de St Jean ?
Pour quelle raison des touristes à gros revenu dépenseraient-ils de fortes sommes pour leur hébergement dans une ville et un territoire à l’attractivité manifestement faible ? Pour aller jouer aux boules ou faire du patin ?

On ne soulève même pas la possibilité d’une saturation de l’offre par rapport à la demande, notamment avec la création annoncée à La Clochette d’un nouvel hôtel dont on a un peu de mal à comprendre l’utilité.

Conclusion

Cette affaire est probablement l’une des plus symbolique de cet aventurisme qui est la marque de notre territoire quand il s’agit d’un « grand projet » qui doit enrayer d’un coup de baguette magique son irrémédiable déclin.

On nous sert à chaque fois ces solutions absurdes en forme de tramway ou de TVME gavées d’argent public et auxquelles personne ne trouve rien à redire, ni même simplement, ici ou là, réclamer des précisions quant à leur intérêt réel.

Mais plus certainement, s’agissant de cette garantie d’emprunt – dix ans de rien en toute impunité – le plus dingue est la pirouette géniale qui transforme l’auteur du désastre en sauveur par la sollicitation – par lui même ! – de l’argent public.

Chapeau l’artiste !

C’est quand qu’on fusionne ?

Les affaires lambresques ont éveillé dans le groupe des experts bénévoles de Douai Vox un intérêt pour un sujet souvent évoqué en France : le regroupement des communes en entités plus grosses.
La fusion de Douaisis Agglo ne manquerait pas d’intérêt si elle était réalisée à son échelle.

Regardons cela de plus près.

La folle exception française

Quand les Constituants de 1790 ont décidé de transformer les paroisses millénaires en communes, ils ne se doutaient pas que cette décision aboutirait aujourd’hui à un excès numérique qui constitue une singularité mondiale.

Nos petits 15% de la population de l’UE correspondent, avec 34955 communes, à 40% des entités municipales européennes. Encore mieux. Sur ce total 2500 communes comptent moins de 100 habitants, sachant même que 17000 ne dépassent pas la barre des 500.

Regardons nos voisins plus malins : la Belgique les a divisées par cinq en dix ans, l’Allemagne par trois depuis plus longtemps encore. Pragmatique comme toujours, le Royaume-Uni les a regroupées voilà des lustres. Ses 545 « districts » comptent en moyenne 100 000 habitants chacun.

L’histoire a légué à la Flandre une densité humaine particulièrement forte, ce qui explique que les 646 communes du Nord soient si populeuses. Certaines, notamment dans l’Avesnois et le Cambrésis, sont certes de très petite taille – Dehéries compte 38 habitants – mais la majorité affiche une démographie largement supérieure.

C’est le cas du Douaisis dont les 35 communes sont plutôt grosses. Si Roucourt, la plus petite, pèse 500 administrés, l’ensemble est plutôt au dessus du millier, sachant que Douai avec ses 35 000 « vint’d’osier » représente un quart des 150000 habitants de la communauté d’agglomération.

Que des avantages

Il est facile de comprendre que le regroupement de ces entités en quelques unes possèderait beaucoup d’avantages.

Il y a le principe bien connu de « l’union fait la force » . Se mettre à plusieurs donne l’avantage du nombre pour se faire entendre au dessus, dans toutes les instances du genre départements, régions et même l’État.

Cette « abondance des peuples » , comme l’aurait dit Louis XIV, est la condition du respect. Dans notre inextricable maillage administratif, c’est le rapport de force qui prime et en aucun cas l’équité.
Que pèse une commune de 100 habitants (il en existe qui comptent une dizaine d’habitants) lorsqu’elle souhaite investir dans un projet ? A peu près rien.

Il y a aussi la capacité financière, plus forte avec 100 000 habitants que 100, sachant que l’État a aussi créé des subventions pour faciliter ces regroupements par diverses exemptions fiscales ou même, plus subtil, le maintien de la hauteur de ses financements.

Enfin, un grand territoire donne de la dimension au sens propre à tout aménagement spatial, aux investissements collectifs ou, encore mieux, à la gestion prospective à long terme.

Que des blocages

Comme ces regroupements sont rares, on subodore qu’il doit y avoir un truc qui coince. Voilà un précepte que les réformateurs de tous poils doivent avoir en tête : quand ça ne se fait pas, il y a des raisons pour ça.

D’abord le travers national de ne réformer qu’en cas de circonstances particulières : la révolution, la banqueroute ou la guerre. On peut les souhaiter ardemment mais ces conditions sont rarement réunies.
Napoléon a eu cette chance incroyable. La banqueroute de l’État a provoqué la Révolution qui a débouché sur la guerre. D’où l’œuvre impériale

Motivation plus concrète, ne rien changer arrange beaucoup de monde. C’est le cas de l’armée d’élus locaux – un demi-million de personnes – qui émargent aux frais des contribuables.
A la louche, la ponction représente de 1 à 2 milliards d’Euros annuels, peut être même le double. Ce n’est pas demain que tout ce populo va abandonner sa rémunération en soutenant une réduction des collectivités locales qui la ferait disparaitre.

Dernier blocage, sans doute le plus dirimant comme on dit, le clivage politique. Pensons à Douai qui est en délicatesse avec sa périphérie depuis des années. On n’est pas certain qu’il s’agisse d’une opposition gauche-droite même si ça y ressemble. Dans tous les cas ça bloque tout.

Il est effectivement impossible, dans ce genre de configuration, qu’un camp abandonne son pouvoir – et tout ce qui s’y attache – pour les céder à ses adversaires. C’est aussi simple que cela.

Une vieille idée démonétisée

Les facteurs qui précèdent expliquent l’échec de fusions dont le principe a pourtant été posé voilà plus de 50 ans. Le paradoxe, c’est que notre maillage administratif a vu depuis ses conditions de fonctionnement régulièrement modifiées mais sans aucune réduction de ses strates.

D’abord la réforme la plus importante, révolutionnaire, la loi de décentralisation de 1983, dite « de transfert de compétences » , qui aurait été, en profitant de l’expansion budgétaire du moment, l’occasion de regrouper les communes puis, dans la foulée, de simplifier le mille-feuilles. Il n’en a rien été.

De très nombreux textes ont ensuite suivi mais aucun n’égale l’ébouriffante « loi NOTRe » partie avec les objectifs qui précèdent – notamment supprimer le département – pour les oublier en route. Elle a même fini avec une strate de plus, ces « super-régions » qui n’ont aucune existence logique.

Les « super régions » issues de la loi NOTRe, alias Valls. On cherche vainement le respect des « pays » et des reliefs, tout en plaignant les gens de l’Aquitaine…

La France est habituée aux « réformes » qui ne changent rien, facilement acceptées.
Retenons toutefois les stratégies de contournement que l’État a quand même essayé d’imposer sur le dossier.
C’est un gagne-terrain qui avance millimètre par millimètre mais dont l’échelle du temps, comme l’Hôpital Général, est séculaire.

Ainsi, conservant le principe de la « fusion communale » , on y a récemment ajouté pour faire passer la pilule, le concept de « communes déléguées » qui, en s’associant, peuvent conserver mairie et conseil municipal. Avec une telle possibilité, on se demande ce qui subsiste de l’idée de départ.

Le futur sera la communauté d’agglomération

Il reste cependant un machin qui, en dépit du fait qu’il ajoute une strate de plus au maillage administratif, pourrait à peu de frais amorcer une sortie par le haut de ces tentatives qui sont autant d’échecs cuisants.

Pour tuer la commune ou le département, rien de plus efficace que de leur retirer des moyens financiers et des bouts de pouvoirs, c’est à dire des compétences. C’est assez limité pour le second mais très avancé pour la première.

C’est ainsi qu’il faut analyser la mise en place – obligatoire – des communautés de communes et d’agglomération, d’abord simple cadre prospectif (cf le SCoT) mais ensuite, par la grâce de nombreuses décisions, bénéficiaires de plus en plus de puissance comme le prouve la frénésie dépensière de notre Douaisis Agglo.

Sur le site de cette dernière, la liste de ses compétences fait sourire par son manque de hiérarchie.
Loisiparc est mis sur le même plan que le développement (séparé en durable, rural et économique, rien que ça) mais c’est de plus par un lien discret qu’on découvre les « autres compétences » qui sont loin d’être minces.
On y trouve par exemple les « infrastructures routières, fluviales ou ferroviaires » ou, mieux, « l’aménagement de l’espace communautaire » , une fois encore mélangés avec des bidules insignifiants ainsi la « capture des animaux errants » .

Faisons un rêve

Comme nous aimons nous amuser, allons dans le sens de ce qui précède en défendant la fusion communautaire pour tout ce qu’elle pourrait changer pour nous autres, pauvres administrés.

Quelle serait l’intérêt d’une communauté d’agglomération transformée en grande commune de 150000 habitants ?

Pas mal de choses – ainsi les compétences déjà attribuées citées plus haut – sont déjà en place et pas nécessairement pour notre bien. Quand viendra le moment des bilan financiers des éléphants blancs semés par notre président tout puissant, on s’en rendra compte.

Mais ne nous arrêtons pas à ces broutilles. Dépassons les. Prônons la fusion de toutes les communes du Douaisis en une seule entité. En poussant la logique jusqu’au bout, les conséquences seraient paradoxalement bénéfiques :

si la majorité actuelle se perpétue année après année c’est parce que le système de vote à deux tours favorise ce conglomérat d’intérêts et d’arrangements entre amis. Un vote globalisé donnerait enfin l’alternance.

découlerait de cette fusion un bien immédiat pour nos impôts : la réduction de l’armée d’élus locaux qui émargent au titre de mandats dont on se demande souvent quel en est l’effet sur le quotidien des habitants du Douaisis.

-Sans doute, l’objectif le plus utile de ce regroupement serait l’harmonisation des ponctions fiscales avec une taxe foncière, entre autres, identique sur tout le territoire, moyen évident pour stopper l’hémorragie démographique de la ville centre.

-Avec un budget globalisé sur le territoire, il y aurait une meilleure rationalisation de la dépense, à la fois par économies d’échelles mais tout autant par une meilleure perception des enjeux généraux donc des décisions prises.

-Ce dernier point permet d’évoquer le déficit démocratique d’un conseil communautaire aux ordres car livré aux décisions d’un seul. Ramenée dans ce lieu par la force du suffrage direct, la souveraineté locale disposerait enfin d’un espace de débat et de décision collective. Nous en serions sauvés !

Les élections municipales approchent à grands pas. On a hâte de connaître parmi les 6 ou 7 listes qui se disputeront à Douai les suffrages des électeurs, celles qui défendront cette option révolutionnaire.
Quant aux candidats des 34 autres communes du Douaisis, on peut douter, compte tenu des avantages offerts par la situation actuelle, qu’il y ait beaucoup de défenseurs de cette bonne idée qui n’est pas fausse.

Mais sait-on jamais ?

Douaisis Agglo s’habille en Camaïeu

C’était, de la cérémonie des vœux de notre grand patron, Christian Poiret, le truc qu’il fallait retenir : Douaisis Agglo s’implante dans le centre ville de Douai en investissant le local déserté voilà peu par Camaïeu.

Technique de vente

C’est un beau bâtiment, y’a pas à dire. Super bien placé au cœur de la « croix de Douai » mais surtout un marqueur important du passé de la cité.
Le Soldat Laboureur puis la Villa Toriani avec son célébrissime Cinatus, témoins d’une splendeur révolue, quand les conducteurs et les motards au gosier asséché pouvaient se garer au pied de leur troquet favori.

Point fort de ce spectacle d’autocélébration payé chaque année par ceux qui n’y sont pas invités, cette annonce – peu coûteuse si on la compare aux « éléphants blancs » habituels – est un coup de triangulation plutôt réussi.

D’abord par l’inversion toujours maline, chez notre vendeur de métier, des critiques reçues par la communauté d’agglomération qui nie Douai dès qu’elle le peut.
C’est une vérité ? Il suffit de la retourner : « nous travaillons pour la ville centre qui doit être une locomotive » . Ben, oui, s’il le dit c’est que c’est vrai.

Avec la certitude de la victoire, notre président au carré sort de son seul cerveau et d’un coin de table une solution miracle au désastre commercial du centre ville… à deux pas du beffroi.
Il ne lésine pas le Christian, il dégaine une réponse « Douaisis Agglo » quelques semaines après la fermeture de Camaïeu quand de nombreux magasins restent vides des années sans que cela n’émeuve nos édiles communaux sauveurs de planète.

Parions que ce truc va avancer à toute vitesse devant les citoyens ébahis et, pire encore, devant la majorité municipale qui pourra toujours juger de sa propre efficacité en y passant devant chaque matin.

Technique de provocation

Comme un gros pied de nez, Douaizizaglo pose en « cœur de ville » une provocation de grande dimension. C’est l’OM qui installe ses dirigeants au Parc des Princes ou le PSG les siens au stade Vélodrome.
On appuie là où ça fait mal et il faut reconnaître que c’est plutôt bien fait. Que peut dire Frédéric Chéreau qui a découvert lors des vœux cette invention perfide ? Rien. S’opposer est impossible. Critiquer coûtera cher.
Reste le silence gêné ou, mieux, l’élément de langage justifiant cette conquête de l’ennemi, tellement plus fort que soi-même. La VDN, qui rapporte les propos de notre maire, vend la mèche : « cette annonce est une belle annonce » . Ben oui, quoi…

Nul doute, hors l’envie pressante de se moquer de ses rivaux municipaux, que notre parrain souhaite reconquérir le terrain perdu dans l’électorat douaisien. Il est vrai que le crédit du « seigneur de Lauwin-Planque » y a bien baissé, ce qui la fiche mal quand on considère qu’il s’agit là du socle de sa puissance départementale.
On aura sans doute sur les grandes vitrines de l’ancien Camaïeu, siglées Douaisis Agglo, la trombine du président tout puissant, histoire de rappeler qu’il faut voter pour le boss qui « travaille, lui » .

On y place entre autres l’office du tourisme sorti de l’hôtel du Dauphin « trop exigu » , déménagement censé prouver que ça progresse depuis que cette compétence a été donnée à Douaizizaglo. Nous v’là avec sur les bras un local vide qui fera la paire avec le Passage Gayant

Ouh là ! On va ramer pour trouver une utilité à l’hôtel du Dauphin !
© La Voix du Nord

Cette installation est aussi une réussite à mettre au crédit de notre vice-président de Cour « insoumis » , lequel va peut être obtenir par cette bonne exposition médiatique le moyen de préparer la future conquête municipale.
Bon, il fait du tourisme, d’accord, mais quelle sera donc sa couleur partisane ? Ménidienne, marcheuse, nupésien-n-e, verdâtre, douaisinolâtre ? On a hâte de savoir.

Technique de camouflage

Il était quand même possible de rappeler à nos maîtres agglomérés, une fois le nuage de communication dissipé, qu’ils avaient un endroit parfaitement adapté pour y poser leurs services : l’hôpital général.
C’est beau, c’est grand, c’est dans le centre-ville, ça ne manque pas d’allure et c’est vide par leur faute.
Voilà ce qui aurait bien aidé à améliorer leur réputation et l’avenir de ce bâtiment à la dérive depuis plus d’une décennie. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait nos voisins valenciennois en installant une partie de leurs bureaux dans l’emprise du Royal Hainaut.

Hors ces tactiques politicardes de bas étage, passons quand même au principal : le symbolique stratégique.
Si on comprend bien, on échange un magasin pour un centre multiservices censé sauver le centre-ville. Un peu comme Frais-Marais quand on fait aux habitants, qui n’ont plus rien, l’aumône de quelques administrations délocalisées. Là, on les concentre dans le cœur de ville mais l’idée est la même.

Cette décision confirme le rôle assigné à la capitale du territoire. Perdant sa fonction commerciale, elle doit se transformer en cité administrative. La mutation bientôt achevée, Douai sera définitivement à l’abri du marché, système décidément trop exigeant. Il est tellement plus simple de solliciter l’argent public gratuit.

On pourra poser dans les cellules vides, à côté des opticiens, pharmaciens et autres agences bancaires, des services répondant mieux aux besoins d’une population elle aussi en pleine transformation. Elle pourra de plus être transportée gratuitement vers le centre où elle trouvera tout ce qui est utile : pôle emploi, CAF, Restos du Cœur, abris de nuit, poste de police…

Technique de foutage de gu….

Loin du dévoilement d’un « grand dessein » révolutionnant l’avenir du Douaisis par Douai ou, mieux, de la définition d’une stratégie touristique de haute volée, terminons en beauté par l’exemple du bienfait concret, selon l’inventeur lui même, qu’apporte cette installation aux Douaisiens.
On imagine sans peine que l’énoncer devait procurer à Christian Poiret une certaine jubilation, celle qu’on ressent quand on se venge d’un voisin détesté en lui offrant un cadeau pourri. Il doit l’accepter et en plus remercier.

Reprenons les citations de la VDN. Elles commencent bien : « vous verrez qu’il y aura toutes les compétences de Douaisis Agglo » mais après on a ça : « celui qui n’aura pas ses sacs poubelle à l’heure, il pourra aller les chercher place d’Armes » .

T’es pas content le Douaisien ? Va chercher tes sacs et réjouis toi !

Des poubelles en or

Une poubelle du Symevad qui déborde

Reconnaissons que les ordures ménagères sont peu attirantes. Il serait pourtant dommage de ne pas s’y intéresser tant elles illustrent les turpitudes locales en termes de ponction fiscale, de gestion des deniers publics et d’aventurisme technique.

Vous avez aimé le tramway ? Vous aller adorer le SYMEVAD !

La TEOM nourrit le SYMEVAD

Le SYMEVAD alias « syndicat mixte d’élimination et de valorisation des déchets » a été créé en 2007 à destination de Douaizizaglo, la CA d’Hénin-Carvin et la CC Osartis. Cette grosse machine financière concerne une population de 350 000 habitants d’une centaine de communes du Nord et du Pas-de-Calais.
Outre le ramassage des ordures ménagères, elle dispose de 11 déchetteries et de 4 unités particulières : un centre de tri, un autre de valorisation organique, une ressourcerie et enfin et surtout un éléphant blanc dont nous allons beaucoup parler, le TVME d’Hénin-Beaumont, acronyme hermétique qui dit tout quand on le déploie : « Tri, Valorisation, Matière, Energie » .

Le calcul de la « taxe d’enlèvement des ordures ménagères » (TEOM) est étrange. La logique la ferait reposer sur le nombre d’habitants d’un logement ou, mieux, sur la quantité réelle d’ordures produites par chaque foyer. En fait, le taux s’applique sur la valeur locative du bien, ce fameux critère sur lequel repose l’inique taxe foncière. Elle est d’ailleurs, de la même façon, acquittée par les seuls propriétaires.

Pour résumer, une famille de 15 personnes entassées dans un studio acheté à bas prix dans le centre de Douai paiera moins que la mamie isolée dans sa grosse baraque familiale à côté.

A l’autre bout, la ponction doit être strictement affectée aux traitement des ordures ménagères. Cette précision n’est pas inutile. Il faut savoir ce qui rentre vraiment dans la dépense qui commande la hauteur de la taxe.
Des usagers ont ainsi contesté à ce titre un montant jugé excessif. Rassurons le lecteur, tout a été fait pour les empêcher d’avoir raison, notamment en mettant un maximum de charges – dont peut être le temps de cerveau des élus – dans le coût global.

Il y a de fortes disparités dans les taux des TEOM. La moyenne du Nord grimpe à 16% quand Paris est à 6%. La France se situe un peu en dessous de 12% pour un coût moyen pour l’usager de 175 euros.
Notons une décision plutôt intelligente de Douaizizaglo® de tendre vers un taux unique sur tout son territoire. On ne comprend pas très bien quand cela se réalisera – on parle de 2028 et même de 2035 – l’objectif étant pour toutes les communes d’atteindre, parait-il, 17,8 %.
Un détail piquant : outre que ça va augmenter pour tout le monde, ce sera de toutes les façons plus cher pour Douai qui n’est pas concernée par cette recherche de « l’équité » . Il semble que c’est parce que les éboueurs y passent plus souvent qu’à la cambrousse.

Selon le SYMEVAD lui même chaque habitant produirait 665 kg/an quand la moyenne nationale est à 580 kg/an. C’est dire qu’on peut encore progresser. Mais pas de panique. On nous reproche de remplir des poubelles qui réchauffent la planète mais il faut les comparer aux déchets dits « professionnels » : 14 tonnes par an et par habitant.

Les Douaisiens doivent maintenant se poser la question : pourquoi payent-ils de plus en plus cher l’enlèvement de leurs ordures ménagères ?

L’homme du SYMEVAD

Martial Vandewoestyne (pour soulager la claviste, on dira ensuite M. VW), fondateur du syndicat a cédé en septembre 2020 sa place de président à Christian Musial. Ce dernier, successeur de Michel Rodriguès à la mairie de Leforest, fait partie du petit groupe de « patrons » qui prospèrent dans le fromage communautaire.
Car il y a des classes dans la noblesse créée par Poiret du Nord. En sont exclus les opposants, pauvres manants. Sans existence, ils n’ont rien.
Ensuite, vient la masse des chevaliers sans fortune qui jouent les utilités. On attend d’eux qu’ils opinent au bon moment contre des repas gratuits.
Enfin, les aristocrates. D’abord les marquis prometteurs dont les prébendes sont le préalable à une possible accession à la classe suprême. Au dessus, les princes qui cumulent entre-soi, honneurs et indemnités. Ajoutons ce Musial au duo infernal Dumont-Hallé mais aussi bien évidemment M. VW.

Il y aurait beaucoup à dire sur l’ancien maire de Lambres. Il présente plutôt bien, aidé par sa haute taille et son allure distinguée. Ce sosie de Michel Barnier rappelle son modèle quand on cherche à savoir de quel bord politique il penche. Une seule certitude : l’intérêt personnel se confond admirablement avec celui du maître du Douaisis. Quand on sait que M. VW a accepté qu’on baptise de son nom un parc de sa commune, on se dit que la boucle est bouclée.
L’ex patron du SYMEVAD trimbale depuis ses débuts une réputation de technicien « toujours à l’avant-garde et en mode précurseur de l’écologie » selon son successeur à la mairie. Évidemment, ces dithyrambes sont à destination du bon peuple qui ne vérifie rien. Les informations qui suivent démontrent que les qualités de M. VW ne sont sans doute pas si assurées que cela. S’il a géré sa ville comme le syndicat, on peut supposer quelques loupés.

Un rapport en forme de tramway

La Cour régionale des comptes a publié voilà un an un rapport intitulé « SYMEVAD des communautés d’agglomération du Douaisis, d’Hénin-Carvin et de la communauté de communes Osartis-Marquion » . Comme toujours, on y trouve des choses incroyables en s’attristant que personne ne se soit saisi de ces conclusions pour agir, ni même ne l’ait un peu médiatisé.
Regardons de près ces éléments saillants, un sourire aux lèvres et la main sur le porte-monnaie.

On ne nous dit pas tout et on navigue à vue

Nos patrons aiment vivre heureux donc cachés, ce qui explique sans doute qu’ils limitent l’information donnée aux contribuables. Les juges sont plus curieux, indiquant qu’une « présentation brève et synthétique retraçant les informations financières essentielles (…) ne figure pas sur le site internet du syndicat. Il en est de même pour le rapport sur les orientations budgétaires » . On vérifiera si cette préconisation a été suivie d’effet, sachant que cette communication est obligatoire.

La CRC relève aussi que les séances du comité syndical des années 2019 et 2020 n’ont donné lieu à aucun compte-rendu. Il est évidemment utile que rien ne subsiste des débats et des décisions prises par ces hauts personnages. Ces derniers étaient d’ailleurs – si on comprend bien – illégalement pléthoriques car en septembre 2020 une délibération a fixé à 7 les vice-présidences, sachant que « les règles relatives à la composition du bureau n’étaient pas respectées » . On peut craindre que cette armée mexicaine ait été rémunérée.

Les magistrats regrettent que « le syndicat ne dispose pas d’un document stratégique pour le traitement et la valorisation des déchets » , manquement qui oblige à se demander comment on gère la prospective du machin. C’est logique puisque « l’assemblée délibérante n’a pas défini d’objectifs à atteindre » .
Tout au plus la Cour a-t-elle repéré quelques « données chiffrées » dans les rapports d’activité mais elles n’ont aucune relation « avec des objectifs préalablement définis, ce qui restreint toute démarche d’évaluation des résultats » . Bref, on navigue à vue…

On cache des sous pour augmenter la contribution des membres

Enfin, concernant la présentation des comptes, le SYMEVAD est un petit malin, procédant systématiquement à l’inscription d’une ligne budgétaire fantôme dont ses inventeurs imaginaient sans doute que son libellé ferait fuir les curieux.
Ainsi l’invention d’un compte « Fournitures scolaires » en fonctionnement de 2,2 M€ au plus bas (2016) et de 9,4 M€ au plus haut (2019). Même bricolage en investissement mais toujours aimable la Cour reconnait que c’est « dans une moindre mesure » . On est sauvés !

Stock de crayons, de gommes et de ciseaux
9 millions d’euros de gommes et de crayons, qui dit mieux ?

Mais pourquoi ce truc ? Les magistrats précisent qu’il « permet au SYMEVAD de maintenir le niveau de contribution demandé (aux CA et CC) sans mobiliser les excédents cumulés » .
Parabole de ce prodige à double détente :
1-vous avez 100 € dans la poche et 50 € planqués dans une tire-lire. Vous empruntez à votre voisin 100 € en évitant de lui dire que vous avez 50 € mis de côté. Car, s’il le savait, il ne vous donnerait que 50 €, peut être en plus en vous posant des questions gênantes.
2-avec vos trois sources, vous voilà à la tête de 250 €. Le voisin vous a aidé sans tout savoir et tant mieux. Ce budget vous permet peut être d’assurer une dépense que votre imprévoyance n’avait pas envisagée.

Plutôt habile, la manoeuvre sent un peu son Douaizizaglo®, mais elle est illégale comme le dit la CRC dans son style inimitable : « l’inscription d’une dépense qui n’a pas vocation à être exécutée altère la sincérité du budget et fausse l’information du comité syndical et des intercommunalités membres, sur le juste niveau de contribution nécessaire à son équilibre. (…) La chambre demande au syndicat mixte de mettre fin à cette pratique » .

L’unité miraculeuse nous coûte un bras

On dira peu du centre de valorisation organique qui a remplacé celui, à bout de souffle, de Sin-le-Noble. Mis en service en 2018 à Vitry-en-Artois, sa capacité est en théorie de 32 000 tonnes de déchets végétaux par an. Le projet initial était comme souvent mirifique, avec une production valorisée qui devait se diriger vers la belle piscine de la commune et… la chaufferie biomasse de « l‘éco-quartier à Sin-le-Noble » .
Le « hic » , c’est que cette idée géniale ne s’est pas concrétisée car « faute d’une étude de compatibilité préalable, ces équipements ne pouvaient pas utiliser le bois énergie produit » .

Ce ratage en annonce un autre, beaucoup plus remarquable, celui de la sublime unité TVME. On y trouve les fondamentaux d’un tramway qu’on pensait impossible à réitérer, faits d’imprévoyance, de défauts de conception et d’incurie dans la finition.
Cette usine, cette fois-ci offerte par les Germains et non les Bataves, est tellement innovante qu’elle ne fonctionne pas comme prévue, au point de plomber durablement les finances de notre SYMEVAD.`

L’usine d’incinération d’Hénin-Beaumont ne pouvant être reconstruite sur le même principe à cause de la défiance de l’opinion envers ces installations, on l’a remplacée par un truc qui existait nulle part.
L’unité, « unique en son genre sur le territoire national » , devait produire, à partir des déchets ménagers, du biométhane et surtout du « combustible solide de récupération » (sous forme de pellets) dont il était prévu qu’il alimente les cimenteries du coin.

Glissons sur les surcoûts de la construction du monstre – de 48 M€ à 55 M€ – pour nous concentrer sur le fonctionnement concret du projet « innovant » que le monde entier nous envie. Plusieurs « incidents ont mis en évidence que le procédé n’était pas tout à fait au point » , si bien qu’on a péniblement atteint en 2019 un volume de 60 000 t d’ordures traitées (soit 30% du volume total du territoire).

Sur les 32 500 t de CSR fabriqué, faute d’une prospection sérieuse au préalable auprès des entreprises du secteur, peu de débouchés alors que toute la machine reposait dessus. L’emploi – par un seul cimentier – n’a pas dépassé 6000 t. Si vous vous demandez ce qu’est devenu le reste, c’est simple, il a été incinéré ou enfoui, probablement dans les décharges de Lewarde ou d’Hersin-Coupigny.

Il est facile de comprendre que devant de telles difficultés, le « titulaire du marché » ait été dans l’obligation de renégocier les termes de son contrat à coups d’avenants, d’embauches de personnels supplémentaires et d’indemnisations diverses.
Il a fallu ensuite changer de prestataire. L’appel d’offre ayant échoué, Le SYMEVAD a fini par se résoudre à une procédure négociée avec Suez RV Nord Est pour un montant de 22 M€, alors même qu’il « ne dispose toujours pas des crédits budgétaires lui permettant de (le) rémunérer » .

Comme on peut s’en douter, ce nouveau titulaire du marché a bénéficié de conditions très généreuses pour qu’il accepte le « deal » , ainsi une réduction de ses obligations (objectifs de production du biométhane abaissés de moitié…) mais surtout la mise à la charge du syndicat de toute une série d’opérations (coûts d’entretien de l’unité, traitement des encombrants, refus de tri, gestion des ordures ménagères résiduelles etc.).

Le SYMEVAD est en péril

Cette affaire de TVME est inquiétante pour les surcoûts qu’elle induit. La hausse des charges du SYMEVAD en relève à 40% sachant qu’elles sont passées de 15,6 M€ à 26,6 M€.
Bien conscient du problème, le syndicat dans sa réponse à la CRC explique qu’il « se fixe comme objectif à moyen terme (2025) d’optimiser le coût de fonctionnement du TVME permettant de revenir à un coût compétitif de traitement des ordures ménagères résiduelles (comparativement à l’enfouissement) sous peine d’abandonner la filière prometteuse de valorisation des déchets par la production de combustibles de substitution ».
Cette formule alambiquée est traduite par les magistrats pour ce qu’elle est : « Le syndicat se donne donc la possibilité de fermer l’unité TVME pour revenir à un traitement par enfouissement, certes moins coûteux mais ne respectant pas la hiérarchie des modes de traitement » . Rien que ça…

Proposition de fermeture TVME Symevad
Rapport SYMEVAD 2022 : cf les deux premières propositions d’un scénario possible…. 55 Md’investissement pour ne rien en faire…

Les déchets se réduisent, les taxes explosent

Bien entendu, la solution se trouve comme toujours dans la poche des contribuables qui, ainsi que nous le savons tous, est sans fond. D’où l’augmentation de la contribution des intercommunalités (qui repose sur la TEOM) passée en 2021 de 15,1 M€ à 24,2 M€ (hausse de 40%, une paille…).

Dans les « éléments de langage » produits par M. VW devant la presse, on ne trouve jamais l’unité TVME pour expliquer cette explosion financière. Il évoque « les frais de collecte qui croissent naturellement » (ah bon ?) et puis le méchant État (ça ne mange pas de pain) qui obligerait l’usager à payer le « vrai prix » de la gestion des ordures ménagères.
Ah oui ! Il y aurait aussi « l’effondrement du prix des produits recyclés » . C’est vraiment pas de bol puisque le système génial repose sur cette solution miracle. Il oublie de rappeler qu’il y a un problème de débouché (cf le CSR dont les cimenteries ne veulent pas) plutôt qu’une histoire de prix. L’amusant – relevé par la CRC – c’est que le SYMEVAD n’a jamais prévu de récupérer le produit de cette vente éventuelle.

Comme toujours en termes d’écologie, la culpabilisation est un levier efficace, évidemment reliée à la punition habituelle : l’augmentation continue de la taxe.
Comme tous nos élus professionnels, M. VW est un adepte de la ponction fiscale sans limites : « La TOEM ne baissera pas dans les années à venir à moins que les tonnages de déchets baissent fortement. La priorité c’est celle-ci » .
Ce sont donc les usagers – et accessoirement ceux qui paient – qui sont les responsables du problème mais surtout pas ceux qui dépensent. La TEOM est déconnectée du volume des déchets produits. Quelle incitation financière pousserait le citoyen à les réduire ?

Autre paradoxe de ce dossier si mal géré par nos élus aristocrates : on a fortement réduit en dix ans le volume des déchets ménagers du territoire (moins 20%) pour une TEOM qui grimpe inexorablement.
Pour un peu, notre brave SYMEVAD est comme nos services publics : de plus en plus chers pour une performance de moins en moins efficace… Il est à parier que lorsque nous n’aurons plus aucun déchet ménager à mettre dans nos poubelles, on conservera cette taxe au titre de l’air qu’on respire.

Au delà de ces péripéties indignes, la performance du syndicat est médiocre, habilement masquée par un épais nuage de fumée recyclée. Nous conclurons par un seul chiffre qui remet tous ces experts élus rémunérés à leur juste place : quand le taux national de valorisation des déchets ménagers monte à 66%, le notre – avec cette débauche d’argent public gratuit qui est la marque du Douaisis – culmine péniblement à 31%.

EVEOLE : gratuité des transports, on passe à la caisse (2/2)

Des bus vus d'en haut

Après avoir posé le cadre général de cette affaire de gratuité, abordons ses effets en réponse aux nombreux objectifs que lui assignent ses inventeurs.

On aime la bagnole

D’abord, des chiffres parce qu’il n’y a que ça de vrai. Sur une population totale, le recours aux transports en commun reste marginal comparé à celui de la voiture. Cet objet, autrefois de désir et de liberté, est devenu depuis quelques temps un repoussoir absolu en dépit de son utilisation par tous les Français ou presque.

La part modale du déplacement collectif (on met le train dedans) est faible, à 5%, quand la voiture est à 68%, la marche à 25% et le vélo à 2%. D’après l’INSEE, dans le bassin minier, près de 83 % des actifs qui y travaillent (plus de 200 000 personnes) utilisent l’automobile pour se déplacer, proportion supérieure aux chiffres nationaux.

C’est dire que dans la masse, les habitants qui montent dans le bus sont rares. Notre taux moyen de voyages par habitant, déjà évoqué, est faible : 11 quand certaines AOM dépassent les 200.
Nous avons pourtant hérité d’un réseau plutôt bien fait. Il découlait des circuits professionnels montés par les entreprises, les charbonnages notamment, qui pouvaient déterminer le lieu d’habitation en fonction de la localisation des puits ou des usines.

Notre situation est aujourd’hui différente. La démocratisation de la voiture comme l’étalement de l’habitat – l’un s’est appuyé sur l’autre – ont bouleversé l’ancien système. L’INSEE indique que les 15 000 actifs du bassin minier qui utilisent les transports en commun réalisent des trajets de proximité (moins de 10 kms) ou de longue distance (plus de 35 kms).
Les circuits courts sont plutôt routiers tandis que les plus longs sont ferroviaires. On note que le Lensois et le Douaisis échangent de nombreux actifs mais la faiblesse de l’offre de transports en commun entre ces deux zones conduit les navetteurs à utiliser massivement la voiture.

En ayant ces grands nombres à l’esprit, il faut considérer les objectifs stratégiques qui justifient le passage d’Evéole au gratuit. On peut citer, entre autres, le tweet triomphal du député Bruneel qui a fait de ce sujet un de ses dadas : « une victoire collective qui va bénéficier à tous les citoyens et à l’environnement. Bravo ! ».
Gardons la tête froide. Nos élus sont, parmi les gens, les moins disposés à prendre les transports en commun alors même qu’ils s’en occupent beaucoup. Il serait facile de vérifier lors d’un conseil communautaire qui est venu à Douaizizaglo en bus. On n’ose évoquer le vélo.

Si le député Bruneel voit la gratuité comme une mesure sociale et environnementale, notre président ajoute à son tour qu’elle faciliterait « l’accès aux services publics et aux équipements culturels, sportifs et de loisirs » tout en étant « un levier d’animation et d’attractivité touristique ». Il considère, de plus, que la mobilité « serait un frein à l’emploi, à la formation et à l’accès aux soins sur notre territoire ».

Une panacée aux effets difficilement mesurables

A l’exemple des publications du GART, de l’INSEE ou même du Sénat, on dispose d’études fouillées sur la gratuité des transports. On épargnera leur détail aux lecteurs mais il est possible d’en tirer quelques conclusions en regard des nombreuses finalités qu’on assigne à cette décision improvisée.

La première est justement qu’il n’y a pas ou peu de constats avérés, faute de dispositifs fiables de recueil des données sur le mode « avant après ». Les agglomérations qui ont installé la gratuité éprouvent beaucoup de mal à mesurer les effets concrets de leur politique, hors la hausse de fréquentation la première année.

Concernant le « lien social » qui serait facilité, le GART indique que rien ne peut vérifier la réussite d’un tel objectif. Le problème tient à l’impossibilité d’isoler cette décision dans l’évolution des usages. Tout au plus, peut on peut postuler d’un effet possible sur le pouvoir d’achat par le transfert de la charge sur les citoyens imposables au bénéfice de ceux qui ne le sont pas.

L’employabilité empêchée par le prix des transports apparait tout autant aléatoire même si ce lien semble logique intuitivement. Il existe de nombreux dispositifs d’aide spécifiques pour les demandeurs d’emploi ou les « travailleurs pauvres » , notamment pour faciliter leurs déplacements.
Par ailleurs, comme le dynamisme des entreprises dont dépend le rendement du « Versement Mobilité », les déterminations de l’insertion professionnelle sont multi-factorielles. Si la mobilité joue un rôle, elle n’en est pas la clé absolue. Le problème de notre territoire est d’abord celui de la faiblesse de la formation de sa population.

L’accès à la santé est difficile à mesurer alors même qu’il existe une prise en charge par l’Assurance Maladie qui rembourse les frais de 65 % à 100 % selon les cas (cf prescription médicale de transport par le célèbre formulaire 11574*04). Là encore, surtout de nos jours, les difficultés du Douaisis se trouvent plus du côté de l’offre de soins que des moyens de transport pour y accéder.

Quant à la réduction de la pollution, objectif auquel aucune politique ne peut aujourd’hui échapper, des bus gratuits pousseraient sans doute des automobilistes à remplacer leur voiture par le Binbin pour sauver la planète.
S’il pollue beaucoup plus qu’une voiture (900 gCO2 contre 130), le gain du bus se trouve dans le rapport favorable passager/véhicule (avec 12 passagers, on tombe à 70 gCO2). C’est moins vrai en périodes creuses et surtout lors de l’inévitable haut-le-pied.
L’Ile de France a mené une étude sur les conséquences d’une éventuelle gratuité. Pour la région – très dense en réseau et en démographie – la réduction en bilan carbone monterait à 28 millions d’euros sur 4 milliards (soit 0,7%). Au final, la baisse du trafic routier serait de 2%, sachant que 90% des déplacements automobiles ne peuvent être reportés sur les transports en commun.

Une dernière finalité – sur une liste qui en coche déjà beaucoup – concerne la revitalisation du centre ville que cette gratuité soutiendrait. Malheureusement, là encore, le GART indique que la concrétisation de cet objectif est « difficilement appréciable » .
Il réclame en fait une bonne coordination à l’échelle territoriale et surtout, comme nous le verrons plus bas, une profonde réflexion sur l’intermodalité.

Ligne 4 Evéole
« The magic line » . Cette nouvelle n°4 coche toutes les cases : mobilité, événement, emploi, santé, commerce, entreprise, scolaire, loisir. Manque la lutte contre la pollution mais les bus roulent peut être au diesel.

Profils des utilisateurs

Quant aux effets de la gratuité, plusieurs études avancent le chiffre de 2 trajets d’usagers sur 10 qu’elle provoquerait.
L’étude francilienne, déjà citée, obtient une hausse théorique de la fréquentation de 6 à 10% selon les configurations. Dans celle-ci, la moitié proviendrait des marcheurs et des cyclistes (2/3, 1/3) et l’autre des automobilistes.

Amusons nous à définir des « personas » comme le font les spécialistes du marketing concernant le public futur d’Evéole :
-d’abord les voyageurs qui ne verront aucun changement, tout le public scolaire et les personnes aidées.
-ensuite les gens qui prennent déjà le bus et qui ne paieront plus.
Ces deux groupes pèseront peu sur l’augmentation de la fréquentation.
-après, les usagers abandonnant leurs anciens moyens de transport : la marche, le vélo puis la voiture.
-enfin, les nouveaux utilisateurs qui n’entrent pas dans les catégories qui précèdent. Ils sont hétérogènes, découlant de toutes sortes de considérations difficiles à connaitre (effet d’aubaine, recours aléatoire etc.).
L’enjeu d’une politique de gratuité se trouve évidemment dans ces deux dernières « personas » .

Quoi qu’il en soit, le GART, étudiant plusieurs réseaux gratuits notamment les plus anciens, note qu’après l’augmentation, une stabilisation de la fréquentation survient généralement au bout de deux ou trois ans. Le gisement des nouveaux usagers, saturé, ne progresse plus, sauf si l’offre est soutenue par des investissements conséquents.

En termes de profils, confirmés par diverses enquêtes locales, ce sont les jeunes et les personnes âgées qui augmentent leur usage. Les premiers, qui ne possèdent pas de voiture, préfèrent monter dans une rame gratuite plutôt que marcher. Pour les anciens, la notion de temps de trajet est pour eux moins essentielle tandis que leur pratique de l’automobile s’éloigne avec l’âge.

Pour comprendre les déterminations de l’impact du gratuit, deux facteurs sont à prendre en compte : l’accessibilité (la proximité des arrêts du lieu de départ et de destination) et la durée de trajet (comparé à un autre mode). Ce n’est pas le « gratuit » qui pousse l’usager à monter dans un bus. C’est l’avantage qu’il peut en tirer en termes d’arbitrage de plusieurs facteurs de mobilité.
A l’inverse du prix qui joue peu, le niveau de l’offre et la qualité du service interviennent majoritairement. D’après l’INSEE, 84 % des trajets domicile-travail sont en moyenne plus rapides par la route contre seulement 6 % par les transports collectifs.

L’intégration des politiques de mobilité

L’intermodalité cache derrière ce terme barbare une idée simple : on ne vit pas coupé de son environnement en termes de transport. Autrement dit, installer la gratuité d’un réseau pose la question des systèmes interconnectés avec lui.
Ainsi, d’autres modes de déplacement qui sont payants, le rail (TER, TGV) ou les circuits gérés par d’autres collectivités. C’est le cas des lignes Arc-en-Ciel régionales lesquelles, traversant notre territoire, obligent l’éventuel usager à jongler entre différentes obligations. Ces ruptures, qui résultent de l’improvisation, n’aideront pas.

L’intermodalité débouche sur l’intégration de cette décision dans d’autres politiques. Elle prend sa mesure pour Douai qui est en délicatesse avec sa périphérie mais surtout les maîtres absolus du territoire.
Comme le résume un spécialiste suisse (donc neutre) : « À elle seule, la gratuité paraît insuffisante pour parvenir à un véritable report modal. Il faut améliorer l’offre et réfléchir à l’organisation du territoire concerné. Si vous avez un centre-ville qui dépérit et que vous cherchez à le stimuler grâce à la gratuité des transports publics mais que dans le même temps vous avez inauguré deux ans plus tôt une gigantesque zone commerciale en périphérie, les transports publics, même gratuits, demeureront impuissants. »

Par ailleurs, au risque du décrochage des lecteurs parvenus jusqu’ici, il faut poser la question du gratuit en lui même, en termes de prospective mais surtout de pilotage. Quelles sont les limites d’un service offert sans aucune contrepartie ? Doit-on, dès l’instant où la gratuité existe, abandonner toute notion de rentabilité ? Cette dernière doit être mesurée par un suivi des usages comme des besoins de la population.

Ce sujet est essentiel comme il devrait l’être pour toute politique publique qui engage l’argent des contribuables. Dans un pays comme le Douaisis où rien n’est jamais documenté, on peut craindre quelques incertitudes, y compris sur les effets qui pourraient objectivement justifier cette mise en œuvre.

D’où deux propositions :
La gratuité ne doit pas impliquer obligatoirement la disparition de tout titre de transport. Il serait utile qu’on « bipe » à des terminaux pour qu’on puisse disposer de statistiques de fréquentation, seul moyen de connaître l’impact de cette invention miraculeuse.
Proposons, autant que faire se peut, aux agents qui ont découvert leur mise sur la touche sans aucun avertissement, de gérer ces données proche de leur fonction commerciale. Ils feraient cela très bien, il faut en être persuadés.

Le GART a souligné le manque flagrant de suivi des politiques de gratuité des transports publics.
Montrons l’exemple pour une fois !

EVEOLE : gratuité des transports, on passe à la caisse (1/2)

Eveole Le gratuit

Cette gratuité du réseau des transports douaisiens, Evéole, qui déboule le 1er janvier comme un cadeau de Noël, mérite qu’on s’y intéresse. On précise d’emblée que Douaivox® n’est ni pour, ni contre. On regarde les bus passer et on compte les passagers.

De l’univers des « AOM »

Dans le Douaisis, deux systèmes s’emboitent l’un dans l’autre, fruits de notre désastreuse histoire de tramway sur laquelle nous ne reviendrons pas.

La plus grosse entité, politique, est le célèbre « syndicat mixte des transports du Douaisis » (SMTD) dont le périmètre géographique recouvre 46 communes : les 35 de Douaizizaglo rejointes par 11 de la CCCCCO, adhérentes à titre individuel.

La seconde, créée en 2013, est le bras armé du transport dans le territoire. La « Société des transports de l’arrondissement de Douai » (STAD) est une société publique locale (SPL) possédée à 80% par le SMTD et à 10% chacune par la CAD et la CCCO. Les actionnaires de cette société anonyme (SA) sont les maires des communes citées plus haut.

Vous suivez toujours ? Depuis 2013, une subtilité terminologique couronne le tout. La STAD possède un nom commercial, en fait une marque, celle qu’on voit partout : Evéole. Quand on dit STAD c’est Evéole et quand on dit Evéole c’est STAD.

Il faut mettre des noms derrière cette subtile architecture. Le boss du SMTD, depuis le limogeage de Christian Hatu, est Claude Hego, ci-devant maire de Cuincy, qui préside un comité syndical de 46 personnes (les communes), assisté d’un bureau de 10 membres.
Retenons parmi ces derniers, élus de métier, trois noms. D’abord Robert Strzelecki, adjoint à Flers, accessoirement cadre de l’AFEJI, mais surtout le duo Jean Luc Hallé et Christophe Dumont, multi-cartes tout-terrain bien connus.

Le directeur général de la STAD-Evéole est Dimitri Defoort. Son parcours professionnel mérite d’être salué. De chauffeur de bus, il est devenu en quelques années le patron du transport douaisien public. Cette ascension fait accessoirement le lien avec la grosse boite du secteur, Place Mobilité, où il a travaillé jusqu’en 2013. Originellement hainuyère, cette société fondée par le père Auguste et dirigée par le fils Alain, est devenue douaisienne quand elle a absorbé en 1990 les « autocars Lolli » bien connus dans la cité de Gayant.

Observation principale de la CRC sur l’affaire du tramway, la confusion, illégale, entre la communauté d’agglomération et le SMTD a été réglée par la séparation de ce dernier avec la STAD-Evéole en 2013.
Retenons in fine le statut de celle-ci, bizarrerie qui mélange le privé et le public mais surtout permet aux collectivités de s’affranchir des contraintes de la comptabilité publique. On peut le voir aussi comme une transition entre la régie d’autrefois et l’entreprise privée.

Sait-on jamais ? Chargée d’une délégation de service public, une société de transport pourrait prendre en charge le matériel et le personnel d’Evéole sans aucune difficulté. Il suffirait que le patron le décide. Parions que le vote du SMTD serait unanime.

Des entreprises taxées

Dans les conséquences concrètes de la gratuité, notamment humaines, il faut évidemment penser au devenir des 17 personnes chargées d’une activité commerciale devenue sans objet. Tour de force qui mériterait une enquête plus fine, fort peu a jusqu’ici transpiré de l’acceptation ou non de cette mue professionnelle par les agents concernés.

Reste enfin, si on ose dire, l’aspect financier qui concerne la gratuité par définition. L’opinion a été abreuvée d’une « étude de faisabilité » de KPMG qu’on ne peut lire nulle part. Cette agence comptable a peut être envisagé le sujet par le seul prisme de son expertise financière.

De fait, les données dont on dispose relativisent le coût d’une gratuité déjà bien avancée, notamment par celle des scolaires depuis 2019 qui représentent 70% des usagers quotidiens d’Evéole. Pour en être convaincu, il suffit d’observer la contraction des dessertes lors des vacances.

Dans un budget d’environ 30 millions d’euros en 2020, les recettes commerciales (tickets, abonnements etc.) se montaient à 2,5 millions, soit à peine 10% du coût global. Le déséquilibre des ressources en comparaison de la moyenne française est manifeste. L’usager contribue pour 17% (SMTD: 10%), les fonds publics 35% (SMTD : 10 %) et le « Versement Mobilité » 47% (SMTD : 80%…).

Le bouclage financier dépend donc à Douai essentiellement du « VM ». Cette taxe, payée par toutes les entreprises de plus de 10 salariés, est intégralement affectée par la loi aux transports en commun d’un territoire. Le calcul du produit est simple : on prend la masse salariale sur laquelle on applique un taux. Celui du Douaisis est à 1,8% sachant que la fourchette nationale s’établit entre 1,5% et 3%.

La perte de 10% de revenus commerciaux pourrait apparaître négligeable. C’est ainsi qu’elle est présentée par l’inventeur du gratuit : « c’est un coût supplémentaire annuel de 2 millions d’euros environ pour l’agglomération. Nous avons des finances saines et faisons beaucoup de développement économique. (…) Je vous confirme qu’il n’y aura pas d’augmentation de fiscalité puisque cet argent vient de nos fonds propres ».

N’essayons pas de préciser le concept de « fonds propres » dans une comptabilité administrative mais plus loin, nous apprenons de la bouche du président Hego qu’il « y a à peu près 3 millions d’euros qui manquent. Les deux collectivités actionnaires de notre syndicat se sont engagées à compenser ces pertes ».
Ce sera 2 millions pour Douaizizaglo et 1 pour la CCCCCO. On ne sait pas si ces abondements compensent la disparition des revenus commerciaux ou s’ils sont une réponse à la hausse de la fréquentation d’Evéole que provoquerait la gratuité.

De l’avantage d’une élection

Les élections départementales ont été sans aucun doute l’élément déclencheur de cette décision précipitée. C’est d’ailleurs un beau coup de triangulation. Le patron tout puissant a fait ce que l’opposition apolitique de Gauche réclamait à grands cris depuis longtemps. Cet unanimisme ne manque pas d’inquiéter. Si tout le monde est pour, c’est qu’il y a un truc, pour sûr.

A l’inverse du Douaisis, tous les réseaux gratuits (on en compte 18 en France) ont agi progressivement avant de mettre en œuvre cette nouveauté. Des tests ont été organisés pour en mesurer l’attrait auprès du public, ainsi sur des périodes ciblées (le week-end ou certaines fêtes) ou encore ont été proposées des tarifications variables pour évaluer l’impact du prix sur la fréquentation, notamment au bénéfice des jeunes.

Dunkerque, souvent cité par nos décideurs, a préparé sa mise en œuvre par des investissements visant à augmenter l’offre de service tant qu’existaient les apports des usagers. L’agglo a mis en service de cinq lignes de Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) et a restructuré plusieurs lignes du réseau.

Le financement d’un service déconnecté de ses utilisateurs revient à l’assurer par d’autres moyens, notamment la fiscalité qui pèse sur tout le monde. Le « gratuit », ça n’existe pas. Un coût doit être assumé d’une manière ou d’une autre. Si vous vous posez la question, c’est que le payant c’est vous.

Outre ces considérations philosophiques de grande ampleur, il faut envisager les deux facteurs relatifs du coût et de la recette.

Pour cette dernière, si dans notre territoire, le nombre d’entreprises augmente, le « VM » pourrait s’accroître. S’il baisse, par exemple lors d’une crise économique, le produit attendu ne sera pas au rendez vous. Dans ce cas, seules des subventions compenseront le manque à gagner. Leur avantage, à l’inverse du prix d’un ticket de transport, est connu : elles n’ont pas de limites.

Quant au coût, toutes les études démontrent qu‘aucune gratuité ne peut réussir si l’offre de transport ne se développe pas en terme de dessertes et de fréquence des lignes, sans parler de l’augmentation partout vérifiée – pour la première année habituellement – du nombre d’usagers.

Il y aura évidemment un impact financier à la hausse qui ne se résumera pas aux chiffres annoncés.

De l’argument multiforme

Au delà de ces considérations générales, il faut se pencher sur les arguments – nombreux – mis en avant pour justifier cette gratuité des transports dans le Douaisis.

Certains sont amusants comme l’intérêt de la disparition du contentieux des fraudes dans les bus d’Evéole qui encombrerait le tribunal de Douai. Il en effet plus efficace de supprimer une règle que de la faire appliquer. Basique.

On a aussi la question de la « mise à jour » du système de billetterie. On lit ici ou là qu’elle aurait coûté 3 millions, exactement le montant – annuel – de la gratuité comme décrit plus haut. On peut regretter toutefois la mise au rebut d’infrastructures commerciales (les câblages, les bornes etc.) qui ont eu un coût. On a certes l’habitude en matière de transports de dépenser pour rien mais la question doit se poser.

Une autre justification, plus subtile quoiqu’elle aussi courante chez nous (cf la BNF ou le boulodrome), relève de la fierté collective locale. Irrationnelle, elle dépend plutôt d’un marketing territorial habilement distillé. Le SMTD serait « le plus grand réseau de France » à mettre en place la gratuité des transports avec ses 220 000 habitants dans le territoire. Nous devrions donc être reconnaissants d’une décision qui lui donne une image positive de modernité solidaire.

Cette gloriole confond habitants et voyageurs, sachant que sur ce point la performance de notre réseau est médiocre. La moyenne des voyages par habitant des très grandes agglomérations (plus de 400 000 habitants) est de 200 tandis qu’elle est dix fois moindre dans les plus petites (moins de 50 000 habitants). Le taux du SMTD apparait encore plus faible quand on considère la population concernée : 11 voyages par an par habitant du Douaisis.

Si on retient la taille du territoire, la gratuité apparait de plus discutable en termes financiers. Plus un réseau est étendu et plus sa rentabilité peut être forte, dès l’instant l’usager paie une partie du coût. Cette surface permet un bon taux de couverture des dépenses par effet de masse et de seuils. Dans les agglomérations les plus importantes, il approche les 40% tandis que les plus modestes atteignent péniblement les 15%.

Un grand réseau génère par définition de forts besoins d’investissements. L’option de la gratuité le prive de ressources alors même qu’il doit assurer constamment la qualité et la variété d’un service dont la taille génère des coûts considérables.

Le cas de Dunkerque, encore une fois, est éclairant. L’agglomération a refusé de toucher au taux du VM qui est resté à 1,55% (pour un produit de 27 millions d’euros). Par contre, le besoin de financement ayant augmenté, l’apport du budget communautaire a été multiplié par deux, passant de 11 à 22 millions.

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Donc si on résume, la gratuité, décidée un peu rapidement, ne parait pas trop chère quand on considère son financement actuel et la faible utilisation du réseau par les habitants du territoire. Nous examinerons, dans l’épisode suivant, les conséquences possibles de ce choix en nous appuyant sur diverses approches dûment documentées.

BNF: tout ça pour ça!

BNF Douaisis

Bon, comme personne n’en parle, Douaivox® doit se dévouer. Pas la peine d’être long. Rappelons simplement les paroles de notre président départemental quand ont été connus les résultats du fameux « appel à manifestation d’intérêt » de la BNF. Tout le battage construit avec nos sous pour espérer qu’on installe chez nous son entrepôt de la presse n’a conduit à aucun résultat.

Souvenez vous. On devait tous se mobiliser pour le livre, ce truc sublime éclairant l’avenir du Douaisis et du monde. On avait même intérêt à le faire. Toute critique pouvait mener à l’excommunication civique pour crime de lèse-Gayant.

C’est Amiens, avec le soutien de l’ex presque président de la République, qui touche le gros lot et pas le Douaisis. Le boss est magnanime : « ce qui a fait la différence, c’est l’avis du personnel de la BNF, ce qui s’entend et se comprend. Le site amiénois va se situer en centre-ville» . Notons les justifications de l’échec. Choisir Flers comme implantation était donc idiot… Fallait mettre l’entrepôt dans Douai…

Dans tout ratage, se trouvent toujours, en cherchant bien, des raisons de se réjouir. Déjà et pour une fois, une fausse bonne idée ne s’est pas transformée en éléphant blanc payé par nos impôts. C’est déjà ça de pas pris.

On a en plus la possibilité, pour le coup, de mesurer immédiatement, sur un sujet précis, la compétence de nos élus professionnels. Quand un projet discutable ne dépend pas d’un conseil communautaire aux ordres, ça peut planter. C’est rassurant.
Ce constat sera plus compliqué à faire pour ces machins absurdes qui parsèment le Douaisis depuis une décennie. On découvrira un jour qu’ils étaient aussi coûteux qu’inutiles. Personne n’en sera responsable.

Sur ce fond bien connu d’impunité douaisienne, cette hystérie collective a d’abord été construite par nos parrains dans la perspective de leur réélection. L’entrepôt de la BNF sera ailleurs ? Pas grave. Les gogos y ont cru quand il le fallait. Le mandat est conservé. L’objectif est atteint. Les affaires continuent…

Douaixit en vue !

Un clash à Douaisis Agglo

Clash à Douaisis Agglo. Pour une fois, on ne parle pas pour notre chère CAD du cash qui en dégouline, encore que ces termes ne sont pas si opposés quand on observe le déroulement du dernier conseil communautaire.

Au fond les problèmes de cash ont provoqué le clash.

Douazizaglo débloque

Les douaisinologues dont nous sommes ont regardé en effet avec intérêt la passe d’armes musclée qui s’est déroulée entre Christian Poiret, le parrain départemental, et Frédéric Chéreau, le maire de Douai. Ce dernier, ulcéré de l’attitude méprisante et agressive du premier a quitté la séance avec fracas, emmenant  avec lui son équipe et quelques partisans des communes voisines.

Le point de départ est anodin. Une sombre histoire d’arbres coupés sans l’autorisation de la commune. Enfin, anodin en apparence car quand on regarde de près, nous avons un symptôme de tout ce qui débloque dans notre Douaisis.

D’abord, on comprend à demi-mots que cette bonne ambiance découle du risque mortel que court le président au carré (Douaizizaglo® + département). Le recours formé par Frédéric Chéreau auprès de la justice à la suite des élections départementales va être en effet bientôt jugé.

Avec quelques centaines de voix d’écart (345 sur 42514 inscrits), il y a un sujet pour notre parrain. S’il est invalidé, il lui faudra – si éligible – recommencer l’opération dans une configuration autrement plus compliquée qu’au mois de juin.
Mal élu, le président d’un des plus gros département de France est un colosse aux pieds d’argile. Il peut tout perdre sur ce coup de dé. On comprend sa fébrilité et l’agressivité envers celui qui incarne ce danger.

Il y a probablement aussi dans ce jeu d’oppositions, des deux côtés, des postures qui préparent l’avenir. Gardons les en tête, ce sera plus clair pour tout le monde.

Douaizizaglo s’occupe de tout

On découvre au détour de cette péripétie – ce n’est pas nouveau – le principe d’extraterritorialité qui paraît à présent revêtir toutes les interventions de la communauté d’agglo dans la commune. On se croirait dans l’Union Européenne quand elle nous vend pour notre bien ses normes supérieures.

On a ainsi les projets fous du Raquet menés sans tenir compte des avis de la municipalité mais aussi, comme le prouve l’algarade communautaire, des projets plus modestes qui foulent aux pieds son pouvoir, sinon ses choix écologiques, sur son propre territoire.

L’absence du moindre contact entre les deux entités politiques depuis les élections est surréaliste. On ne répond pas du côté de l’agglo aux courriers du maire tandis que les relations quotidiennes sont inexistantes.
Les différends se règlent donc au sein d’une instance qui n’est pas faite pour ça. Faut pas s’étonner que ça coince. Dans ce blocage, ne jamais oublier que celui qui a le pouvoir en est responsable par définition, puisqu’on a d’un côté celui qui peut et de l’autre celui qui ne peut pas.

Douaizizaglo « travaille »

Il y a dans ce conflit, surjoué du côté de Douai, outre la trouille du boss décrite plus haut, son désir de se faire bien voir des habitants de la ville centre.
Son discours de « protection » par devers eux, ces refrains du « on travaille, nous » font quand même sourire. On travaille d’accord mais pourquoi et pour qui ?
Douai Vox a suffisamment interrogé l’intérêt de ces projets dispendieux pour ne pas mettre en doute l’utilité d’un tel activisme.

Il est d’ailleurs à souligner à chaque fois qu’il la ramène sur ce terrain, qu’on a vraiment l’impression que le seigneur de Lauwin-Planque les finance de sa poche. Il serait bon qu’il n’oublie jamais qu’ils sont payés par nos impôts comme le sont ses confortables indemnités, ses importants frais de bouche et ses luxueux moyens de transport.

Quant à la théorie du « bouclier » de Douaizizaglo® contre son méchant maire, il suffit d’analyser les résultats des élections départementales pour vérifier le soutien dont il dispose dans la capitale. Le vent du beffroi ne se tourne pas vers le président de l’agglo. Il faudrait être aveugle pour soutenir le contraire.

Douai n’est pas soluble dans Douaizizaglo

Au final, cette bagarre à la Don Camillo est révélatrice de sa conception très particulière du débat et de la négociation. Deux positions sont attendues : l’adhésion ou la soumission. Cette incapacité au compromis pour un commercial de métier est surprenante.
Souvenons nous de ces invraisemblables nominations de vice-présidents au mépris de toutes les règles démocratiques. Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument. La toute puissance n’est jamais bonne conseillère.

Cette gestion incroyable qui défie toute logique, sauf celle d’un pouvoir personnel que rien ne limite, fait ressortir avec un peu plus d’acuité l’absurdité des règles d’une communauté d’agglo qui nie les droits de Douai dont pourtant tout provient.

Super Chéreau survole le Douaisis

Probablement préparée depuis quelques temps, il faut voir l’esclandre douaisienne au conseil comme le premier pas de la seule stratégie possible pour la commune placée devant ces blocages absurdes.
Quand vos droits sont niés, que votre parole est devenue inaudible, qu’un conseil d’agglomération n’est qu’une chambre d’enregistrement, outre l’option du clash, il faut investir un terrain plus vaste. Celui qu’un parrain ne peut contrôler, la bataille de l’opinion publique.

En ces temps troublés, n’ayons pas peur, le Douaixit devient une option qu’on doit mettre sur la table. Franchement, il aurait une belle tête le logo aggloméré ainsi actualisé : « Sis Agglo »

Boules et patins au Raquet

Patin au raquet à douai

Il est juste temps d’analyser, à la suite de notre article sur le projet séculaire du Raquet, les deux opérations sur lesquelles, faute d’habitants, repose à présent son incertain salut.

Notons une fois de plus que ces machins sont directement sortis du cerveau de notre président candidat. Fi des oppositions et autres appels au bon sens dans une région pauvre où l’argent public est aussi rare que cher.
Si Christian Poiret pense que c’est bon, rien ne peut le faire changer d’avis. C’est la force bien connue du pouvoir absolu. Je dépense donc je suis : « le rayonnement du Douaisis passe par le boulodrome et la patinoire ».

On a un doute. Regardons de près ce qu’il en est.

La réfrigération sauve l’écoquartier

Le second projet est moins avancé que le premier. Peut être sera-t-il encore possible de l’arrêter, sachant que la patinoire coûte en gros le double du boulodrome : 15 millions d’euros.

Comme toujours, le Grand Timonier balaie d’un revers de main les appels à la prudence devant un tel investissement (n’oubliez pas l’apocope habituelle : prononcez « invest’ », autre variante possible : « c’est du cash »).
Il y aura, c’est du futur et pas du conditionnel, de la fréquentation de masse, du patinage artistique et des clubs de hockey, c’est sûr et certain. Payez contribuables, l’intendance suivra.

Relevons – c’est une technique de commercial – que les arguments qui précèdent exposent les facteurs du succès d’une patinoire. Agiter d’emblée les points faibles en les présentant comme des points forts est imparable. C’est un métier.

Il y a en France une « grosse centaine » de patinoires dont la moitié par tradition montagnarde se trouvent dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. L’histoire de ces équipements, « boostés » après les jeux de 1968, est marquée par deux malédictions : le déficit et l’obsolescence.

Il faut avouer que leur bilan carbone transformerait tout climatosceptique en écolo intégriste. La succession infinie des lois européennes sur les gaz de réfrigération le démontre aisément, sans parler des remises à jour onéreuses qui en découlent régulièrement.
Il y a aussi les insuffisances du modèle économique. Où que ce soit, le coût de gestion ne passe jamais sous 700 000 euros annuels. Autrement dit, faute de recettes égales, l’argent public doit toujours équilibrer le budget.

Les patinoires sont à la rencontre de deux logiques. D’abord leur configuration (taille et nombre des pistes, existence de services annexes, capacités d’ouverture) et ensuite leur usage (grand public, clubs, prestations diverses).

Cela revient à dire que la dimension de l’outil commande logiquement le bilan coût avantage. Plus on est gros et diversifié, plus on augmente le chiffre d’affaire mais les charges s’avèrent alors beaucoup plus lourdes. En bon français, on appelle ça une aporie. Il est compliqué d’en sortir.

Si les associations sportives (hockey, danse, patinage…) peuvent apporter une redevance sinon des spectateurs payants, elles occupent des plages horaires qui empêchent le public d’accéder aux installations.
Ses entrées sont pourtant plus rentables que les recettes des clubs, souvent aléatoires. Pour autant, aucune patinoire ne peut survivre sans eux, source indispensable de communication et, accessoirement, d’aides gouvernementales.

Quoi qu’il en soit, il n’existe pas de clubs de glace dans le Douaisis. Si la fonction crée l’organe, il est quand même curieux de devoir débourser 15 millions d’euros pour les rendre possibles. Habituellement, les patinoires sont construites pour répondre aux demandes d’associations existantes et pas le contraire.

Au delà de cette hypothétique création, inutile d’insister sur la complexité du monde du hockey, mauvaise copie en France des modèles d’outre-Atlantique. Il n’est pas rare en effet qu’un vainqueur de la confidentielle « Synerglace Ligue Magnus » se retrouve l’année suivante en dépôt de bilan, sans parler des championnats qui ne peuvent se réunir au complet faute de moyens financiers.

Reste donc, pour équilibrer les comptes de notre futur « éléphant blanc » comme neige, la fréquentation du grand public. Le président répète à l’envi un chiffre de « 70 000 entrées annuelles » gravé dans le marbre à force d’être cité. Ce montant ne correspond pas aux prévisions initiales qui auraient fait, paraît-il, l’impasse sur le public venant du Pas de Calais.

Loin de ce nuage de fumée, plusieurs patinoires adeptes de la transparence présentent des bilans intéressants pour mesurer l’enjeu. Situées dans de grandes agglomérations, leur fréquentation provient à 60% de la métropole et même à 40% du centre-ville. A peine un tiers relève du reste du territoire. On ne fait pas des kilomètres pour faire du patin, c’est un attrait de proximité.

A Brest, chiffres vérifiés dans une métropole prospère qui pèse 140 000 habitants au sein d’une agglomération de grande dimension, la fréquentation de la patinoire a été en 2017 de 80 000 personnes dont 60 000 relevant du grand public.  Dans ce dernier groupe, les scolaires comptaient pour 15000, volume à peu près identique à celui des spectateurs des manifestations sportives.

Plus éclairant encore, la piste bretonne équilibre le produit du public avec celui des clubs, chacun apportant par an environ 300 000 euros au budget. Si on ajoute les recettes annexes (80 000 euros issus de la cafétéria et diverses prestations), ces abondements cumulés ne comblent pas les charges qui approchent du million. Il revient donc à la communauté d’agglomération de compenser le « trou », soit près de 300 000 euros tous les ans

On aura donc tous capté que nous ne sommes pas dans le Breizh qui est autrement géré que notre pays (taux de chômage de 6%, nous c’est 11%), sans clubs à rayonnement national, sans fréquentation sérieusement prévisible.

Conclusion : la patinoire du Raquet va nous coûter bonbon.

Les boules sans les boulistes

Abordons à présent cette idée incongrue de boulodrome, « le plus grand au nord de Paris » et même « le plus grand d’Europe » que le monde entier va nous envier. Là, même si c’est moins cher que la patinoire, nous savons que c’est cuit, va falloir payer.
Quand on passe à côté, les pelleteuses et les toupies fonctionnent à fond. Le béton écologique et le bitume biodégradable recouvrent inexorablement la bonne terre agricole qui elle, pourtant, ne mentait pas.

Dessiné par une agence d’architecture lyonnaise, le bidule est un bâtiment de fortes dimensions : 170 mètres de long pour loger 64 pistes abritées et chauffées, (128 à l’extérieur), 6,50 m de hauteur sous la charpente, tribune de 2 000 places, espaces communs et hall de 8300 m2 . C’est du gros, c’est du lourd. L’idée du président candidat est celle d’une installation énorme dont la fréquentation massive serait la clé du rayonnement du territoire.

La communication mise au service de ce raisonnement n’échappe pas à une certaine contradiction.
En conseil communautaire, le président célèbre la modicité du prix du ticket d’entrée comme celui de la licence (45 euros par an) favorisant l’utilisation du boulodrome par les classes modestes. Il met dans la foulée l’avantage pour les hôtels de la région de recevoir, lors des compétitions nationales sinon internationales, des centaines de joueurs à fort pouvoir d’achat. Il faut choisir…

Par ailleurs, à l’inverse de la patinoire exempte du moindre club sportif, le boulodrome se trouve en concurrence avec une impressionnante diversité d’associations et une étonnante multiplicité de locaux, parfois rénovés depuis peu par les communes.
Si on en croit leurs déclarations, ces équipes locales, y compris celles de Douai, ne sont pas vraiment enthousiastes à intégrer un monstre dans lequel elles devinent sans peine qu’il fonctionnera sans qu’on leur demande leur avis.
On peut aussi subodorer qu’interviennent ici d’autres considérations plus obscures, ainsi les célèbres buvettes qui apportent à ces clubs, au grand dam de nos cafetiers, les moyens d’exister et peut être plus. Cette manne sera confisquée par Douaizizaglo® pour son seul bénéfice.

Quoi qu’il en puisse être, une fois encore, on reste sans voix devant l’absence de la moindre discussion avec ces associations modestes, pour le coup, afin de vérifier leur adhésion au projet. Il n’est pas impossible qu’un boulodrome fonctionne avec des boulistes. Si ces derniers rechignent à l’utiliser, on peut s’interroger sur l’intérêt de sa construction.

Côté gestion, notre président candidat a évoqué un « club résident communautaire » qui sera en charge du site. C’est exactement le choix de Montluçon qui a dysfonctionné rapidement. Le bénévolat qui était à la base du système n’a pu assurer toute l’ouverture souhaitée tandis que les recettes ont été insuffisantes pour équilibrer le budget (30 000 euros) en dépit du soutien de l’agglo qui réglait les factures de viabilisation (eau, électricité, gaz).
Réorganisé, le boulodrome a pu redresser la situation en réduisant l’ouverture hebdomadaire et en allant chercher d’autres bénévoles. Pour autant, la demande des associations est aujourd’hui celle d’un recrutement d’agents payés par la collectivité pour assurer la survie du local.

Beaucoup plus important en taille et en usage, le boulodrome du Raquet devra passer par la case embauche, laquelle comme nous le savons tous, est une charge qu’on installe pour des décennies. Cette dépense sera connue à l’inverse de la plus-value de l’invention qui reste, comme toujours, non mesurable.

Pour conclure, nous avons compris qu’une fois de plus, comme tout ce que nous vend le président de Douaizizaglo®, il faudra passer à la caisse. Enfin, pas la sienne, la notre.
Son esprit fertile en idées ne va pas se tarir. Il lui reste à nous offrir d’autres projets d’exception, plus gros, plus grands. On ne « va rien lâcher » dans la dépense. On peut lui faire confiance.
On imagine la peur au ventre pas mal d’éventualités : une ferme à mille vaches, un Disneyland ou, mieux, un championnat de Formule 1, évidemment à rayonnement international.
Nous les aurons mais peut être pas…