Eloge du clivage

eloge du clivage -non à l'unanimisme

Les ravages de l’unanimisme

Une des clés pour comprendre le fondement de notre vie politique locale est l’unanimisme qui teinte toutes les décisions de nos élus. Pour le nouvel arrivant, habitué aux conflits et débats qui se produisent partout ailleurs, ce trait étonne. Il est encore plus surprenant quand nos représentants célèbrent cette concorde comme un avantage unique, du genre de ceux que monde entier nous envie. Le message est répété : « On s’entend, tout va bien ». Au final, cela revient à dire à l’opinion : circulez, y’a rien à voir. 

Le Douaisien aura repéré que cet unanimisme sacré est un moyen très efficace de faire taire les critiques et surtout de s’en défendre. Nous engageons nos lecteurs à compter les fois où on entend dans les médias ou ailleurs, après la découverte fortuite d’un ratage, que « tout le monde était d’accord ». La décision d’un seul devient par cette grâce l’affaire de tous. Ce n’est pas bête.

L’ignorance est mère de l’unanimisme

Qu’on ne s’y trompe pas. Cet unanimisme désastreux ne provient pas, comme un observateur distrait pourrait le croire, de la prescience de nos décideurs, génies vivants capables de distinguer, dans une forêt de complexité, le sentier lumineux de la vérité. Il provient de stratégies délibérées qui visent toutes à obtenir ce bien pratique résultat.

Il y a d’abord l’organisation consciente de l’absence d’expertise. Ceux qui votent dans ces assemblées et autres conseils ne connaissent pas grand chose aux dossiers sur lesquels il sont appelés à trancher. Les intéressés, pour se défendre, diront que ces choses sont très techniques et qu’au fond il n’est pas très important de tout connaître. Ils ajouteront enfin, selon le principe d’immanence évoqué plus haut, qu’ils font totalement confiance aux chefs qui décident pour eux.

Pas de concurrence

Il y a ensuite l’autre bout de ce qui précède. 0n ne met pas d’élus spécialistes tout près de soi pour éviter qu’ils puissent un jour faire de l’ombre. Ayant beaucoup de mal à gérer la contradiction, nos patrons ont soigneusement organisé leur pouvoir dans une configuration qui les protège de toute menace. L’exemple vient d’en haut. Regardons le profil des suppléants de nos députés et autres sénateurs. Quand ils sont non conformes, à l’exemple de celle de Dimitri, la mise au pas est immédiate.

Regardons encore notre conseil municipal où, hors une opposition d’ailleurs bien hétérogène, tous les membres opinent en silence. Dans cette masse, nous serions bien incapables de repérer la moindre parole audible, c’est à dire experte. C’est un des charmes de notre belle cité que sa capacité de consentir sans dire un mot.

C’est pire encore dans notre Douaizizaglo® où siègent pourtant des maires qui devraient savoir de quoi il en retourne. Peut être qu’ils n’y comprennent rien, ce qui serait inquiétant. Préférons croire que l’explication d’un soutien si attentif se trouve ailleurs. Ils se gardent bien d’amener la contradiction parce que le prix à payer serait bien trop cher comme certains l’ont déjà expérimenté.

Speak No Evil, See No Evil, Hear No Evil

La critique n’abîme pas Douai

L’unanimisme provient enfin d’une confusion sur le statut de la critique. Quand Douai Vox© brocarde les élus, notre ville n’y est pour rien. Imaginer que ce discours écorne son image est un contre-sens. C’est d’ailleurs l’argument de ceux qui ne souhaitent pas voir étalées leurs insuffisances.

Le discours est connu « on sème la zizanie, on dresse les gens les uns contre les autres, on joue le jeu des extrêmes », bla, bla, bla…


Quoi de plus terrible que de découvrir des Lillois qui ignorent jusqu’aux Gayants mais qui connaissent dans les moindres détails, un sourire aux lèvres, les péripéties du « tramway douaisien qui n’est qu’un bus » ?

Tous ces accidents industriels n’auraient pu exister si la posture de nos représentants n’avait pas été si unanime. L’affaire du tramway, bien sûr, peut être aussi le Raquet qu’il va falloir un jour regarder de près, mais encore toutes ces petites décisions qui mises toutes bout à bout posent problème. Elles sont bien plus dommageables pour la ville que les critiques envers les élus qui, pour le coup, sont les responsables de ces décisions absurdes.

L’utilité du clivage

Le paradoxe c’est que ces dissonances sont pourtant indispensables. Rien de pire que des débats dans lesquels personne n’apporte une contradiction dont les avantages sont connus. Chacun sait qu’elle oblige à préciser ses vues et à rendre des comptes. Elle force surtout le décideur à la prudence.

On ne pourra sauver notre territoire, parce qu’il s’agit bien de cela, avec les mêmes recettes et les mêmes équipes. Il faut casser le cadre, s’émanciper de cette eau tiède qui prévoit par exemple, dès qu’un bâtiment est vacant d’y mettre des logements sociaux, des sièges d’institutions publiques locales, des piscines déficitaires ou des patinoires que personne ne demande.

On ne peut sortir Douai de l’ornière si la ville choisit les stratégies des équipes précédentes ou des politiques identiques à celles de ses voisines. Il faut une fois encore incarner la différence qui ne peut découler que d’une rupture. Car l’inefficacité des actions se fracasse sur l’absence de stratégie générale. Comment ne pas relever tous ces tournants historiques que nos élus n’ont jamais su prendre le moment venu?

Tant de virages loupés

Le ratage de la mobilité est le plus flagrant. Cela concerne le vélo qui reste à améliorer, la voiture sur laquelle nous avons tant parlé, le tramway qui est hors concours, le TER qui souffre et enfin le TGV, service public de moins en moins public.

Le ratage de l’équilibre social a commencé depuis longtemps. Il plonge ses racines dans un prêt à penser si souvent repéré. 35% de logements sociaux dans la ville et des élus qui en remettent des couches. La diversité, de moins en moins évidente, est pourtant la clé du renouveau.

Le ratage de la santé concerne tous les habitants du Douaisis. Nous avons dans cet échec, que sanctionnent nos taux de mortalité, les ingrédients de l’absence d’anticipation et de mobilisation de toutes les échelles de décision du territoire. Piscine, patinoire et boulodrome sont tellement plus vitaux.

Le ratage du numérique est le plus étonnant si on en juge par les déclarations martiales de nos représentants, Frédéric Chéreau en tête, présenté comme un spécialiste du sujet. Nos voisines se déclarent « smartcities » quand elles ne se lancent pas dans la gestion intelligente du « big data ». Mais qu’est-ce qu’on attend ?

Le ratage de la gouvernance, enfin, est au cœur de notre sujet. On pense à la manière dont Douaizizaglo® gère sa communication et, mieux encore, le débat citoyen qui précède les séances du conseil municipal, les conseils de quartier dont les délibérations sont rarement suivies d’effet.

Douaisiens, et si on passait à autre chose?

Moutons - clivage

Nestor aime la polémique douaisienne, surtout quand elle est enfouie sous des tonnes de silence. On peut trouver parfois un peu de mauvaise foi dans ses propos mais sans cette liberté, il n'y aurait d'éloges flatteurs.

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