Douai a connu récemment de vifs débats sur la sobriété énergétique des installations municipales rendue obligatoire par la guerre en Ukraine, « l’urgence climatique » et la disparition des espèces.
Est revenu du fond du cerveau des bénévoles de Douai Vox un moyen d’économie dont on nous avait beaucoup parlé voilà une dizaine d’années : le chauffage innovant de la piscine des Glacis.
La formule prophétique de la mairie nous oblige : « le temps déterminera si ce projet connait le succès escompté » . On y est, plongeons nous dedans.
L’égout salvateur
Au début des années 2010, en effet, était sortie du cerveau fertile de nos élus – à la mode Tram ou TVME – l’adoption d’un chauffage révolutionnaire : la cloacothermie.
Comme l’auront compris les habitués du célèbre « cloaca maxima » romain, il s’agissait de récupérer la chaleur des eaux des égouts pour la réinjecter dans le système de chauffage des bâtiments. Tout ça par une machinerie complexe faite d’inox, de boucle de Tichelmann, du méchant et redoutable « biofilm » .
Le système était, comme toujours, une « première nationale » et devait concerner la piscine des Glacis mais surtout la résidence Gayant, propriété d’un de nos impériaux « dodus dormants » locaux : Norevie.
Plus de dix ans après, le dossier doit être examiné sur les trois points qui commandent tout investissement d’envergure : le coût prévisionnel, les gains attendus mais surtout leur croisement qui doit aboutir au résultat concret.
Un coût variable
Il faut avouer que l’immersion dans les journaux qui présentaient le projet justifie cet effort quand on découvre la surprenante diversité des prix annoncés. Si on retrouve ses petits, les variations, toujours à la hausse, font craindre que l’addition finale ait été plus lourde que prévue.
Nous étions au démarrage aux environs de 600000 €, passés ensuite à 642000 €, pour enfin atteindre une somme dont on admirera la précision 667124 €, évidemment « hors-taxes » .
D’autres annonces plus récentes avouent 747000 € et même un peu après – ce sera le dernier prix connu – 870000 €.
On renâcle à évoquer l’addition des deux bénéficiaires (850 + 695 soit 1,55 M d’€) quand, en 2014, Suez faisait sa pub sur son système. Pour résumer, on doit être autour du « million » habituel, il est vrai atténué par une possible subvention de 400000 € offerte par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
L’ADEME a peut être ouvert sa bourse mais il faut supposer que nous ayons satisfait à son très exigeant cahier des charges. Il y a parfois loin de la coupe aux lèvres comme le montre la situation budgétaire de nos voisins lambresques.
Des gains à la louche
Pour les gains attendus, le mirobolant côtoie le modeste, le tout en forme de nébuleuse.
Le système devait économiser, si on comprend bien, 84 tonnes d’équivalent pétrole pour la ville et même 126 tonnes pour Norevie.
Le bailleur, qui n’était pas en peine de calcul, en annonçait un autre : une économie de 30 € par foyer de la Cité Gayant ou une réduction globale du coût annuel de chauffage de 47 000 €.
Du côté de la mairie, même communication triomphale : le dispositif devrait couvrir 53 % des besoins en chauffage « de l’eau et de l’air ambiant » de la piscine des Glacis.
Quand manquent les idées, nos grands-mères disaient qu’il fallait parler du temps. La technique est remplacée aujourd’hui par le propos écologique.
On affirmait, avant de lancer les travaux, que le gain pouvait aller « jusqu’à 90 % par rapport à d’autres sources d’énergie » mais encore mieux, qu’il évitait « jusqu’à 70 % des émissions de gaz à effet de serre » .
Des péripéties fluviales
Après toutes ces annonces mirifiques, le feuilleton de la construction de la « première nationale » n’a pas manqué d’épisodes croquignolesques.
Les travaux – et les dépenses qui vont avec – ayant à peine débuté, on découvre avec consternation que le bureau d’études qui devait évaluer la vitesse des effluents d’égout – dont dépendait l’efficacité du système – s’était fourvoyé dans ses calculs. Pire, en plus du problème de circulation, il apparait que le débit de « l’or sale » est insuffisant.
Ces constatations mettent le chantier à l’arrêt en septembre 2013. Dans ces cas-là, on tombe sur le responsable mais il a fait faillite. Il reste son assureur mais le combat est douteux, contentieux d’ailleurs depuis abandonné par la commune.
Norevie, refroidie, quitte le navire à ce moment, ce qui laisse la ville seule à assurer la suite.
La mairie réduit la taille du projet en dirigeant le « gain » vers la seule piscine des Glacis tandis qu’elle change l’emplacement de « l’échangeur à plaques » . Il passe du boulevard Hayez à la rue Montsarrat, ce qui l’éloigne bizarrement du local à chauffer, sachant que la proximité joue dans l’efficacité du bidule.
Selon les experts municipaux, le débit serait à cet endroit « plus important car des eaux usées du Raquet, du quartier des Épis et surtout, du centre hospitalier y affluent » . S’ils le disent…
Quoi qu’il en soit, après un arrêt de trois années, les travaux redimensionnés à la baisse ont repris, pour aboutir en juin 2017 à une mise en service saluée à grand renfort de dithyrambes. La planète sera sauvée par le sauvetage de la cloacothermie douaisienne.
Quelques ordres de grandeur
On ignore, dans le silence médiatique de six années qui ont suivi ces communications victorieuses, si le fameux système fonctionne réellement et surtout s’il rapporte autant qu’annoncé.
A la mise en route, le responsable technique municipal avait indiqué qu’il donnerait 1 degré en sus de ceux amenés par la chaudière, ce qui faisait passer la température de la piscine de 28,5 à 29,5° et même, paraît-il, 30° pour le petit bassin.
Il existe des télescopages amusants.
Lors du conseil municipal qui a acté en octobre dernier toute une batterie d’économies d’énergie, notamment le retour, la nuit, de l’obscurité médiévale dans nos rues, on avait dans l’inventaire la piscine des glacis.
S’y retrouvait cet important « degré » mais cette fois-ci en baisse de la température de l’eau qui permettrait une économie de 7000 € par an.
Amusons nous à rapporter cette valeur du précieux degré – ainsi connue – au coût de mise en œuvre de la cloacothermie, soit 870000 €. On obtient un amortissement en 124 ans et 67 ans si l’ADEME a réellement subventionné le machin. On est loin des dix ans annoncés.
Comme on aime chez Douai Vox les calculs à la graisse d’oie, on peut aussi s’amuser à reprendre les économies présentées par Norevie : 30 € par an par foyer soit un gain total de 45000 €.
Comme on compte 800 logements dans le quartier, le calcul donne plutôt 24000 € soit la moitié de ce qui précède. Cette somme ramenée à son tour au coût des travaux met l’amortissement à près de 40 ans (hors ADEME).
Autre calcul rigolo, le pourcentage d’économie sur une année de chauffage de la résidence en considérant un prix moyen d’énergie lequel, comme nous le savons tous, a considérablement augmenté depuis un an.
Bref, en restant modeste sur ce dernier facteur, on atteint un laborieux 8% de baisse de la note sur une année. On comprend que le bailleur ait quitté le navire dès qu’il a pu le faire.
On chauffe…
Il serait probablement injuste de mettre ces piteuses conclusions sur le seul dos de l’actuelle municipalité qui n’était pas l’inventeur de la chose.
Elle s’est trouvée devant un dilemme : arrêter le massacre et perdre le fruit d’une dépense déjà faite ou continuer en espérant récolter in fine un avantage, même léger.
Il y avait peut être aussi dans le maintien de cette idée la continuité d’un mandat précédent.
Quoi qu’il en soit, notons que nous sommes encore une fois, pauvres Douaisiens, en présence d’un dossier dont on peut légitimement s’interroger sur la façon dont il a été configuré du début à la fin.
Comment ne pas regretter qu’il n’y ait eu personne, à aucun moment, pour confronter ces chiffres, les vérifier, les critiquer, pour apporter un peu de bon sens dans cette course au « degré » unique ?
On a, certes, l’habitude en France de ces projets décevants qui coûtent peu puisqu’ils dépendent de l’argent public. Mais quand pourrons nous empêcher ces machins décidés – ça tombe bien s’agissant d’une piscine – au doigt mouillé ?
Max aime apprendre mais parle un peu souvent à la première personne. C’est un travers qu’il combat difficilement. Va falloir l’aider. Il adore la Scarpe et l’orgue de St Pierre, surtout les basses.
Un article qui ne peut qu’étonner le néophyte… Qui pensait, le gros nul que récupérer la chaleur des eaux de vaisselle, des douches, des machines à laver… Envoyées sous terre et vers les stations d’épuration à 30° se concevait parfaitement lors de la mise en œuvre d’un réseau d’assainissement collectif. L’investissement étant mesuré, le rendement devenait forcement intéressant !
Le faire après, c’est à dire en perçant des voiries, en mettant à nu les conduites qu’il faut alors tuber d’un sarcophage récupérateur, ça coûte quand même un peu… Non ?
On entre là, une fois de plus dans une opération de communication, dont la résultante est d’abord d’afficher dans les journaux télévisés, en mal de « sujets », un évènement dont on se gardera bien de dire combien il a coûté et combien d’années il faudra pour l’amortir, si d’ailleurs cela est possible…
On pourra bien sûr décerner un prix de l’innovation, ça ne coûte rien !
Le contribuable n’y verra que du feu, puisque l’opération n’a pas coûté cher… Subventionnée par l’argent magique des agences, des fonds d’innovation, qui on le sait bien n’ont rien de commun avec l’impôt…
Le calcul de rendement étant réalisé sans l’imputation des agios si l’affaire n’a pas été conduite en auto-financement… On pourra entrevoir la sortie du tunnel de l’égout quelques années après, en réalité 30 ans plus tard, quand le système serra obsolète.
Fallait-il le faire ou non ? Pourquoi pas, puisque ces données prises en compte dans le monde de l’entreprise ne le sont pas dans ce type d’aberration…
Autre gabegie du même tonneau des Danaïdes… Bien que les études démontraient que l’installation de turbines sur les cours d’eau locaux (à Courchelettes, Lambres, Goeulzin) n’avait pas de sens ! La hauteur des chutes d’eau, les variations de débit ne permettraient pas de produire assez de courant pour rentabiliser l’investissement ! Eh bien « on » l’a fait quand-même à GOEULZIN !
Arrêtée sur plainte des riverains pour le bruit généré par la turbine, de coûteux investissements complémentaires ont été réalisés pour l’insonoriser !!!
Elle produirait du courant… Plus qu’une dynamo de bicyclette et elle a surtout permis des « sujets » sur les émissions de TV qui nous disent que nos régions ont du talent… Et que le maire de cette commune est l’homme de l’année…
Si l’eau se raréfie, on pourra bien sûr accoupler des ânes à la manivelle…
Rien à retirer de cette excellente analyse !
Un article comme je les aime, documenté et sarcastique, pointant du doigt (encore une fois) les dérives de nos élus malheureusement irresponsables. La question est : que peut t’on faire pour stopper ce mépris au sérieux, à l’intelligence, au respect des contribuables et des citoyens ?
Douai Vox dénonce, titille, informe… les « contribuables vigilants » (asso récemment créée) se mobilise, preuve que le problème pose problème mais qui dans la presse locale pour le moment largement diffusée, qui pour appuyer sur les pustules identifiées ??
Le pseudo « pouvoir des urnes » ? Nous sommes otages d’une caricature de démocratie, le clientélisme est Roi, la désinformation Reine, l’opposition molle !
Le « cadeau empoisonné » des investissements hasardeux et somptuaires devra être géré par la génération aux salaires proches du smig, ingérable !
J’en appelle à Chatgpt pour résoudre nos problèmes, je vote dans ce sens aux prochaines élections…
Vous avez compris que cet articulet n’est que le fruit d’investigations à la portée du premier venu, lequel visiblement n’existe pas dans le Douaisis 🙂
Bien sûr que ces investissements stupides seront payés par les futures générations : « après moi le déluge ! »
Espérons, en effet, que les « Contribuables » dont vous parlez sauront examiner ces coûts et leurs résultats réels pour réussir à réveiller l’opinion.
Merci Aginda !
En complément sur la mirifique « micro centrale électrique » de Goeulzin qui a fait couler plus d’encre que d’électricité :
1- choix de la technologie adapté au débit ?
2- nuisances qui en découlent pour les riverains prises en compte ? … après coûts…
3- rentabilité hors subventions ? Malheureusement, nous ne serons plus de ce monde pour fêter le retour sur investissement, nonobstant la flambée du coût de l’énergie.
4- Ne pas oublier que l’investissement total dépasse allègrement les 500K€, on ne nous dit pas tout dans les « zinfos » sur l’utilisation des subventions (notre argent, quoi…).
5- les économies d’énergie avaient déjà pour partie bien été obtenues par le passage aux LED de l’ ensemble de l’éclairage public quelques mois auparavant… comparaison biaisée ?
6- et les coûts de maintenance… présents et surtout à venir… Révision générale ?
7- et pour les croyants : « Oh Saint-Esprit, donnez-nous vos lumières » nous, nous ne croyons que ce que nous voyons… le Messie ne nous a pas convaincus.
Belle démonstration, Archimède ! Gouverner c’est prévoir, ce n’est pas dépenser 🙂
Félicitations à toute l’équipe de DOUAI VOX pour rétablir un peu de vérité sur les utilisations plus ou moins justifiées de NOTRE argent!
Et voilà, la confiance n’exclut pas le contrôle… nous déléguons la responsabilité et en retour, qu’obtenons nous?
Des édifices dignes de Ceaucescu, à la gloire du Prince omnipotent…et à la charge du contribuable.
La confiance devrait se mesurer lors des scrutins électoraux. C’est visiblement rarement le cas dans le Douaisis mais il ne suffit pas d’espérer pour entreprendre.
Merci Anaxagore !