Le Couvent des Capucins

couvent des capucins

Nos beaux et vieux bâtiments… vides (3)

Ville historique au riche patrimoine, Douai possède une caractéristique frappante : la présence dans ses rues de nombreux bâtiments anciens, parfois énormes, souvent classés mais… vides.

Un bâtiment bientôt désaffecté

Cette fois-ci, on triche un peu car ce bâtiment exceptionnel est en théorie occupé par le centre d’information et d’orientation (CIO), organisme chargé d’accompagner les élèves, voire des adultes, dans leurs parcours professionnels.

couvent des capucins - entrée du CIO

Le réseau des CIO connait actuellement en France une profonde évolution. La réforme en cours, qui répond au transfert de ces compétences vers la région, prévoit qu’à terme que chaque département n’ait qu’un centre public d’orientation et que l’action des conseillers soit concentrée prioritairement dans les établissements scolaires.

Il est vrai que parcourir le site internet du CIO de Douai, qui n’a pas été actualisé depuis 2017, ne donne pas l’impression d’une activité intense. Quoi qu’il en soit, le départ de cette structure n’est plus qu’une question de temps. Il faut donc s’y préparer, anticipation qui, le lecteur en conviendra, se voit peu dans notre ville.

Le Couvent des Capucins

Les Frères mineurs capucins constituent un ordre monastique relativement récent. Lié à l’ancienne famille franciscaine, autorisé en 1528 par le pape Clément VII, il n’a obtenu qu’en 1574, de Grégoire XIII, la liberté de se répandre partout dans le monde.
Introduit en France à cette date, l’ordre y a connu un grand succès. Ce dernier a été plus flagrant encore dans les Flandres où les pères capucins (dont l’habit comporte un capuchon qui explique leur dénomination) ont appuyé avec efficacité l’action de la Contre Réforme.

Appelés à Douai par le doyen et les chanoines de St Amé en 1591, la présence des capucins dans la ville a été régularisée par une bulle papale en 1618. Le plan relief de 1709 montre leur couvent qui présente peu de points communs avec celui d’aujourd’hui.
La ville, lors de la Révolution, a réussi à prouver son droit de propriété sur les bâtiments. Cette décision a évité leur vente en bien national qui aurait été suivie, à l’exemple de la collégiale, par sa probable destruction.
Les lieux ont toutefois été vidés de la douzaine de tableaux qui s’y trouvaient mais surtout de la bibliothèque dont les volumes ont rejoint le fonds municipal.

Le couvent des Capucins en 1709
Le couvent des Capucins en 1709, Mémoires de la SASA, 1903-1904.

Le siège de la Société d’Agriculture

En 1812, le cloître et l’église, proches de la rue d’Arras, démolis, ont libéré un espace aménagé en jardin tandis que le bâtiment principal, probablement construit au XVIII° siècle, donc récent, a été offert à la «Société d’agriculture» de la ville.
Fondée en 1799, d’abord dédiée à l’innovation agricole comme son nom l’indique, cette société savante dont peu de cités peuvent s’enorgueillir en termes d’ancienneté, s’est ensuite diversifiée vers les lettres et l’histoire, célébrant jusqu’à aujourd’hui le patrimoine de Douai.

Outre une salle de réunion, la bibliothèque de la société, installée dans les locaux, offrait aux amateurs des ressources imprimées originales. Plus encore, des serres abritant des variétés exotiques, construites sur un côté de l’allée centrale permettaient outre d’acclimater des essences rares, de les faire connaitre aux promeneurs dans la plus belle tradition physiocratique du siècle des Lumières.

couvent des capucins -entrée du parc Duhem- ville de douai
Entrée du jardin des Capucins, aujourd’hui de Rémy et Henri Duhem. Ce dernier, père du premier, avocat et peintre, possédait la demeure située à gauche dont l’atelier devenu municipal est toujours visible.
jardin duhem
Au fond à droite, emplacement des serres de la société d’agriculture transformées en parterres

Le « Jardin des Plantes » qui s’étendait de la rue d’Arras jusqu’à la caserne d’Esquerchin – le bâtiment des capucins étant placé au centre – a offert aux Douaisiens, dans une ville très à l’étroit dans ses fortifications, un lieu de promenade unique pendant près de 150 ans.

La fin du Jardin des Plantes

C’est à l’issue de la seconde guerre mondiale, à l’initiative d’André Canivez, que la Société d’Agriculture, des Sciences et des Arts (dénomination adoptée en 1926) fut dans l’obligation de quitter les lieux afin qu’ils puissent accueillir « un centre moderne d’orientation professionnelle » pour parler comme le maire d’alors.
Plus encore, le jardin, baptisé du nom d’Henri et Rémy Duhem (fils du premier, tué en 1915 aux Eparges), fut amputé de tout son espace arrière pour y construire la nouvelle école normale d’institutrices du Nord, aujourd’hui désaffectée.

Ses façades et toitures étant inscrites depuis janvier 1951 au titre des monuments historiques, on s’interroge sur la « remise à neuf » de l’époque évoquée par André Canivez quand on observe l’horrible ciment qui s’étend jusqu’à maintenant sur ces éléments pourtant protégés. Sans doute parce qu’il ne se voit pas, l’arrière du bâtiment, qui a échappé à ce zèle iconoclaste, renseigne sur son état originel.
C’est un livre d’histoire. On devine de nombreuses reprises, ainsi des fenêtres percées, bouchées ou modifiées en portes, mais surtout les traces de l’enduit à la chaux qui devait autrefois recouvrir les murs.

facade avant couvent des capucin -ville de douai
Façade du couvent rénovée dans les années 50. Si on aime le ciment…

Si la façade avant ne connait qu’un rang de fenêtres au rez de chaussée, l’arrière en présente deux. Avec ses combles de forte hauteur quasiment aussi élevés que les murs et sa couverture en ardoises, le couvent a de l’allure.
Les nombreux encadrements qui rythment la façade, mais surtout ses frontons triangulaires, dont celui de l’arrière percé d’un oculus, lui donnent une belle apparence. On sent ici une influence palladienne sinon classique que seule une restauration digne de ce nom pourrait sublimer.

couvent des capucins - arrière - ville de douai
Façade arrière du couvent

Besoin d’une idée originelle ?

Réinstaller la Société d’Agriculture, des sciences et des arts au Couvent des Capucins.

Outre une indispensable rénovation plus respectueuse de son apparence, le couvent des capucins doit renouer avec son passé originel. Il faut évidemment réinstaller la Société d’agriculture, des sciences et des arts, devenue foraine tant elle doit régulièrement changer de localisation, dans les locaux rénovés du couvent des capucins.
Imaginons en outre, dans la perspective du projet déjà évoqué du « quartier Co », la remise en état du Jardin des Plantes rendue possible par la démolition du bâtiment désaffecté de l’IUFM. Cet aménagement permettrait aux promeneurs de traverser la « coulée verte » ainsi reconstituée reliant la porte d’Esquerchin à la rue d’Arras.

Et si on reconstituait le Jardin des Plantes ? (plan Robaut, 1850)

Réintégrée dans son espace originel avec ses fonds historiques, la société, qui gagnerait peut être d’ailleurs à faire évoluer ses statuts, pourrait dans le couvent disposer d’une salle de réunion, d’une bibliothèque mais aussi d’espaces d’exposition. Pourquoi ne pas imaginer, ainsi que le prévoit la loi de 2004 un système de prêt des œuvres du musée de la Chartreuse, dans la multitude que le public ne voit pas parce qu’elle est dans les dépôts ? Des salles de séminaires, ouvertes à d’autres organismes ou des entreprises, pourraient se tenir dans ces locaux exceptionnels et modernisés, enrichis d’une offre de restauration proposée au public qui pourrait également profiter aux beaux jours, d’une terrasse sur le jardin à l’arrière du bâtiment.

Vous aussi vous avez des idées, partagez-les avec nous.

Max aime apprendre mais parle un peu souvent à la première personne. C'est un travers qu'il combat difficilement. Va falloir l'aider. Il adore la Scarpe et l'orgue de St Pierre, surtout les basses.

6 Comments

  1. Bonjour à votre équipe. J’ai bien apprécié votre site : de belles photographies mais surtout l’accent mis sur le riche patrimoine de Douai qui mériterait d’être mis d’avantage en valeur. Maintenant pour le « bien vivre » à Douai je propose quelques réflexions :
    – Repenser l’emprise « bus » : Une seule voie avec zones de croisements gérés par feux, récupération de parkings « bus » démesurés pour favoriser le stationnement des véhicules et matérialisation correcte des pistes cyclables et laisser de la place aux piétons. Revoir les itinéraires dans Douai.
    – Suppression des parcmètres : un disque de stationnement éventuellement. Il y a suffisamment de possibilités de se garer à Douai : parking possible par exemple derrière le bâtiment des industries agricoles, extension du parking des Capucins (accès rue d’Esquerchin) terrain occupé par des brouettes du service espace vert etc
    – Publicité alors « Douai une ville sans parcmètres » c’est nécessaire si on veut lutter contre les grandes surfaces et leur stationnement gratuit.
    – Commerces à Douai : taxation importante des vitrines inoccupées, des axes commerçants, dans le but de réduire les loyers et favoriser l’implantation de commerces ou activités diverses, l’idée est de réanimer le centre ville.
    – Les bâtiments du quartier Caux pouvaient accueillir la médiathèque créée à Cuincy plutôt que Douai. participe à son fonctionnement. Je pense qu’il faut s’occuper dans un premier temps d’un seul bâtiment et trouver son affectation.
    – Evidemment je suis pour la réinstallation de la SASA dans ses anciens bâtiments du couvent des Capucins
    (800 à 900 mètres linéaires de documents et d’archives et différents objets et maquettes) .
    Bonne continuation sur votre site et bien cordialement

    1. Cher Christian, de très bonnes idées dont on espère que nos candidats s’inspireront 🙂 Si tout le monde était comme vous, la ville serait sauvée. Merci de votre lecture attentive. La SASA est une vieille dame merveilleuse dont on peut effectivement regretter que nos édiles n’en prennent pas plus grand soin.

  2. Madame, Monsieur, Bonjour,
    Étant actuellement penchée sur la biographie du peintre Henri Duhem, je me permets de vous signaler une erreur dans la légende de la photo de l’Entrée du jardin des Capucins, aujourd’hui « des frères Duhem ».

    Si Henri Duhem (1860-1941) était bien avocat et peintre, par contre Rémy Duhem n’était pas son frère, mais son fils (1891-1915).

    Rémy (également avocat et peintre comme son père) est mort à 23 ans pour la France, tué au combat dans la tranchée de Calonne, aux Éparges (Meuse) ==> https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9my_Duhem

  3. Bonjour!
    Je rentre d’une promenade dans le jardin des plantes. Sous le soleil d’hiver, pour une fois bien présent, je me suis approché du couvent des Capucins en me disant que cet édifice n’a pas la place qu’il mérite dans notre patrimoine douaisien. Les faîtières en zinc de la toiture nécessiterait quelques réparations urgentes et une restauration de la façade « bétonnée », pour revenir à la brique traditionnelle (comme à l’arrière du bâtiment) en ferait un lieu significatif de détente et de culture (au propre comme au figuré!). On pourrait y célébrer des manifestations florales et inciter les promeneurs à venir flâner dans le parfum des fleurs à la belle saison. En tant que membre de la SASA, j’aurais bien sûr grand plaisir à voir revenir cette vénérable institution dans ces murs. Un peu loin du cœur de ville ce serait un ensemble propre à redynamiser (c’est à la mode !) ce quartier de notre belle cité.
    Méditez bien et bonnes fêtes de fin d’année 2021

    1. Oui, un très bel endroit, peut être d’ailleurs parce qu’il est oublié 🙂 Remettre dans ses murs cette vénérable institution pourrait constituer un objectif stratégique pour elle et… notre ville. Pas sûr que nos pauvres édiles aient cette idée en tête.

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