Paie ta flotte et tais toi !

Livré par un colporteur appointé dans nos boites aux lettres, le « Mag » de Douaisis Agglo débarque.
Si on fait abstraction du ridicule d’un organe de propagande payé par nos impôts, il s’avère une mine d’information quant à la frénésie de projets qui sortent du cerveau du président Christian Poiret.

Évolution = augmentation

Notre attention du jour se porte non pas sur ces annonces mirobolantes, leur temps viendra, mais sur un sujet plus trivial : l’eau, annoncée page 15 par un titre qui euphémise grave.
Pas « d’augmentation » , non, non, non, mais une « évolution du prix » dont on peut deviner, comme on est très malins, qu’elle a un lien avec un alourdissement futur de nos factures.

Une baisse, c’est l’hypothèse interdite, comme d’ailleurs un simple gel. Tout se dégrade, tout est plus cher, mais n’allons pas chercher ailleurs la solution du problème.

La distribution de l’eau n’échappe pas à cette facilité empruntée par nos élus sur tout et n’importe quoi, du traitement des ordures ménagères aux prélèvements des taxes foncières en passant par leurs indemnités.

La pluie sort des robinets

Disposer d’une eau courante en ouvrant un robinet est un prodige plus récent qu’on ne le croit. Dans les années 1920, à peine 20% des communes – les plus urbanisées – en disposaient à domicile.
La situation n’était pas brillante au sortir de la Seconde Guerre Mondiale : 70% des zones rurales n’étaient toujours pas desservies.

De fait, la couverture complète du pays n’a été réalisée qu’à la fin des années 1980, acmé de tous nos services publics comme on s’en rend compte de nos jours.
Dans le Nord, c’est à l’origine un simple syndicat intercommunal créé en 1950 qui s’est chargé de l’adduction des zones rurales.
Ce Noréade distribue aujourd’hui 750 communes des Hauts de France et même quelques unes au nord du Douaisis. Ailleurs, dans le territoire, c’est la communauté d’agglomération qui s’en occupe.

Noréade est partagée en deux finalités universelles qu’on doit toujours avoir en tête : l’eau et l’assainissement avec un prix qui est l’addition de ces deux facteurs.
D’un côté, le traitement des eaux usées et la gestion du ruissellement de la pluie bienfaitrice. De l’autre, les captages, la potabilisation puis enfin l’adduction de l’eau potable.

Agence de l’eau et gestion communautaire

L’agence de l’eau Artois-Picardie est – chose extraordinaire quand on considère ces deux termes – située à Douai.
Bras armé de l’État sur la flotte collective, son utilité interroge quand on sait que les communautés d’agglomération possèdent à présent cette compétence par obligation depuis 2014.

Douaisis Agglo gère ainsi « le cycle de l’eau » , lequel – pas de panique – est mis en œuvre par des prestataires privés (Véolia), dans huit communes de l’agglomération qu’il nous faut citer :
-Aubigny-au-Bac, Courchelettes, Dechy, Douai, Flers-en-Escrebieux, Fressain, Sin-le-Noble et Waziers. Noréade prend en charge les 27 restantes.

Les foyers « abonnés » découvrent donc dans le « Mag » le nouveau tarif, le mètre-cube (m³) passant de 3,62 € à 4,19 €.
Comme on aime les calculs rigolos, en prenant comme base la consommation moyenne par foyer français (120 m³ par an), la douloureuse passe donc de 435 €/an à 503 €/an, « petite » évolution de 68 €, soit 15%… Une paille…

L’organe de propagande indique que ce nouveau prix serait « un des plus bas dans la région » .
Ce baratin est facile à démonter. Hors la zone de Calais qui culmine à 4,5 €/m³, Lille est à 4,02 €/m³ et Dunkerque à 4,09 €/m³.
Encore mieux, ce prix, qui est n’est pas « TTC » , est en réalité plus élevé : 4,61 €/m³ à Douai.
Il faut ajouter en effet la TVA (7%), la ponction de l’Agence de l’Eau (13%), le reste du prix comprenant l’assainissement (45% part en constante augmentation) et l’eau (25%).

Tout augmente, ma pauvre dame

Toutes les justifications à la hausse ne sont pas sans rappeler celles de notre ancien président du SYMEVAD quant à l’inéluctabilité de la montée de la TEOM.
On y trouve l’ébouriffant « durcissement de la règlementation » (ah, bon, laquelle ?), la « hausse du coût de l’énergie » (on chauffe l’eau au gaz russe ?) et le « maintien du patrimoine » (on doit parler des canalisations romaines…).

On a du mal à comprendre que ces arguments n’apparaissent qu’aujourd’hui. Ainsi le redoutable « perchlorate » qui provient du TNT abondamment utilisé chez nous entre 1914 et 1918. C’était hier…
Il y a aussi les « fuites » du système que des études nationales établissent en moyenne à 20% de l’adduction. Nous serions, parait-il, très en dessous. Tant mieux, la dépense n’en sera que plus limitée.

S’ajoute « la lutte contre l’imperméabilisation » des sols, laquelle serait responsable des inondations dans le pays.
Il faut mettre des bottes et faire la guerre au macadam tout en espérant que le curage des fossés et autres caniveaux accompagne bien cette stratégie (CGCT L 2226-1).

On a enfin la « modernisation » des stations d’épuration. Il est vrai qu’on découvre jour après jour – au rythme de l’extension continue d’une réglementation bourgeonnante – des substances que notre territoire ignorait jusqu’alors.
Pas sûr qu’elles soient vraiment dangereuses mais bon, si ça justifie la hausse des factures, c’est toujours ça de pris.

Une taxe qui n’en est plus une

Cela pour se rendre compte que le prix de l’eau n’est plus connecté au coût du service qu’elle réclame. Ce n’est pas nouveau. Taxes et redevances ne relèvent déjà plus vraiment en France de leur définition juridique.

Pour preuve l’incroyable variation des factures dans le pays, lesquelles correspondent mal aux conditions orographiques des territoires. En 2021, si le prix moyen de l’eau était de 4,34 €/m³, les disparités sont énormes.

Le Havre est à 4,74 €/m³ quand Strasbourg plafonne à 2,88 €/m³. Le Bas-Rhin est champion de l’eau bon marché avec une moyenne de 2,90 €/m³ tandis que son voisin le Haut-Rhin est presque au double : 5,06 €/m³.
Les deux Seine, la Maritime et la Marne, sans doute à cause de ce toponyme commun, battent tous les records : 6,12 €/m³.

Plus bizarre encore, le découplage entre la pluviométrie et le prix. La région PACA, plutôt sèche, est à 3,69 €/m³ quand les Hauts de France, pays des parapluies, sont à 4,73 €/m³ en moyenne.
L’examen des précipitations dans la région depuis 60 ans apprend même qu’elles ont augmenté sur la période, de 190 mm cumulés sur la côte à 70 mm au sud. Ce ne sont pas les habitants des bords de l’Aa ou la Liane qui nous contrediront…

Le prix va sauver la planète

La valeur de l’eau dans le Douaisis dépend donc de facteurs obscurs, faute de connaître avec exactitude le coût réel de sa gestion rapporté aux redevances réclamées aux utilisateurs.

On arrive dès lors – approche parfaitement assumée par nos décideurs – au prix transformé en outil stratégique.
Comme l’indique un spécialiste de l’égalité homme-femme, par ailleurs directeur de l’Agence de l’eau, augmenter la facture des utilisateurs possède une vertu : les pousser à réduire leur consommation.

Il n’est pas impossible qu’on ait affaire à un mécanisme inverse, à savoir la baisse régulière – à prix constant – des consommations qui oblige à un maintien de la manne donc une hausse des taxes.
Tout entrepreneur sait que lorsque la vente d’un produit s’affaisse, la réponse par une augmentation de son prix ne révèle qu’une chose : l’excès des coûts fixes, notamment ceux du personnel.

Depuis vingt ans, les usages domestiques se réduisent régulièrement avec des factures qui augmentent… 100 litres par jour et par habitant en 1975, 170 en 2004, 145 actuellement. La tendance est à -1,4% par an.

Si les consommateurs que nous sommes sont régulièrement culpabilisés dans les médias et ailleurs, nous apparaissons peu gourmands en eau douce quand on compare notre « empreinte » à celle de l’agriculture ou mieux, des centrales électriques : 5,3 milliards de m³ contre les 16 milliards de m³ que consomment ces merveilles censées sauver la planète…

La production d’eau potable est la consommation des foyers

Coûts et prix, quelques hypothèses…

Pour finir, quelques calculs à la graisse d’oie à partir des chiffres – aussi nombreux que variés, jamais sourcés – qu’on trouve dans les publications locales. Les biais doivent être épais mais l’ensemble prouve une chose, l’incertitude des données.

Prenons une consommation moyenne de 150 litres d’eau potable par jour. Avec un prix du litre à 0,5 centimes d’€, on arrive à un coût annuel de 273,75 €.

Du côté des revenus de ces « pompes à phynances » , pour une consommation moyenne de 150 m³ par an, au prix nouveau, les 44500 abonnés apporteraient 23 millions d’€.
D’autres sources donnent même 30 000 bénéficiaires, ce qui réduirait la manne, dès lors passée à 18,8 millions d’€.
Ces variations dépendent évidemment de la répartition des consommateurs « assainissement/eau » dans des proportions difficiles à cerner.

En prenant l’affaire par un autre bout, on apprend que 3,9 millions de m³ auraient été vendus en 2021. L’unité mise à 4,19 €, le gain pour Douaisis Agglo serait donc de 16,3 millions…

Si vous êtes comme nous, vous avez du mal à saisir l’étendue de la cagnotte mais une certitude, elle n’est pas mince.

De fait, n’ont pas été abordés ici les sujets de la régie et de la délégation, sachant que cette dernière a été choisie de longue date pour l’eau douaisienne.

L’état florissant des sociétés gestionnaires, ainsi de la Lyonnaise transformée en Suez puis en Véolia, démontre que le précieux liquide peut rapporter gros. Il peut aussi connaître le contraire, ce qui démontre la complexité d’un marché très éloigné de la concurrence « libre et parfaite » .

Pour autant, il est difficile de trancher entre l’intérêt d’une régie, courante dans les grandes métropoles, et celle d’une délégation souvent présente dans les habitats plus dispersés.

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Bref, que dire pour conclure ? On rêve de connaître un jour un débat sérieux sur la gestion locale de l’eau, à ce moment historique où la couverture totale du territoire enfin réalisée, on aboutit à la régression de la consommation accompagnée de l’explosion des tarifs.

Le « prix évolue » certes, mais parions que ce ne sera jamais vers sa diminution pour les génies qui nous gèrent.

Viendra alors le moment où tous ceux qui le pourront adopteront le circuit court de l’autonomie – gratuite – par récupération de leurs eaux de pluie ou la réanimation de leurs puits ancestraux.

Il restera alors à des abonnés en diminution à payer une eau potable de plus en plus chère tandis que la population dans son ensemble sera contrainte, quoi qu’il arrive, d’assumer un assainissement à prix d’or.



Cochons de payants!

Une obsession de notre part nous dira-t-on. Pas faux. Mais il n’y a pas loin de ce sentiment à la passion. Il a semblé rigolo de se pencher sur le nombre et le profil des contribuables qui font tourner Douai avec leur taxe foncière, soit les propriétaires qui y résident encore.

A Douai, sur un budget 2020 de 59,3 millions d’euros en fonctionnement, les « impôts et taxes » représentaient en recettes 37,8 millions soit environ 63%. Le reste des ressources est constitué d’une grande variété de choses, notamment diverses dotations attribuées au titre de notre pauvreté collective.

Les impôts augmentent quand tout baisse

Concentrons nous plutôt sur les taxes foncière et d’habitation (car il existe encore des Douaisiens qui la paient) mais surtout comparons deux budgets entre eux, 2015 et 2020, les seuls pour lesquels nous disposons des documents comptables.
On s’empresse d’ajouter que nous tiendrons pour négligeable la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) dans les raisonnements qui suivent.
Pour le premier budget, « impôts et taxes » se montaient à 36,4 M d’euros dont 20,9 M d’euros pour le cumul des taxes d’habitation et foncière. Pour le second – soit cinq ans plus tard – on repère respectivement 37,8 et 23 M d’euros, dernier chiffre qui constitue, en passant, près de 40% des revenus de la ville.

Cf ligne 73111 où les taxes foncières et d’habitation sont fusionnées, les titres émis sont supérieurs aux crédits ouverts… Pour le reste, comme dirait l’autre : « you can’t fix it ? Tax it ! »

Nous noterons que dans Douai de plus en plus pauvre et de moins en moins populeux, les ponctions fiscales ne se réduisent pas. Cette progression inexorable est défendue par Frédéric Chéreau, lequel affirmait récemment qu’on « pourrait faire le choix de se serrer la ceinture et de baisser nos taux, ce n’est pas le nôtre » .

Traduction : avec un budget stable mais une population en baisse (la tendance est de 1% par an selon la Cour des Comptes), la variable d’ajustement sera la hausse régulière de la ponction sur les propriétaires… non exonérés.

Cette évolution tient, en partie, à l’augmentation nationale des « bases fictives » – dans une ville où les valeurs immobilières s’effondrent – mais aussi et surtout, depuis l’élection du maire en 2014, à celle de taux régulièrement augmentés.
Pour autant, au delà de ces considérations désespérantes, on a un peu de mal à connaître – c’est dommage – la part de chaque taxe (foncière et d’habitation) dans les ressources fiscales de la ville car les « comptes administratifs » ne les distinguent pas.
C’est d’autant plus gênant que la disparition de la seconde – réforme séculaire – doit avoir un impact sur l’économie générale du budget municipal.

Avançons dans ce brouillard fiscal. En 2015 les deux taxes amènent 20,9 M puis, en 2020, 23 M d’euros. En théorie, cette année-là, 80% des assujettis à la taxe d’habitation ne la paient plus, ce qui devrait se voir un peu.
Le mystère s’épaissit quand Frédéric Chéreau, lors de la présentation du budget en mars 2022, a annoncé, pour la seule taxe foncière, un produit de « 21 millions d’euros » .

Avec une progression « mécanique » de 0,5 million d’euros par an des deux taxes (comme constaté entre 2015 et 2020), on aurait en 2022 un total (TF + TH) de 24 millions. Si on retire les 21 millions de la taxe foncière annoncés par le maire, le produit de la taxe d’habitation serait donc de 3 millions, avec une hausse ininterrompue du tout depuis 2015

Ces augmentations, qui relèvent du prodige, méritent des recherches. Comment expliquer tout ça ? Supposons la faiblesse originelle de la taxe d’habitation, la hausse de la taxe foncière qui compense, la possible mise à jour foireuse des documents budgétaires, un truc inconnu de grande ampleur etc.
On sèche. Si un lecteur a une explication, on prend.

Quoi qu’il en soit, ouvrons donc les comptes d’apothicaire en considérant que le produit de la taxe foncière était en 2020 de 19 millions d’euros.
Ce chiffre – peu assuré – sera notre base de calcul pour connaître la part moyenne des ponctions sur les propriétés et les propriétaires.

Les propriétés

Cette donnée connue, il faut ensuite savoir combien nous avons de propriétés dans Douai. L’INSEE est précis. En 2019, on a 17773 « résidences principales » dans la ville pour 6516 propriétaires qui vivent dans leur bien.
Une comparaison est intéressante à faire sur la décennie écoulée. Elle rend compte de notre incontestable contraction démographique. On recensait en 2008 respectivement 6751 proprios sur 18028 résidences principales.
Il faut rappeler que toutes les 17773 résidences sont éligibles à la TF, payée par les propriétaires quelque soit leur statut, y compris pour ceux qui les louent mais n’y habitent pas.

Pour autant, il faut considérer la nature des biens eux-mêmes. Certains ne sont pas soumis à la TF. Cela concerne les logements sociaux dont l’exonération est de droit. On n’entrera pas dans le détail des conditions de cet avantage qui dépend du mode de financement, de l’ancienneté du bâti et surtout de son affectation.
Pour le coup, on doit retrancher ce nombre. Par chance, il est connu alors même que les bailleurs sociaux sont surreprésentés dans notre commune. Sortons des 17773 résidences principales nos 5600 logements sociaux (soit 31% du tout), restent 12173 « résidences » .

Il est possible d’ajouter à ce stock « social » tous les logements détenus par des personnes privées mais qui ne le louent pas, condition qui vaut dans certains cas exonération de la TF.
La vacance immobilière est importante à Douai. Elle a doublé en dix ans, passant de 1583 logements vides à 3693, dernier chiffre sans doute accru après la crise sanitaire.
Au doigt mouillé à la douaisienne, retenons 10% d’exonérations sur ce total, ce qui prendra aussi en compte, tant qu’à faire, les « locations sociales » assurées par des personnes privées, soit 360 logements sans TF, ce qui nous donne au final 11813 résidences.

Donc si on résume et faisant fi des biais statistiques probablement nombreux mais qui donnent tout le sel à notre raisonnement fait de carottes et de pommes de terre, nous avons à Douai 11813 résidences soumises à la TF. Sur les 19 M de recette, la valeur moyenne de la ponction est donc de 1608 euros.
Ce chiffre est à rapporter aux 827 euros qui correspondent à la moyenne nationale (et même 770 euros dans le Nord). Chez nous c’est le double et on nous dit sous le beffroi qu’on a de la marge !

Les propriétaires

Après les propriétés, il faut s’occuper des braves propriétaires habitant chez eux, lesquels étaient en 2019 exactement 6516 soit 38% de la population douaisienne.

Après cette donnée précise, les choses se compliquent. Dans notre pays fou qui adore les exceptions et les cas particuliers qui justifient l’existence d’administrations pléthoriques, il faut retirer de ce groupe les exonérés de la taxe foncière.
Ce sont, à la louche, les pauvres, les vieux (de plus de 75 ans à faibles revenus) et les personnes handicapées. Certains, c’est logique, regroupent parfois ces trois critères, surtout chez nous.
Selon l’INSEE, environ 8% des propriétaires sont considérés à Douai comme « pauvres » tandis que 12% des habitants de plus de 75 ans relèvent à leur tour de cette catégorie.
En étant généreux à la Douaizizaglo®, retenons une part de 10% de propriétaires exonérés de la TF, ce qui nous laisse 5865 personnes qui y restent assujettis.

Nous arrivons au final à ces 5865 propriétaires vivant dans leur résidence principale et qui paient en moyenne 1608 euros de taxe foncière. Le total représente la somme de 9,4 M d’euros directement passés de leur poche dans le gouffre du budget municipal.

Lecteur, si un jour tu croises un passant qui arpente la rue de Bellain vide et glacée d’un pas pressé, dis toi qu’il s’agit peut être d’un de ces généreux contribuables.

Mieux, si tu es un locataire à vélo inquiet de l’extinction du monde vivant, sache qu’il représente une espèce en voie de disparition…

——————— Petit ajout ultime….

Contribuables Taxes foncière Douai
En 2021, la TH est à 1,1 M (ne restent plus que les résidences secondaires) tandis que la TF est à 23,2 M (19,7 de produit et 3,5 M de compensation). Merci Aginda !
Effets de la disparition de la taxe d’habitation en 2021. Notons qu’en 2009, la taxe foncière ramenait 8,5 M d’euros. C’est aujourd’hui 19,7 M, soit plus du double et cela avant la compensation de l’Etat (payée par tous les contribuables)

Régie ou délégation

Cette fois un peu de philosophie politico-économique avec quelques définitions sur la façon dont une collectivité locale ou l’État assurent les missions qui justifient leur existence.
En gros, soit ils les gèrent eux mêmes – c’est une régie – soit ils les passent à d’autres, souvent des entreprises privées, contre une rémunération, c’est une délégation de service public.

Faire soi-même ou pas

Comme on est en France, ce qui précède est la situation théorique idéale. Dans la réalité, elle est presque rare. On peut déléguer une mission à un machin plus ou moins public, la découper en morceaux dont certains sont privés et d’autres publics etc. Les possibilités sont infinies jusqu’à la folie.
Il existe ainsi la célèbre « régie intéressée » qui confie un service public à un contractant qui se rémunère par un bénéfice sur les résultats tandis que la collectivité reste chargée de la direction générale du bazar. Donc cette « régie » est une délégation…

Dans ce qui est certain, on dira que le régalien est toujours public – l’armée, la police – mais on trouvera bien ici ou là à coups de mercenaires et de vigiles quelques exceptions qui confirment la règle.

Voilà un siècle, l’action publique se limitait à l’indispensable. Elle intervient aujourd’hui partout. Le contact entre le privé et le public est une passoire, sachant que le second réduit inexorablement la surface du premier.
Le mouvement n’est pas près de s’arrêter quand on observe les crises actuelles qui poussent le citoyen vacciné et masqué à réclamer « plus d’État » pour s’en préserver.

Privé ou public

L’idéologie aide un peu pour y voir plus clair.

La Gauche adore la régie, synonyme pour elle de respect des intérêts des citoyens, les plus démunis en tête. Il y a au bout du bout du cerveau de ses élus le rêve d’une étatisation complète de l’économie. Un paradis d’égalité à base de dons gratuits dont disparaitrait l’abominable entrepreneur privé, toujours soupçonnable d’échapper à l’impôt salvateur et en plus, aujourd’hui, de détruire la planète.

La Droite est à l’inverse, mais sans que ce soit une vérité absolue comme nous le verrons plus loin, plutôt favorable à la délégation. Outre de délimiter le périmètre et la dépense de la mission, elle défend l’idée simple que le patron de l’entreprise qui en sera chargée aura à cœur de la maintenir en bonne santé. Il va surveiller de près le budget afin d’éviter le gâchis auquel n’échappe pas toujours l’administration publique.

© La Gazette des Communes

Difficile de trancher cette question. Il existe des collectivités locales ou des services d’État qui dépensent au mieux avec une efficacité maximale. Il en est d’autres qui sous-traitent au privé parce que leur personnel est incapable de faire, ce qui revient au contribuable à payer deux fois.
Certaines délégations de service public à base de contrats léonins sont le royaume de la gabegie – ou du truandage au bénéfice des amis – quand d’autres, évidemment, ne coûtent que le juste prix.

Il est incroyable de savoir qu’en France, il n’existe aucune obligation imposant aux collectivités locales la comparaison avec les modes de gestion alternatifs à la régie. Par contre, elle s’impose quand on décide d’une délégation de service, par la logique de la mise en concurrence.

Cette dissymétrie prouve à quel point nous considérons la puissance publique comme insoupçonnable. C’est probablement un reste de notre histoire monarchique qui faisait de l’impôt une obligation – en fait un tribut – découplée de tout avantage concret pour le payant.
L’ADN des Anglo-saxons est diamétralement opposé. Comme leur démocratie en procède, l’impôt est sacré. Les pires crimes sont de s’en dissimuler et ensuite de le gâcher. On comprendra que les Français ne combattent que le premier.

Avantages et inconvénients

Si on rentre un peu plus dans le détail, encore qu’il s’agit là d’affreuses simplifications, le facteur qui intervient dans les arbitrages régie/délégation est évidemment le coût rapporté au service donné, sachant qu’il est assuré dans tous les cas par des ponctions fiscales.

Celui d’un service public ne peut être réduit à sa masse salariale et moins encore corrélé fermement aux bienfaits qu’il apporte aux citoyens, même si certaines administrations disposent d’indicateurs et de ratios.
Plus précise, une délégation de service public est dépendante d’un cahier des charges qui commande l’abondement financier donné au prestataire pour qu’il assure sa mission.

Pour autant, il doit quand même faire un peu de bénéfice, lequel peut être accru par un serrage des charges, en premier lieu celles du personnel, mais aussi une meilleure optimisation de la mise en œuvre.
Comme le montrent actuellement les péripéties gazières qui poussent certains délégataires à dénoncer leur contrat, tout défaut se traduit par un retour au budget de la collectivité. Si on résume, le bénéfice va au délégataire tandis que les pertes sont pour le contribuable.

Arrêtons là ces réflexions générales qui mériteraient des traités de droit public, lesquels existent. On y renvoie les lecteurs parvenus jusqu’ici. En fait, cette affaire de régie et de délégation nous intéresse pour sa traduction dans nos affaires locales.

On « fait maison »

On découvre ainsi dans le foisonnement d’éléphants blancs qui est la marque de notre Douaizizaglo® la variabilité des arbitrages du président Poiret – absolu tout puissant – sur cette question.

La récente annonce de l’abandon du célèbre CFA du Douaisis a permis d’apprendre la raison pour laquelle l’agglo voulait assurer sa construction en régie. Habituellement, on délègue sagement un chantier à des gens qui sont meilleurs spécialistes du béton que la pauvre administration de Douaizizaglo®.

Ce choix aurait permis « de récupérer la TVA » , justification triviale s’il en est. Tout contribuable préférerait qu’on mette plutôt en avant – outre l’utilité de la chose – la capacité à construire bien, rapidement et pas cher. Ces critères devraient être d’ailleurs les trois axes d’une évaluation de tous nos projets locaux d’où qu’ils viennent.

La TVA est par définition une taxe qui s’ajoute au coût d’une opération. Si le CFA avait coûté 10 M d’euros, nous aurions donné en sus à notre État bienfaiteur 2 M, ce qui aurait monté la dépense globale à 12 M. La « récupération » n’est pas absence de paiement. Le fisc qui touche les sous les redonne ensuite à la collectivité locale maîtresse d’œuvre. Ces 2 M auraient donc été une cagnotte, de la fraîche en plus, qui aurait pu servir à réduire l’emprunt ou à toutes sortes de choses inconnues de nous tous.

Enfin, il parait peu probable que notre président – infaillible et visionnaire – prenne lui même pelle et pioche pour construire un bâtiment, ni même que cette charge revienne à Douaizizaglo® en dépit de son efficacité bien connue. Il faudrait évidemment passer par divers prestataires, de premier et second œuvre, avec sans doute la possibilité d’un choix local, ce qui n’aurait probablement pas été le cas si un gros opérateur gérait toute l’affaire.

Les patrons varient souvent

On tient habituellement Christian Poiret pour un gars de droite. Enfin, on annonce cette obédience avec précaution car elle parait, quand on la documente, assez flottante. Cette incertitude ménidienne explique les variations de notre président – bien aimé et omniscient – sur le sujet des régies et délégations. Son goût pour la première interpelle.

De ce côté, on a en effet beaucoup d’exemples, hors cette affaire de CFA dont le modèle serait parait-il venu des DOM-TOM, argument qui vaut son pesant de bon gouvernement.
Existait aussi, mais c’est ancien, l’organisation originelle du SMTD qui ne séparait pas l’agglo du syndicat, un peu comme si l’assemblée nationale avait géré en direct la SNCF. Ce n’était pas de la régie mais de la méga-régie. Notons aujourd’hui en passant le statut d’ornithorynque de la STAD-Evéole qui est public sans l’être tout à fait.
Plus exotique encore, il faut citer la transformation de notre entité agglomérée en promoteur en charge des opérations immobilières du Raquet. Il était assez ébouriffant de rencontrer dans des salons spécialisés des « vendeurs » siglés Douaizizaglo®. Soulignons leur efficience, comme on dit, pour bétonner puis peupler ce quartier.
Autre sujet amusant, Arkéos. La Cour des Comptes avait soulevé l’absence d’un budget propre qui interdisait de repérer dans le « grand tout » les déficits accumulés par cette merveille. Notons qu’on tente, loin de toute délégation – c’est le moins qu’on puisse dire – de conjurer l’échec de ce « musée » en le transformant en parc d’attraction.
On a enfin, rappelée récemment, l’opération EuraDouai dont Douaizizaglo® envisage de piloter « tous les grands équipements » , probablement sur le modèle du Raquet.

Bien fol qui s’y fie

Pour les DSP, leur recensement précis parait compliqué à faire mais elles sont probablement moins nombreuses que les régies, surtout à Douai.
Pour preuve le débat qui a eu lieu au conseil d’agglomération en juillet dernier lors de l’octroi de la délégation de gestion des deux fleurons du Raquet : Sourcéane mais surtout la fameuse patinoire que le monde entier va nous envier pour sa sobriété energétique.

Le maire de Douai Frédéric Chéreau et ses alliés se sont abstenus, le premier justifiant sa décision par la défense logique de la régie de la part d’un socialiste, laquelle « permet plus de souplesse dans l’accueil des écoles » sachant que « le cœur de l’activité d’un délégataire de service public, c’est de faire du commerce ».
Notre président, qui a toujours un peu de mal avec la contradiction, est monté au créneau pour défendre cette option sortie de sa seule tête, choix voté ensuite par le conseil comme un seul homme. Cette fois-ci, les arguments relevaient d’une affaire de sous sans TVA. Le prix annoncé était, pour Sourcéane, de 680 000 € et, pour la patinoire, de 473 000 €, montants qualifiés de « raisonnables » par Christian Poiret, encore que les obligations du prestataire ne sont pas connues.

Toujours vachard, notre patron aggloméré a taclé son rival douaisien en lui jetant à la figure le coût de ses deux piscines municipales qui serait d’1 million d’€ annuels. Sortes de monuments historiques en mauvais état (surtout Beausoleil), elles sont effectivement gourmandes en énergie et disposent d’un personnel largement dimensionné. Ceci explique cela.

© La Voix du Nord 2018

Pour revenir à la délégation, l’amusant reste le choix du prestataire. Si Récréa a quitté Sourcéane, Douaizizaglo® a fait un blot avec la patinoire en passant les deux sous la gestion du célèbre Vert Marine qui a récemment défrayé la chronique.
Ce prestataire tentaculaire (80 équipements en DSP) a en effet dénoncé certains contrats piscinicoles au titre de l’envolée du prix du gaz.
Notons qu’Armentières et d’autres communes de notre région se trouvent donc actuellement bien embêtées. Il semble pourtant que nous ne risquons rien car notre président – écologique et inoxydable – a prévu que la biomasse remplace le précieux produit russe. Si c’est vrai, tant mieux.

Pour conclure sur ce sujet, quelques réflexions. D’abord qu’il est moins clair que les postures qu’il provoque, lesquelles comme nous les avons vues, découlent de l’idéologie plutôt que d’approches rationnelles.
L’autre aspect reste évidemment l’absence d’information sinon de contrôle, d’abord sur le coût des services publics et ensuite sur la motivation de leurs possibles délégations.
On peut supposer une certaine incompréhension de nos élus professionnels sur ces dossiers ou, au niveau inférieur, un manque total de curiosité de leur part alors qu’ils sont rémunérés pour s’y intéresser.

Osons une fois encore un vœu ultime : que tous les lecteurs de cet article s’obligent à chercher les raisons des arbitrages de notre patron – super et fort – quant aux régies et autres délégations qu’ils découvrent au quotidien. Cherchons bien. L’apparent est peut être le caché mais peut être pas.

Le paradoxe scolaire douaisien

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Douai ne manque pas d’offre scolaire. On y compte à cette rentrée près de 40 écoles, 7 collèges et 8 lycées. En termes de profil, la ville a évidemment de tout, avec une petite tendance vers la difficulté, ce qui est logique compte tenu de ses déterminations sociales.
Un collège – Gayant à Frais-Marais – relève du label REP+ tandis que Canivez est classé en Education Prioritaire « simple ». Le reste des établissements est plus divers mais on compte parmi eux des structures prestigieuses, ainsi le célèbre St Jean (privé) et accessoirement le lycée Châtelet (public).

De médiocres performances

Au niveau national, l’académie de Lille connait des résultats qui ne sont pas parmi les meilleurs de France, loin de là. Pourtant largement dotée en moyens, de nombreux indicateurs la rangent dans le bas des tableaux en termes d’orientation dans les filières générales, de maintien dans l’école au-delà de 16 ans, de devenir des élèves après le bac, surtout en taux d’entrée dans les études supérieures.

Beaucoup d’observateurs expliquent cette faible plus-value du système scolaire par l’histoire. Ainsi, les mono-activités – la mine, le textile – qui ont fait la richesse du territoire, ont pesé sur son organisation. Il a en effet pendant longtemps privilégié les formations techniques, l’entrée précoce sur le marché parfois sans diplôme (dès 14 ans, il suffisait de prendre la voie des parents, l’embauche suivait) mais aussi, ce qui nous amène à Douai, un fonctionnement « clivé » qui réservait aux élites les voies longues prestigieuses pour laisser aux milieux populaires les filières courtes peu sélectives.

D’une certaine manière, l’académie de Lille fonctionne encore de cette façon, comme notre ville d’ailleurs quand on observe l’organisation de son réseau scolaire. En gros, les classes privilégiées, qui n’habitent pas toujours Douai, inscrivent leurs enfants à St Jean ou Châtelet quand les familles populaires se contentent des établissements de leur secteur.

Plus finement, les parents avertis connaissent les moyens d’éviter, pour le public, les contraintes de la carte scolaire en mettant leur progéniture dès le primaire dans des filières spécifiques, comme la musique (les fameuses classes à horaires aménagés musique, alias CHAM). L’école – Fontellaye pour ne pas la nommer – permet ensuite aux élèves d’entrer directement à Châtelet. La voie est tracée pour aller jusqu’au bac… général.

En 2006, un rapport de l’Inspection Générale de l’Education Nationale analysait la situation des collèges douaisiens en insistant sur la faiblesse des taux de passage en Seconde générale à la sortie de 3°. Si tous étaient proches de 50%, seul Châtelet frisait les 80%.

Près de 15 ans plus tard, les chiffres sont quasiment les mêmes. Plus gênant encore, pour ce qu’on peut en connaître, c’est que le devenir du groupe d’élèves qui entrent en filière générale n’est pas glorieux. Après la Seconde, une bonne partie est réorientée vers le professionnel (15% à 20% pour Gayant et Canivez) ou redouble (au moins 10% dans certains cas).

Cela revient à dire que dans les collèges aux performances les plus faibles, sur un groupe de 100 élèves de 6°, seulement 50 accèderont au lycée général, 30 passeront en 1ère et sans doute à peine 20 obtiendront leur baccalauréat – pour la plupart technologique – en 2 ans. Quant à l’entrée dans les filières universitaires, ce sera probablement 1 élève ou 2 sur… 100.

L’école est la clé de tout

Il a évidemment un lien entre ce qui précède et le profil social de la population de notre ville. L’INSEE précise que 34% des Douaisiens (37% pour les femmes) ne possèdent aucun diplôme.  Il faut se persuader qu’il s’agit là, parce qu’on sait qu’ils bougent peu, des anciens collégiens douaisiens. A l’autre bout, les « super diplômés » sont beaucoup moins nombreux, 25%. Il est vrai que leur capacité à quitter la ville, diplôme obtenu, est plus grande. Pour information, la part de non-diplômés est à Valenciennes de 28% et à Arras de 29%. Lauwin-Planque est à 23%.

Il y a enfin un rapport entre le niveau de formation de la population et sa situation de chômage. Plus le premier sera haut et moins elle sera soumise à ces risques. Sa capacité à suivre les évolutions économiques du territoire sera meilleure. L’adaptation au marché du travail est évidemment plus forte chez les diplômés que chez ceux qui ne le sont pas.

Au début des années 70, lors de l’implantation, par la seule volonté de l’Etat, de la Régie Renault à Douai, sur des filières pourtant plutôt techniques, les pouvoirs publics faisaient le pari du transfert des mineurs sur cette nouvelle activité. Cet espoir fut largement déçu parce que ce qui a manqué alors, entre autres, c’est le niveau de formation initiale qui aurait favorisé cette transition.

Prendre le contrôle éducatif

Le rôle de l’école dans notre ville est donc essentiel. Avec la Scarpe…Tout part de là. En termes de compétences, la commune possède les locaux des écoles mais n’a pas de pouvoir sur la pédagogie. Pour autant, la loi sur les « rythmes » a fortement renforcé le rôle des villes comme premier partenaire du système scolaire. Les limites sont de plus en plus poreuses, ainsi dans la sphère péri-scolaire qui voit les municipalités proposer aux élèves des activités après la classe dont le lien avec l’enseignement est évident.

Déjà en place depuis pas mal d’années, ces actions à la périphérie de l’Ecole n’ont pas changé grand chose à la réussite scolaire de Douai qui ne peut se satisfaire d’une situation aussi peu favorable. Souvenons nous des péripéties de l’établissement des « rythmes scolaires » dans la ville. Nous y avons quand même vu une municipalité affichant le « pour » organiser le « contre » qui a conduit in fine à la mort du bidule.

Comme Clemenceau qui, en parlant de la guerre, disait qu’elle était trop sérieuse pour la confier aux militaires, il serait temps que la ville se saisisse du sujet pour ne pas le laisser à la seule Education Nationale. Après tout, elle est concernée au premier chef par la médiocrité des performances de ses établissements.

C’est d’autant plus vrai que Douai est un paradoxe scolaire. Elle possède le problème et sa solution mais ne fait pas le lien entre les deux. Elle accueille des lycées sélectifs qui offrent des sorties très positives (St Jean réussit à placer certaines années des élèves à HEC…) mais ces établissements accueillent peu d’élèves en provenance des collèges défavorisés, y compris quand leurs capacités permettraient de le faire.

Il serait peut être possible de commencer par là. Ouvrir un peu plus ces parcours de réussite aux élèves des établissements en Education Prioritaire – quand ils possèdent le potentiel – parait une absolue nécessité. Cette première obligation doit ensuite s’affirmer au lycée jusqu’au baccalauréat. La qualité de l’accueil mais surtout de celle de l’accompagnement de ces élèves doivent être durablement améliorées. Sur ce dernier point, les marges sont grandes.

Par ailleurs, si tous les élèves ne peuvent évidemment prétendre à entrer à Polytechnique, l’autre priorité reste celle du diplôme en fin de parcours. Si celui-ci ne protège pas de tout, il démontre qu’en son absence l’intégration dans le monde du travail n’est pas facile. Il est de la responsabilité de l’Ecole de rendre des comptes quant au devenir des collégiens et lycéens qui disparaissent du système éducatif sans aucune formation.

Enfin, comme certaines communes l’ont déjà réalisé, ainsi St Omer en 2018, une coordination entre les entreprises, l’éducation nationale et les collectivités locales doit être créée pour que les lycées et les établissements supérieurs s’adaptent au marché du travail local, à l’exemple de la logique des CFA récemment évoqués. La convention audomaroise envisage ainsi, dans ce cadre contractuel, de créer de nouveaux diplômes, de favoriser l’émergence de filières porteuses, de réduire la voilure de celles qui ne le sont pas etc.

Besoin d’une idée éducative?

La première idée consiste évidemment pour la commune à vérifier l’efficacité de toutes les actions mises en oeuvre sur le temps péri-scolaire. Leur plus-value doit être mesurée d’abord par l’amélioration, ou non, des résultats au sein de la classe des élèves accompagnés dans ce cadre. Pour privilégier l’intervention des enseignants sur « l’aide aux devoirs » , leur engagement doit être mieux rémunéré. Ils doivent être les seuls opérateurs d’un « accompagnement éducatif » conçu comme un prolongement du temps scolaire.

La deuxième idée repose sur l’intervention des élus au sein des établissements, collèges et lycées, comme le prévoit le Code de l’Education. Plutôt que de se contenter d’assister en silence aux conseils d’administration, les représentants de la collectivité (1 pour la commune, 1 pour la communauté d’agglo) doivent exiger un bilan annuel des établissements sur les sujets qui fâchent : sorties de parcours sans diplôme (décrochage) et plus généralement, la performance des élèves sur les indicateurs stratégiques. L’entrée en plus grand nombre des collégiens issus de l’Education Prioritaire dans les lycées généraux sera la cerise sur le gâteau.

La troisième idée prévoit d’organiser l’offre de formation locale – la fameuse « carte des formations » – en sollicitant l’avis des entrepreneurs et des parents avant de négocier avec le rectorat et la région l’évolution à court terme des filières scolaires du Douaisis. Ensuite, cette base rénovée doit appuyer l’émergence d’un « pôle de compétitivité » sur un secteur économique précis, probablement tertiaire à Douai. Enfin, la ville doit s’attacher à mieux arrimer les formations supérieures aux publics locaux, notamment ceux issus des milieux populaires. Combien de jeunes Douaisiens intègrent l’Ecole des Mines chaque année ?

Il est temps de se mobiliser pour l’Ecole et d’agir concrètement sur le système. L’avenir de Douai passe aussi et d’abord par le scolaire.

Vous aussi vous avez des idées, partagez les avec nous.

Une triste ville étudiante

une bien triste ville étudiante

Il fut un temps où Douai était une ville universitaire. On ne parle pas ici de l’université fondée en 1562 à Douai par Philippe II mais de la période plus courte et plus récente, celle où, de 1809 à 1887, la ville a accueilli de nombreux étudiants et lycéens en son sein.

De plus en plus ténues, les traces de ce passé sont néanmoins toujours là. On connait la rue de l’Université près de l’Hôtel de Ville dans laquelle se trouve le bâtiment imposant du rectorat ainsi que des facultés des Lettres et de Droit. Transformé en Ecole nationale des industries agricoles en 1893, il subsiste presque intact.

Le lien entre la présence d’étudiants dans une ville et son climat général mérite qu’on s’y arrête un moment. Le sujet est compliqué mais essentiel. Pour rajeunir une population, posséder une université peut avoir son intérêt. Outre d’être une promesse d’avenir, la jeunesse qu’elle reçoit peut contribuer à apporter dans la cité l’ambiance sympathique dont tout le monde peut profiter.
L’action des élus peut être déterminante dans cet enchaînement positif mais tout dépend de la conception de la ville qu’ils défendent.
Doit-elle être calme et paisible ou bien doit-elle être vivante et festive ? Cette question a été souvent évoquée lors de la campagne électorale de 2014, plusieurs solutions ayant alors été avancées pour répondre à la nécessité d’améliorer l’image de Douai.

Beaucoup de témoins déplorent que notre cité soit si pauvre en lieux festifs, mettant d’ailleurs cette caractéristique sur le dos de Jacques Vernier. Il n’est pas rare d’entendre que ce dernier aurait tout fait pour réduire le nombre d’établissements du centre ville afin d’éviter les débordements que leur présence pourrait occasionner pour les riverains.

De l’agitation nulle part

Il faudrait disposer d’une étude sérieuse pour soutenir ces critiques sans doute excessives, même si, après tout, un maire qui s’est maintenu plus de trente ans à la tête d’une commune doit bien avoir sa part de responsabilité dans un tel constat. A part le « 32 », belle réussite qui doit d’ailleurs tout à ses seuls promoteurs, les possibilités de trouver dans le centre ville un endroit agréable pour passer la soirée sont quasi nulles.

Cette volonté de privilégier le calme au bruit vient d’ailleurs de loin. Les archives de Douai ont conservé le mémoire produit par la municipalité en 1850 quand elle défendait son lycée et son rectorat face au gouvernement, c’était la première fois, qui envisageait leur déplacement à Lille. Pour empêcher cette catastrophe qui viendrait plus tard, les avantages de Douai étaient simples : il ne se passe rien dans la ville. Le maire indique que dans les rues il n’y a « du mouvement et de l’agitation nulle part, le calme et la tranquillité partout » pour conclure sur la clé bien connue de la réussite scolaire, la tradition, puisque Douai « est encore aujourd’hui comme autrefois la ville la plus favorable aux études ».

Le renversement de logique est amusant car aujourd’hui les étudiants par leur présence sont considérés comme un élément majeur de dynamisme, notamment grâce à l’ambiance que toute jeunesse apporte avec elle. C’est si vrai que beaucoup de villes universitaires, Rennes, Poitiers, Nantes, Metz etc., communiquent régulièrement sur la présence de leurs facultés pour expliquer leur attractivité comme leur image positive.

On voit donc que ce sujet n’est pas anecdotique à Douai qui possède un certain nombre de structures supérieures, la faculté de Droit, l’Ecole des Mines, entre autres, sans être certain que l’accueil des étudiants soit aussi favorable qu’il devrait être. Pour un peu, s’ils en avaient besoin, on leur conseillerait plutôt d’aller profiter des bars et bistrots arrageois ou, mieux, lillois.
Le palmarès 2018 des villes étudiantes place Douai en 42° position (sur 44) avec la pire note en attractivité (4 sur 25). N’est-il pas temps de se mobiliser sur l’amélioration de l’accueil de cette jeunesse qui ne paraît pas trop apprécier la vie locale qu’on lui offre ?
En juin 1886, des étudiants douaisiens avaient présenté au Ministre de l’Instruction Publique une pétition pour que soient installées les facultés à Lille, arguant de l’avantage pour eux d’étudier dans une ville plus grande et mieux dotée en services. Ils furent entendus l’année suivante…