Un coup pour rien
La création de Douai Vox, comme chacun sait, a d’abord été motivée par les enjeux de la campagne des municipales.
L’idée était d’offrir un espace de réflexions sur la situation de la ville, avec l’espérance qu’il découlerait de ces débats, sinon de ces polémiques, un meilleur pour la cité.
Le repérage dans les programmes des candidats, de gauche à droite, des idées douaivoxiennes, nous a ravis. Peut être s’agissait-il de simples coïncidences mais il était amusant d’imaginer que notre site puisse unir des personnalités de tout bord sans qu’elles n’osent le dire ou, mieux, sans qu’elles ne s’en rendent compte.
Tout cela était promesse d’espérance et prémices d’un avenir radieux. On n’a pas été déçus.
On se bouscule au portillon
La floraison des candidatures a été étonnante. Six listes quand même. On a même frôlé les sept. On aurait pu en avoir dix.
Tenons pour positive cette envie qui a pris tout ce monde là de prendre en mains les destinées de la ville. A l’inverse des voisines concurrentes, Douai n’a pas de parrain qui, vidant consciencieusement le marigot, a tué toute opposition. D’une certaine façon, cette diversité était un signe de bonne santé démocratique.
Comme l’a fait remarquer une candidate qui se reconnaîtra – non, ce n’est pas la dame LREM qui n’est pas LREM – on avait en effet plus de 200 personnes prêtes à jouer un rôle aux confins du bénévolat durant six ans pour le bonheur de leurs concitoyens. Il est bien dommage de ne pas réunir toutes ces bonnes volontés pour leur confier le pilotage de la ville.
Sans doute le bilan médiocre du maire est-il la source de cette envie qui a pris tant de gens à vouloir sauver la baraque.
Il est presque risible, disons le tout de suite, que cette émulation positive ait de fait conduit Frédéric Chéreau à être réélu. L’éparpillement des voix, sur un fond de crise sanitaire, l’a évidemment conduit à passer en tête – la fameuse prime au sortant – tandis que la quadrangulaire qui s’annonce apparait malheureusement la certitude de son succès.
Des candidats divers et variés
S’ils étaient nombreux, les candidats ont été inégalement audibles. Certains ont démarré tardivement leur campagne au risque de ne jamais être connus quand d’autres se sont lancés très tôt au risque de s’épuiser.
De même, quelques uns, le maire sortant en premier lieu, se sont contentés du service minimum. Dans ce dernier cas, puisque nous connaissons à présent le résultat du premier tour, on peut vérifier qu’il n’y a aucune correspondance entre l’énergie exprimée, les sous dépensés et le résultat obtenu.
Hors Frédéric Chéreau personnalité dotée de son seul mandat de maire, aucun « leader » national ni même régional n’a pris le risque de se présenter à Douai. La ville, on s’en doutait, est incertaine. Nos élus locaux professionnels n’ont pas été assez fous pour tenter l’aventure. On les comprend un peu.
Nous avons donc eu à choisir un maire parmi des inconnus, souvent jeunes. L’âge a d’ailleurs constitué un sujet pour beaucoup de commentateurs, persuadés qu’il suffit de mettre à la tête d’une ville des trentenaires pour que par magie elle sorte de son marasme.
C’est bien compliqué la comm’ électorale
Pour tout notable douaisien, impliqué à de nombreux niveaux, il est toujours possible d’accéder à de l’information électorale par son réseau d’amis.
Il peut aussi s’alimenter éventuellement par la fameuse PQR (VDN et Observateur du Douaisis) qui parlent de politique entre deux ouvertures de friteries et quelques faits divers.
A part ça, c’est la misère. On se demande comment s’informe l’électeur douaisien quand il ne lit pas ces deux organes à l’audience forcément limitée. C’est pire s’il ne trouve pas dans sa boite aux lettres les tracts des candidats et encore plus terrible s’il n’est pas branché sur leurs réseaux sociaux.
Dans ce dernier cas, prendre ces pages de propagande pour une source universelle d’information fait sourire. On aimerait connaître le taux de présence des électeurs douaisiens sur ces pages, qui d’ailleurs « bloquent » ou « bannissent » sans répit leurs contradicteurs. Facebook c’est tout sauf la vraie vie.
Comme l’absence de « poids lourd » politique dans la campagne, on ne peut que s’étonner de l’indigence médiatique d’une ville qui, entrée à présent dans un profond déclin démographique, dépasse tout de même encore 30 000 habitants.
Au final, à Douai, l’ignorance, fille du désintérêt, a été la règle. Testez votre voisin. Amusez vous à lui demander s’il connaît le nom des candidats et, plus technique encore, quels partis ils représentent. Vous ne serez pas déçus.
On a parlé de tout…
Les thèmes abordés ont été variés, c’est le moins qu’on puisse dire, avec toutefois l’accent mis sur quelques priorités, presque banales.
Nous compterons pour rien, en dépit de leur force, des refrains exprimés comme des mantras à tout bout de champ, les « Douai, Douai, Douai » semés ici ou là, sur tous les supports possibles. Nous n’étions pas loin des réflexes des supporters de football, comme le prouvent les attributs habituels – écharpes, chapeaux, intolérance envers l’équipe adverse – qui accompagnaient ces cris d’amour.
Plus rationnelle, il y a eu dans les premiers temps une obsession écologiste, à coup d’un vélo obligatoire que les candidats n’enfourchent pourtant jamais sauf pour la photo. C’est toujours bon pour les autres. On a même eu droit au concept totalitaire de « l ‘écologie intégrale » qui, comme le bronzage du même nom, ne protège rien ni personne du zèle vert.
Ensuite, la sécurité a beaucoup agité la campagne avec des épisodes tordants quand la dame gouvernementale a épinglé notre sortant sur l’inexistence d’un centre de supervision des caméras de la ville. A sa mode habituelle, celle du menteur comme un arracheur de dent, notre édile a soutenu mordicus qu’il y en avait un avant que son absence ne le jette dans la confusion.
Commerce et circulation ont été eux aussi abordés par les candidats car tout le monde fait le lien à Douai entre les deux. Le plan fou verniérien, séquelle du « tramway », est la cause principale de l’agonie de nos magasins de centre ville. Pour autant, soumis aux dogmes écolos, les candidats ont rarement proposé de le liquider.
Les commerces, à Douai, c’est comme le Rotary ou le Lions Club. De multiples chapelles se créent au gré des fâcheries et des luttes d’intérêt. Peu de ces entrepreneurs sont d’ailleurs électeurs à Douai, ce qui est déjà une bonne différenciation. Il y a aussi les pro Chéreau et les antis.
On a découvert avec la crise le schisme qui partage ceux qui disposent d’un local municipal (gratuit pendant le confinement) et ceux qui sont livrés à la dure loi de la location qui ne fait aucun cadeau. On peut ajouter dans cet univers impitoyable, les PV distribués inégalement sur les commerçants selon des critères aussi obscurs qu’inavouables.
Mais pas de ce qui fâche
Enfin, ce qui a encore plus frappé l’observateur pas forcément du Douaisis, c’est l’évitement des sujets qui fâchent.
Personne n’a remis sur le tapis le dossier de l’hôpital général, en rade depuis… 2014, dont les initiés savent qu’ils ne sont pas prêts de voir le « Mirabeau » enfin réceptionné. On a bien eu, sortie du chapeau de la campagne, une solution miracle pour une caserne Caux qui sera, à n’en pas douter, un sujet de discussion dans la décennie qui vient.
Il y a probablement un lien avec ce qui précède quand on considère le silence étonnant sur le fonctionnement de Douaizizaglo. Bien rares sont les candidats qui ont levé l’étendard de la révolte contre son président tout puissant.
Si Frédéric Chéreau l’a bien tenté au début, les rétorsions financières d’un conseil communautaire totalement à la main du « seigneur de Lauwin-Planque » l’ont vite poussé à se taire. Les explications du maire justifiant dans les journaux la « passion » du président quant à ses dossiers valaient leur poids de subvention.
Seul, dans ce silence, un candidat, ancien patron de Norevie, a osé critiquer le fonctionnement d’une CAD qui donne au maire d’une commune de 1600 habitants – sur liste unique à 380 voix – allié à toutes les petites communes périphériques, le pouvoir de dicter sa loi à la grosse ville sans laquelle il ne serait rien.
La maladie de la ville n’existe pas ?
Enfin, et surtout, on reste sur sa faim quant aux critiques qui auraient du marquer la campagne, c’est à dire le bilan terrible du maire sortant.
C’était pourtant du billard quand on considère l’ensemble des indicateurs passés au rouge durant son mandat. Comme une anguille, notre édile a réussi, avare de paroles, à échapper au pilonnage de ses adversaires.
On pourra d’ailleurs tirer une règle d’une stratégie qui doit être enseignée dans les bonnes écoles. L’expression n’est jamais négative. Elle n’avoue aucune erreur passée, ne décrit aucun problème, tout va bien à Douai. La lecture attentive des rares documents produits par Frédéric Chéreau est un exercice où le réel se dissout dans le rêve comme le sucre dans l’eau chaude.
Retenons dans sa dernière livraison saupoudrée de références au Covid, cette affirmation qui pourrait avoir été rédigée par une agence immobilière mais pas par les douaisiens qui acquittent la taxe foncière : « les villes comme Douai ont aujourd’hui la taille idéale : assez petite pour offrir un cadre de vie sécurisant et de qualité, même en cas de contraintes sanitaires ; assez grandes pour proposer beaucoup de services ».
N’en déplaise au maire, le faible intérêt des habitants pour la chose publique, fruit logique de leur paupérisation accélérée, s’est accompagné d’une révélation majeure : Douai est devenue un espace éclaté où les « quartiers » ont pris le pas d’une unité qui a d’ailleurs toujours été fragile.
Livrée au paupérisme qui n’est pas près de s’éteindre, la ville est, comme le disent les géographes, en « peau de léopard », c’est à dire fractionnée en toutes sortes de catégories, de communautés, toutes devenues les proies d’un clientélisme à peine caché.
C’est ainsi qu’il faut lire le résultat du premier tour où celui qui tient la subvention passe en tête des suffrages quand les autres se répartissent au gré d’intérêts particuliers. C’est aujourd’hui, menace à peine voilée, la loi des minorités qui dicte les choix des électeurs. Gare au candidat qui n’y sacrifie pas.
Le Covid 19 en apothéose
Pour conclure cette revue électorale peu souriante, associons à la maladie sociale la maladie vraie. Impossible de passer sous silence les conditions du scrutin du premier tour. Des « gestes barrière » au gel hydroalcoolique en passant par les masques encore rares (mais parait-il alors inutiles), les circonstances n’ont pas poussé les gens à se déplacer dans les bureaux de vote.
Notre ville, déjà peu active lors des scrutins électoraux passés (à peine 50% de participation en 2014 et 39% aux législatives de 2017), s’est retrouvée le soir du 15 mars avec un score de 70% d’abstentions.
Pour autant, il faut pas croire que la crise sanitaire ait conduit à des résultats qui auraient été radicalement différents en temps normal. Nous avons eu un sondage grandeur nature des rapports de force locaux, simplement un peu biaisés par cette crise.
Le Covid à certainement poussé les personnes âgées à moins se déplacer au détriment de la Droite, ainsi les LR de Thierry Tesson, mais d’autres raisons plus profondes expliquent la faiblesse d’expression des catégories sociales de plus en plus exclues de la vie publique. Les scores décevants de Francois Guiffard, très impliqué dans les « quartiers », ainsi que ceux de Thibaud François (RN) habituellement forts dans ces territoires, confirment la profondeur de notre délabrement social.
Une certitude dans ces résultats : Douai qui sera peut être Denain demain l’est déjà un peu.
Passons rapidement sur le délai qui a conduit le second tour à être organisé trois mois après le premier. Le confinement qui interdisait à tout le monde de parler donnait au sortant une prime diabolique puisqu’il était aux affaires.
Si les grincheux dont nous sommes considèrent que le suivi de la crise n’a pas été extraordinaire comparé à d’autres, nul doute que la présence à la tête de la ville a constitué pour notre maire une position inespérée dans laquelle propagande et gestion se sont confondues au quotidien.
Il nous reste à présent à avaler des résultats de second tour que peu de Douaisiens auraient envisagés voilà six mois. Restons toutefois positifs. Il reste aux citoyens le droit de parole et le devoir d’une surveillance morale.
Nous regarderons de près l’évolution démographique de la ville, son état économique, la valorisation de son patrimoine, le dynamisme de ses commerces, le nombre de bateaux sur la Scarpe et surtout l’état de nos impôts.
Douai Vox sera sur les rangs autant que possible. Six ans à passer, p…. six ans !
Ah vraiment, triste campagne pour un coup pour rien !
Max aime apprendre mais parle un peu souvent à la première personne. C’est un travers qu’il combat difficilement. Va falloir l’aider. Il adore la Scarpe et l’orgue de St Pierre, surtout les basses.