Ces faits-divers qui ne le sont pas

La langue française sait nommer les choses et les gens par des formules subtiles. Elle a ainsi inventé le terme de « fait-divers » dont le Larousse nous dit qu’ils sont des « événements sans portée générale qui appartiennent à la vie quotidienne » .
On les retrouve avec intérêt dans nos journaux favoris, la Voix du Nord en tête, et plus encore dans ses pages consacrées au Douaisis.

Le curieux, c’est que quand on les met tous ensemble ils ne sont pas trop divers.
Que racontent-ils ? A peu près systématiquement des faits de violence, les uns toujours plus graves que les autres : ça s’ennuie, ça traine, ça boit, ça se drogue, ça agresse, ça cogne, ça vole…

On voudrait pousser l’opinion locale à accroitre son « sentiment d’insécurité » qu’on ne s’y prendrait pas autrement.
Si ces faits-divers appartiennent incontestablement à la vie quotidienne douaisienne, ils possèdent une sacrée portée générale…

Pas de trêve pour les violences douaisiennes

C’est ainsi, pour évoquer les plus récents, l’attitude d’un agité alcoolisé dans un de nos bus gratuits ou l’agression d’une femme sans défense par un « toxicomane » à la station service de Waziers.
Les jours où n’apparaissent pas dans les colonnes ces événements sont rares. Ils laissent à penser que notre territoire est tout sauf une terre de paix et de concorde.

L’un d’entre eux a attiré l’attention des Douaisinologues pour ce qu’il apprend de notre situation sécuritaire. Publié le 2 janvier dans la Voix du Nord, c’est un cocktail du Nouvel An.

Son titre, déjà, fait flipper : « Un colporteur lynché puis enlevé à Douai, sa voiture et ses agresseurs introuvables » .
On croit qu’il s’agit d’un vendeur de rubans et de boutons comme il y en avait autrefois dans les campagnes.
Erreur.
Il s’agit d’un gars qui distribue dans les boites aux lettres des journaux ou des prospectus commerciaux.

Cloportes vs colporteur

Ce fait d’hiver se passe à Dorignies qu’on connait habituellement pour la batellerie, le « château Treuffet » mais aussi pour sa pauvreté, les ouvriers et mineurs des anciens beaux jours étant largement remplacés aujourd’hui par de très nombreux chômeurs.

Les colporteurs bossent en famille, père et fils, mais rien à voir avec Lauwin-Planque. Ils viennent en voiture avec un vélo dans le coffre.
Cette façon de faire illustre la solidarité des gens de peu du Nord. La famille se serre les coudes pour s’en sortir, à cette époque folle où la glande rapporte plus que le boulot.

« Julien » , dont la VDN nous dit qu’il s’agit d’un nom d’emprunt – histoire d’éviter la publicité ou les représailles, on ne sait pas trop – utilise son vélo pour alimenter rapidement les boites aux lettres avec ses imprimés.
La tournée finie, le biclou est mis dans la voiture.

Il est 6h30 du matin à Dorignies. Il fait encore nuit mais les cloportes sont de sortie. Ils ont trouvé leur victime : un colporteur qui ne fait de mal à personne.

Ils « sentent fortement l’alcool » . En absence de danger, il faut se donner du courage.
Après que l’un d’entre eux ait arraché le vélo de Julien pour partir avec, le reste du groupe le bouscule tout au long de la rue Jean Jaurès « en lui parlant de son récent séjour en prison » (des anciens co-détenus ? Ce n’est pas précisé…).

Les animaux attaquent pour tuer

On imagine sans peine la hâte du pauvre colporteur à rejoindre son père et sa voiture salvatrice.

Mais, Place de la Batellerie – qu’on pourra à présent dénommer place de la Convivialité comme à Douailes coups pleuvent.
Pour avoir une idée du niveau de la dégelée, on apprendra plus tard que Julien en est sorti avec plusieurs fractures au visage (nez, mâchoire, arcade sourcilière…). Rien que ça.

Son père, de sa voiture, voit ce déchainement de violence. Dans l’obscurité, il ne comprend pas qu’il s’agit de son fils mais en « bon samaritain » , malgré les risques, il sort du véhicule pour intervenir.

C’est à son tour d’expérimenter le passage à tabac. Son agresseur, nous dit la VDN, « était une furie, une vraie bête déchainée » . Quand il s’arrête, le père, qui peine à reprendre ses esprits, voit sa voiture démarrer avec son fils dedans et le méchant cloporte au volant.

Là, on entre dans une autre dimension, celle où tout peut se passer, y compris le meurtre, si on mesure l’agressivité du tabasseur, l’absence de témoins donc l’impunité.
Après quelques kilomètres, la voiture s’arrête. C’est un Julien mal en point qu’on balance au bord de la route, à Flines les Râches. Des riverains méritants le prennent en charge avant qu’il soit transporté au centre hospitalier de Lille.

Violence et impunité

Au final, comme l’indique le titre de l’article, les agresseurs seraient depuis « introuvables » . Souhaitons qu’on mette la main dessus et que la justice passe lourdement.

Il n’est pas du tout certain que cette conclusion, dans ce pays fou, soit possible.
Ce qui est sûr, en revanche, c’est que ses collègues colporteurs y regardent de près avant d’alimenter les boites aux lettres de Dorignies.

La VDN nous dit que ce n’est pas la première fois que l’un d’entre eux, dans le Douaisis, est « victime d’un vol de voiture pendant sa tournée » .
Au final, ces courageux travailleurs du petit jour prennent des risques disproportionnés considérant le revenu qu’ils en tirent.
On peut subodorer de plus qu’ils sont sans doute pour la plupart des « auto-entrepreneurs » au bord de la précarité.

La conclusion de l’article vaut son pesant de réputation pourrie pour la ville à travers les mots d’un spécialiste du colportage : « on voit bien que sur Douai, c’est devenu dangereux » .
Les colporteurs ont en effet intérêt quand il aperçoivent « des gens qui trainent la nuit et tôt le matin en train de boire » de passer leur chemin, surtout dans ces rues obscures que n’éclaire plus rien.

Douaisien, quand tu ouvres ta boite aux lettres, pense au pauvre colporteur qui, dans ta ville, a bravé la mort pour apporter ses prospectus au pied de ta porte.

Les pieds dedans

les pieds dedans à douai

Saviez-vous que la ville de Douai possède d’importantes ressources naturelles inexploitées? Non? Pourtant, les réserves semblent inépuisables, puisque chaque jour de nouveaux gisements sont découverts dans nos rues.

L’exploitation de cette matière première organique soulève toutefois des questions économiques, environnementales et donc politiques. Confrontés à ce sujet presque aussi tabou que “le tram“, nos élus éludent, protestent, s’agitent, s’interrogent, pour surtout ne rien faire. Alors qu’avec juste un peu de créativité, ils pourraient inverser la tendance et profiter de cette manne pour réduire les charges de la commune.

De l’or brun à portée de pied

Cet or brun, c’est les crottes de chien. Vous êtes surpris ? C’est normal, ça fait toujours cela lorsque l’on marche dedans et à Douai on marche souvent dedans. Des déjections canines, on en observe de toutes formes et de toutes les couleurs, difficile par contre d’identifier leurs auteurs. Chaque année, des centaines de kilos sont déposées sur nos trottoirs, mais saviez-vous qu’elles peuvent avoir une utilisation plus durable que de finir sous vos semelles?.

Besoin d’une idée lumineuse?

Transformer les crottes de chien en énergie

On pourrait lutter contre la déforestation en exploitant des déjections d’éléphants adultes pour fabriquer du papier. 50 kg de fumier par jour offre un potentiel de 115 feuilles de papier. Ce procédé a été expérimenté en Asie et en Afrique, malheureusement l’animal est rare dans nos contrées.

Ici, il s’agit plutôt comme à Malvern – ville de 30 000 habitants dans l’ouest de l’Angleterre – d’éclairer nos rues en transformant les crottes de chien en biogaz composé à 60% de méthane. En effet, seulement 10 petits sachets d’excréments placés dans une cuve au pied des lampadaires, chauffés et mélangés avant d’être décomposés permettent de les alimenter chaque soir en énergie pendant 2 heures. Les reliquats sont récupérés pour produire de l’engrais. Cette innovation a permis de réduire la consommation de gaz de 70% dans cette commune britannique. A Douai, avec l’entrain déployé par nos heureux propriétaires de canidés, c’est probablement l’ensemble de l’agglomération qui pourrait être illuminée.

Besoin d’une idée artistique?

Mise en boite et amende salée

En 1961, l’artiste italien Piero Manzoni réalise une œuvre “merde d’artiste composée de 90 boites de conserves hermétiquement fermées, numérotées et signées, qui contiennent les excréments de son auteur. Elles pèsent chacune 30 gr et doivent être monnayées selon le créateur, contre 30 gr d’or, au cours du jour. Malheureusement pour lui, il en a vendu très peu de son vivant. La côte des boites n’a commencé à monter qu’après le décès de l’artiste. En 2015, l’une d’entre elles a été adjugée pour environ 202 980 € lors d’une vente aux enchères chez Christie’s à Londres.

crottes en boite
“Merde d’artiste” œuvre de Piero Manzoni

A Douai, industrialisons l’oeuvre de Piero Manzoni

Après l’identification du maître indélicat par les 118 caméras installées dans la ville, rapporter la boite à son propriétaire pour sa collection personnelle, accompagnée d’une contravention de 335 euros, comme à Abbeville, à acquitter immédiatement (actuellement l’amende est de 68 euros). Si le contrevenant n’est pas solvable, 20 heures de travaux d’intérêt général à nettoyer les rues et les bacs à fleurs avec les agents de la propreté, semble une peine très adaptée.

TEXTE PROPOSÉ POUR L’ÉTIQUETTE DE LA BOITE REMISE EN MAIN PROPRE
Merde de (ici le nom du canidé)
contenu net 30 gr 
conservée au naturel
Produite localement
mise en boite à Douai

Voilà 2 beaux exemples d’économie circulaire, éco-citoyenne et participative. 

Besoin d’une idée scientifique?

Le fichage des ADN canins

Cette idée mise en oeuvre à Naples, Jérusalem, Londres a permis une réduction de 80% des déjections canines dans ces villes. Les propriétaires de chiens ont l’obligation de faire effectuer un prélèvement d’échantillons de poils ou de salive sur leur animal. Une base de donnée est alors constituée et régulièrement mise à jour. Ainsi, en cas de découverte de déjections sur la voie publique, les autorités prélèvent des échantillons pour les faire analyser. Les contrevenants sont identifiés et sanctionnés pour ne pas avoir ramassé derrière leur animal.

Besoin d’une idée écologique?

Chasse le naturel pour qu’il parte au galop

Il existe de nombreuses recettes à base de produits naturels pour fabriquer un répulsif à vaporiser préventivement devant votre domicile. Nous retiendrons celle à base d’Ail + huile essentielle + eau, pour la proximité avec la ville d’Arleux dont la spécialité est l’ail fumé.

La recette :
– Mélangez  1 litre d’eau bouillante à 2 gousses d’ail écrasées.
– Laissez refroidir, puis ajoutez 10 gouttes d’huile essentielle de menthe poivrée et 10 gouttes d’huile essentielle de citronnelle.
– Laisser macérer pendant 2 semaines, filtrez puis vaporisez la préparation devant chez vous.

Vous aussi vous avez des idées, partagez-les avec nous.

Retards aux urgences

retards aux urgences

Inauguré en septembre 2008, le Centre hospitalier de Douai est un établissement ultra moderne qui était censé apporter aux 150 000 habitants de notre agglomération des conditions de soin exceptionnelles.

Comme toujours, il y avait loin de la coupe aux lèvres. La crise du système de santé national n’est aucunement celle du matériel. Elle est d’abord une question de personnel qualifié mais surtout d’organisation de la prise en charge des patients.

En juillet 2019, un député du Nord a testé les urgences de l’hôpital de Douai pour juger de la qualité des soins apportés aux patients. Son témoignage est édifiant : «Six heures d’attente et encore, j’ai eu de la chance». Suit la description d’un service au bord de la rupture où la prise en charge, déficiente, est submergée par une demande qui dépasse de très loin les capacités prévues.

Encore une fois, on n’ose imaginer la conséquence désastreuse que peut avoir la médiatisation d’un tel constat au-delà des frontières du Douaisis, par exemple sur tous ceux qui, sur le point de tenter l’aventure flamande, s’apprêtaient à habiter dans notre contrée.

Les indicateurs de santé des Hauts de France sont mauvais. Tant chez les hommes que chez les femmes, la mortalité est supérieure de 20 % par rapport aux valeurs nationales. Ce différentiel est encore plus élevé dans les zones urbaines, ce qui est un paradoxe qui confine au scandale puisque la concentration démographique devrait au contraire permettre l’économie d’échelle qui est au cœur de la logique hospitalière. Le plus terrible, enfin, est de constater que ce décrochage s’amplifie depuis les années 80.

Il est courant d’expliquer cette surmortalité régionale par les « comportements à risque » de la population selon la trilogie mortifère : tabac, alcool, suicides. Pour autant, on ne peut s’empêcher de croire, si cette explication possède sa part de vérité, que nous ne luttons pas avec les mêmes armes.

Les Hauts de France ont moins de médecins et de professionnels de santé que le reste du pays (de 5 à 30% de moins selon les territoires). Exemple parmi tant d’autres, les chirurgiens-dentistes et les médecins spécialistes libéraux sont, en densité, respectivement inférieurs de 24 % et 27 %. Pour les seconds, nous sommes même les plus mauvais de France.

Si notre député s’est essayé au test concret, tant de concitoyens – dans une agglomération de 150 000 habitants – ont vécu en vrai ce type d’épreuve, la plus catastrophique étant la période du week-end où se faire soigner quelque part relève de l’impossible. Faute d’un accueil adapté du type dispensaire, maison médicale ou simplement médecine de garde, toutes les pathologies, des plus graves aux plus imaginaires, convergent aux urgences du centre hospitalier qui ne peut évidemment répondre à cet assaut.

Dans un pays où la cotisation à l’assurance maladie est obligatoire pour tous les citoyens, il n’est pas rare que le salut provienne de la vente sans ordonnance d’un médicament par un pharmacien compatissant, comme l’aurait fait un médecin voilà un siècle quand n’existaient dans notre bonne ville de Douai ni sécurité sociale, ni CMU, ni hôpital, ni ARS.

Besoin d’une idée médicale?

Si cette solution n’est pas neuve, il faut augmenter dans la ville l’offre médicale généraliste mais surtout spécialisée. Le principe de l’aide à l’installation de jeunes médecins (la commune offre le local et le plateau technique) a déjà fait ses preuves ailleurs. Il serait d’ailleurs judicieux d’ajouter une action supplémentaire.
Profiter de l’abandon prochain du numerus clausus, qui limitait jusqu’à présent le nombre de docteurs en médecine en France, pour offrir des bourses aux étudiants douaisiens méritants, n’est pas à négliger. En contrepartie, à l’issue de leur cursus ces derniers devraient assurer une durée d’exercice de 5 à 10 ans dans le territoire et en priorité sur les urgences de proximité.

Autre idée copiée au Canada. La commune peut offrir aux praticiens un plateau technique mais aussi et surtout toute la gestion administrative qui est souvent lourde. Le médecin intervient pour assurer des soins, parfois à temps partiel ou par vacations, mais ne s’occupe de rien d’autre. D’une certaine manière, on retrouve dans ces projets la bonne vieille idée du dispensaire.

De même, pour contrer l’extension des déserts médicaux, une innovation menée par l’ARS de l’Ile et Vilaine et la ville de Fougères. Des étudiants en médecine interne sont accompagnés en stage chez des confrères pour mieux connaître le terrain, l’exercice du métier et les possibilités de clientèle.

Enfin, l’invention d’une application dans la région des Hauts de France, Remplanor depuis devenu RemplaFrance, inventé en 2013 par un médecin lillois, permet d’organiser en direct les remplacements entre praticiens, notamment dans les territoires déficitaires.