Dans les villes moyennes de nombreux commerces de centre-ville rencontrent des difficultés, Douai n’échappe pas à la règle. C’est quoi votre programme? « on va re-dy-na-mi-ser le cen-tre-ville« . Ah oui? Se limiter aux axes de l’animation et des bacs à fleurs ne sera pas suffisant pour donner une nouvelle attractivité à Douai.
Episode 1 : des commerces en pleine mutation
Les causes du changement sont multiples :
-Bien sûr, la concurrence des grandes zones commerciales implantées à l’extérieur de la cité, avec la bénédiction de nos élus locaux (voir le bilan annuel de la CDAC).
–L’e-commerce qui continue à gagner des parts de marché pour atteindre 9.1% du commerce de détail en 2018, ce n’est pas tant que ça, mais il y a de grosses disparités selon les secteurs.
–Les freins à la circulation et au stationnement dans la ville, comme chaque Douaisien doué de raison le sait.
–l’évolution de la structure sociale en partie liée au matraquage fiscal qui fait fuir les plus aisés.
-Mais aussi sujet jamais évoqué, des difficultés pour certains commerces à s’adapter aux évolutions des modes de vie de leurs clients et à leurs attentes.
Ville moyenne cherche «élaborateur de stratégie» pour ses commerces
On suppose que notre maire a identifié ces problématiques. La réponse apportée s’est traduite par le recrutement en mars 2019, soit une petite année avant la fin de son mandat de 6 ans, d’un « développeur de centre-ville ».
Le terme choisi n’est pas anodin, il sera « développeur » et pas « manager ».
A t-il toutes les cartes en main pour faire bouger les lignes? On n’en sait rien. Comme le stipule l’annonce d’emploi publiée par la mairie, il est rattaché au Directeur Général des Services déjà en place sous jacques Vernier. Il n’élabore pas la stratégie, il y participe. On se demande alors qui est «l’élaborateur de stratégie». Frédéric Chéreau, interviewé par la Voix du Nord, a par ailleurs étrangement défini le rôle de notre développeur par la négative : «Il n’est pas le Monsieur urbanisme, le Monsieur commerce ou le Monsieur habitat, il n’entre pas dans une case». A défaut, il pourrait peut-être faire rentrer des clients dans les commerces et des visiteurs dans le centre-ville.
Quelle légitimité peut-on avoir quand le « big boss » n’arrive pas à définir votre rôle? Son action ne peut être efficace qu’au service d’un projet politique et là, pour le coup, la case est vide. Quelle est exactement la feuille de route de notre développeur? Quels objectifs quantitatifs lui ont été fixés? A cette heure on ne sait qu’une chose, c’est qu’il n’est pas non plus « Monsieur communication », ni « Monsieur performance ».
Un passé qui fût et qui ne sera plus
Les Douaisiens de souche ou les délocalisés se lamentent sans cesse du passé évanoui de la ville. A chaque fois on se dit : tiens, encore un habitant touché par le syndrome du « c’était mieux avant« . Ce qu’il faut comprendre, c’est que le temps béni du commerce est définitivement révolu. Il ne sert à rien de se lamenter, il faut plutôt se réinventer.
La révolution numérique et omnicanale oblige les commerçants et les élus à sortir des schémas du commerce d’hier. Toutefois l’innovation marchande ne peut pas être abordée uniquement sous un angle technologique.
Si nos commerces veulent survivre, ils doivent se projeter dans ce monde nouveau où tout évolue à grande vitesse. Gérer ses fidèles clients ne suffit plus. Les nouvelles générations sont zappeuses et opportunistes, hyper- informées avant même de rentrer dans un magasin. Internet a rendu les clients plus exigeants sur la qualité de service. Un commerçant ne peut pas se permettre de dire non. Non je n’ai pas votre produit, non je ne peux pas vous faire une remise, non je ne peux pas vous livrer. Dans son offre, dans la qualité de l’accueil, dans la reconnaissance du client, peu importe le levier, il faut pouvoir se démarquer et s’adapter à ses besoins changeants.
Pour certain commerces, le « gap » à franchir est immense.
Est-il normal de voir à Douai des commerces qui ne proposent pas, en 2019, le paiement par carte bancaire ou le sans contact, lorsque l’on sait que 97% des français utilisent ce mode de paiement pour leurs achats.
Parlons aussi du paiement mobile. Peu en font usage, mais 43% des 18/24 ans aimeraient utiliser leur smartphone pour régler leurs achats (contre 28% des Français). Ces jeunes sont les « futurs » clients de nos commerçants, ceux qu’ils vont devoir attirer dans leur boutique.
Evidemment, être présent et à jour sur le web est un minimum, mais l’innovation passe aussi par la création d’une expérience d’achat exceptionnelle dans son point de vente. Une expérience qui permet d’apporter un supplément d’âme que personne n’aura avec un clic.
Il s’agit parfois de petites choses, souvent liées à la qualité de service. Par exemple, chez un coiffeur placer des parapluies à l’entrée de sa boutique au cas où les clientes seraient surprises par une pluie subite au moment de sortir, avec un petit message accroché au manche (si vous le rapportez nous vous offrons un soin). Dans une cabine d’essayage, pour aider le client à choisir, prévoir 2 portes manteaux. Le premier « absolument » indiquant les articles que je veux garder, le deuxième « pourquoi pas ».
Autre exemple, pour cette fois stimuler les sens du consommateur, l’utilisation de parfums agréables dans un lieu de commerce permettrait d’augmenter l’intention d’achat de 50%. Eclairage, identité sonore, mise en scène des produits… c’est ce que l’on appelle le marketing sensoriel. L’exemple le plus célèbre est celui de la marque Nature & Découverte qui stimule la vue par les matériaux du mobilier et les jeux de lumière, le toucher en proposant les produits en libre accès, l’odorat par le parfum d’ambiance indissociable de la marque et le goût avec des tisanes et du thé à l’accueil .
Enfin, osons évoquer les horaires d’ouverture. Saviez-vous qu’en France, 70% des achats du quotidien sont réalisés entre 17h et 20h. Ceux de nos commerces sont-ils vraiment adaptés?.
La révolution des modes de consommation
Des grandes surfaces en perte de vitesse
On ne va pas se mentir. Les hypermarchés et supermarchés restent très fréquentés, 49% des Français s’y rendent au moins une fois par mois. Pour autant, la tendance n’est plus à leur avantage.
Les français semblent s’en détourner. Non pas comme on pourrait le penser pour se rendre dans des petites surfaces de proximité de la grande distribution mais plutôt chez les producteurs locaux et les magasins d’alimentation « bio » pour les produits sains, les « hard discount » pour les prix cassés et les « drive » pour le gain de temps. Ce sont les 3 grandes tendances actuelles de consommation.
La consommation qui verdit
Ces évolutions, déjà visibles dans les grandes agglomérations, commencent à pointer le bout du nez dans notre ville. Il ne s’agit plus de signaux faibles mais d’un mouvement de fond, 2/3 des consommateurs prennent en compte l’impact de ce qu’ils consomment sur leur santé. Leur intérêt pour les produits alimentaires issus de « circuits courts » qui limitent au maximum les intermédiaires sont en progression constante. Ensuite, ils sont à la recherche de produits sains, même si pour cela ils doivent consommer moins et payer un peu plus cher.
Pour preuve le succès de l’application Yuka qui permet de scanner des produits et d’en évaluer la qualité nutritionnelle ou sa dangerosité. En moins de deux ans, on compte 10 millions d’utilisateurs en France.
Ce besoin de transparence n’est pas sans conséquences pour les marques ou les commerçants. La grande distribution l’a d’ailleurs bien compris. Elle essaie d’intégrer cette nouvelle donne dans son offre. (vente de produits en vrac/bio/productions locales…). Cette évolution est encourageante pour le commerce de bouche douaisien, qui contrairement au secteur de l’habillement, semble bien résister.
C’est bienvenu aussi parce qu’il faut donner de bonnes raisons aux consommateurs de fréquenter le centre-ville en proposant une offre différente de la périphérie, en réimplantant notamment des commerces aux produits de proximité et de qualité.
Conclusion stratégique non validée par « l’élaborateur«
Dans cette bataille vitale, commerçants et politique vont devoir travailler ensemble puisqu’ils ont la même clé d’entrée : l’adaptation aux nouveaux usages des consommateurs pour les premiers et de l’usager pour les seconds.
Le saupoudrage ne servira à rien. Les élus devront mettre en oeuvre une politique volontariste intégrant le commerce dans toutes les dimensions présentées au dessus, mais aussi l’habitat, les services et la mobilité.
Sans un traitement de choc à 360° et l’intégration des usagers dans les projets dès la réflexion, la réussite ne sera jamais au rendez-vous. Notre « développeur de centre-ville » le sait-il ?
Besoin d’une idée centrale?
Une fabrique de centre ville
On aimerait que « Monsieur élaborateur de stratégie » demande à « Monsieur développeur » d’ouvrir non pas une boutique, mais une Fabrique de centre-ville dans un local vacant de la rue de Bellain. On n’en manque pas (27 cellules vides actuellement entre les deux places). Un lieu ouvert aux habitants, aux associations et aux chefs d’entreprise, pas pour les écouter ou les convaincre, mais pour co-construire avec eux un projet de revitalisation qui correspond à leurs attentes.
La Fabrique pourrait également proposer des formations numériques aux commerçants et artisans. Il ne faut pas sous-estimer la puissance de l’intelligence collective.
36 heures pour un incroyable commerce
Mon centre ville a un incroyable commerce à Valenciennes
Dans le même esprit nous suggérons à la Ville de Douai (si cela n’est déjà fait) de s’inscrire au programme Mon Centre-Ville a un Incroyable Commerce (MCVAIC) développé par les agences Auxilia et Visionari, en partenariat avec Leboncoin,
Il s’agit d’un concours de création d’entreprises en centre-ville, à destination des porteurs de projets du commerce et de l’artisanat. Les participants peuvent tester et développer leur concept d’entreprise avec toutes les parties prenantes du centre-ville. Le format est un marathon créatif de 36 heures qui applique une méthodologie inspirée des start-up. En complément les participants reçoivent des conseils d’experts locaux publics et privés, de commerçants, d’artisans et de citoyens.
Les prix décernés aux lauréats sont à la main de la commune et/ou de la CAD (par exemple des mois de loyers gratuits). Autre point intéressant, pour le jury final les habitants peuvent assister aux pitchs des porteurs de projet et voter.
Pour la première édition, 10 villes du programme action cœur de ville ont été retenues. La dernière opération a eu lieu à Valenciennes il y a un mois, intéressant non?.
Roule à bicyclette. Déteste les poignées de main molles et l’eau tiède. Aime le lexique fluvial et l’ambiance du bar de la marine. Pense que sa copine Crumble devrait arrêter de bouffer tous les gâteaux, pendant qu’il vérifie les infos.
Il paraît que « l’élaborateur de stratégie » (j’ai l’impression de faire du Ségolène !), bref, que celui qui portait tant d’espoirs se soit démissionné pour partir à Arras… Pourquoi ? Un maire aux idées trop… Trop… Ou pas assez… Ou sans idée du tout… ? Une équipe municipale trop… ou trop… ou sans idée du tout !? Peut être une incompréhension avec les représentants des commerçants douaisiens ? Qui n’ont pas d’idées non plus, si ce n’est de demander des aides… Comme le Titanic lançait des « SOS « ! (il faut faire venir les grandes enseignes en centre-ville… ! Quelle étude de marché souscrirait elle à une pareille aventure dans les conditions actuelles ?)
Bon, l’histoire nous apprend à être modeste, les situations les plus désespérées se transforment en victoires, parfois, mais n’est pas Churchill ou de Gaulle qui veut.
Bon courage à vous, aujourd’hui silencieux…
Le « dynamisateur » est parti depuis longtemps sans faire de bruit. Nous nous garderons bien de faire des hypothèses sur ce départ 🙂
Les commerçants habitent tous ou presque hors de Douai, ils ne s’entendent pas sur la ligne sauf pour ne pas mordre la main qui les nourrit, mairie ou agglo.
Les grandes enseignes, bien sûr, nous avions expliqué cette obligation dans un de nos papiers, d’ailleurs un des plus consultés du site.
Après, vous avez raison. Il faut du temps, des élus compétents, de la vision, une stratégie, une alliance avec le territoire (disperser les projets tue le centre et n’aide pas le Douaisis). Toutes ces conditions doivent être présentes, ensemble. Il en manquera toujours quelques unes 🙂