Il fut un temps où les mairies n’avaient aucun besoin d’organe de presse célébrant leur action, toujours positive, avec la frimousse des élus sur à peu près toutes les pages. Elles se contentaient d’afficher leurs décisions sur les murs de l’hôtel de ville.
Le lieu de parole était celui de l’exercice du pouvoir, l’action mais pas la description de l’action. Le conseil municipal voyait ses comptes rendus rapidement communiqués au bon peuple. Le contact direct des conseillers municipaux avec la population était constant, histoire de prendre au quotidien le pouls de l’opinion locale.
Pour le malheur des citoyens ont fleuri depuis les « journaux municipaux », publications bizarres dont le ton oscille entre celui de la Pravda de la bonne époque ou celui de l’actuelle Gazette des Communes.
Nous avons déjà l’étonnant prospectus publicitaire de Douaizizaglo® mais aussi l’inusable « Douai notre ville » dont le titre parait parfois bien éloigné de ce qu’il énonce. Ce « nous inclusif » ne doit pas être en effet autre chose que le célèbre « nous de majesté ».
Pour être un peu objectif, ce qui n’est pas forcément la finalité de Douai Vox, il faut reconnaître que l’organe du parti communal reste mesuré dans la célébration des hauts faits notre conseil et surtout ceux de son directeur de la publication. Il donne même – c’est la loi – une part d’expression à l’opposition, comme le dernier numéro de « DNV » la présente en page deux. S’il est un gage d’équilibre démocratique, l’exercice donne lieu à un propos tellement déconnecté de la réalité qu’on balance entre le rire et la consternation.
Loin de préparer la campagne électorale à venir, ce qui serait sans doute logique venant d’élus qui seront probablement partie prenante des listes candidates, nous avons droit à une « tribune libre » dont la liberté pour le coup ressemble à celle qui permet de dire n’importe quoi.
Un esprit avisé peut croire que cette vacuité découle des règles pré-électorales obligeant les auteurs à ne parler de rien. Pas du tout. Le code ne permet pas à un maire de s’opposer à la publication d’articles d’une tribune libre, même quand ils sont assimilables à de la propagande. Le droit d’expression des conseillers municipaux d’opposition est total.
Mais que font donc nos représentants de cette possibilité ? Et bien rien.
D’un côté, nous avons droit à un rappel de la récupération miraculeuse – en 2011, c’était hier – du tableau de Jules Breton, « la fille du pêcheur » volé par les Boches en 1918. La mise en perspective est celle d’un stage de formation (de qui ? pour qui ?) susceptible d’améliorer la restitution des œuvres perdues dans les tourmentes du passé. On se perd en conjectures pour savoir ce que vient faire ce sujet – certes hyper stratégique – dans la feuille de chou municipale, sauf à imaginer que cette notule puisse être écrite par le maire lui-même.
Mais le pire est sur la colonne à côté, bien à droite. Cette fois-ci, le responsable local d’un parti politique connu, peut être bientôt à la tête de la ville, nous assène des considérations invraisemblables sur la « décadence » de la France. Cette liste mériterait d’être inscrite sur les murs du Beffroi pour que son absurdité soit connue de tous pour des siècles et des siècles. L’auteur doit être un adepte du « coupé-collé » qui, trouvant dans un paquet de lessive nationale le topo qui va bien, l’a posé ici à l’arrache en style télégraphique. Il devait penser qu’on ne le lit jamais.
Si nous étions Frédéric Chéreau, la lecture de ces deux « tribunes libres » nous mettrait en joie quant à la qualité et la pertinence des oppositions qui bientôt se lèveront contre nous.
Opposants encore un effort pour être oppositionnels !
Nestor aime la polémique douaisienne, surtout quand elle est enfouie sous des tonnes de silence. On peut trouver parfois un peu de mauvaise foi dans ses propos mais sans cette liberté, il n’y aurait d’éloges flatteurs.