Senatus populusque duacus

Comme tous les Français, Douai n’a pas habituellement grand chose à faire des sénatoriales mais Christophe Dumont est candidat en septembre prochain, ce qui change tout.
Le maire de Sin le Noble a-t-il une chance d’être élu ? Voilà qui peut être intéressant à observer de près.

Un bon maire

En bons voisins, on ne peut en effet être indifférent à son destin. Tous les douaisinologues savent qu’il constitue à Douaisis Agglo, avec Jean-Luc Hallé, la garde rapprochée de Christian Poiret, le fameux « duo infernal » .

D’aucuns pensent même qu’il serait, plus que son alter ego d’Hamel (700 habitants, 40 ans de mandat), l’héritier du patron communautaire, sachant qu’il en est le 1er vice-président, titre connu pour les espérances qu’il donne à celui qui le détient.

Ses qualités éminentes se sont plutôt bien déployées dans sa commune depuis 2014 si on en juge par sa réélection magistrale en 2020. Peu de maires peuvent se vanter d’avoir terrassé leurs adversaires en un seul tour par 75% des voix.

On se souvient enfin de l’esprit de sacrifice dont Christophe Dumont a fait preuve aux départementales en faisant équipe avec une douaisienne exfiltrée de la capitale pour éviter au patron une concurrence dangereuse sur son canton. L’abstention massive explique sans doute l’échec du duo, à moins que cette alliance ait déplu aux électeurs.

Utilité relative du Sénat

On dira peu du Sénat souvent présenté avec des trémolos dans la voix comme le « Grand Conseil des Communes françaises » selon la célèbre formule de Gambetta.
C’est oublier son origine, qui est celle de la chambre des Lords britanniques, laquelle explique largement son statut de maison de retraite pour professionnels de la politique.

C’est surtout faire peu de cas de toutes les réformes que cette institution a empêchées, de l’impossibilité de réduire le nombre de communes au maintien absurde du département, en passant par un certain nombre de lois que ces vieux messieurs ont bloquées avant de plier devant l’assemblée nationale.

Pour finir, les citoyens seraient bien embêtés si on les interrogeait sur le rôle précis de ce machin ou, mieux, s’agissant des sénateurs du Nord, si on leur demandait d’énoncer leur nom, de dire de quels partis ils dépendent et enfin et surtout d’expliquer ce qu’ils ont réalisé durant leur si important – car lucratif – mandat.

Des changements inaperçus

Il y a eu ces dernières décennies des modifications de cette sinécure, parfois passées inaperçues. La durée du mandat est à présent de six ans au lieu de neuf auparavant. Le renouvellement des sièges ne se fait donc plus par tiers mais par moitié tous les trois ans. C’est ainsi que le Nord vote cette année.

L’élection, toujours au suffrage indirect, repose à 95% sur les choix des délégués que désignent les conseils municipaux mais là encore, quelques changements récents.
Si chaque conseiller municipal des villes de plus de 9000 habitants est à présent électeur, le bonus est encore plus net pour les communes de plus de 30000 habitants. Elles bénéficient en effet d’un délégué supplémentaire par tranche de 800 habitants au-delà de cette dernière limite.

Ces évolutions subreptices réduisent de fait le poids – autrefois excessif – des zones rurales dans la « chambre haute » .
Ce système est avantageux chez nous pour Tourcoing, Roubaix mais surtout Lille. Avec ses 240000 habitants qui sont un étonnant concentré de Socialistes, elle dispose avec ces derniers des Mohicans de 250 électeurs possibles sur les 6000 qui composent le corps électoral nordiste, ce qui n’est pas rien.

11 sénateurs dans le Nord

Le résultat de 2017 reflétait comme souvent les grosses étiquettes partisanes.
Les 6000 délégués, dont les votes sont répartis à la proportionnelle, avaient donné, grosso modo, pour le PS, LR, l’UDI et le PC deux sénateurs chacun.
Le reste s’était éparpillé façon puzzle
, à l’unité, sur des listes aux intitulés invraisemblables du genre « Les Élus locaux s’engagent » (ce n’était pas le cas ?) ou encore « La Voix des Communes et des Territoires » (Elle vient d’où sinon ?).
On croit comprendre qu’elles sont centristes.

Le résultat sera probablement dans le même genre cette année, nonobstant les changements de personnes, toujours possibles dans ces marigots asséchés que sont devenus les partis nordistes.

Sachant que le mode de scrutin est totalement corrélé aux résultats des municipales, regardons ce qui s’est passé en 2020.
Dans les villes de plus de 9000 habitants, la Gauche et la Droite ont perdu respectivement 3 et 4 communes.
Cela au bénéfice d’un gloubi-boulga centriste et « sans étiquette »
, la plupart du temps avec le même maire, ce dernier ayant simplement changé de marque commerciale.

Considérons ce phénomène comme un effet déstructurant du macronisme, lequel sera peut-être un élément d’incertitude, encore que la performance des adeptes du président actuel aux municipales est quand même restée limitée.

Un sénateur sinois ?

Christophe Dumont a-t-il une chance d’être élu ? Peut-être. On peut déjà noter que le Douaisis n’a jamais eu beaucoup de représentants au Sénat, hors, il n’y a pas si longtemps, le regretté Patrick Masclet, maire d’Arleux.
De ce point de vue, l’élection du patron de Sin le noble serait un rattrapage légitime, sachant que l’agglomération lilloise au sens large a été très représentée en 2017 (7 sur 11…).

Au delà de la géographie, la typologie des sénateurs du Nord démontre qu’il vaut mieux être l’élu d’une petite commune ou un personnage politique de second plan pour se retrouver au palais du Luxembourg.
On a, certes, deux anciens ministres parmi les actuels, ainsi Patrick Kanner ou Valérie Létard, mais la question de leur influence nationale peut être posée. D’ailleurs, si le premier persiste, la seconde passe la main pour 2023.

Sur ce critère, maire d’une cité de 15 000 habitants – peut être d’ailleurs un peu trop grosse – Christophe Dumont pourrait avoir une chance, sans parler de son positionnement politique, évidemment « indépendant » à la suite du célèbre Dany Wattebled qui a été élu sur ce critère en 2017.

Ces listes « apolitiques » sont celles qui peuvent apporter quelques surprises. Avec un ticket d’entrée à 400 voix par sénateur, il est toujours possible pour ces dernières de décrocher la timbale dans un scrutin où les arrangements entre amis participent au charme sénatorial.

Ce sera difficile

Pour le reste, un sénateur sinois parait peu probable, d’abord parce qu’il faut considérer le positionnement des candidats sur les listes.
Si on en croit les médias, Christophe Dumont sera en troisième position après Dany et Marie-Claire Lermytte. Pour cette dernière, il y a peut-être une stratégie tenant à sa mairie de Brouckerque où elle a succédé à Jean-Pierre Decool. Comme ce dernier ne se représente pas au Sénat, ses anciens soutiens pourraient se reporter sur cette liste.

C’est dire, pour Christophe Dumont, que la troisième place risque fort d’être comme la quatrième aux Jeux Olympiques : la pire de toutes. Il parait rien moins que possible qu’une liste « indépendante » puisse obtenir trois élus. C’était d’ailleurs, à la suite du sénateur Decool déjà cité, la position de Jean-Luc Hallé en 2017. Il n’est pas sénateur…

Ensuite, il y a les courants souterrains de ce comité électif qui représente 0,2% de la population du Nord. Si l’idée de donner des sénateurs ailleurs qu’à Lille peut jouer, l’audience du Douaisis dans les rapports de force parait bien limitée à l’inverse de Valenciennes ou de la côte dunkerquoise.
On pourrait bien sûr compter sur l’appui du président au carré – qui a donné le feu vert – mais il n’est pas certain que les délégués soient tous de ses partisans, loin de là. La logique d’une élection indirecte c’est qu’on y vote plus souvent « contre » que « pour » .

En conclusion

Pour finir, outre le positionnement du maire de Sin le Noble, as usual placé sous le prisme du « centrisme » , on peut se demander si les qualité de Christophe Dumont ne sont pas, en elles mêmes, un handicap.

La lecture attentive des biographies de ces sénateurs du Nord dévoile une sacrée liste d’apparatchiks ou de professionnels de la politique (le top, presqu’incroyable, Frédéric Marchand, macroniste avéré), de gens qui n’ont jamais exercé un vrai métier ou, quand ils en ont eu un, c’est si vieux que personne ne s’en souvient et même pas les intéressés.
Directeur administratif au musée de la mine de Lewarde, ce n’est pas le cas de Christophe Dumont. Il a un boulot, lui.

Mieux, on sait qu’il a succédé à Sin le Noble à un édile qui a été en délicatesse avec certaines règles légales. C’est curieusement – sans que cela n’aille jamais très loin, rassurons nous – le cas de certains de nos sénateurs.
Ainsi le Daubresse soupçonné de détournements de fonds publics, la Filleul condamnée pour « violation du statut protecteur du salarié » en contradiction d’une loi venant de son propre parti et enfin le Wattebled qui a vu refusés ses frais de campagne mais qui, péché véniel, n’a pas été frappé d’inéligibilité.

Christophe, que vas-tu faire dans cette galère ?

Le barrage fuit

C’est fait. Dimitri du Bien est remplacé par Thibaut de Douai.
La mobilisation contre « l’extrême droite » organisée entre les deux tours dans la salle des fêtes de Cuincy « a fait pschitt » . On avait pourtant sorti de la naphtaline d’anciens caciques en espérant que ces gloires passées conjureraient le mauvais sort.
C’était oublier que l’évolution sociologique du territoire – favorisée par les mêmes quand ils étaient aux manettes – produit des effets électoraux contre lesquels plus personne ne peut plus rien.

Enfin, du nouveau au Palais Bourbon

On dira quelques trucs du résultat national que l’équipe technique bénévole de Douai Vox, imitant par paresse les instituts de sondages, n’avait pas anticipé. Personne n’a gagné si on part du principe qu’un succès législatif sous la V° République repose sur une majorité à l’assemblée. Ce n’est pas la première fois que les élections législatives débouchent sur cette configuration mais un tel déficit de sièges pour un président absolu sortant ne s’est jamais vu.

Il reste que ce résultat démontre de la finesse du peuple capable, par ce miracle du suffrage universel qui est une addition de choix individuels, d’envoyer un message collectif clair aux princes qui nous gouvernent.
Il avait choisi le jeune prodige aux présidentielles – parce que vraiment la dame ce n’était pas possible – mais sans donner au béjaune l’autorisation de faire n’importe quoi.
Comme il a joué au plus fin en évitant tous les sujets, avant de se mettre à parler ukrainien parce que les agences de comm’ lui disaient que ça payerait, le v’là sans majorité à l’assemblée.
Admirons cette sanction populaire qu’aucun état-major politique n’aurait été capable ni de concevoir, ni de réaliser.

Attendons la suite qui va, à n’en pas douter, nous réserver des surprises. Les rouages de nos institutions sont un peu rouillés quand on sait que la seule motion de censure réussie date de… 1962. Il n’est pas certain non plus que la machine, rapiécée par de nombreuses reprises (quinquennat entre autres), puisse fonctionner comme elle le devrait.
Si l’absence de majorité est un fait marquant, car les Marcheurs ont perdu pas mal de Dimitris, ils constituent toutefois le groupe le plus important de l’assemblée avec 245 sièges.
Le président absolu n’a pas dit son dernier mot.

Enfin, ça bouge dans les circonscriptions

Justement, parlons de nos deux battus de la 16° et la 17° circonscription.

Dimitri Houbron est emblématique de ces députés de circonstance nés dans la champignonnière macroniste sans passé militant, ni compétence particulière. Son bilan était mince, centré sur des sujets annexes qui ne font pas une stratégie, sans parler de l’absence totale de direction politique.
Ses prises de parole actant l’échec – le « au revoir » giscardien fait sourire – sont intéressantes pour ce qu’elles révèlent. Il se serait « engagé en 2017 pour éviter le Rassemblement National » . Ce héros combattant l’hydre aurait mieux fait durant son mandat de s’attaquer à ce qui nourrissait la bête qui l’a mangé tout cru.
A partir de ce vide mal compensé par une personnalité peu charismatique, les soutiens étaient rares dans la circonscription. Comptons pour rien l’appui anecdotique de pauvres centristes en rupture de ban et d’idées. Dimitri Houbron sera comme les inconnus célèbres qui ont traversé l’histoire de la ville. Tiens dans le genre Claude Wargnies ou Paul Moreau.

Alain Bruneel pourrait être l’opposé du précédent par l’âge, l’épaisseur militante et la solidité de l’étiquette politique. Cet apparatchik qui n’a jamais travaillé de sa vie, bénéficiait d’une sinécure de permanent depuis… 1968. Ce camarade communiste, maire de Lewarde de 1999 à 2017, a succédé la même année dans son fauteuil de député à deux parrains du PCF de la Belle Epoque. Le célèbre Georges Hage et le non moins connu Jean-Jacques Candelier, généreux employeur du fameux Roussel.
La chute d’Alain Bruneel, dernier représentant d’une idéologie évanouie et surtout dévoyée, est logique quand on observe ces élus capables de toutes les alliances dans un territoire qui, d’ailleurs, fut dans le passé plutôt SFIO, c’est à dire socialiste.
A l’inverse de son collègue Houbron auquel il s’était allié dans la détestation d’une « extrême-droite » menaçant leur mandat et leurs indemnités, Alain Bruneel pouvait se targuer d’une certaine activité. Ce spécialiste des transports gratuits et des lignes ferroviaires déficitaires n’a pas ménagé sa peine pour se faire connaître. Cette frénésie n’a pas suffi pour conjurer le sort mais rassurons nous : « Je travaillerai d’une autre manière. La lutte continue, je suis un militant » . On le savait et ce boulot sera même rémunéré.

Enfin, les élus rejoignent la sociologie locale

Ce dernier cas d’ailleurs permet de savoir ce qui se serait passé si le-elle-iel candidat-e de la Nups-e-s avait supplanté Dimitri Houbron au premier tour et donc si on avait assisté ensuite à un duel de titan entre « les extrêmes » . Sans doute le sortant sorti aurait-il appelé à voter pour la gauche, encore que ces préconisations, aujourd’hui démonétisées, n’ont pas toujours l’effet attendu. Il y a bien longtemps que les électeurs n’en font – et tant mieux – qu’à leur tête.
Plus précisément, on a, avec la chute du député Bruneel, un début de réponse. Dans la 16° comme la 17°, l’audience du Rassemblement National est devenue majoritaire. Il grignote peu à peu du terrain, cette progression profitant de candidats au profil bien meilleur que celui de l’époque pionnière.

On notera aussi l’opposition du centre contre sa périphérie qui retrouve l’antagonisme de la communauté d’agglomération. On sait qu’on a beaucoup enlevé à Douai pour consoler les communes autour de ne pas être la capitale mais il semble que cette stratégie ne fonctionne plus. Le RN arrive en tête quasiment partout (hors Esquerchin, Erchin et… Douai). On peut en déduire que ces électeurs ne sont pas contents de leur sort, ce qui serait sans doute différent si notre ville était plus prospère. Souvenons nous de ce proverbe chinois : « quand les gros maigrissent, les maigres meurent » .

Pour autant, à Douai, le RN fait à présent quasi jeu égal avec une « Gauche » protéiforme qui prospère sur les idées nouvelles qui adorent l’Autre (islam, immigration…) pour mieux détester le Vieux Pays.
Elle est largement soutenue dans notre ville, caractéristique qui devrait faire réfléchir tous ceux qui commencent à aiguiser leurs couteaux en prévision des municipales. Il y avait un agenda caché dans cette élection pour beaucoup de candidats : se faire connaître, compter ses forces et poser des jalons en prévision du Grand Soir Communal.

Il est étonnant en conclusion de voir combien notre ville et accessoirement la circonscription ont épousé les déterminations nationales. On a eu beaucoup d’abstentions, les « extrêmes » ont prospéré au détriment des sortants.
Mais il y a plus. Napoléon disait « qu’un État fait la politique de sa géographie » , celle de notre Douai dépend d’abord de sa sociologie.
L’évolution de la population, souvent évoquée dans ces pages, conduit peu à peu à y voir s’affirmer deux camps qui s’opposent sur à peu près tout. Le paradoxe, c’est que l’espace au milieu sera très convoité alors même qu’il se révélera – comme Macron et tout ce qui l’accompagne – une très étroite impasse.

Sauvez mon job !

Dimitri Houbron, député de Douai, s’inquiète pour le 2° tour des législatives et on le comprend !

Que dire de cette élection ratée sinon qu’elle aura été, comme les présidentielles qui l’ont précédée, un objet inachevé. La campagne a été réduite à sa plus simple expression, les hommes au pouvoir ayant soigneusement évité, non seulement les sujets qui fâchent, mais aussi, tant qu’à faire, tous les autres.

Surnageant au dessus d’un océan d’abstentions, le résultat ne satisfera personne. L’opinion française, la plus intelligente et la plus politique du monde, sait qu’il ne réglera rien, ni au fond, ni en surface. C’est reparti pour cinq longues années durant lesquelles notre déclassement – économique, social, culturel, cinématographique, automobile, culinaire – continuera.

La performance du député sortant est médiocre, un peu au dessus en voix du score précédent réalisé en 2017 dans des circonstances particulières. Après le sacre de notre jeune et prometteur roi républicain absolu, n’importe quel candidat portant ses couleurs était assuré de décrocher la timbale.

Cette fois-ci, la conjoncture est différente. Le député de la 17° circonscription du Nord, en dépit de l’avantage habituellement donné aux sortants, n’a pas brillé. Il est vrai que son bilan était des plus minces. Qu’a-t-il fait de ses cinq ans ? Pas grand chose. Comme un Chéreau de base, le temps lui a filé entre les doigts.

Il a eu toutefois de la chance, notre Dimitri Houbron. Il a réussi miraculeusement à devancer le-elle-iel candidat-e de la Nups-e-s de quelques voix. Ce n’est pourtant pas gagné pour autant. Loin de là. Son adversaire RN ayant largement amélioré son score précédent (+ 2000 voix), la reconduction des indemnités est loin d’être assurée.

C’est sans doute pour cette raison qu’on trouve sur les rézosocios un bien curieux communiqué.

La trouille étant mauvaise conseillère, le moins qu’on puisse dire c’est que les arguments du candidat méritent qu’on les regarde de près.

Pour ceux qui s’arrêtent là, résumons ce qui suit : Dimitri c’est le Bien, Thibaut c’est le Mal.

Ce dimanche 12 juin, les résultats du 1er tour de la 17° circonscription du Nord me permettent de me qualifier pour le second tour qui se tiendra la semaine prochaine. Je tenais naturellement à remercier les électeurs qui m’ont accordé leur confiance dès le premier tour. Je profite de ce communiqué pour remercier les élus, agents et bénévoles qui ont fait en sorte que ce scrutin se tienne dans les meilleures conditions.

Il joue au foot, les mots en forme de crampons. Il se « qualifie » comme le LOSC, notre député. Il passe les barrages…
Petit coup de chapeau toujours utile vers les organisateurs du scrutin, ça fait près du peuple. Ces opérations se passent toujours mal dans le Douaisis, c’est bien connu.

Comme il y a 5 ans, je serai opposé à Thibaut François, candidat du Rassemblement National. Cette fois, il est évident que je suis en position de challenger au regard des résultats. L’extrême- droite n’a jamais été aussi proche de remporter notre circonscription. J’écris, ici, des mots difficiles : ce n’est pas moi qui suis en danger, c’est notre territoire, c’est nous.

Là, c’est du lourd. Il faut dramatiser, le job est menacé et les indemnités avec. Pourtant Dimitri n’est pas en danger. Non, non, lui, il ne risque rien. Il ne fait pas ça pour sa pomme. Ceux qui vont dérouiller c’est tout le monde, le règne animal, les humains du Douaisis, les créatures de l’univers, les planètes de la galaxie.
L’hydre nazie en forme d’Empire du Mal – le RN est pourtant légal en France – va nous manger tout crus et déclencher sur nos têtes les feux de l’enfer.
Oui, oui, c’est « difficile » cette situation professionnelle, comme celle d’un chômeur qui cherche du taf après l’avoir perdu.

Ce soir, je tenais à m’adresser aux électeurs qui ont accordé leurs voix aux formations républicaines et notamment à Cyril Grandin (Nouvelle union populaire, écologiste et solidaire – Nupes) et Romain Boulant (Les Républicains – UDI). Bien que ces opposants du premier tour n’aient aucune sympathie pour la majorité présidentielle et pour Emmanuel Macron, ce sont des républicains qui connaissent bien les menaces et les dangers que représente l’extrême-droite. Je tiens également à les féliciter pour leurs scores et les campagnes qu’ils ont menées sur le territoire.

Morceau d’anthologie. On utilise la technique de la « culture dérobée », en tentant de récolter directement les votants, supposés plus influençables que leurs candidats.
Passons sur l’emploi jusqu’à plus soif du terme « républicain », mot valise en forme de nébuleuse qui s’assoie de nos jours sur à peu près tout ce qui le constitue.
Après un délire : on déteste Macron mais faut voter pour lui. Pire : pourquoi les électeurs Nupes et LR-UDI augmenteraient-ils le nombre de députés LREM à l’assemblée au détriment de leur propre camp ? Le président absolu aura sa majorité de toutes les façons… Un de plus ou un de moins, quel intérêt ?
Oups ! Tu avais oublié la pommade. Ils ont fait de beaux scores, les opposants, lesquels ont sans doute réduit le tien…

Il est évident que nous avons des divergences mais nous sommes sensibles aux mêmes problématiques, nos visions diffèrent sur les réponses à y apporter. Ils le savent, vous le savez. Mais personne ne peut ignorer que j’ai ardemment défendu des sujets portés par la NUPES comme celui de la condition animale par exemple. J’ai même quitté le groupe parlementaire « LaREM» pour qu’une loi sur le bien-être animal soit votée. Personne ne peut ignorer ce que j’ai fait, avec mes moyens limités, pour défendre le Douaisis comme mes dons à des associations locales notamment celles qui défendent les victimes de violences conjugales et accompagnent les personnes en situation de handicap. J’ai également défendu des sujets que la droite a toujours porté comme, par exemple, la défiscalisation des heures supplémentaires afin que le travail soit davantage valorisé.
Leurs prochaines prises de paroles seront décisives, je sais pouvoir compter sur leur sens des responsabilités.

Le texte en catalogue est long mais l’idée courte et la confusion totale. Dimitri, c’est un gros rebelle. Il rue dans les brancards le lascar, en plus c’est un gars de la Nupes et même de droite. D’ailleurs, il n’est même pas LREM, il ne les connait pas ces mecs.
On dira qu’il est emblématique du gloubi-boulga macronien dans lequel tout est dans tout et rien dans rien. Quel fil directeur là dedans ? Mon job !
Retenons la conclusion en forme de diabolisation : candidats éliminés, vous avez intérêt à me soutenir sinon gare à vous ! Dimitri c’est un tribun de la plèbe qui brandit l’intercessio.
Ah si les animaux pouvaient voter, ce serait si simple !

Ce soir, je lance également un appel aux électeurs de gauche, de droite, du centre et apolitiques qui ne m’ont pas accordé leurs suffrages lors du premier tour, ainsi qu’à ceux qui se sont abstenus laissant les autres décider à leur place : j’ai besoin de vous pour stopper l’extrême-droite. Votre mobilisation dimanche prochain est primordiale pour éviter que notre circonscription ne tombe entre les mains d’un candidat qui ne se préoccupe nullement de notre territoire et de ses habitants. Lors de ses rares présences au Conseil Municipal de Douai, sa déconnexion des problématiques du Douaisis ne font de lui qu’un simple représentant des idées stigmatisantes de l’extrême-droite.

Dimitri Houbron c’est une digue, un rempart, eine Festung. Sonnons le tocsin, proclamons la mobilisation générale contre les méchants, très méchants.
L’adversaire ne se préoccupe pas du territoire ? Il n’a qu’un impuissant mandat local d’opposition et d’ailleurs quel rapport avec le conseil municipal ? Tu y étais souvent avant ton élection surprise, Dimitri ?
L’argument s’évapore mais pas de panique, on a tout prêts sur l’Etagère du Bien les gros adjectifs qui plombent. « Nauséabond » sent trop le Nupes gauchiste, brandissons le catholique « stigmatisant » . Sur un malentendu, ça peut marcher…

J’en appelle également aux élus locaux et singulièrement à Frédéric Chéreau, Maire de Douai, et Christian Poiret, Président de Douaisis Agglo et de notre département. Malgré nos divergences, j’ai toujours pu compter sur vous pour porter les dossiers de notre territoire auprès du gouvernement. Je veux que ce travail conjoint persiste pour les cinq prochaines années.
Avec vous. Pour Vous. Pour nous tous.

Et oui, de l’audace il en faut. Elle déboule quand se profile la fin de la rente législative.
On est servis : l’union sacrée douaisienne, les accords de Camp David sur la Scarpe, c’est l’œuvre de Dimitri, capable de marier le parrain de Douaizizaglo avec le maître de Douai. Le prix Nobel de la paix, c’est pour bientôt.
Notons le « portage » des dossiers auprès du Jupiter de l’Elysée à la mode bananière. Pour être subventionné, faut bien penser, vous avez compris ?

Pour les 24 000 électeurs qui n’ont pas choisi le Dimitri du Bien au premier tour, Douai Vox® offre gratuitement la traduction de l’ultime formule probablement pompée, faute d’inspiration, chez Cassius : « Avec vous » : avec moi, « Pour vous » : pour moi, « Pour nous tous » : pour moi seul !

Quand je serai grande, je serai politicienne

Coline Craye politicienne à Douai

Incontestablement photogénique, elle est apparue dans l’univers politique communal quelques mois avant les élections. De ce néant, un début de notoriété découla de la lutte pour obtenir l’investiture macronienne

Il y avait du monde sur les rangs. Venir au secours de la victoire est un réflexe politique. On se serait cru à Neuilly où quatre impétrants se disputaient l’investiture LREM. Il est vrai que lorsqu’on est certain d’être élu par la grâce d’une étiquette partisane, l’électeur n’existe plus. Seule compte la désignation. Avant.

Avec elle, ils sont trois. Sa rivale est la doublure du député qui lui doit probablement, pêché originel, son élection. Son rival, socialiste en rupture de ban, se croit, par son lâchage récent du maire sortant, taillé pour le rôle. Tous les deux visent l’investiture du « nouveau monde ». La République en Marche va révolutionner le pays, peut être pas la ville, mais plus sûrement leur destin, à eux.

Il ne fallait pourtant pas être grand clerc pour comprendre, comme dans toute bonne émission de télé-réalité, que les jeux étaient faits. Si la concurrence existe, c’est pour donner du relief au gagnant. En dépit des apparences, ce que voit la galerie n’a pas d’importance. Ce qui compte ce sont les ressorts secrets du plan marketing.

La clé du casting de la candidate repose sur le lien subliminal qui doit s’imposer dans la tête de l’opinion entre elle et la ville. Le profil de la jeune dame doit faire envie.  On cherche l’addition magique de sa nouveauté avec son amateurisme prometteur, sa jeunesse irrésistible, son sexe faible, sa prétention académique, son origine locale, affirmée ici et partout :

« je suis de Douai, je suis née à Douai, je vis à Douai, mes parents sont de Douai, j’aime Douai… ».

Toutes les cases sont cochées. Sans doute peut-on repérer dans ce brouillard anesthésiant la minceur du passé professionnel. Avant l’apparition subite dans le décor douaisien, on ne compte à ce jeune prodige, après une fugace collaboration dans une agence de conseil, que de brefs passages dans le monde impitoyable des collectivités locales.

Les initiés savent que la compétence n’est, dans cet univers médiocre, qu’un détail. Passer d’un parrain à un autre, comme on change de monture en équitation, peut démontrer d’un problème avec la fidélité. Plus gênant, il porte le risque d’inimitiés inexpiables que la victoire peut heureusement atténuer. Il suffit d’être, comme Macron, ambitieux. Le modèle est là, prêt à l’emploi.

L’investiture LREM obtenue sans coup férir, l’analogie avec le président en exercice, surjouée, frappe d’abord les esprits. La jeunesse de la candidate est rappelée ad libitum au risque du ad nauseam.

Plusieurs personnalités locales, conquises, exaltent cette caractéristique qui leur fait défaut. Chevaux de retour, ces perdants des scrutins passés rivalisent de louanges sur leur pouliche. L’argument de l’âge évite de penser mais, pour cette raison, s’avère habile.

Car l’assimilation au macronisme est complète. Comme à Hesdin, la jeunesse triomphe de tout, c’est bien connu. Elle est l’argument de la campagne. La ville sera sauvée par des trentenaires.

Peu à peu, on dévoile à contrecœur le positionnement politique. Il faut bien y passer. Mais n’exagérons pas trop l’étiquette LREM même si elle a permis de mettre dans le vent les concurrents. Valoriser le piètre bilan du gouvernement dans un département où pullulent les Gilets Jaunes n’est pas simple.

Il reste toutefois le truc de l’ancrage local même si on n’habite plus depuis longtemps dans sa ville natale. La duacité est la bonne idée qui prend la forme d’un slogan. La répétition est la clé de la pédagogie :

« je suis de Douai, je suis née à Douai, je vis à Douai, mes parents sont de Douai, j’aime Douai… ».

Si la jeune dame exagère ses racines, il est pourtant vrai qu’elle sort d’une strate sociale incontestablement douaisienne.

On perçoit du conservatoire de musique, du Saint Jean, de la messe, du Rotary sinon du Lions Club, des études respectables et des métiers de notables, de ceux dont ne profiteront jamais les prolétaires qu’elle affirme tant aimer parce qu’ils sont la clé du scrutin. Les fondamentaux de la bourgeoisie se retrouvent dans une sollicitude de dame d’œuvre, à coups de frites gratuites s’il le faut.

Sous un visage d’ange, la jeune femme se révèle une redoutable machine de guerre. Sa campagne est parfaitement menée. Les moyens sont conséquents. La stratégie ne laisse rien au hasard. On a affaire à des pros. Il y a du métier dans le back office.

On pompe, certes, les idées des autres candidats quand on n’en a pas et même Douaivox. Il arrive que les propositions soient idiotes. On avance des chiffrages au doigt mouillé dans une ville où la statistique n’existe pas. C’est comme la mousse, les contours manquent de netteté mais on en met partout.

Personne n’occupe le terrain comme la dame à la mouche. Elle visite les associations, de la plus importante à la plus obscure. Trois petits tours, une photo et hop, le tout immortalisé sur internet dans la seconde. Sa présence sur les réseaux est inlassable, bien servie par une infanterie qui tire sur tout ce qui bouge. La confusion d’opinions de ces soldats – certains affirment, les pauvres, détester Macron – prouve bien qu’il y a un loup quand c’est flou.

Le positionnement des troupes est flottant mais le discours de la candidate repose à l’inverse sur une parole parfaitement construite. De ce point de vue, notre fine lame macronienne pourrait être la petite sœur de Frédéric Chéreau ou même la petite fille de Jacques Vernier s’ils avaient été douaisiens.

De fait, son socle est celui de son milieu d’origine, le centre-ville bourgeois ou du moins ce qu’il en reste. Pour assurer cet ancrage, elle a réussi à débaucher quelques militants LR survivants des guerres civiles de la droite locale. Idiots utiles, ils se voient déjà aux manettes. Le pouvoir enfin. Enfin, peut être pas.

Car apparaît un caillou dans l’escarpin de notre Marcheuse. Les LR ont sorti des cartons un concurrent du « canal historique ». Ses troupes sont certes, aussi étiques qu’âgées mais elles sont loyales et disposent de l’appui de la CNI du parti. Leur candidat n’est pas né sur les bords de la Scarpe, C’est son péché originel. La riposte de la candidate est facile et son refrain fait mouche :

« je suis de Douai, je suis née à Douai, je vis à Douai, mes parents sont de Douai, j’aime Douai… ».

Si un concept devait marquer la campagne de la candidate LREM du début à la fin, ce sera une ambigüité dont il parait qu’on ne sort qu’à son détriment. C’est à ce prix que devenue grande, on sera politicienne.

Mme Craeye répugne à endosser le bilan d’un gouvernement dont elle est pourtant la représentante officielle. Elle n’a rien à voir avec lui. Elle défend l’association de « la droite et du centre », concept qui sonne bien aux oreilles d’une notabilité douaisienne dont les ancêtres, qui aimaient Louis-Philippe et la SFIO, détestaient les extrêmes qu’ils ont réussi – ce n’est plus le cas – à reléguer aux périphéries.

Dans le même mouvement, on n’est pas à une contradiction près, l’expression publique et privée dévoile une conception singulière de la politique. Si on ne représente pas le gouvernement, il serait toutefois bon qu’un maire soit de son bord pour profiter d’une subvention, d’une décision positive, à l’inverse des élus qui auraient le malheur de ne pas en être.

Mieux que Janus qui se contentait de deux faces, Mme Craeye joue de tous les registres, de tous les niveaux. Il y a le « on » délivré d’une voix douce avec le sourire puis le « off », celui de ses partisans qui mènent sans relâche une campagne de caniveau où l’excès côtoie souvent la haine. C’est à se demander si ces stratèges masqués n’ont pas fait leurs armes à Hénin-Beaumont à la bonne époque d’Eugène et de Gérard.

La présence d’une liste officielle LR qui casse le rêve explique sans doute la violence des discours et les expédients de bas étage. Tous les moyens sont bons pour dézinguer l’adversaire. On perd ses nerfs à moins que ce soit la marque profonde d’un caractère sinon une future méthode de gouvernement.

Comme leur patronne, il est vrai qu’ils s’y voyaient déjà, les colistiers. C’est bien embêtant tout ça. La route sans histoire vers le beffroi s’avère un sentier semé d’embuches où rien ne se passe comme prévu. Six listes à Douai. Qui l’eut cru ?

La veille d’un premier tour – qui ouvre la crise sanitaire – voit arriver dans les boites aux lettres un incroyable tract rédigé avec une science propagandiste qui ferait passer les Staliniens pour des amateurs. On se prévaut de soutiens qu’on n’a pas. On ne sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher.

Admirons la gestion des titres, le propos qui frôle sans cesse le précipice sans jamais y tomber par une utilisation consommée des formules. Seules comptent les images.

Après la mascarade de cette élection confisquée et d’une gestion de la crise qui restera dans les annales, le confinement qui suit, décidé par le gouvernement qu’elle représente, voit Mme Craeye jouer les utilités. Ses concurrents, peut être par l’extraordinaire d’une situation qui réclame des gens normaux un peu de retenue, restent discrets.

Devant les yeux stupéfaits des Douaisiens interdits de bancs publics comme ils sont privés de masques, de tests, de vaccins, la candidate – qui n’est pas LREM, c’est compris ? – sauve Renault (je connais Le Maire), va sauver l’hôpital de Douai (je connais Buzyn, ah zut, maintenant c’est Véran, je le connais aussi), sauvera ses commerces (je connais Darmanin), régénérera la France comme Jeanne d’Arc. Mais non, ça, c’est impossible puisque Jeanne est lorraine ! Car nous savons bien que :

« je suis de Douai, je suis née à Douai, je vis à Douai, mes parents sont de Douai, j’aime Douai… ».

Docteur Chéreau et Mister Frédéric

Docteur Chéreau et Mister Frédéric - Ville de Douai

Devenir maire n’est pas difficile, l’être l’est cependant.

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Tic Tac Tic Tac…

C’était bien mal parti. Les six ans de mandat s’étaient écoulés inexorablement. Rien n’avait pu ralentir la marche du temps, cette malédiction contre laquelle ni l’élu ni personne ne peuvent rien.

Il s’était pourtant convaincu qu’il avait du délai, qu’il pourrait tout faire plus tard mais un jour, impossible d’y couper, faut y passer. Les élections déboulent avec leurs glorieuses incertitudes démocratiques. C’est là que le politicien professionnel découvre qu’il faut marcher ou mourir.

Il sait depuis le début qu’un mandat n’est pas seulement le moyen d’une politique, c’est d’abord un état, un métier. Il n’est même pas certain en cas d’échec qu’il aurait un parc à son nom. Six pauvres années n’y arriveraient pas.

Douai au coeur… de la catastrophe

L’impérieuse nécessité de reprendre le flambeau s’imposait donc à Frédéric Chéreau. Le problème, c’est qu’il ne pouvait mettre en avant un bilan très reluisant.

Dans le genre structurel, ne relevant pas complètement de son mandat mais quand même un peu, la baisse de la population mais surtout son appauvrissement étaient devenus flagrants. Tous les deux attestaient de l’affaissement d’une activité économique incapable de fixer les habitants, ni de les soustraire à une pauvreté galopante.

Un autre sujet était plus visible. La fermeture des commerces du centre ville, catastrophique, relevait plus clairement de la responsabilité du maire. Tétanisé par le risque, il n’avait osé dézinguer le plan de circulation fou légué par le vieux mentor. Ce dogme, avec une création de zones commerciales périphériques jamais empêchée, étaient la cause principale du désastre.

Il y avait eu aussi ces quelques épisodes embêtants qu’aucune gesticulation n’avait pu conjurer : la disparition de la brasserie millénaire, la réduction des dessertes TGV, la spécialisation du ressort judiciaire, l’impuissance de Douai dans l’assemblée de Douaizizaglo® etc.

Enfin, s’imposant encore plus nettement, la dégradation continue du patrimoine de la cité était un caillou, un gros grès, dans la chaussure du maire. Comment justifier que ces monuments aient pu être ainsi abandonnés pendant tout un mandat ? Le plus symbolique était celui-là ou mieux celui-ci mais plus encore ce dossier dont on est à peu près certain qu’il ne bougera pas avant des dizaines d’années.

Prochainement… C’était quand déjà ? Il y a 6 ans !

Ce bilan pouvait se résumer en une simple question : Douai avait-elle enrayé son déclin depuis l’arrivée de M. Chéreau aux affaires ? Evidemment non. Aurait-il pu être pire ? Sans doute pas.

Le programme commun de la Gauche

Quand le bilan n’aide pas, l’étiquetage partisan, sinon la politique nationale, peuvent aider à le dépasser. En 2014, Frédéric Chéreau avait réussi contre toute attente l’exploit du « break » , s’imposant localement quand à la tête du pays, Hollande, socialiste comme lui, était totalement à la ramasse.

Cette fois-ci, c’est bien plus compliqué. L’épidémie macronienne était passée par là. Le PS perdu corps et biens, le maire aurait pu, comme ses amis des Hauts de France qui ont préféré trahir plutôt que tenir la position, devenir un adepte du « en même temps ».

Retenons à son avantage que placé devant cet embouteillage politique, Frédéric fit le pari de conserver l’antique union de la gauche – PS/PC légèrement verdis – « butte témoin » d’un passé révolu probablement unique dans toute la France. S’il n’en restait qu’un ce serait lui.

Là bas, au fond, le grand-père de Frédéric Chéreau

Un mandat d’un mois est bien suffisant

Il y avait certainement un peu de panique autour de lui comme dans sa tête mais l’homme avait du ressort, surtout pour conserver le boulot. Il savait moins bien le faire mais si on part du principe qu’une opinion publique n’a pas de mémoire, un peu de visibilité médiatique au dernier moment peut aider. Politicien, c’est un métier.

L’excuse est souvent pire que la faute. C’est ainsi qu’il faut juger l’incroyable frénésie d’inaugurations dans laquelle s’est plongé Frédéric Chéreau jusqu’à la seconde où elles étaient légalement possibles.

Gymnases, places, centres sociaux, trottoirs, enrobé drainant, tout y est passé. Ajoutons à cet étonnement l’amélioration du nettoyage des rues, l’implacable chasse aux crottes de chien, la nouvelle célérité des services municipaux…

Pourquoi donc un mandat municipal doit-il durer six ans quand on peut faire tant en quelques semaines ?

Les bastions sont bétonnés

Accompagnant cette stratégie d’urgence, notre sortant s’était aussi appliqué, à l’ancienne, à travailler ses bastions électoraux, le faubourg de Béthune étant le modèle du genre. Chacun sait et notre maire plus que tout le monde qu’en marketing gagner des clients est toujours plus difficile que de les conserver.

Le quadrillage en règle du cœur de cible – par familles, clans, assos et catégories – démontra de son efficacité dans certains bureaux de vote. Le jour des élections, son effet fut décuplé par  la « Grande Peur » du Covid. Poussant l’abstention à un niveau jamais atteint, elle renforça parmi les rares votants la proportion de ceux qui avaient intérêt au maintien du maire en place.

Ils savaient, eux, ce qu’ils avaient à perdre avec son départ, à l’inverse de l’incertain contraire. On sait ce qu’on perd et jamais ce qu’on gagnera, c’est bien connu.

La face visible de l’iceberg

Si on n’avait tenu compte de la faiblesse des signaux dans le bruit de la ville, rien ne permettait d’entrevoir la victoire de Frédéric Chéreau. Les relais étaient rares dans les réseaux sociaux tandis que les productions écrites se réduisaient à leur plus simple expression.

Bien sûr, au plus près de lui, c’était quand même le désert. Invisible durant six ans, l’équipe municipale sortante avait été renouvelée selon des critères hermétiques. Elle n’en était pas plus convaincante.

La liste du maire, retenez ces noms, vous n’en entendrez plus jamais parler

Frédéric Chéreau ne compta pas beaucoup de soutiens extérieurs. Ce vide démontre en passant que Douai ne représente plus aucun enjeu pour beaucoup de leaders politiques, hors ceux du territoire et encore. Seul un Kanner démonétisé lui donna en passant un petit coup de main.

Cette modestie était la face émergée de l’iceberg. La suite allait démontrer que l’adhésion au maire, peut être un peu honteuse donc rarement criée sur les toits, n’était pas si limitée que ça. La prime au sortant, importante, était sous le niveau de la mer et personne ne la voyait.

Sous la mer, les électeurs du maire sortant

Les adversaires peuvent être des alliés

Car si l’effet produit par la campagne de Frédéric Chéreau restait à vérifier, son salut pouvait aussi provenir des travers de l’adversaire. Là, notre édile était servi.

Il y avait d’abord les alliés qu’il comptait dans le camp d’en face. S’ils étaient souvent masqués, certains étaient plus repérables que d’autres. Ainsi Jacques Vernier qui, voilà trente ans y aurait regardé à deux fois avant de soutenir un « socialo-communiste », ne lésinait pas sur le soutien donné à son fils spirituel, non sans plonger la Droite locale dans la confusion.

Il eut donc devant lui des adversaires aussi divisés que multiples. Avec six listes, les électeurs de Frédéric Chéreau seraient toujours plus nombreux que ceux de chaque adversaire pris séparément.

La vérité n’est pas bonne à dire

A ce stade de l’analyse, il faut se pencher sur le discours et la posture de notre maire pour décrire la dualité redoutable dont il est capable de faire preuve en maintes situations. Nous devons sacrifier au portrait psychologique.

Si le docteur Chéreau délivre sous tous les temps et toutes les circonstances une parole maîtrisée, Mister Frédéric est plus approximatif. Ce dernier, comme plusieurs épisodes l’ont prouvé est absolument capable de mentir, y compris lorsqu’il est mis devant les évidences les plus marquées.

Interpelé sur l’absence d’une politique, d’une action, d’un dossier, il répondra toujours qu’ils existent, qu’ils sont en cours, qu’ils sont sur le point d’être réglés. Ce travers peut être une qualité politique mais il révèle une curieuse conception morale. Le mensonge dure peu, la vérité est éternelle.

Ce travers le conduit ainsi à malmener les faits sans aucune vergogne : la ville ne perd aucun habitant, elle en gagne, le commerce n’a jamais été aussi bien portant, la sécurité est en progrès constant grâce à ses actions, la situation financière de l’hôpital de Douai est bonne… C’est simple, vous ne l’entendrez jamais reconnaître une erreur, un oubli, un ratage.

Tout va très bien à Douai

Rien ne résume mieux cette vision altérée du réel que la satisfaction exprimée par notre maire de voir sa ville longuement citée dans le New York Times. La description de Douai y était terrifiante mais à sa mode habituelle Frédéric Chéreau présentait sous un jour favorable ce discutable intérêt américain.

S’agit-il d’un réflexe inconscient de défense ou un cynisme de politicien de métier ? Il reste certain que refuser le réel revient à s’interdire de souscrire aux discours négatifs. Une vision lénifiante, quelque soit le moment ou le sujet, outre d’être éventuellement prédictive, peut plaire.

Elle n’est pas ainsi sans effet sur un électorat qui, peu rompu aux analyses politiques, en a peut être assez d’entendre sans cesse, ici et partout, que sa ville est un trou en perdition dans lequel rien ne fonctionne.

Il y a de la fierté douaisienne dans cette négation de la réalité.

Trèfles, gri-gri et baraka

Tous ces artifices n’étaient pourtant pas suffisants pour assurer la victoire. Il fallait un élément supplémentaire : la chance.

Il est un peu curieux de considérer la crise sanitaire sous un jour positif mais, en toute objectivité, le cumul des facteurs favorables au maire sortant durant cette période a été inouï. Comptons les conditions du scrutin de premier tour, le confinement qui a suivi et enfin le second tour organisé à la veille des congés d’été. L’ensemble a été une circonstance incroyable pour celui qui tenait l’hôtel de ville.

Mieux vaut la chance que bien jouer

Napoléon appréciait les généraux qui avaient de la chance. De ce point de vue, il aurait aimé le Grand Frédéric. Sur un mélange savant de gestion quotidienne et de propagande subliminale, ces trois mois inespérés lui donnèrent l’occasion de surclasser facilement ses adversaires.

Mais il y a plus profond, conclusion qui retrouve des déterminants déjà évoqués qui doivent pousser à la modestie tous les opposants de Frédéric Chéreau. Ils prouvent qu’à Douai on peut conserver son mandat en dépit d’un bilan médiocre, une campagne peu active et des contradictions massives.

La bizarrerie de ce paradoxe n’est qu’apparente. Faisons l’hypothèse qu’elle est d’abord dans l’état social d’une ville qui, inexorablement, conforte le pouvoir d’un maire de gauche parce que la population se confond exactement avec son électorat.

Le déclin de la ville- Douai demain Denain – n’est pas une évolution défavorable d’un point de vue électoral, donc la conservation d’un pouvoir. Le pression fiscale qui pousse les classes moyennes et supérieures à quitter la ville modifie considérablement le profil politique d’une cité appauvrie.

Territoire dédié aux subventions et aux assistances diverses, le Douai du futur possède un visage : docteur Chéreau et Mister Frédéric enfin confondus.