L’actualité est incandescente, le Douaisis s’est exprimé comme tout le reste du département. Et v’là le BHNS qui déboule dans la rue de Paris… à Douai…
Voilà un sujet d’importance, parfaitement coordonné aux évolutions électorales du pays.
Celles d’une vision escrologiste qui, au nom de ses dogmes religieux, voulait imposer au peuple une grande pénitence pour expier ses fautes.
Il a été possible aux élections européennes d’arrêter le massacre, mais là… Les impératifs planétaires vont faire souffrir les Douaisiens.
Le bus sauve la planète
Nous parlons évidemment du projet pharaonique qui va, dans la rue de Paris, installer une autoroute pour bus – une voie sacrée – visant à éradiquer la bagnole et… le vélo…
Une fois encore un gros dossier bien à la mode du Douaisis. On cherche vainement une étude de coût/avantage qui justifierait l’existence de cette ligne magique de « bus à haut niveau de service » , expression horrible dont seul le premier terme est vrai.
On a dit qu’on le ferait. C’est débile mais comme on l’a dit, on le fait.
Pourtant une certitude : nous allons sortir de l’opération, après l’avoir lourdement payée, probablement un peu plus déglingués qu’avant.
Mais qu’importe, on aura des cheminements doux, on sera apaisés et on ira en voiture faire nos courses dans la zone du Luc.
Le coût est pour nous
Si on en croit la Voix du Nord, qui a scrupuleusement reproduit le dossier de presse des décideurs, ce truc va coûter 14 millions d’euros dont 2 payés par les Douaisiens pour la portion qui les concerne.
Enfin les concerne, c’est vite dit, parce qu’en théorie cette ligne de BHNS va servir à tout ce qui vient à Douai sans y habiter et donc sans y acquitter ses impôts. On va nous dire que c’est bon pour nous mais là, le contribuable s’interroge.
Notre journal favori nous explique que « la ligne 2, future ligne B, est la deuxième ligne la plus fréquentée, après la ligne A » , ce qui traduction faite, revient à dire que comme nous n’avons que A et B, elle est donc la moins fréquentée des deux. Vous avez suivi ?
Le dernier souffle commercial
La rue va être fermée pendant deux mois. Tous les chantiers ont des retards, donc partons sur trois bons mois de travaux.
On n’ose imaginer l’impact sur le fonctionnement des commerces, sur leurs livraisons et leurs approvisionnements, sans parler de la thrombose qui va paralyser tout le centre-ville.
La rue de Paris était la dernière voie encore un peu fonctionnante, la seule où il était encore possible de se garer pour faire ses achats, ce qui expliquait sans doute le maintien, certes fragile, de son offre commerciale.
S’ajoutait à ses 120 places de parking distribuées tout au long du chemin, sa fonction essentielle d’accès au centre ville, étant même – oh bonheur ! – à deux sens sur une grande partie du parcours.
On marche et ça roule où ?
Quels sont les détails concrets de ce projet ? On avoue rester sur sa faim quant aux circulations qui vont être conservées ou pas.
Un BHNS doit disposer dans les deux sens d’une voie exclusive, sans obstacles, donc c’est ce qu’il aura de la place d’Armes à la place Lhérillier.
Cette dernière bénéficiera, comme la Porte de Valenciennes, de feux bloquant le passage des voitures le moment venu. Bon, ça c’est à peu près clair.
On a hâte de voir ce que ça va donner au moment du « rush hour » .
Le rétrécissement des trottoirs, la disparition des places de parking et celle du couloir cycliste doivent donc permettre d’élargir la surface de roulement des bus sacrés.
Mais ensuite, les photomontages communiqués au peuple – qui doit applaudir – manquent de clarté dans les détails où se niche le diable comme nous le savons tous.
Nos maîtres ont la parole un peu confuse. Ils sont comme des médecins pas trop certains du résultat de leur traitement.
Le flou limite les risques de révolte des patients. Ils ne découvriront l’effet placebo qu’au résultat, honoraires payés.
Fin des bagnoles et des… vélos
Sur le modèle minéral de la rue de Bellain, une voie parait subsister pour les voitures mais pas toujours dans les deux sens et pas partout.
Attendons la réception du chantier fin 2024 pour comprendre comment ça roule mais on peut être certains que traverser Douai en bagnole dans « l’hyper-centre » sera une gageure pour ceux qui tenteront l’exploit. Le message est clair : interdit aux voitures...
Dans la ligne de cette bagnolophobie, la disparition d’une centaine de places de parking va évidemment obliger tous ceux qui s’en servaient de se reporter dans les rues alentours.
La Place du Barlet est souvent entièrement occupée par les « pendlers » des communes voisines qui prennent le train. Les chalands iront donc plus loin.
On peut aussi se poser la question de la sécurité. Tenons pour négligeables les risques d’accidents que fera planer un resserrement des trottoirs qui n’auront, de plus, aucune différence de niveau avec les voies de roulement.
C’est plus sérieux pour les cyclistes qui devront pédaler on ne sait pas trop bien où. Dans la voie du bus sacré ou bien sur le trottoir ou bien les deux ? On a un exemple de ces partages compliqués : beaucoup de piétons de la rue de la Mairie ne comprennent rien au principe baroque choisi par les aménageurs.
Fermetures avant les soldes
Gardons plutôt l’impact immédiat des travaux sur les commerces, lesquels, dans les autres rues qui les ont subis dans le passé, ont connu une vague de fermetures définitives.
On ne sait pas comment une entreprise peut vivre sans accès d’aucune sorte mais il parait qu’elles seront indemnisées en cas de bénéfice négatif.
On craint un peu l’usine à gaz quand on entend les explications du patron du SMTD. Le sieur Hego tient à séparer les causes, ainsi d’exclure l’impact des tranchées EDF, réputées étrangères à la réalisation de sa voie sacrée.
Les dossiers vont être faciles à monter…
Après les travaux, lorsque les bus sacrés seront roulants, il y aura des conséquences évidentes sur la chalandise. Nous avions analysé les effets aléatoires des transports gratuits, notamment la part de la voiture (près de 70%) comparée à l’usage des transports en commun (5%) en comptant même le train… Là, les bagnoles, c’est fini, on va donc jouer sur les 5%…
L’enjeu reste évidemment celui, comme pour les rails avec les gares, des arrêts sur la ligne. Malheureusement la vitesse et la régularité des flux, qui sont la base des BHNS, ne plaident pas pour leur multiplication.
Reste l’augmentation attendue des consommateurs. Si on comprend la pensée magique des décideurs, la voie sacrée va augmenter la fréquentation du centre-ville. Si ce baratin n’en est pas, les commerces qui auront échappé au massacre se porteront mieux mais s’ils sont morts avant, ce sera plus difficile.
Observatoire des commerces
Les Douaisinologues bénévoles ne reculent devant aucun sacrifice. Les démiurges locaux ne le font pas ? Nous on va le faire.
Voici donc un instantané de l’offre commerciale de la rue de Paris, telle qu’elle existe aujourd’hui. Ce sera un utile point de comparaison.
L’offre commerciale
On compte sur la rue de Paris 125 cellules de toutes natures, inégalement réparties des côtés de la voie, soit 59 côté impair et 66 côté pair. Il faut retrancher les habitations, les cours et autres garages.
Il reste donc 107 cellules commerciales. Retenez ce chiffre, ce sera celui du bilan quand l’autoroute à bus sera réalisée.
Une vacance élevée
Sur le « stock » des 107 cellules commerciales, on en compte 22 qui sont fermées (l’activité, récente, a laissé ses marques) ou vides (le local est totalement nu).
On obtient donc sur la rue de Paris un taux de 20% de vacance, très supérieur aux 12% nationaux calculés par l’INSEE.
Une structure déséquilibrée
La structure des commerces de la rue de Paris apparait déséquilibrée quand on la compare aux moyennes nationales de la strate urbaine à laquelle appartient Douai.
Ce qui frappe c’est le faible nombre de magasins « d’équipement de la personne » , ainsi les vêtements ou les chaussures (3), secteurs qui faisaient l’intérêt du centre-ville autrefois.
En revanche, la surreprésentation des agences immobilières, des banques et assimilées est patente : plus de 20. Signe d’une crise profonde, les mutations sont nombreuses et l’argent, rare, circule beaucoup.
A la suite de ce qui précède, les commerces relevant de secteurs plus ou moins à l’abri des lois du marché sont tout aussi présents, la santé (7), l’administratif (3) et même l’aide à l’emploi (3).
Restent enfin deux secteurs qui surnagent encore, l’alimentation (10, dont le célèbre Match), les cafés-restaurants (8) et enfin les coiffeurs qui sont 6 à se disputer le marché très concurrentiel de la coupe du cheveu dans la rue.
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Cher lecteur, note tout ça. Tu pourras mesurer l’impact de ces travaux sur les magasins de la rue de Paris. Seront-ils multipliés ? Verra-t-on des dizaines de boutiques s’ouvrir par la grâce de l’autoroute à bus ?
Les chiffres sont sur la table. Rendez-vous dans un an !
Max aime apprendre mais parle un peu souvent à la première personne. C’est un travers qu’il combat difficilement. Va falloir l’aider. Il adore la Scarpe et l’orgue de St Pierre, surtout les basses.