Le paradoxe scolaire douaisien

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Douai ne manque pas d’offre scolaire. On y compte à cette rentrée près de 40 écoles, 7 collèges et 8 lycées. En termes de profil, la ville a évidemment de tout, avec une petite tendance vers la difficulté, ce qui est logique compte tenu de ses déterminations sociales.
Un collège – Gayant à Frais-Marais – relève du label REP+ tandis que Canivez est classé en Education Prioritaire « simple ». Le reste des établissements est plus divers mais on compte parmi eux des structures prestigieuses, ainsi le célèbre St Jean (privé) et accessoirement le lycée Châtelet (public).

De médiocres performances

Au niveau national, l’académie de Lille connait des résultats qui ne sont pas parmi les meilleurs de France, loin de là. Pourtant largement dotée en moyens, de nombreux indicateurs la rangent dans le bas des tableaux en termes d’orientation dans les filières générales, de maintien dans l’école au-delà de 16 ans, de devenir des élèves après le bac, surtout en taux d’entrée dans les études supérieures.

Beaucoup d’observateurs expliquent cette faible plus-value du système scolaire par l’histoire. Ainsi, les mono-activités – la mine, le textile – qui ont fait la richesse du territoire, ont pesé sur son organisation. Il a en effet pendant longtemps privilégié les formations techniques, l’entrée précoce sur le marché parfois sans diplôme (dès 14 ans, il suffisait de prendre la voie des parents, l’embauche suivait) mais aussi, ce qui nous amène à Douai, un fonctionnement « clivé » qui réservait aux élites les voies longues prestigieuses pour laisser aux milieux populaires les filières courtes peu sélectives.

D’une certaine manière, l’académie de Lille fonctionne encore de cette façon, comme notre ville d’ailleurs quand on observe l’organisation de son réseau scolaire. En gros, les classes privilégiées, qui n’habitent pas toujours Douai, inscrivent leurs enfants à St Jean ou Châtelet quand les familles populaires se contentent des établissements de leur secteur.

Plus finement, les parents avertis connaissent les moyens d’éviter, pour le public, les contraintes de la carte scolaire en mettant leur progéniture dès le primaire dans des filières spécifiques, comme la musique (les fameuses classes à horaires aménagés musique, alias CHAM). L’école – Fontellaye pour ne pas la nommer – permet ensuite aux élèves d’entrer directement à Châtelet. La voie est tracée pour aller jusqu’au bac… général.

En 2006, un rapport de l’Inspection Générale de l’Education Nationale analysait la situation des collèges douaisiens en insistant sur la faiblesse des taux de passage en Seconde générale à la sortie de 3°. Si tous étaient proches de 50%, seul Châtelet frisait les 80%.

Près de 15 ans plus tard, les chiffres sont quasiment les mêmes. Plus gênant encore, pour ce qu’on peut en connaître, c’est que le devenir du groupe d’élèves qui entrent en filière générale n’est pas glorieux. Après la Seconde, une bonne partie est réorientée vers le professionnel (15% à 20% pour Gayant et Canivez) ou redouble (au moins 10% dans certains cas).

Cela revient à dire que dans les collèges aux performances les plus faibles, sur un groupe de 100 élèves de 6°, seulement 50 accèderont au lycée général, 30 passeront en 1ère et sans doute à peine 20 obtiendront leur baccalauréat – pour la plupart technologique – en 2 ans. Quant à l’entrée dans les filières universitaires, ce sera probablement 1 élève ou 2 sur… 100.

L’école est la clé de tout

Il a évidemment un lien entre ce qui précède et le profil social de la population de notre ville. L’INSEE précise que 34% des Douaisiens (37% pour les femmes) ne possèdent aucun diplôme.  Il faut se persuader qu’il s’agit là, parce qu’on sait qu’ils bougent peu, des anciens collégiens douaisiens. A l’autre bout, les « super diplômés » sont beaucoup moins nombreux, 25%. Il est vrai que leur capacité à quitter la ville, diplôme obtenu, est plus grande. Pour information, la part de non-diplômés est à Valenciennes de 28% et à Arras de 29%. Lauwin-Planque est à 23%.

Il y a enfin un rapport entre le niveau de formation de la population et sa situation de chômage. Plus le premier sera haut et moins elle sera soumise à ces risques. Sa capacité à suivre les évolutions économiques du territoire sera meilleure. L’adaptation au marché du travail est évidemment plus forte chez les diplômés que chez ceux qui ne le sont pas.

Au début des années 70, lors de l’implantation, par la seule volonté de l’Etat, de la Régie Renault à Douai, sur des filières pourtant plutôt techniques, les pouvoirs publics faisaient le pari du transfert des mineurs sur cette nouvelle activité. Cet espoir fut largement déçu parce que ce qui a manqué alors, entre autres, c’est le niveau de formation initiale qui aurait favorisé cette transition.

Prendre le contrôle éducatif

Le rôle de l’école dans notre ville est donc essentiel. Avec la Scarpe…Tout part de là. En termes de compétences, la commune possède les locaux des écoles mais n’a pas de pouvoir sur la pédagogie. Pour autant, la loi sur les « rythmes » a fortement renforcé le rôle des villes comme premier partenaire du système scolaire. Les limites sont de plus en plus poreuses, ainsi dans la sphère péri-scolaire qui voit les municipalités proposer aux élèves des activités après la classe dont le lien avec l’enseignement est évident.

Déjà en place depuis pas mal d’années, ces actions à la périphérie de l’Ecole n’ont pas changé grand chose à la réussite scolaire de Douai qui ne peut se satisfaire d’une situation aussi peu favorable. Souvenons nous des péripéties de l’établissement des « rythmes scolaires » dans la ville. Nous y avons quand même vu une municipalité affichant le « pour » organiser le « contre » qui a conduit in fine à la mort du bidule.

Comme Clemenceau qui, en parlant de la guerre, disait qu’elle était trop sérieuse pour la confier aux militaires, il serait temps que la ville se saisisse du sujet pour ne pas le laisser à la seule Education Nationale. Après tout, elle est concernée au premier chef par la médiocrité des performances de ses établissements.

C’est d’autant plus vrai que Douai est un paradoxe scolaire. Elle possède le problème et sa solution mais ne fait pas le lien entre les deux. Elle accueille des lycées sélectifs qui offrent des sorties très positives (St Jean réussit à placer certaines années des élèves à HEC…) mais ces établissements accueillent peu d’élèves en provenance des collèges défavorisés, y compris quand leurs capacités permettraient de le faire.

Il serait peut être possible de commencer par là. Ouvrir un peu plus ces parcours de réussite aux élèves des établissements en Education Prioritaire – quand ils possèdent le potentiel – parait une absolue nécessité. Cette première obligation doit ensuite s’affirmer au lycée jusqu’au baccalauréat. La qualité de l’accueil mais surtout de celle de l’accompagnement de ces élèves doivent être durablement améliorées. Sur ce dernier point, les marges sont grandes.

Par ailleurs, si tous les élèves ne peuvent évidemment prétendre à entrer à Polytechnique, l’autre priorité reste celle du diplôme en fin de parcours. Si celui-ci ne protège pas de tout, il démontre qu’en son absence l’intégration dans le monde du travail n’est pas facile. Il est de la responsabilité de l’Ecole de rendre des comptes quant au devenir des collégiens et lycéens qui disparaissent du système éducatif sans aucune formation.

Enfin, comme certaines communes l’ont déjà réalisé, ainsi St Omer en 2018, une coordination entre les entreprises, l’éducation nationale et les collectivités locales doit être créée pour que les lycées et les établissements supérieurs s’adaptent au marché du travail local, à l’exemple de la logique des CFA récemment évoqués. La convention audomaroise envisage ainsi, dans ce cadre contractuel, de créer de nouveaux diplômes, de favoriser l’émergence de filières porteuses, de réduire la voilure de celles qui ne le sont pas etc.

Besoin d’une idée éducative?

La première idée consiste évidemment pour la commune à vérifier l’efficacité de toutes les actions mises en oeuvre sur le temps péri-scolaire. Leur plus-value doit être mesurée d’abord par l’amélioration, ou non, des résultats au sein de la classe des élèves accompagnés dans ce cadre. Pour privilégier l’intervention des enseignants sur « l’aide aux devoirs » , leur engagement doit être mieux rémunéré. Ils doivent être les seuls opérateurs d’un « accompagnement éducatif » conçu comme un prolongement du temps scolaire.

La deuxième idée repose sur l’intervention des élus au sein des établissements, collèges et lycées, comme le prévoit le Code de l’Education. Plutôt que de se contenter d’assister en silence aux conseils d’administration, les représentants de la collectivité (1 pour la commune, 1 pour la communauté d’agglo) doivent exiger un bilan annuel des établissements sur les sujets qui fâchent : sorties de parcours sans diplôme (décrochage) et plus généralement, la performance des élèves sur les indicateurs stratégiques. L’entrée en plus grand nombre des collégiens issus de l’Education Prioritaire dans les lycées généraux sera la cerise sur le gâteau.

La troisième idée prévoit d’organiser l’offre de formation locale – la fameuse « carte des formations » – en sollicitant l’avis des entrepreneurs et des parents avant de négocier avec le rectorat et la région l’évolution à court terme des filières scolaires du Douaisis. Ensuite, cette base rénovée doit appuyer l’émergence d’un « pôle de compétitivité » sur un secteur économique précis, probablement tertiaire à Douai. Enfin, la ville doit s’attacher à mieux arrimer les formations supérieures aux publics locaux, notamment ceux issus des milieux populaires. Combien de jeunes Douaisiens intègrent l’Ecole des Mines chaque année ?

Il est temps de se mobiliser pour l’Ecole et d’agir concrètement sur le système. L’avenir de Douai passe aussi et d’abord par le scolaire.

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La caserne du quartier de Caux

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Nos beaux et vieux bâtiments… vides (5)

Ville historique au riche patrimoine, Douai possède une caractéristique frappante : la présence dans ses rues de nombreux bâtiments anciens, parfois énormes, souvent classés mais… vides.

Douai, cité militaire

Enfermée dans ses murs, Douai a longtemps été une cité militaire, place forte essentielle pour le royaume par sa proximité d’une frontière régulièrement franchie par l’ennemi.

Dès la conquête de 1667, la cohabitation des habitants avec les troupes est constante. Les rues sont encombrées d’uniformes. La part des militaires dans la population peut être importante, surtout en cas de guerre. En 1789, période de paix, on compte dejà 4600 hommes dans la ville.

A partir du XVII° siècle, un changement apparait dans le mode de casernement. Au logement chez les particuliers succède en effet l’installation des soldats et du matériel dans des bâtiments spécifiques. Outre de disposer d’une organisation plus rationnelle, on limite les contacts avec la population qui pouvaient parfois être rugueux.

caserne caux

La caserne d’Esquerchin

Après le rattachement à la France, l’armée a surtout utilisé des bâtiments religieux désaffectés, ainsi ceux des abbayes d’Anchin ou de Marchiennes, plus ou moins réaménagés. Un siècle plus tard, la ville décide d’investir. La décision est prise en 1751 de bâtir une caserne sur des terrains de l’abbaye de Vaucelles près de la porte d’Esquerchin. Le coût de la construction – 600 000 livres soit près de 10 millions d’euros – est assuré par la ville pour moitié, le reste étant supporté par des droits d’octroi reversés par le roi.

Destinée à l’infanterie, le plan de la caserne est extrêmement simple, totalement dédié à la chose militaire. Deux longs bâtiments de 160 mètres, partagés par une place d’armes rectangulaire, se font face. Hors les tuiles de la couverture en pente forte (qui ont remplacé les ardoises d’origine), ils ressemblent à ceux de l’Hôpital Général. A partir d’un soubassement de grès, l’élévation est en briques sauf les angles et les ouvertures en calcaire d’Avesnes. La décoration est limitée. On note un tympan triangulaire posé à l’aplomb des entrées centrales – qui sont cochères – sur la corniche du toit.

Dès la réception des travaux, la première unité à occuper les lieux est le régiment de Belzunce, du nom de son colonel, ensuite dénommé de Flandre, caserné à Esquerchin au moment de la Révolution. En 1868, le 15° Régiment d’artillerie investit la caserne. Il y restera jusqu’en 1940. Nommé Quartier de Caux en 1887 en honneur du général Victor de Caux de Blaquetot, douaisien célèbre mort en 1845, le site devient Centre Mobilisateur 215 en 1963. Il est fermé en 1998 à la suite de la suspension du service national qui a conduit à la réorganisation complète des forces armées du pays.

Des projets sans envergure qui ont tous échoué

Vide depuis cette date, soit près de vingt ans, la caserne n’a pas manqué de projets de réhabilitation. Tous, sans exception, ont échoué.

On a eu successivement :
– en 2009, après quatre ans d’étude, le projet de SIA Habitatqui envisageait d’implanter 94 logements sociaux sur le site, capote à cause du coût de l’opération. Evaluée à 27 millions d’euros au minimum, selon les dirigeants du groupe, l’opération n’aurait été équilibrée qu’en dessous de 20 millions. 
– en 2012, après une forte campagne publicitaire, l’opérateur privé Saint Louis Promotion abandonne, arguant de la dégradation du marché immobilier local. Le projet était original, prévoyant une réhabilitation des bâtiments par la création de lofts, d’appartement bruts ou finis, le tout – près de 200 lots – promis à la vente aux particuliers.
en 2017, un projet de déplacement sur le site du siège du bailleur social Maison & Cités tourne court deux ans plus tard.  Il envisageait de partager l’aile nord entre des logements sociaux et des bureaux construits par la caisse des dépôts et consignations. Le surcoût lié à l’état du bâti aurait amené la dépense au delà de 30 millions d’euros. 

On note qu’entre 2009 et 2019, les estimations quant à la réhabilitation sont passées de 20 à 50 millions d’euros selon les récentes déclarations de Frédéric Chéreau, ce qui paraît beaucoup mais il est parfois prudent de voir large en ces matières.

Dans tous les cas, il y a probablement un rapport entre l’abandon du bâtiment depuis vingt ans et sa dégradation au fil des ans qui augmente inexorablement le prix de sa réhabilitation. Cette évolution s’accentuera si rien n’est entrepris à court terme. Il faut se féliciter de l’initiative de la commune qui a réclamé en octobre 2016 l’inscription du bâtiment, effective par l’arrêté du 9 août 2018 qui protège la totalité du site. Outre d’empêcher sa destruction, cette décision était motivée par le projet Maisons & Cités et in fine peut être le souhait d’obtenir de l’Etat des aides pour cette opération.

Mais que dire de ces projets visant à installer dans le Quartier de Caux des logements sociaux ? Dans notre ville, la vacance locative, la plus haute du territoire, atteignait en 2013, près de 13,2% dont 70% en habitat collectif ? Pire, le recours aux bailleurs les plus présents dans la ville apparaît comme une facilité problématique. Avec 36% de logements locatifs sociaux, le parc douaisien est un des plus haut de la CAD (Lauwin-Planque 14%). 
Vacances et saturation ont logiquement empêché la réalisation de ces programmes. Tant mieux.

Un projet structurant, enfin

A ce stade d’urgence mais aussi d’importance pour la ville, le projet « Quartier de Caux » mérite qu’on s’y attarde un peu. Hors l’Hôpital Général dont il partage, nous l’avons vu, beaucoup de points communs, aucun lieu dans la ville ne possède un tel potentiel.

Si ses inconvénients sont sans cesse rappelés, ils sont tout autant réversibles. Les avantages du site sont manifestes. D’abord sa localisation à l’entrée de Douai près des flux qui arrivent de Lille. Ensuite, sa proximité du cœur de ville sans parler de sa taille. Son emprise remarquable permet beaucoup de choses. La caserne d’Esquerchin est une chance pour la ville. Elle n’est pas le problème, elle est la solution.

La mairie, qui n’a pas réussi en cinq ans à faire aboutir le moindre projet viable, a commencé à bouger, les élections approchent, en prévoyant un aménagement large prenant en compte le triangle rue d’Arras, rue d’Esquerchin et rue d’Albergotti.
Recréer le « Jardin des plantes » du XIX° siècle en détruisant une part de l’IUFM inoccupé est une excellente idée. Un mauvais esprit dirait que la meilleure manière d’enterrer un dossier c’est de l’inscrire dans un débat plus large mais ne boudons pas notre plaisir. Cette approche est un préalable indispensable.

Caserne d’Esquerchin en haut, Couvent des Capucins en bas, entre les deux, le Jardin des Plantes, on le refait ?

Quelle pourrait être la destination d’un site aussi unique ? Douai s’est contentée de mettre en avant des solutions limitées avec des recettes banales qui ont toutes échoué.
A l’inverse, l’examen des villes proches qui ont fait le pari de l’innovation d’envergure est utile. On repère avec intérêt le développement de nouveaux Tiers-lieux comme le “Labo” de Cambrai, “l’hôpital St Jean Baptiste” d’Aire sur la Lys, la “Station” de St Omer, la “Condition Publique” de Roubaix etc.

Et si on s’y mettait aussi ? Il faut penser autrement, sortir du cadre et enfin adopter le « think big* » pour offrir aux Douaisiens un lieu exceptionnel par sa valeur patrimoniale, son envergure et la diversité de ses services. Basée sur la solidarité collective qui est un point fort de notre culture locale, associée à une démarche éco-responsable, la «Caserne Caux» doit être la vitrine du renouveau de la cité.

Besoin d’un projet d’envergure ?

Nous proposons de mobiliser le concept de Tiers-lieu mais en l’élargissant pour en faire un « écosystème » qui envisage, sur un espace commun, l’interaction de publics différents pour des activités de toutes natures.

Le concept à privilégier est ici étranger, à savoir celui de l’architecte Lina Bo Bardi réalisé à Sao Paulo (Brésil) à partir d’une ancienne usine réhabilitée. Ce Centre culturel atypique comprend au même endroit des infrastructures sportives, une bibliothèque, un théâtre, des espaces d’exposition, un restaurant, un solarium et des espaces de convivialité diversifiés.
Depuis 1977, le SESC Pompeia parvient à attirer des publics de tous les âges et tous les milieux sociaux par ses spectacles variés, ses horaires amples, ses tarifs très accessibles mais surtout son aménagement flexible.

L’exemple de la citadelle du loisir à Sao Paulo

De la caserne Caux au Quartier CO

A Douai, la «Caserne» s’intègre dans un aménagement large, grâce à une «Coulée Verte» organisée en «sentes» qui relient l’arrière du quartier au Couvent des Capucins, en passant par l’ex-IUFM. 

L’ensemble, qui doit être autonome sur le plan énergétique et auto-financé en fonctionnement, sera un Tiers-lieu de grande envergure offrant une multitude de services à un public inter-générationnel, abonnés ou utilisateurs occasionnels. Il doit être tourné vers la stratégie régionale Rev3 qui met l’économie durable et connectée au cœur des projets locaux.

Pour illustrer la démarche, le tiers-lieu peut offrir des services dont la liste qui suit n’est pas exhaustive :
un food hall**, proposant différents stands de restauration préparés avec des produits frais authentiques, le tout dans un cadre agréable propice au partage. Ici, on viendra chercher avant tout une expérience.
– des ateliers d’artisans, d’artistes en résidence, des galeries d’art.
– des salles de spectacles modulables de petit format.
– un espace de co-working (individuel et collectif)
– un marché de produits divers locaux.
– un espace enfant (jeux, ateliers, mini-salle de cinéma).
– un espace d’innovation numérique et de formation.
– des salles de danse, de yoga, de détente.
– un mur d’escalade intérieur.
– une salle de lecture (journaux, magazines)
– un jardin, verger, potager, un rucher, sur le modèle génial de l’agriculture urbaine.
– un FabLab adossé sur l’Ecole des Mines.
– des espaces réservés à la musique adossés au Conservatoire (répétition, enregistrement etc.)
– un cinéma de plein air avec transats aux beaux jours.
– des gites à louer sur le principe de la Cité des Electriciens de Bruay.


Le «Quartier CO» sera le renouveau de la ville. Qui osera relever ce défi ?

*Penser grand en british
**Espace de stands culinaires en grand breton

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Un CFA et t’es sauvé!

Un CFA à douai

Que ferions-nous sans La Voix du Nord ? Sans les infos qu’elle distille quotidiennement au citoyen démuni, nous ne saurions rien de rien sur rien. La communication est quand même un tour de force dans le Douaisis une fois franchies les déclarations lénifiantes des élus. Sans la PQR, nous serions sourds et aveugles. Voilà c’est dit.

Un CFA à La Clochette

On y trouve ainsi la récente déclaration de Douaizizaglo® quant à l’émergence prochaine d’un CFA dans le quartier de la Clochette.

Ce projet est très ancien, au moins dix ans voire plus. Il n’a jamais abouti. Si les conditions n’ont pas été réunies, cela devrait inciter à la prudence. Une vieille idée n’est pas forcément une bonne idée. 2020 n’est plus 2000.

Quoi qu’il en soit, cette fois-ci c’est bon. Le CFA va bientôt sortir de terre. Le terrain est acheté. On en connait le prix. C’est comme toujours le célébrissime « million d’euros » apporté par la communauté d’agglomération, c’est-à-dire les contribuables du Douaisis. Enfin, cette somme représente, si on comprend bien, un amorçage car le coût total sera de 25 millions, supportés in fine par la région et la Chambre des métiers.

Le citoyen qui a un peu de mal à payer ses impôts locaux s’intéresse immédiatement aux motivations de cette décision. Il s’inquiète surtout de son efficacité pour répondre aux besoins du territoire.

La bonne idée d’apprentissage

Un Centre de Formation des Apprentis (CFA) n’est pas un lycée qui, s’il envoie régulièrement ses élèves en stage, les enseigne dans ses locaux. Le CFA fait reposer d’abord sur l’entreprise, par contrat, la formation de l’apprenti.

L’apprentissage a toujours été présenté comme une réponse efficace à la demande de jeunes en attente d’insertion, entre autres parce qu’ils reçoivent un salaire qui peut les aider à vivre et qu’ils sont employables dès la sortie du contrat.

On met aussi en avant la plus grande aptitude des CFA à gérer le lien – difficile – entre la formation et le besoin local. Très présentes, les entreprises interviennent dans la définition de leurs filières qui peuvent donc s’adapter plus vite aux évolutions économiques du territoire que celles des lycées professionnels.

Une bonne idée qui prend mal

Cette idée géniale peine pourtant à se développer comme elle le devrait, surtout dans notre région. 

Plus précisément, ça coince au « niveau V » c’est à dire celui des CAP et des BEP, sachant que plus on monte dans la hiérarchie des diplômes et plus l’apprentissage fonctionne bien (pour les ingénieurs du « niveau I » mais ils ne sont que 2% du total des apprentis).

Dans les Hauts de France, compte tenu du profil de la population scolaire et des médiocres capacités de son système éducatif à former les élèves les plus faibles, le besoin en niveau V est évident.

L’apprentissage a pourtant du mal à augmenter ses effectifs. Voilà dix ans, on comptait dans l’académie de Lille environ 9000 apprentis. Leur nombre est quasi le même aujourd’hui (soit 2,5% des élèves du Second Degré).

Plusieurs raisons interviennent pour expliquer le faible succès de l’apprentissage. Le déficit d’image, le peu d’envie des familles d’y mettre leurs enfants. Il est vrai que le décrochage, c’est à dire les ruptures de contrat, y est relativement fort, ce qui ne les rassure pas. On peut ajouter pour notre région la présence massive de lycées professionnels (10% à 15% de plus que le national en moyenne) qui pèse sur les orientations des élèves dans ces filières.

Cette question est au centre de l’installation d’un CFA à Douai car notre ville et plus encore son bassin sont très fournis en LP. La complémentarité des deux est un point essentiel. C’est sans doute pour cette raison que la région – qui finance lycées et CFA – a si longuement hésité à soutenir le projet.

Une absente, l’Education Nationale

Nous savons, ainsi que le Président de la CAD nous l’a affirmé par écrit voilà peu, que les « élus de la République réfléchissent avant de prendre une décision ». Nous n’en doutons évidemment pas.

Juste une interrogation quant à l’absence de l’Education Nationale dans la « troïka » qui a scellé le récent accord, soit Douaizizaglo®, la région et enfin la chambre des métiers (CMA).

Il existe dans notre ville le lycée Labbé, siège du « GRETA Grand Hainaut » qui après avoir fusionné plusieurs structures similaires en 2016, couvre à présent un territoire allant de Douai à Fourmies en passant par Cambrai et Valenciennes (41 lycées contre 25 en 2015).

On repère aussi dans l’académie un « Campus des Métiers du bâtiment » qui étend son influence à travers de très nombreux établissements professionnels, Douai étant pile au milieu et le lycée Cassin de Montigny, spécialiste du bâtiment avec CFA, juste à côté.

On espère que tous ces réseaux ont été intégrés dans l’architecture du projet, notamment en prenant langue avec les autorités académiques qui ne gèrent pas les locaux mais, comme chacun sait, tous les emplois qui correspondent à ces nombreux établissements.

Quels besoins pour le territoire?

Décider d’une implantation de cet ordre doit d’abord répondre à un besoin connu, mesuré et surtout prioritaire.  Au niveau V, en France, le recours à l’apprentissage se concentre dans le BTP (22 % des entrées), l’agroalimentaire (13 %), l’hôtellerie-restauration et le tourisme (12%) . Dans ces branches, à composante manuelle et artisanale, l’employabilité est avérée.

En termes de prospective, il serait bon de disposer d’élément concernant le futur de notre territoire. Justifier cette création par la rénovation de « 23 000 logements des cités minières » est, certes, un coup de communication saluant notre passé charbonneux mais il parait quand même un peu léger pour justifier l’engagement financier de 25 millions d’euros. La CAD n’a-t-elle pas d’idées plus stratégiques comme, par exemple, inscrire cette création dans une perspective territoriale plus large ?

Du bâtiment ou pas?

L’interrogation qui découle de ce qui précède concerne évidemment les filières qui seront accueillies par le futur CFA. L’article de La Voix du Nord les présente un peu comme une ménagère annoncerait la couleur de sa nouvelle cuisine sans être certaine de la choisir. Verbatim, ça donne : « on partirait sur les métiers du bâtiment, notamment tout ce qui gravite autour de la domotique et de l’éco-construction mais il y aura aussi du service à la personne, du tourisme et de la restauration ».

Tout cela ne parait pas trop assuré. Il faut choisir. Soit on prend la filière du bâtiment avec tout ce que ça comporte pour obtenir un effet masse sur le territoire, soit on envisage plusieurs parcours, histoire de faire un peu de tout à la mode douaisienne, avec le risque de peser sur pas grand-chose.

Le CFA de Saint Saulve, admirable projet (1200 apprentis prévus, le double de celui de Douai qui envisage, admirez la précision, 533 jeunes en formation) a fait ainsi le pari du soutien déterminé à un secteur en forte demande de main d’œuvre locale, l’artisanat, en concentrant dessus tous les moyens créés.

De la formation initiale ou de l’insertion?

L’autre sujet concernant un CFA est celui du profil du public accueilli. Il peut ainsi intégrer des collégiens en fin de 3° mais tout autant des jeunes en insertion sortis du système scolaire sans diplôme voire des adultes souhaitant une réorientation.

Dans les faits, il est très difficile de mélanger ces deux profils comme l’ont analysé de nombreux rapport sur l’apprentissage quand ils s’interrogent sur la difficulté d’augmenter le volume de ce mode de formation.

Compte tenu des sorties sans diplôme plutôt forts dans le bassin de Douai, il serait sans doute plus indiqué de faire le choix de l’insertion, d’autant plus que dans ce cas on ne prend pas le pain de la bouche des LP du coin qui gèrent, eux, la formation initiale.

Douaizizaglo® s’occupe de tout

L’autre étonnement concerne les déclarations du président Poiret affirmant que la CAD allait gérer en direct les travaux du nouveau CFA parce qu’ainsi elle récupèrerait « la TVA et maitrisera mieux l’avancée du chantier ». Nous savons que la communauté d’agglomération joue déjà les vendeurs des maisons du quartier du Raquet. L’état de ce projet séculaire après 15 ans d’existence permet de s’inquiéter de l’efficacité d’une prise en charge directe.

La vente comme la construction immobilières entrent-t-elles dans les compétences obligatoires de notre communauté d’agglomération ? Pas sûr. Notre président paraissait ravi de ce choix en considérant qu’il était une innovation majeure. Il indiquait assez fier que « personne ne l’avait jamais encore fait, sauf peut être aux Antilles ». Prendre cette région en exemple fait un peu peur quand on connait les performances scolaires des DROM mais surtout la situation financière de ces administrations locales, notamment leurs charges excessives en personnels.

Une conclusion en forme d’inquiétude

Le lecteur comprendra sans peine l’inquiétude qui parcourt cette analyse. Un CFA pourquoi pas ? Mais le mais arrive tout de suite.

On craint immédiatement que cette création – outre de faire taire les critiques concernant le CFA dont on parle souvent et qu’on ne fait jamaissoit d’abord à but immobilier. Investir à La Clochette pour donner à ce quartier très enclavé l’importance qu’il a beaucoup de mal à avoir, est peut être la motivation première de ses promoteurs.
On aimerait tout autant, symétriquement, que les arguments qui ont réussi à débloquer ce dossier enlisé depuis si longtemps soient réellement la réponse adaptée aux besoins, identifiés et mesurés, de notre territoire.
Et là, comme nous l’avons déjà évoqué, ce qui doit primer dans la décision, c’est l’ordre des choses. On a besoin d’apprentis dans un secteur prioritaire donc on construit un CFA pour les former. On n’occupe pas un terrain avec un CFA en pariant au final que cela va rendre service à des entreprises qui, par chance, chercheraient des apprentis.

Enfin, comment ne pas regretter l’absence d’envergure d’un projet qui parait ne rien connaître, à l’inverse de celui de St Saulve, de Rev3, dite « 3° révolution technologique de la région des Hauts de France « , qui vise à faire de celle-ci l’une des plus avancées en matière de transition énergétique et de technologies numériques. On espère que nos chers élus placent notre futur CFA dans l’un des 10 projets structurants qu’envisage cette extraordinaire stratégie.

La plus vieille maison de Douai

plus vielle maison de Douai

Nos beaux et vieux bâtiments… vides (4)

Ville historique au riche patrimoine, Douai possède une caractéristique frappante : la présence dans ses rues de nombreux bâtiments anciens, parfois énormes, souvent classés mais… vides.

Un modeste témoin du passé

Bien discret sur son pignon, à l’angle des rues de Huit-Prêtres et du Clocher Saint Pierre, le bâtiment ne paie pas de mine.  Il est vrai que l’allure est peu flatteuse quand on regarde l’horrible rideau métallique qui ferme le rez-de-chaussée, l’affreuse enseigne masquée depuis peu, l’incroyable vitrine de la devanture mais plus encore l’état des fenêtres qui, ici ou là, ont même perdu leurs carreaux.

Pourtant, à bien le regarder, on comprend qu’il ne date pas d’hier comme le montrent ses pans de bois dont la facture médiévale ne fait pas de doute. On perçoit aussi le montage en encorbellement des étages puis tout en haut la façade triangulaire qui épouse la forme du toit.

Une miraculée de la Grande Guerre

Sa modestie l’a probablement sauvée à l’inverse de sa voisine. Juste en face, se trouvait en effet la célèbre maison dite « des Rémy », un des monuments les plus connus de la ville. Sa restauration sous le Second Empire en avait fait le joyau de la cité, exaltant un « style espagnol » qui n’était d’ailleurs que flamand. Incendiée en 1918 par les troupes allemandes en retraite, cette merveille est partie en fumée avec ses superbes sculptures, ses pilastres ciselées, ses métopes délicates, ses colonnes ouvragées.

A comparer la forme des deux façades, la disparue et la survivante, on comprend qu’il y a une filiation dont la plus modeste mais la plus ancienne, est peut être l’origine. Construit au XIV° siècle, le bâtiment était une dépendance d’un ensemble plus grand, l’Hôpital des Huit-Prêtres fondé par une certaine Marguerite Mullez ou Mulet, « dite Baudane », sœur du prévôt de St Pierre.

Si on en croit Plouvain, l’héritage de cette bienfaitrice disparue en 1329 était destiné à permettre l’accueil de « huit prêtres indigents » mais surtout de pourvoir à leur entretien. Reconstruit en 1519 – la brique a remplacé les colombages – l’hospice a traversé l’Ancien Régime pour finir vendu comme bien national à la Révolution. Le bâtiment subsistant n’est donc que la partie miraculeusement indemne d’un îlot dont il ne reste rien, plus étonnant encore, dans un quartier durement touché par les destructions de la première guerre mondiale.

Un monument protégé devenu bien municipal

Brièvement poste de gendarmerie, elle est dès le début du XIX° siècle un estaminet puis un magasin, le fameux « bazar à 100 francs » de la famille Cocheteux. Vendue l’année dernière par ses descendants pour 80 000 euros (quand même moins cher que le Furet) à la mairie, la collectivité a acquis cette maison « afin qu’elle ne se détériore pas davantage », ce qui est une très bonne idée.

On peut regretter qu’un bâtiment dont la façade et les toitures ont été inscrites à l’inventaire des Monuments Historiques dès décembre 1964 n’ait pas été plus tôt acheté et restauré comme il se doit. Ici encore, on voit que le ciment a frappé, ainsi que le montrent les joints de briques datant sans doute des années 50. Il ne reste probablement pas beaucoup de matériaux d’origine. Sur la façade, les pans de bois du XIV°, régulièrement réparés depuis, ont peut être disparu depuis longtemps.

Besoin d’une idée médiévale?

Sans aller jusqu’à réclamer son retour à la fonction originelle qui n’était sans doute pas très éloignée d’une conciergerie, conserver à cette maison sa fonction commerciale ne serait pas indigne dès l’instant où elle constituerait une étape dans le circuit touristique d’un centre-ville enfin valorisé.
Célébrer le passé médiéval, la draperie qui était l’âge d’or de Douai, aurait beaucoup d’avantages.
Cette idée rejoindrait le goût du Moyen-Age qui plait à Douaisis Agglo à travers le soutien important qu’elle apporte à Arkéos, notamment son extension en parc médiéval. Le sujet est porteur comme le prouve le succès des animations organisées sur ce thème. Un soutien financier, même modeste, devrait pouvoir se mettre en place, la surface du local est réduite – 70m2 au sol – ce n’est ni Le Furet, ni Le Prévost.

boutique médiévale plus vieille maison de douai

Restaurée dans sa forme originelle, la maison pourrait être un lieu de vente d’objets touristiques, artisanaux, issus de productions locales, peut être même associatives. Une échoppe médiévale reconstituée pourrait être un lieu de vente original, susceptible d’attirer l’attention.
Il serait possible pour renforcer l’intérêt de ce projet, de l’associer par convention avec les établissements professionnels du secteur. Plusieurs lycées, ainsi Rabelais (vente) ou Leforest de Lewarde (accueil), pourraient en faire un lieu de stage pour les élèves en cours de formation.

Échoppe médiévale à l’Aigle (Orne), bien jolie non ?

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Trop d’impôt tue la ville

trop d'impôt tue la ville - Gettyimages

En période électorale, la question des impôts locaux payés par les habitants est une interrogation obligatoire. Le principe est simple. Tout Douaisien donne de sa poche pour faire fonctionner les services de sa ville et même un peu plus. Dans ce « plus », il y a les investissements qui préparent l’avenir, comme les pistes cyclables ou le restaurant le Prévost.

Un système incohérent

Penchons nous sur deux impôts locaux principaux, la taxe d’habitation et la taxe foncière, cette dernière assumée par les seuls propriétaires. Nous évoquerons en conclusion la suppression de la première qui va changer profondément la donne de la fiscalité locale. C’était pourtant la ressource la plus importante des communes. A Douai, elle compte pour un tiers des 60 millions du budget de la ville.

Le calcul de la TH et de la TF relève de logiques curieuses, de celles dont notre pays a le triste privilège en matière fiscale, c’est-à-dire le n’importe quoi. D’une part les valeurs qui servent de base de calcul sont les mêmes depuis 1970 et de l’autre l’imposition n’a aucun rapport avec les revenus des habitants.

Taxes d’habitation et foncières sont en effet calculées sur une « base locative cadastrale » fictive, valeur de 1970 actualisée automatiquement et qui dépend d’éléments divers. On y trouve le confort du bien (WC, chauffage, salle de bain etc.), son emplacement, sa taille, son état d’entretien etc. C’est sur cette valeur que la commune applique le taux qu’elle vote.

Une « commission communale des impôts directs » est chargée de réviser les valeurs cadastrales. Elle est constituée de contribuables choisis par la mairie d’abord (qui propose une liste de « spécialistes », notaires ou agents immobiliers, distribués selon les quartiers) puis le Trésor Public qui distingue dans le lot 8 personnes. Difficile de connaître l’identité de ces experts installés à chaque élection, dans les faits probablement reconduits de mandat en mandat. Si un des membres de la commission lit ces lignes, on aimerait qu’il nous explique comment ça marche.

On prend cher à Douai

Les taux de Douai pour la taxe d’habitation sont à 28,95% quand Cuincy est à 12,57% et Lauwin-Planque à 19,91%.
Il faut se méfier de ces chiffres. Un village de Corse, Tasso, possède le douteux avantage d’un taux à 50,09% quand Neuilly sur Seine est à 12,57%. La différence provient de cette fameuse valeur locative révisée par la commission communale. 12,57% à Neuilly rapportent beaucoup et 50,09% à Tasso, très peu.

Les communes du Nord connaissent des taux qui sont parmi les plus hauts de France (d’où peut être le nom de la région) parce que leurs bases seraient faibles.
Sur 35361 communes du pays, dans les 100 taux les plus forts (de 30% à 50%), le Nord en constitue plus d’un tiers. Selon la Cour Régionale des Comptes, les bases de Douai sont « inférieures aux moyennes de la strate » (867,1 euros/habitant en 2018). On peut faire l’hypothèse qu’elles étaient en 1970 peu élevées, encore qu’on ne comprend pas vraiment pourquoi.

D’ailleurs, il n’est pas facile de connaître cette valeur locative, ni de la comprendre, ni même de la comparer avec celle des communes voisines. Des Douaisiens découvrent d’une année sur l’autre, alors qu’aucune amélioration de leur bien ne s’est réalisée, qu’elle augmente automatiquement et pas dans de faibles proportions.

Cette tendance est d’autant plus étonnante qu’à Douai les valeurs immobilières baissent régulièrement depuis des années. Il suffit de comparer les prix des maisons mises en vente aujourd’hui et celles qui l’étaient voilà dix ans. Avec plus de nuances selon les biens, la location est peu dynamique, ce qui rend ces augmentations « automatiques » incompréhensibles.

Car encore une fois, la fuite des habitants, processus complexe, a peut-être un lien avec le taux d’imposition. Il est courant d’entendre des Douaisiens se plaindre du poids de la fiscalité locale et d’expliquer ainsi la baisse de la population. L’examen des taux parait leur donner raison et cela d’autant plus que les valeurs locatives des communes voisines ne doivent pas beaucoup s’éloigner de celles de Douai. Il vaut mieux habiter Lambres ou Cuincy pour profiter des services de la grosse ville sans y payer ses impôts.

On peut d’ailleurs se représenter sans peine le cercle vicieux ainsi lancé : à budget constant, la baisse de la population conduit la municipalité à augmenter les impôts sur ceux qui restent. De plus en plus ponctionnés, la fuite des payants s’amplifie. Incapable de baisser ses dépenses, la commune appuie sur les taux. Les gens continuent à partir etc. Au bout du cycle, de moins en moins de Douaisiens mais à l’inverse des impôts locaux de plus en plus lourds.

Les chiffres paraissent donner raison à ce terrible enchainement. La hausse des deux taxes (TF et TH) depuis 2000 est forte, plus de 40%. Leurs taux étaient alors à 20%. Ils sont respectivement aujourd’hui à 29,55% et à 28,95%. La baisse de la population de Douai est exactement inverse à l’augmentation des taux. Etonnant, non?

Une seule option, l’augmentation

Comment ne pas soulever la responsabilité des municipalités successives dans cette évolution fiscale toujours plus lourde ?

Nous nous souvenons de la déclaration de F. Chéreau quand il a augmenté les taux « par précaution », justification qui vaut son pesant de fiscalité. Mieux, l’argument avancé pour répondre aux critiques était que « d’autres villes sont plus imposées que la notre ». Outre que cette déclaration est démentie par la périphérie de la ville, on pourrait ensuite demander aux Douaisiens s’ils souhaitent se rapprocher de ces chanceux qui paient plus qu’eux, à Condé sur Escaut (43,17%), Lambersart (37,80 %) ou Valenciennes (35,50 %).

Quoi qu’il en soit la disparition de la taxe d’habitation rend tous ces raisonnements inutiles puisque supprimée dès cette année pour les plus pauvres, elle n’existera plus pour tous les contribuables en 2023.

Prudence cependant. Le gouvernement a fait le choix, pour compenser cette perte de revenu pour les communes, de faire glisser sur elles l’intégralité du produit de la taxe foncière auparavant attribué aux départements. Si la révision des bases est prévue à partir de 2022 – sur dix ans – les municipalités continueront donc à fixer les taux. Pour mémoire, celui de Douai, à 29,55%, n’est battu dans sa périphérie que par Flers qui se situe à 31,7%.

Plutôt habile, cette réforme parait résoudre toutes les contradictions d’une fiscalité locale incohérente. La commune conserve, certes amoindri, un pouvoir propre sur ses ressources. Les bases, révisées par la redoutable et secrète commission communale, seront plus justes. C’est dit, c’est écrit.

Le Douaisien critique fera remarquer que seuls les propriétaires assureront le coût d’un impôt auxquels échapperont donc tous les locataires. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre l’effet sur la population de Douai. Estamper les seuls proprios reviendra évidemment à les faire fuir un peu plus. La ville connait 36,8% de propriétaires, soit 6500 foyers sur 17700. L’assiette sera bien réduite. Tremblez possédants, ça va taxer !

De même, parce que les recettes de la taxe foncière ne correspondent pas à celles de la taxe d’habitation, l’Etat est obligé de compenser le manque à gagner des communes. Cette idée diabolique lui donnera un levier d’une grande efficacité pour les contraindre à réduire leurs dépenses. Ce paramètre va en effet s’ajouter à une dotation globale de fonctionnement (DGF) dont les variations à la baisse sont devenues la règle. Craignons que nos élus n’aient la tentation, « par précaution » , de compenser la compensation par des hausses des taux.

Enfin, cette réforme qui possède un coût évident, va être au final supportée par tout le monde à travers l’impôt sur le revenu, la TVA, la TICPE, les taxes délirantes dont la France a le secret… Avec un peu de chance, le fardeau va se vaporiser sur la masse mais il reste une certitude pour nous tous : l’impôt ne baissera pas, ni dans la ville, ni dans le pays.

Les atouts du Douaisis

atouts du territoire CAD

On a testé pour vous (1). Les « atouts du territoire » sur le site de la CAD

Le développement économique étant la compétence essentielle d’une communauté d’agglomération, examinons ensemble la page qui, sur le site de Douaisis Agglo, envisage cet important sujet du point de vue des arguments qui vont le favoriser.

Le titre donne le ton : « Investir dans le Douaisis pour développer son entreprise ». On en déduit que tout ce qui va suivre donne au futur douaisien entrepreneur des arguments pour le convaincre de s’installer chez nous. De fait, l’objectif est clair : « Votre implantation dans le Douaisis est une solution fiable et pertinente pour faire des affaires en Europe et entier sur le marché français. »

On regrette juste un peu la faute de frappe (« entier » pour « entrer »). Visiblement personne n’a pris la peine de relire ce topo et même pas la première ligne. On tremble que ce soit parce qu’on pense que ce truc n’existe que pour exister et rien d’autre.

Un argumentaire bizarroïde

Ensuite, regardons les thèmes que les promoteurs de la CAD considèrent comme stratégiques pour favoriser l’implantation de nouvelles entreprises dans le Douaisis. Commençons par le premier : « Le Douaisis : une accessibilité exceptionnelle »

Ouvrir par les accès est une bonne chose. Un entrepreneur qui cherche à s’implanter dans la région se posera immédiatement la question de la mobilité dans l’agglomération. Il s’interrogera aussi sur sa situation géographique par rapport aux grands pôles d’activité, Paris, Lille et puis la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, évidemment s’il a des ambitions internationales.

On peut discuter la « fluidité de transport permettant un gain de temps et d’argent » qui est peut être une promesse excessive par les temps qui courent. Pour autant, la centralité de Douai dans les Hauts de France, résultat de son histoire, est un fait incontestable. Quoi qu’on puisse être, nous sommes toujours au centre de quelque chose mais notre ville bénéficie d’une situation idéale quand on observe sa localisation sur une carte.

Voyons ensuite le « territoire qui mise sur la formation » 

Si le lien entre l’emploi et la formation est une évidence dont on est ravi qu’il soit ici posé, il est possible de s’interroger sur sa présentation. Curieusement, les établissements de formation de Douai sont passés sous silence. On parle quand même des « nombreux établissements d’enseignement supérieur » dont on aimerait bien avoir la liste et dans tous les cas, chose étonnante, l’école des Mines n’apparaît même pas. Il y avait peut être un manque de place sur la page.

Continuons par le « territoire fort de grandes institutions »

La liste qui suit est censée persuader patrons et ménages de l’intérêt d’avoir à portée de main certaines structures publiques. Incontestablement, en termes d’information et d’accompagnement d’entreprise la Chambre des Métiers peut être utile. Pour les autres, le rapport reste à confirmer. En quoi la présence du 41° RT joue un rôle dans l’attractivité du territoire ou mieux l’agence de l’eau ?

Après la situation se gâte avec « un territoire au patrimoine riche » 

On voit bien l’intention : convaincre d’une richesse culturelle et patrimoniale susceptible de renforcer l’image positive du Douaisis. Certes, on peut y souscrire mais encore une fois quelle est la plus-value de la présence dans notre région, par exemple du château de Bernicourt, pour convaincre un entrepreneur de s’y établir ? On imagine la scène : « tiens chérie ! Il y a un musée à Roost-Warendin, je vais donc y créer une usine. »

Pour le reste, le site ajoute ensuite plusieurs sujets qui auraient pu être fondus en un seul mais qu’on a probablement dissociés pour faire masse sur la page : les « loisirs », les « équipements culturels » et « l’histoire ».

Une fois encore, hors l’image déjà évoquée, on reste dubitatif des effets de cette liste sur un éventuel entrepreneur. Par contre, on peut y voir la célébration de la CAD – pardon Douaisis Agglo – car aucun des projets qu’elle finance n’y échappe. C’est déjà ça de gagné encore qu’un chef d’entreprise avisé pourrait se poser des questions. Avec tant de trucs subventionnés, la fiscalité locale ne serait-elle pas un peu lourde dans le coin ?

Conservons enfin, le dernier volet susceptible de convaincre d’investir et avec lequel nous serons d’accord, « Un territoire où il fait bon vivre » parce qu’il est évident que la douceur de l’existence est un élément essentiel d’attractivité d’une région. Mais c’est assez opaque en terme de logique car comment associer « l’Ecoquartier du Raquet », les « boucles de randonnée », les « circuits-courts » (mais qu’est-ce donc ? Cela concerne la cantine scolaire ?). On devine encore ici une intention confuse, vaguement écologique, mais encore ?

Argumentons gratuitement

Proposons, pour aider les fonctionnaires et élus de la CAD, c’est cadeau, quelques réflexions pour répondre à la question posée : comment renforcer l’attractivité de la région ? Le postulat sera de penser, comme le site de Douaisis Agglo mais en le disant, que ses « atouts » interviennent dans cette dynamique économique.

Quels sont les facteurs qui prouvent la bonne santé d’un territoire ?
Il y a évidemment, comme nous l’avons déjà vu, d’abord l’évolution de la population. Quand elle baisse, ce n’est pas rassurant. Quand elle augmente c’est meilleur. Pour autant, dans ce dernier cas, le profil social joue un rôle. Une ville dont la hausse démographique relèverait d’une construction massive de logements sociaux pour accueillir des chômeurs n’aura pas la même dynamique qu’une autre où, attirés par toutes sortes de facteurs positifs, de nombreux actifs s’installeraient en y achetant un bien immobilier.
Il y a ensuite le développement d’entreprises sur le territoire. Le lien est connu en termes démographiques et économiques. Il n’est pas besoin d’évoquer – les Hauts de France ont connu ces drames – les conséquences d’une fermeture d’usine ou, à l’inverse mais c’est plus compliqué, les effets d’un renforcement d’une activité existante voire l’émergence d’une nouvelle.

Pour autant, il ne faut jamais perdre de vue que ces deux facteurs, population et entreprises, peuvent être dissociés. Il existe des villes où ceux qui y travaillent n’y habitent pas tandis qu’à l’inverse ceux qui y habitent n’y travaillent pas. Ce sont les types d’activité et les profils des habitants qui font la différence.

Le cas idéal est celui de productions à haute valeur ajoutée, évidemment tertiaires, réclamant une forte qualification des personnels. Ces derniers, bien rémunérés, recherchent des lieux de résidence agréables, si possible proches de leur lieu de travail. Quand le boulot et la maison se confondent par le haut, c’est du bonheur pour tout le monde.

Aujourd’hui, beaucoup de chercheurs font reposer l’attractivité d’un territoire sur le concept des « pôles de compétitivité », les fameux « clusters ». Il s’agit de dégager des synergies à partir de projets innovants pilotés collectivement autour d’un ou de plusieurs secteurs économiques. Douai a connu ça dans le passé quand tout était fait pour favoriser une activité unique : la draperie, le commerce des grains, la concentration administrative, le charbon etc.

Ces « clusters » doivent bien entendu être cohérents avec la stratégie du territoire qui, associant tous les acteurs, se concentre sur les innovations qui permettent la croissance. Si ces conditions sont réunies, se constitue peu à peu une masse critique d’activités capable de concurrencer les territoires voisins et au delà, stade ultime, de développer une visibilité nationale voire internationale.

La version ratée du « pôle de compétitivité » serait à l’inverse le placage d’un projet sur l’économie locale sans tenir compte de ses logiques et qui aboutit à une dispersion des activités ne parvenant jamais à atteindre la masse critique visée.
La version étranglée serait que le tissu économique se disperse en filières peu dynamiques – on fait un peu de tout – sans ligne de force dans la stratégie des pouvoirs publics locaux. Suivraient la baisse continue de la population du territoire mais surtout son inexorable appauvrissement.

Besoin d’une idée rédactionnelle?

Proposons bénévolement, une réécriture de cette page « atouts » en présentant les facteurs qui selon nous pourraient favoriser l’attractivité de notre territoire.

1- L’accès, la situation et la localisation, déjà évoqués sont essentiels. Comme nous l’avons vu, le Douaisis n’est pas mal doté. Il est inutile d’y revenir. On le garde.
2- La taille du marché d’emploi et de consommation est une évidence. Le Douaisis compte près de 150 000 habitants – et même plusieurs millions dès qu’on étend un peu le périmètre – qui peuvent constituer autant un réservoir de main d’oeuvre ainsi qu’un grand espace de consommation. L’un peut appuyer l’autre.
3- La formation initiale et continue des établissements scolaires et universitaires présents sur le territoire est une clé importante. Près d’une vingtaine de collèges, une dizaine de lycées et enfin trois structures d’enseignement supérieur. L’Ecole des Mines, fleuron absolu, l’école de Droit et enfin Douai Biotech. On peut y ajouter les multiples sections de techniciens supérieurs ainsi que les classes préparatoires qui se trouvent dans les lycées.
4- Le réseau des entreprises est un point essentiel d’ancrage des pôles de compétitivité. Leur variété et leur force est au coeur de cette dynamique. Le territoire profite ainsi de la présence de Renault et de ses sous-traitants mais tout autant des PME ultradynamiques peu connues et pourtant absolument innovantes. Tiens, au fait, qui connait « Gènes Diffusion » de Frais-Marais ?
5- Les possibilités de foncier et leur coût méritent l’attention. Les premières sont très importantes dans la région car l’histoire a laissé de nombreuses friches qui sont autant d’opportunités, sans parler des accès déjà existants. Quant au coût, la comparaison avec les régions parisienne et lilloise est un avantage radical.
6- Les aides locales et nationales ne sont pas à négliger. Les zones franches comme les politiques de revitalisation sont déterminantes dans le déclenchement des implantations.
7- De même, le poids de la fiscalité est un facteur majeur pour le maintien des entreprises dans le territoire mais plus encore pour y fixer la population active, s’agissant des impôts locaux du Douaisis.
8- Plusieurs éléments objectifs s’ajoutent aux arguments qui précèdent. On y voit par exemple l’insécurité vécue ou réelle qui reste maîtrisée mais tout autant les efforts pour réduire la pollution dans un espace autrefois très industrialisé dans lequel les rejets étaient autant de menaces sur l’environnement.
9-Plus subtile est l’organisation politique des collectivités du territoire, notamment dans la prise en compte des impératifs de la démocratie participative pour répondre aux attentes de la population. Il s’agit de « rendre durable » le territoire en accroissant les capacités d’être et d’agir des résidents.
10- Enfin, nous pouvons rejoindre certains arguments du site de la CAD quant à la beauté du Douaisis en terme de paysage, de patrimoine et de biens culturels. Nous n’en manquons pas, valorisons les.

Vous aussi vous avez des idées, partagez les avec nous.

Le Couvent des Capucins

couvent des capucins

Nos beaux et vieux bâtiments… vides (3)

Ville historique au riche patrimoine, Douai possède une caractéristique frappante : la présence dans ses rues de nombreux bâtiments anciens, parfois énormes, souvent classés mais… vides.

Un bâtiment bientôt désaffecté

Cette fois-ci, on triche un peu car ce bâtiment exceptionnel est en théorie occupé par le centre d’information et d’orientation (CIO), organisme chargé d’accompagner les élèves, voire des adultes, dans leurs parcours professionnels.

couvent des capucins - entrée du CIO

Le réseau des CIO connait actuellement en France une profonde évolution. La réforme en cours, qui répond au transfert de ces compétences vers la région, prévoit qu’à terme que chaque département n’ait qu’un centre public d’orientation et que l’action des conseillers soit concentrée prioritairement dans les établissements scolaires.

Il est vrai que parcourir le site internet du CIO de Douai, qui n’a pas été actualisé depuis 2017, ne donne pas l’impression d’une activité intense. Quoi qu’il en soit, le départ de cette structure n’est plus qu’une question de temps. Il faut donc s’y préparer, anticipation qui, le lecteur en conviendra, se voit peu dans notre ville.

Le Couvent des Capucins

Les Frères mineurs capucins constituent un ordre monastique relativement récent. Lié à l’ancienne famille franciscaine, autorisé en 1528 par le pape Clément VII, il n’a obtenu qu’en 1574, de Grégoire XIII, la liberté de se répandre partout dans le monde.
Introduit en France à cette date, l’ordre y a connu un grand succès. Ce dernier a été plus flagrant encore dans les Flandres où les pères capucins (dont l’habit comporte un capuchon qui explique leur dénomination) ont appuyé avec efficacité l’action de la Contre Réforme.

Appelés à Douai par le doyen et les chanoines de St Amé en 1591, la présence des capucins dans la ville a été régularisée par une bulle papale en 1618. Le plan relief de 1709 montre leur couvent qui présente peu de points communs avec celui d’aujourd’hui.
La ville, lors de la Révolution, a réussi à prouver son droit de propriété sur les bâtiments. Cette décision a évité leur vente en bien national qui aurait été suivie, à l’exemple de la collégiale, par sa probable destruction.
Les lieux ont toutefois été vidés de la douzaine de tableaux qui s’y trouvaient mais surtout de la bibliothèque dont les volumes ont rejoint le fonds municipal.

Le couvent des Capucins en 1709
Le couvent des Capucins en 1709, Mémoires de la SASA, 1903-1904.

Le siège de la Société d’Agriculture

En 1812, le cloître et l’église, proches de la rue d’Arras, démolis, ont libéré un espace aménagé en jardin tandis que le bâtiment principal, probablement construit au XVIII° siècle, donc récent, a été offert à la «Société d’agriculture» de la ville.
Fondée en 1799, d’abord dédiée à l’innovation agricole comme son nom l’indique, cette société savante dont peu de cités peuvent s’enorgueillir en termes d’ancienneté, s’est ensuite diversifiée vers les lettres et l’histoire, célébrant jusqu’à aujourd’hui le patrimoine de Douai.

Outre une salle de réunion, la bibliothèque de la société, installée dans les locaux, offrait aux amateurs des ressources imprimées originales. Plus encore, des serres abritant des variétés exotiques, construites sur un côté de l’allée centrale permettaient outre d’acclimater des essences rares, de les faire connaitre aux promeneurs dans la plus belle tradition physiocratique du siècle des Lumières.

couvent des capucins -entrée du parc Duhem- ville de douai
Entrée du jardin des Capucins, aujourd’hui de Rémy et Henri Duhem. Ce dernier, père du premier, avocat et peintre, possédait la demeure située à gauche dont l’atelier devenu municipal est toujours visible.
jardin duhem
Au fond à droite, emplacement des serres de la société d’agriculture transformées en parterres

Le « Jardin des Plantes » qui s’étendait de la rue d’Arras jusqu’à la caserne d’Esquerchin – le bâtiment des capucins étant placé au centre – a offert aux Douaisiens, dans une ville très à l’étroit dans ses fortifications, un lieu de promenade unique pendant près de 150 ans.

La fin du Jardin des Plantes

C’est à l’issue de la seconde guerre mondiale, à l’initiative d’André Canivez, que la Société d’Agriculture, des Sciences et des Arts (dénomination adoptée en 1926) fut dans l’obligation de quitter les lieux afin qu’ils puissent accueillir « un centre moderne d’orientation professionnelle » pour parler comme le maire d’alors.
Plus encore, le jardin, baptisé du nom d’Henri et Rémy Duhem (fils du premier, tué en 1915 aux Eparges), fut amputé de tout son espace arrière pour y construire la nouvelle école normale d’institutrices du Nord, aujourd’hui désaffectée.

Ses façades et toitures étant inscrites depuis janvier 1951 au titre des monuments historiques, on s’interroge sur la « remise à neuf » de l’époque évoquée par André Canivez quand on observe l’horrible ciment qui s’étend jusqu’à maintenant sur ces éléments pourtant protégés. Sans doute parce qu’il ne se voit pas, l’arrière du bâtiment, qui a échappé à ce zèle iconoclaste, renseigne sur son état originel.
C’est un livre d’histoire. On devine de nombreuses reprises, ainsi des fenêtres percées, bouchées ou modifiées en portes, mais surtout les traces de l’enduit à la chaux qui devait autrefois recouvrir les murs.

facade avant couvent des capucin -ville de douai
Façade du couvent rénovée dans les années 50. Si on aime le ciment…

Si la façade avant ne connait qu’un rang de fenêtres au rez de chaussée, l’arrière en présente deux. Avec ses combles de forte hauteur quasiment aussi élevés que les murs et sa couverture en ardoises, le couvent a de l’allure.
Les nombreux encadrements qui rythment la façade, mais surtout ses frontons triangulaires, dont celui de l’arrière percé d’un oculus, lui donnent une belle apparence. On sent ici une influence palladienne sinon classique que seule une restauration digne de ce nom pourrait sublimer.

couvent des capucins - arrière - ville de douai
Façade arrière du couvent

Besoin d’une idée originelle ?

Réinstaller la Société d’Agriculture, des sciences et des arts au Couvent des Capucins.

Outre une indispensable rénovation plus respectueuse de son apparence, le couvent des capucins doit renouer avec son passé originel. Il faut évidemment réinstaller la Société d’agriculture, des sciences et des arts, devenue foraine tant elle doit régulièrement changer de localisation, dans les locaux rénovés du couvent des capucins.
Imaginons en outre, dans la perspective du projet déjà évoqué du « quartier Co », la remise en état du Jardin des Plantes rendue possible par la démolition du bâtiment désaffecté de l’IUFM. Cet aménagement permettrait aux promeneurs de traverser la « coulée verte » ainsi reconstituée reliant la porte d’Esquerchin à la rue d’Arras.

Et si on reconstituait le Jardin des Plantes ? (plan Robaut, 1850)

Réintégrée dans son espace originel avec ses fonds historiques, la société, qui gagnerait peut être d’ailleurs à faire évoluer ses statuts, pourrait dans le couvent disposer d’une salle de réunion, d’une bibliothèque mais aussi d’espaces d’exposition. Pourquoi ne pas imaginer, ainsi que le prévoit la loi de 2004 un système de prêt des œuvres du musée de la Chartreuse, dans la multitude que le public ne voit pas parce qu’elle est dans les dépôts ? Des salles de séminaires, ouvertes à d’autres organismes ou des entreprises, pourraient se tenir dans ces locaux exceptionnels et modernisés, enrichis d’une offre de restauration proposée au public qui pourrait également profiter aux beaux jours, d’une terrasse sur le jardin à l’arrière du bâtiment.

Vous aussi vous avez des idées, partagez-les avec nous.

Quand tu décides au doigt mouillé

quand tu décides au doigt mouillé

Il est temps de se pencher sur la fabrication des décisions de nos élus. C’est une indispensable question pré-municipales. Le lien entre la motivation, la dépense et enfin l’utilité de certains choix mérite le détour à Douai.

Utilité de l’action publique

On passera sur les coquilles qu’on repère dans les écrits, rapports etc. qu’on présente pourtant comme importants pour l’avenir de la ville et la région. Ces imperfections prouvent que peu de monde relit ces pensums. On peut aussi y voir, en poussant un peu, une métaphore de l’action publique locale. Au bout du bout de la dépense, il n’y a peut être rien.

On garde plus sérieusement en tête les innovations numériques débouchant sur des « erreurs 404 » qui démontrent que personne n’a pris la peine de vérifier régulièrement si tous les liens d’un site fonctionnaient. Nous mettrons dans le même sac les applications à la motivation respectable mais dont le suivi semble bien aléatoire. C’est là que le contribuable se demande, comme quand il voit un Binbin vide dévalant la rue de Bellain, si certaines décisions de nos élus sont justifiées.

Motivation du choix

Quand les choix débouchent sur des résultats faibles sinon nuls, comment l’expliquer? Plusieurs hypothèses sont possibles, elles peuvent même se cumuler ici ou là.

Pour commencer, premier principe, le célèbre effet d’annonce. Il n’y a aucune raison que nos politiques ne s’en servent pas. Devant un problème, pour éteindre une polémique, il suffit de communiquer – c’est de l’oral, éventuellement relayé par un écrit dans la presse – sur la décision supposée régler le sujet. On espère ensuite que, mémoire courte des électeurs aidant, tout cela sera rapidement oublié. Le plus bel exemple fut l’annonce par Jacques Vernier, en pleine campagne électorale de 2014, du projet hôtelier de l’Hôpital Général. Une société sérieuse, celle de l’Ermitage Gantois lillois, allait monter le projet. C’était dit, c’était fait. Pas de bol, sept ans plus tard, on attend toujours.

Principe suivant, la motivation intuitive qui est sans doute la plus dangereuse. Dans ce cas, il s’agit d’une décision prise par un élu sur la base d’une idée personnelle. En français, on parle alors de « fausse bonne idée ». Des projets relèvent à Douai de cette logique. Nous prendrons deux exemples.

La piétonnisation du coeur de ville

On a d’abord la piétonnisation du centre ville, prévue pour dynamiser les commerces. Leurs propriétaires n’en voulaient pas, on leur a imposé. Il est vrai qu’empêcher les automobilistes d’approcher des magasins leur permettait de craindre qu’on n’interdise par la même occasion aux clients d’arriver. 
Peut être nos élus avaient-ils en tête les jolies rues piétonnes de leur jeunesse. Malheureusement, nous ne sommes plus en 1975. Nous avons aujourd’hui internet, Amazon, la zone de Noyelles-Godault et en prime un plan de circulation qui rend fou. Continuer dans cette voie est paradoxal à tous les points de vue. C’est la voiture qu’il faut remettre dans les rues, pas les piétons.

Restaurant Le Prévost ville de Douai - quand tu décides au doigt mouillé

Le restaurant le Prévost

L’ouverture du restaurant Prévost de la rue de la Massue relevait sans doute aussi de cette intuition magique. Frédéric Chéreau pour justifier le soutien financier de la commune a parlé d’un « choc de confiance » dont on se demande comment il se mesure, peut être avec un sismographe. Mieux, notre maire envisageait de n’attendre dans un premier temps « aucune recette » du projet. Le seul retour envisagé étant celui d’un loyer progressif sur neuf ans (50 000 euros par an), qui conduit à calculer qu’il faudra près de trente ans pour retrouver le 1,4 million payé par les Douaisiens.

S’il cherche des justifications plus solides, on peut venir à la rescousse du maire en disant d’abord que cela sauve un vieux bâtiment maintenant rénové de fond en comble. 
On peut aussi se féliciter que notre ville dispose enfin d’un restaurant de prestige. Après tout, ça prouve que Douai n’est pas Denain. Nos élus, dont ceux de la puissante Douaizizagloont à présent une cantine capable d’impressionner les partenaires qu’ils y inviteraient. 
Enfin, on peut reprendre le concept de « choc » susceptible de modifier l’image de la cité. Il impacterait la perception d’entrepreneurs qui, séduits, pourraient investir dans d’autres secteurs de la ville. 
Au final, nous voilà dans la théorie du « ruissellement » qui prévoit que la dépense des gros profite toujours un peu au bout de la ligne aux maigres.

Mesure d’effet avant et après

Sans être économiste de métier, on se doute bien que mesurer ce dernier effet est une gageure. C’est ici qu’apparait – elle est indispensable avant de décider – la rationalisation des choix pour qu’ils débouchent sur un résultat.

Qu’un conseil municipal ou une communauté d’agglo puissent trancher un sujet en espérant un effet positif est la moindre des choses. C’est d’ailleurs toujours ainsi que nos élus présentent leurs arbitrages, sauf qu’il arrive que ça tarde à réussir et que ça manque souvent, avant et après, d’éléments chiffrés.

Il aurait été intéressant de disposer des cibles de fréquentation des magasins soumis aux voies piétonnes, avec un calendrier prévoyant un bilan régulier, avec du avant et du après, notamment sur l’augmentation du chiffre d’affaire des commerces concernés. 

Nous ne compterons pour rien la « consultation citoyenne » organisée par la mairie dont les réponses excluaient toute opposition au projet. Nous ne pouvons résister à présenter la savoureuse question qui suit :  Souhaiteriez-vous une piétonnisation définitive :
– D’avril à octobre
– D’avril à décembre
– toute l’année
Inutile de chercher « jamais », il n’existe pas.

Pour Le Prévost, l’approche serait tout aussi utile pour les contribuables. Il aurait été bon de disposer du « business plan » de départ, du prix moyen du repas, du chiffre d’affaires et du bénéfice espéré, du taux de fréquentation de l’établissement, des échelons de l’amortissement financier, du volume des retombées médiatiques et in fine de l’impact général de cette création sur la ville etc.

L’inefficacité assumée

Malheureusement, comme le montre un récent rapport de la cour régionale des comptes qui critique certaines décisions de nos élus locaux, il arrive que ces derniers assument sans inquiétude l’échec qui contredit les attendus d’un projet.

Le musée Arkéos

Ainsi le musée local, Arkéos, dont le coût de construction comme la charge de fonctionnement apparaissent supérieurs aux prévisions. L’équilibre financier du projet ne pourra jamais, en dépit des engagements pris, être atteint et cela d’autant plus que l’idée de faire payer l’entrée est depuis longtemps abandonnée. 
Que le Douaisis puisse disposer d’un lieu célébrant son histoire est une évidence sinon une obligation. Par contre, l’implanter hors du centre ville faisait porter un risque, comme le prouve la faiblesse du nombre de visites depuis l’ouverture. 
On se demande dès lors comment a été préparé ce dossier. Deux éventualités : soit l’impossibilité de l’équilibre était connue dès le départ mais a été passée sous silence, soit l’étude qui a servi de base à la définition du projet était complètement déficiente.

Mis en face de ces contradictions, les réponses des élus ont été étonnantes. Les critiques n’ont pas été balayées d’un revers de la main, mais ce n’était pas loin. Pour un peu, selon la formule célèbre, le coût n’est pas un problème, c’est gratuit puisqu’il s’agit d’argent public.

L’affaire du Tramway

Evidemment, à ce stade, nous avons tous en tête l’affaire du Tramway qui est un résumé de ce qui précède. On y trouve les trois principes exposés plus haut. 
L’effet d’annonce sur les performances mirobolantes d’un moyen de transport innovant. 
La motivation intuitive des promoteurs qui ont défendu de toutes les manières possibles, y compris en comptant pour rien les études les plus sérieuses, ce qui allait devenir un accident industriel de grande ampleur.
Enfin, tout le dossier parait avoir été instruit sans aucune approche rationnelle en termes de résultats attendus, ainsi pour la dépense. Le déséquilibre financier de toute l’opération a plombé pour plusieurs années les finances des collectivités en cause, Douai en tête.

Quand tu décides au doigt mouillé - article Douai vox.
La route du Tram est coupée…

Pouvons-nous espérer que la prochaine équipe municipale nous protégera de ces risques mais surtout nous épargnera de ce genre de conséquences ? Croisons les doigts.

Tout vient de la Scarpe

tout vient de la scarpe à Douai

Il y a tant de choses à dire sur la Scarpe. Sans elle, Douai n’existerait pas, ce qui rend encore plus étonnant le fait qu’elle lui tourne aujourd’hui le dos.

Le berceau de la cité

Il y a d’abord au tout début de cette histoire la géomorphologie. C’est au contact de deux types de sols qu’apparait la rivière, entre la craie du sud et les sables argileux du nord.
L’eau qui s’accumule entre les deux, un marécage, permet une modeste navigation, variable selon les saisons. Le milieu est riche pour l’homme qui peut s’y nourrir plus facilement qu’ailleurs.
Il faut se convaincre que l’existence de nombreuses abbayes sur le cours de la Scarpe – Flines, Anchin, Marchiennes – tient entre autres à ces premiers avantages naturels.

Ce sont peut être ensuite les moines, avec le soutien ou simplement l’accord du Comte de Flandre, qui ont entrepris des travaux dont l’efficacité étonne jusqu’à maintenant.
Ces aménageurs, dont l’histoire ignore tout, venaient peut être du Nord. Habitués au creusement des watringues qui, à la même époque, faisaient la richesse des Flandres, ils rendent alors possible l’existence de Douai.

A la fin du X° siècle, en effet, un canal percé à Vitry permet de dévier le cours de la Sensée pour qu’elle se déverse dans la Scarpe. Cet aménagement, qui augmente la force et le niveau de l’eau, fonde la rivière moderne. 

La fameuse « coupure » de Vitry


L’origine de Douai relève, comme les polders flamands, du gain d’un nouveau territoire par la seule volonté de l’homme. On peut y voir l’origine de sa fragilité foncière.
La ville, qui a subi tout au long de son histoire des revers et des succès ne profite d’aucun avantage naturel incontestable. Ce que possède Douai ne lui est pas donné, elle doit le prendre.

Une voie de communication essentielle

A cette fin du X° siècle, de part et d’autre du cours d’eau, la ville se développe. D’abord une tour, petit château qui garde le passage pour le Comte de Flandre et puis une église, bientôt collégiale, Saint Amé.
En dépit de ces débuts, paradoxalement, la ville se développe sur l’autre rive, vers la place d’Armes. Elle devient même au XII° siècle, s’appuyant sur son beffroi, une cité qui se gouverne elle même. « La loi et la liberté de Douai » fait des émules tout autour jusqu’à Orchies.
Un siècle plus tard, elle devient une ville « drapante » qui fabrique et exporte sa production textile dans toute l’Europe. La cité voit grand. Elle se construit une enceinte fortifiée si large qu’elle ne parviendra à la remplir qu’à la fin du XIX° siècle. La ville médiévale est un géant qui abrite près de 15 000 habitants.

Evidemment, la Scarpe est la clé de cette puissance. Elle est la voie qui permet l’acheminement des produits et des matières premières, à une époque où les capacités des routes sont très faibles. Il faut se représenter la cité grouillante de vie au pied de la rivière où tout arrive et tout repart.

gravure ancienne de la Scarpe
Le Grand Constantin (futur palais de justice) au XVII° siècle – @Mémoire de Douai

La draperie, un siècle tout rond, le XIII°, sera une riche parenthèse pour Douai qui ne parviendra jamais à retrouver ce statut « industriel » jusqu’à aujourd’hui. Par contre, une autre activité plus diffuse va lui permettre de conserver sa place parmi les grandes villes de Flandre.

Au XIV°, lors d’une courte période durant laquelle Douai est française, Philippe le Bel accorde à la ville le monopole de la vente des grains dans la région.
Il est vrai qu’elle est l’endroit de la rupture de charge, le point de départ des échanges commerciaux fluviaux vers le Nord par l’Escaut. Ce privilège va permettre à la cité de disposer de ressources importantes mais surtout va placer la ville au centre de liaisons commerciales de grande ampleur.

La rivière augmentée en force et en étiage peut de plus accueillir plusieurs moulins – plus d’une dizaine – sur son cours, ce qui est une ressource pour la ville. Elle financera ses fortifications avec ces taxes.

La clé de la puissance douaisienne

Dès lors, la Scarpe est le cœur de la puissance de la ville. Tout y vient et tout en repart. Si on devine aujourd’hui ici ou là les traces des quais où les marchandises étaient déposées – ainsi la halle du palais de justice avec ses arches gothiques – on perçoit mieux les hauts murs des entrepôts où les négociants stockaient les grains.

Le succès est si grand que l’encombrement augmente au point de rendre la traversée compliquée, surtout quand se développe l’activité minière après 1857. 
On dit ainsi que franchir Douai en bateau prenait au milieu du XIX° près de deux jours. Les clichés de l’époque montrent un canal où les péniches et autres gabarres se partagent difficilement la voie d’eau.
Celle-ci avait pourtant été modernisée par Jules Maurice sous le Second Empire. On doit à ce maire énergique les berges qui ont subsisté jusqu’à maintenant.

aménagement sur les quais de scarpe
Aménagement des quais sous le Second Empire

La construction du canal de dérivation en 1896 allait bien sûr réduire le trafic dans la ville. On conserve pourtant l’habitude d’emprunter le canal ici ou là. Il arrive même qu’on se rende chez des amis en barque, à une époque où les bras de la Scarpe, ainsi derrière la rue des Foulons, existent encore.

De l’eau vive au bras mort

Et puis ensuite, les deux guerres poussent peu à peu la ville à s’éloigner de la Scarpe nourricière. D’un avantage, elle devient une gêne. En 1926, le canal est désaffecté. On comble les bras qui entraient dans la ville. Les ponts mobiles sont immobilisés, abaissés et bétonnés.
La navigation devient impraticable. La rumeur la déclare même interdite. Peu à peu, la Scarpe, source de vie, devient un bras mort.

Charles Fenain, lors de la bêtise moderniste qui allait laisser tant de traces dans la ville, envisage même un moment de couvrir le canal millénaire. Le projet prévoit de le transformer en double voie automobile.
On sourit à penser que celle-ci pourrait aujourd’hui permettre au tramway, non au BHNS, de l’emprunter. Par chance, faute des financements suffisants, cette folie ne vit pas le jour.

Voilà une bonne vingtaine d’années, la ville reçut à l’inverse un budget pour rénover ses berges qui étaient alors dans un piteux état. Des façades sont restaurées, des murs consolidés. Mais les accès des maisons sont systématiquement condamnés, avec peut être l’idée qu’il fallait les protéger de l’eau.
Ces travaux surtout ne furent continués par aucune politique d’ampleur. Il ne fut pas question de rendre possible la navigation, ni de mettre en place une stratégie globale pouvant redonner à la ville son statut fluvial.

Depuis des années l’écluse de l’entrée des eaux est fermée. De récents travaux ont même remplacé les batardeaux provisoires par un aménagement qui condamne définitivement le passage de Courchelettes à Douai.
En aval, depuis 2005, le canal qui relie la ville à Saint Amand connait le même sort. Les ponts mobiles non entretenus sont devenus infranchissables.

Pour le malheur de Douai, elle se trouve juste au milieu de deux Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE). Celui de la « Scarpe aval» qui a été approuvé en 2009 après dix années de laborieuses concertations et celui de la «Scarpe amont» qui vient d’arrêter, selon le métalangage actuel, cette année, son «scenario tendanciel ».
Ces documents touffus, que personne ne lit jamais, parlent peu de la navigation sinon pour reconnaître, c’est un aveu, qu’elle est « limitée » sur la totalité du SAGE d’Artois comme d’ailleurs celui du Nord.

Le retournement de statut de notre ville, née de sa fonction de passage mais devenue à présent le lieu de l’empêchement, n’est pas le moindre de ses paradoxes. La plaisance fluviale est pourtant un enjeu crucial en termes de développement.
On se prend à imaginer une Scarpe redevenue vivante, reliant Arras à Saint Amand, mais surtout abritant des projets nautiques, des guinguettes. La vie enfin rendue à la rivière, remettant dans le site originel de la ville la dynamique nouvelle qui la sauvera.

Besoin d’idées fluviales?


Clarifier les responsabilités et les compétences du canal de Scarpe

La première approche doit être celle de la clarification du statut du canal du centre ville. On croit comprendre qu’il ne dépend pas des Voies Navigables de France (VNF) mais de la commune pour ses ponts et des particuliers pour les murs. Pour autant, il apparait obligatoire de prendre langue avec les animateurs des SAGE dont la compétences s’exerce sur le bassin hydrographique de la région. Douai doit faire le lien entre ces deux entités. L’action sur les ponts comme les écluses est une priorité.


Développer le potentiel touristique de la Scarpe, espace festif et convivial

Restaurants au bord de l'eau à Gand
bateaux à Gand

La seconde idée est d’une échelle différente. Un projet d’aménagement de la vieille Scarpe est indispensable. Il doit envisager, dans une perspective de développement du potentiel touristique, des animations, des aides à l’installation d’établissements, des aménagements pour les touristes fluviaux. Une offre de location de paddles, kayaks, barques etc. ne serait pas de trop. De même les parcours doivent être améliorés. Il est actuellement impossible de suivre en vélo le chemin de halage en continuité. Le modèle doit être Gand et pas autre chose.

aménagement du canal à Gand
A Gand, cheminement le long du canal pour rejoindre les terrasses de restaurants.

Retrouver l’ancienne fonction motrice

Enfin troisième proposition qui pourrait être explorée avec intérêt, celle de centrales électriques qui retrouveraient l’ancienne fonction motrice dans les endroits qui accueillaient autrefois les moulins, ainsi le pont des Dominicains. La chute, comme le courant, existent toujours. Pourquoi ne pas imaginer que l’éclairage des quais soit alimenté par cette ressource gratuite ?

Vous aussi vous avez des idées, partagez-les avec nous.

Le PLU avant le PLU

Le plu avant le plu

Douai présente, plus que toute autre cité des Flandres, un patrimoine exceptionnel qui tient à son unité architecturale. Il y a aussi la magnificence. Les grandes familles douaisiennes n’hésitaient pas à étaler aux yeux de tous les preuves de leur prospérité, par la taille mais surtout la décoration de leurs somptueuses demeures.

Qu’elles aient réussi à traverser les siècles et les nombreuses destructions du passé relève du miracle. Les deux guerres mondiales ont été bien agressives contre Douai. L’action des « aménageurs » qui a suivi la Libération, André Canivez et Charles Fenain n’a pas été sans effet. Les deux n’ont eu aucun état d’âme à détruire des vieilles bâtisses pour mettre à la place des bâtiments en béton, verre et fer. Il faudra un jour faire la liste de ces démolitions qui témoignent de leur part d’une étonnante indifférence au passé.

Quoi qu’il en soit, si les plus beaux hôtels de la ville attestaient des moyens financiers et du goût des magistrats et aristocrates – souvent fusionnés – on compte aussi dans la ville des réussites architecturales qui découlaient parfois de motivations plus banales.

Ainsi le fameux bâtiment de « la Poule » avec sa magnifique façade Louis XVI, ses colonnes, son tympan sculpté, n’était pas à l’origine la propriété d’un aristocrate local mais plus prosaïquement le projet d’un maître charpentier, Pouille, qui souhaitait investir dans les « immeubles de rapport » comme on le disait alors, objectif qui, parait-il, le mena à la ruine.

Le règlement de 1718

Pour autant, l’unité architecturale de Douai est un élément d’intérêt évident. Elle découle du célèbre « règlement de 1718 », édicté par les échevins. Cette décision pionnière envisageait en effet, comme le prévoient les plan locaux d’urbanisme actuels (PLU), d’obliger les propriétaires à bâtir selon des principes stricts, dans l’apparence des maisons et les matériaux utilisés.

Deux sièges, en 1710 puis 1712, provoquèrent d’importants dégâts. Surtout le premier, quand les Alliés ont conquis la place après deux mois de durs combats. La reprise de la ville par Villars deux ans plus tard fut moins destructrice mais c’est une cité ravagée qui redevient définitivement française quand se termine la guerre de Succession d’Espagne.

Avec beaucoup d’intelligence, les échevins anticipèrent les conséquences probables de la reconstruction qui s’annonçait. Leur volonté de planification visait d’abord à éviter l’anarchie du passé médiéval, à répondre, au contraire, aux canons modernes de la rationalité mais plus encore à manifester un « goût français » qui confirmait l’intégration de la Flandre dans le royaume.

Le Magistrat, c’est-à-dire le conseil municipal, exposa ainsi ses arguments parmi lesquels il souhaitait procurer aux propriétaires « par un règlement les sûretés convenables et les facilités qu’ils pourraient désirer, soit pour prévenir les accidents du feu ou autres, soit pour leur épargner des dépenses superflues. »

Les matériaux et techniques de construction étaient précisés. Les toits de chaume devaient disparaitre, les façades devaient s’aligner et toute construction devait faire l’objet d’une demande d’agrément.

Les contraintes du règlement

Cette « architecture officielle » s’organisait, selon la description de Victor Champier, « pour les maisons des particuliers » de la façon suivante : « sur une « gresserie » c’est-à-dire un rez-de-chaussée en grès, percé de hautes fenêtres, s’élève un étage (parfois deux) éclairé par les mêmes fenêtres qui laissent apparaître entre leurs jambages de pierre un mince trumeau de briques. Le toit couvert de tuiles projette en avant deux ou trois lucarnes et souvent deux rangées superposées, quand le comble est brisé. Parfois la fenêtre centrale s’élargit sous un arc en plein cintre.  »

Alignement- le plu - règlement de 1718
Alignement des étages et cordons rue de l’Université
Hôtel avec porte cochère - règlement de 1718
Hôtel avec porte cochère et enduit à l’étage

Les contraintes du règlement sont la clé de l’harmonie des rues douaisiennes. Pourtant, aucune maison n’est identique à une autre. Si on retrouve toujours les traits communs avec une hauteur des étages soigneusement contrôlée, pour le reste la liberté est de mise. Certaines façades sont intégralement en grès, d’autres ne connaissent pas la brique aux étages mais seulement le calcaire. Les sculptures sont simples mais là encore toujours différentes.

Il faut tout de suite indiquer que les riches familles surent se libérer de ces obligations lorsqu’elles souhaitèrent se construire des demeures exceptionnelles. C’est ainsi que les plus beaux hôtels de la ville, ainsi celui d’Aoust, rue de la comédie, se sont construits sur des principes plus indépendants. Pour autant, le respect du règlement peut aussi concerner de grands bâtiments, ainsi l’hôtel de Warenghien construit par Durand d’Elecourt en 1754 dont la façade sur la rue est parfaitement conforme aux obligations échevinales.

Le disparition de la ville flamande

Tout au long du XVIII° siècle, ces règles strictes d’urbanisme allaient faire disparaître la vieille ville flamande. Le plan relief de Douai qui date de 1709 expose en effet une physionomie totalement différente de celle du siècle suivant. La brique recule vigoureusement mais surtout le « retournement » des toitures impose l’organisation française un peu partout. Les maisons aux pignons flamand dits « à pas de moineau » qui se serraient les unes contre les autres, séparées par un chéneau commun, sont démolies. Elles laissent la place aux grandes façades sur la voie qui permettent une simplification des charpentes mais surtout un meilleur écoulement des eaux pluviales.

maison flamande dans la ville de Douai - avant le règlement de 1718
Ancienne maison flamande à pignon en « pas de moineau » rue des Dominicains

Il n’est pourtant pas rare lors de travaux de découvrir dans les murs des maisons douaisiennes des traces du vieil appareil, les maçons s’étant contentés d’ajouter des ouvertures aux encadrements de calcaire dans les anciens pignons augmentés en surface. Cette trace flamande, sinon médiévale, est encore plus évidente sous les rues. Bien souvent, les caves sont restées intactes. On a construit dessus mais sans toujours correspondre à leur plan quand celui-ci ne respectait pas la règle d’alignement. Parfois organisées sur deux niveaux, voûtées, elles peuvent ainsi s’avancer sous la voie ou, au contraire, être en retrait.

Maison douaisienne pure -règlement de 1718
Demeure douaisienne « pure », rez de chaussée en fenêtres à linteaux clavés horizontaux, l’étage avec des arcatures cintrées.

Jusqu’à la fin du XIX° siècle, les Douaisiens construisirent leurs maisons dans un respect du règlement de 1718 qui, pourtant, perdit peu à peu de sa force. Mme Camescasse signale ainsi une maison qui, vers 1880, à l’étonnement des habitants, ne le respecta pas. Toujours debout rue des Foulons, sa façade tranche effectivement avec celles de ses voisines.

Les oublis de la modernité

Si les vieux principes disparurent plus ou moins lors des constructions des boulevards qui suivirent la démolition des fortifications, le XX° siècle les oublia totalement.

Ce fut bien sûr le cas quand la ville se releva des destructions de 1918. Le choix fut celui de l’Art Nouveau, notamment dans la rue de Bellain ou la place Carnot. On conserva toutefois les proportions des étages et celle des toitures, réussissant à reprendre la grammaire traditionnelle tout en l’éloignant avec une certaine habileté.

L’expérience fut bien moins réussie quand Douai se releva des suites des bombardements de 1944. L’exemple le plus discutable est évidemment la place d’Armes reconstruite sur les plans d’Alexandre Miniac mais surtout les dessins d’Henri Chomette. Les bâtiments qui ferment l’espace, avec leur structure de béton visible mais aussi les piliers du rez de chaussée sont autant de références aux préceptes havrais d’Auguste Perret. Dans l’esprit de l’époque – il fallait du neuf et du bon marché – s’imposa une architecture en tous points différente des anciens canons, parfaitement étrangère au style local.

façades art nouveau - PLU
Façades Art Nouveau Rue de Bellain
Plu - place d'Armes Douai
Immeuble de la place d’Armes

Quoi qu’il en soit, après cette période difficile pour l’image de notre cité, l’obsession réglementaire du temps présent a produit de nouvelles lois d’urbanisme, nombreuses, complexes, dont certaines, parfois à juste titre, sont critiquées pour leur rigidité. On leur doit toutefois la protection de rues entières que tous les amoureux des vieilles pierres ne peuvent que saluer.
Outre d’empêcher la disparition de notre patrimoine, ces documents conduisent même à perpétuer, dans le PLU qui a été voté en 2009, l’art de bâtir de nos échevins. Nous pouvons donc affirmer que le règlement de 1718 a fêté l’an dernier ses deux siècles d’existence. Qui dit mieux ?

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